La lettre juridique n°292 du 14 février 2008 : Social général

[Textes] Commentaire de la loi du 30 janvier 2008, relative à la mise en oeuvre des dispositions communautaires concernant le statut de la société coopérative européenne et la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur

Réf. : Loi n° 2008-89 du 30 janvier 2008, relative à la mise en oeuvre des dispositions communautaires concernant le statut de la société coopérative européenne et la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur (N° Lexbase : L7902H33)

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[Textes] Commentaire de la loi du 30 janvier 2008, relative à la mise en oeuvre des dispositions communautaires concernant le statut de la société coopérative européenne et la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3209816-textes-commentaire-de-la-loi-du-30-janvier-2008-relative-a-la-mise-en-oeuvre-des-dispositions-commun
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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010

La loi n° 2008-89 du 30 janvier 2008 transpose, en droit français, les dispositions de deux Directives communautaires, relatives à l'implication des travailleurs dans la société coopérative européenne et à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur (1) . Il convient de relever que le législateur a souhaité assurer cette transposition dans le Code du travail tel qu'il est en vigueur aujourd'hui et tel qu'il le sera une fois la recodification définitivement effective. Par suite, s'agissant de l'implication des travailleurs dans la société coopérative européenne, le titre 1er de la loi complète le titre III du livre IV du Code du travail actuel par un chapitre XII, tandis qu'en application du titre III de cette même loi, le titre VI du livre III de la deuxième partie du nouveau Code du travail devient le titre VII. Il est, par suite, rétabli un titre VI, relatif à l'implication des salariés dans la société coopérative européenne. La même technique est mise en oeuvre à propos des dispositions concernant le rapprochement des législations des Etats membres, relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur. I L'implication des salariés dans la société coopérative européenne (SCE)

La Directive 2003/72/CE du Conseil du 22 juillet 2003, complétant le statut de la SCE pour ce qui concerne l'implication des travailleurs (N° Lexbase : L9527CK3), vise à établir le cadre juridique pour l'information, la consultation et la participation des salariés dans la SCE, dont le statut a été établi par le Règlement n° 1435/2003 du Conseil du 22 juillet 2003, relatif au statut de la SCE (N° Lexbase : L4748DIP). La transposition de cette Directive dans notre système juridique intervient avec un certain retard, puisque l'échéance était fixée par le texte communautaire au 18 août 2006.

Le statut de la SCE s'inspire très fortement de celui de la société européenne (SE), créée par le Règlement n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 (N° Lexbase : L1040AWG), auquel était adjointe une Directive 2001/86/CE du 8 octobre 2001, relative à l'implication des travailleurs (N° Lexbase : L5882A4M). La coexistence, dans les deux cas, de ces deux instruments juridiques s'explique par le fait que, pendant de nombreuses années, la question de la représentation des travailleurs a constitué la pierre d'achoppement de l'élaboration du statut de ces deux sociétés. Ces blocages s'expliquent par la diversité des systèmes de représentation des salariés au sein des différents membres, qu'il convenait de dépasser. Si cet obstacle a, finalement, été franchi c'est au prix d'une complexité certaine.

On l'aura compris, le dispositif d'implication des salariés dans la SCE ressemble fort à celui en vigueur dans la SE. Ici, comme là, priorité a été accordée à la négociation et au dialogue social. Partant, l'implication des salariés dans la SCE va dépendre du résultat des négociations menées entre le groupe spécial de négociation (GSN) et les dirigeants de la société.

A - Champ d'application des dispositions relatives à l'implication des salariés

Aux termes de l'article L. 439-15 du Code du travail (N° Lexbase : L6476ACT ; C. trav., L. 2361-1, recod. N° Lexbase : L1017HXX), les nouvelles dispositions s'appliquent :

- aux SCE constituées, conformément au Règlement (CE) n° 1435/2003 du Conseil du 22 juillet 2003, et ayant leur siège social et leur administration centrale en France ;

- aux personnes morales ayant leur siège social en France et aux personnes physiques, qui participent à la constitution d'une SCE, résidant en France ;

- aux filiales et établissements situés en France des SCE constituées dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou de l'Espace économique européen (2).

