La lettre juridique n°292 du 14 février 2008 : Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Départ volontaire ou mise à la retraite : nature des indemnités et possibilités de saisie

Réf. : Cass. soc., 30 janvier 2008, n° 06-17.531, M. Michel Guyot c/ Société Banque populaire Bourgogne-Franche-Comté, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5997D4U)

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par Olivier Pujolar, Maître de conférences à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010



Une décision de la Chambre sociale de la Cour de cassation rendue le 30 janvier 2008 est l'occasion de revenir sur les différentes origines que peut revêtir le départ en retraite d'un salarié. Tantôt ce dernier découlera d'un commun accord entre le salarié et son employeur, tantôt il sera le résultat d'une mise à la retraite par l'employeur, tantôt, enfin, il pourra résulter d'un départ volontaire du salarié. Les indemnités dues à l'occasion de chacun de ces types de départ en retraite ont des montants différents, mais elles ont, également, des natures différentes : rémunération ou dommages et intérêts compensant un préjudice, elles n'autorisent pas toutes les mêmes possibilités de saisie.
Résumé

Afin de connaître les possibilités de saisie d'une indemnité de départ à la retraite, il convient de connaître la nature exacte, indemnité ou rémunération, de cette somme. La détermination de cette nature dépend du type de départ en retraite : mise à la retraite par l'employeur ou départ volontaire du salarié.

Observations

1. Indemnité de départ volontaire ou indemnité de mise à la retraite par l'employeur ?

La question du départ en retraite d'un salarié pose un certain nombre de difficultés. Celle de l'initiative de ce départ n'est pas des moindres. Rappelons, simplement, qu'aucun salarié n'est légalement tenu de partir en retraite en raison d'un âge déterminé et, qu'au surplus, les "clauses-guillotines", par lesquelles les parties (individuelles ou conventionnelles) prévoiraient la rupture de plein droit du contrat de travail, en raison de l'âge du salarié ou de sa possibilité de bénéficier d'une retraite à taux plein, sont prohibées et considérées comme nulles (C. trav., art. L. 122-14-12 N° Lexbase : L5576ACI). Dans le même ordre d'idées et sans plus insister, rappelons, également, qu'un licenciement fondé sur le seul âge du salarié est nul pour discrimination (C. trav., art. L. 122-45 N° Lexbase : L3114HI8).

Au-delà de ces principes, il faut, ensuite, rappeler que le départ en retraite peut résulter d'un commun accord entre employeur et salarié, mais qu'il peut, également, intervenir à la suite d'une mise à la retraite par l'employeur, ou, enfin, à la suite d'un départ volontaire du salarié. A chaque hypothèse correspond un régime spécifique.

Le législateur a récemment mis en place un régime temporaire relatif au départ d'un commun accord (v., à ce propos, les dispositions de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, de financement de la Sécurité sociale pour 2007 N° Lexbase : L8098HT4, insérées à l'article L. 122-14-13 du Code du travail N° Lexbase : L3219HW7, récemment modifié par la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, de financement de la Sécurité sociale pour 2008, art. 16 V N° Lexbase : L5482H3G).

En ce qui concerne le départ volontaire du salarié à la retraite et la mise à la retraite par l'employeur, les deux voies ouvrent droit, pour le salarié, à une indemnité de départ. Le salarié quittant volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de retraite a droit, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, à une indemnité de départ dont le montant a été prévu par la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978, relative à la mensualisation (N° Lexbase : L1361AIA) : un ½ mois de salaire après 10 ans d'ancienneté, 1 mois de salaire après 15 ans d'ancienneté, 1 mois et ½ de salaire après 20 ans d'ancienneté et 2 mois de salaire après 20 ans d'ancienneté (C. trav., art. L. 122-14-13, al. 1er). Le salarié mis à la retraite par l'employeur a, quant à lui, droit à une indemnité dont le montant doit être, sauf indemnité conventionnelle plus favorable, équivalent à l'indemnité de licenciement minimum prévue à l'article L. 122-9 du Code du travail (N° Lexbase : L5559ACU) ou à l'indemnité de licenciement prévue par l'article 5 de l'accord annexé à la loi n° 78-49 (C. trav., art. L. 122-14-13, al. 2).

Dans l'espèce, ici, commentée, le salarié avait effectivement perçu une indemnité de départ en retraite et ce point n'était pas au centre du débat judiciaire. Le litige portait, plus exactement, sur la licéité d'une saisie-attribution pratiquée par un établissement bancaire sur le compte sur lequel le salarié avait versé son indemnité de départ en retraite. En effet, le salarié contestait cette saisie en mettant en avant qu'elle portait sur son indemnité de départ en retraite et que cette dernière devait bénéficier des règles spécifiques applicables aux saisies sur salaires. Dans une décision en date du 10 mai 2006, la cour d'appel de Besançon déboutait le salarié en considérant que l'indemnité n'était pas la contrepartie du travail de ce dernier et n'était donc pas un élément du salaire. La question se posait, ainsi, de la nature exacte de l'indemnité de départ en retraite perçue par le salarié.

