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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
le 27 Mars 2014
Pourtant, nul ne peut contester que l'usage du prêt à intérêt fût l'un des facteurs fondamentaux du développement occidental. Avec le prêt à intérêt, progressent concurremment les échanges commerciaux (financement du Trésor public des Etats modernes et des Grandes découvertes) et le développement des idées politiques et religieuses (prospérité des Etats protestants et progression des idées libérales et capitalistes). D'aucuns diront que l'acceptation et la normalisation du prêt à intérêt sont, une nouvelle fois, d'origine théologique : "Tu pourras tirer un intérêt de l'étranger, mais tu n'en tireras point de ton frère, afin que l'Eternel, ton Dieu, te bénisse dans tout ce que tu entreprendras au pays dont tu vas entrer en possession" Deutéronome (23-20), mais c'est bien plus à l'expansion de la Réforme protestante que l'on doit la levée progressive de l'embargo moral sur le prêt à intérêt.
Mais comment justifier le malaise rencontré face au prêt à intérêt, dont l'usage est si nécessaire à la croissance et au développement économique et donc, jusqu'à trouver un autre système viable, au bien-être de chacun ? "Ne soyez ni un emprunteur, ni un prêteur ; Car souvent on perd le prêt et l'ami, Et l'emprunt..." clamait le Hamlet de Shakespeare. Le prêt à intérêt serait alors une histoire de confiance... pour que le malaise tombe, l'emprunteur et le prêteur doivent, autant que faire ce peut, établir clairement leurs attentes et leurs conditions pour que la transparence gouverne l'économie du contrat de prêt à intérêt ; protégeant ainsi les intérêts du prêteur-risqueur, et ceux du consommateur profane. C'est toute la téléologie du taux effectif global (TEG), mis en place pour permettre aux emprunteurs de comparer, sur une seule et même base, les propositions de crédit qui leurs sont présentées. Ce taux représente, ainsi, le coût réel du crédit, intégrant les coûts associés, frais de dossiers, commissions diverses, et coût des garanties particulières. Stipulé obligatoirement dans le contrat de prêt, en vertu de l'article L. 313-2 du Code de la consommation, rien n'est dit concernant la réitération de cette information, notamment, dans le cadre d'un prêt au taux d'intérêt variable. Mieux, la jurisprudence, si encline à accorder une protection maximale à l'emprunteur, avec le développement de l'incontournable obligation d'information et de conseil mise à la charge des établissements de crédit, semble freiner quelque peu la systématisation de l'information sur le TEG appliqué, lorsque son calcul dépend d'un indice objectif, précise la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 20 décembre dernier. Et Alexandre Bordenave, Juriste, Chargé d'enseignement à l'Ecole Normale Supérieure de Cachan, Directeur scientifique de notre encyclopédie en droit bancaire, de revenir sur cet important revirement de jurisprudence, à la lumière de la loi "Chatel" récemment promulguée et de la Directive adoptée par le Parlement européen le 16 janvier dernier. Il s'agirait donc de trouver un équilibre objectif entre les parties et non de conduire à une protection aveugle de l'emprunteur ; la confiance doit être réciproque.
Pour autant, toute réserve quant au prêt à intérêt est-elle condamnée à disparaître ? En offrant des produits financiers non fondés sur le prêt à intérêt, plusieurs banques tentent, désormais, de mêler éthique religieuse et développement économique. "Les fonds, fonds éthiques et fonds souverains musulmans dans l'immobilier : phénomène de mode ou tendance lourde ?" Telle est, ainsi, l'intéressante question que posera le cabinet d'avocats d'affaires international, Simmons & Simmons, le 20 février prochain, à la Bourse de commerce de Paris.
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