2. Rémunération ou compensation d'un préjudice

En réponse au pourvoi formé par le salarié, la Chambre sociale de la Cour de cassation censure l'arrêt des juges bisontins. En effet, elle reproche à ces derniers de ne pas avoir précisé si l'indemnité de départ en retraite avait été perçue par ce dernier en raison de son départ volontaire à la retraite ou de sa mise à la retraite par l'employeur. Selon la Cour de cassation, la question n'est pas anodine, car l'indemnité perçue par un salarié qui quitte volontairement son entreprise n'a pas pour objet de compenser un préjudice et constitue, dès lors, une rémunération soumise aux règles de saisie prévues par le Code du travail.

La solution retenue n'est pas très surprenante, notamment, si l'on se réfère au régime social qui est habituellement appliqué aux indemnités versées à l'occasion des départs en retraite. Ainsi, on sait que l'indemnité de mise à la retraite est soumise au même régime que l'indemnité de licenciement : exonérée de cotisations de sécurité sociale, elle est, en revanche, assujettie à la CRDS et à la CSG pour la partie excédant un montant fixé à l'article L. 136-2 II 5° du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L3307HWE). En revanche, outre la CSG et la CRDS, l'indemnité de départ volontaire du salarié est soumise aux cotisations de sécurité sociale.

Il n'est pas nouveau de distinguer entre les sommes versées à l'occasion ou après la rupture d'un contrat de travail, selon qu'elles ont la nature d'un salaire ou de dommages et intérêts réparant un préjudice sans nature salariale. Dans l'espèce commentée, la solution était tout à fait prévisible. Cependant, la ligne de partage n'est pas toujours évidente. Ainsi, par exemple, dans l'hypothèse où l'indemnité est versée à des salariés qui acceptent de quitter volontairement l'entreprise dans le cadre d'un dispositif de préretraite, cette indemnité a pu être jugée comme devant être exclue de l'assiette des cotisations de sécurité sociale, en raison de son caractère de dommages-intérêts compensant le préjudice né de la rupture du contrat de travail (v., notamment, Cass. soc., 23 mai 2000, n° 97-42.444, M. Sence c/ URSSAF du Haut-Rhin et autre, publié au bulletin N° Lexbase : A7048CIU). On observera, à l'inverse, qu'à la suite du récent abandon législatif des accords de branche dérogatoires permettant une mise à la retraite d'office à l'initiative de l'employeur avant 60 ans, il a été prévu d'assujettir les indemnités versées (v. loi de financement de la Sécurité sociale pour 2007, art. 106-V et circulaire DSS /5B n° 2007-87 du 28 février 2007).

Une fois encore la distinction entre indemnité et rémunération reste assez épineuse (1). Pourtant, la réponse n'est pas sans incidence, notamment en matière de saisie...

Rappelons, pour terminer, les règles de saisie de l'indemnité de départ en retraite. Il suffit, ici, de renvoyer aux règles de saisie prévues par le Code du travail. En son article L. 145-2 (N° Lexbase : L5782AC7), il prévoit des limites aux possibilités de saisie des sommes dues à titre de rémunération. Ainsi, le Code du travail précise les proportions dans lesquelles les rémunérations sont saisissables (v., tout spéc., C. trav., art. R. 145-2 N° Lexbase : L3513HWZ).


(1) Parmi de nombreux exemples, il suffit de faire mention des nombreux débats qui ont pu s'élever autour de la nature exacte de la contrepartie financière accompagnant les clauses de non-concurrence.
Décision

Cass. soc., 30 janvier 2008, n° 06-17.531, M. Michel Guyot c/ Société Banque populaire Bourgogne-Franche-Comté, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5997D4U)

Cassation, CA Besançon (1ère ch. civ., sect. A), 10 mai 2006

Textes concernés : C. trav., art. L. 122-14-13 (N° Lexbase : L3219HW7) et L. 145-2 (N° Lexbase : L5782AC7) ; loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, portant réforme des procédures civiles d'exécution, articles 13, 42, 43 et 44 (N° Lexbase : L9124AGZ).

Mots clefs : retraite ; indemnité de départ en retraite, rémunération ; départ volontaire à la retraite ; compensation d'un préjudice ; mise à la retraite par l'employeur ; saisie-attribution.

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