Ce même texte précise, également, ce que recouvrent les modalités de l'implication des salariés. Il s'agit de "l'information, la consultation et, le cas échéant, la participation". En accord avec la priorité accordée au dialogue social, ces modalités sont arrêtées par accord conclu entre les dirigeants des personnes morales participantes ou les personnes physiques participantes et les représentants des salariés. Ce n'est qu'à défaut d'accord que s'appliquent les règles supplétives édictées par la loi. Les négociations précitées exigent donc la constitution d'un groupe spécial de négociation.

B - Le groupe spécial de négociation (GSN)

Le GSN a un rôle fondamental à jouer puisque c'est lui qui, au nom des salariés, va mener les négociations avec les dirigeants sur les modalités de mise en oeuvre de l'implication des salariés dans la SCE. A cette fin, le législateur lui reconnaît expressément la personnalité juridique.

  • Constitution du GSN

Le GSN est institué dès que possible après la publication du projet de fusion ou de transformation ou, s'agissant d'une SCE constituée, par tout autre moyen que la fusion de coopératives ou la transformation d'une coopérative, après l'adoption du projet de constitution de la SCE. Cette prescription constitue la reprise du point 1 de l'article 3 de la Directive, aux termes duquel, lorsque est établi un projet de constitution d'une SCE, les organes de direction des entités participantes "prennent, dès que possible, les mesures nécessaires [...] pour engager des négociations avec les représentants des travailleurs des entités juridiques sur les modalités relatives à l'implication des travailleurs dans la SCE".

S'agissant de la composition et des modalités de désignation des membres du GSN, la loi renvoie aux dispositions correspondantes qui intéressent la SE.

  • Déroulement de la négociation

La négociation s'engage à l'initiative des dirigeants des personnes morales et des personnes physiques participant à la constitution de la SCE qui invitent le GSN à se réunir. Les "fondateurs" communiquent, à cet effet, aux représentants du personnel et aux dirigeants des établissements et filiales concernés, qui en informent directement les salariés en l'absence du personnel, l'identité des personnes morales et des personnes physiques participantes, ainsi que le nombre de salariés qu'elles emploient.

Débutant dès que le GSN est constitué, les négociations peuvent se poursuivre pendant les six mois qui suivent. Les parties peuvent, cependant, décider, d'un commun accord, de prolonger ces négociations sans pouvoir dépasser un an. Durant la phase de négociations, le GSN est régulièrement informé du processus de création de la SCE.

Les moyens matériels mis à la disposition des membres du GSN sont classiques. Tout d'abord, le temps passé en réunion par les membres du GSN est considéré comme temps de travail et payé à l'échéance normale. De même, les dépenses nécessaires à la bonne exécution de la mission du GSN sont à la charge des personnes participant à la constitution de la SCE. Enfin, le texte permet au GSN de se faire assister, à tout niveau qu'il estime approprié, d'experts de son choix, qui participent aux réunions du groupe à titre consultatif. Le législateur s'est, ici, montré généreux, en ouvrant très largement la faculté de se faire assister par des experts. Les dépenses afférentes sont à la charge des personnes morales et, le cas échéant, des personnes physiques participant à la constitution de la société.

Le GSN prend ses décisions à la majorité absolue de ses membres, qui doit représenter, également, la majorité absolue des salariés des personnes participantes, ainsi que des filiales ou établissements concernés. On retrouve, ici, le principe de "la double majorité", déjà en vigueur pour la SE. De même, le GSN peut décider de ne pas engager de négociations ou de clore des négociations déjà engagées et d'appliquer le système d'implication des salariés tel qu'il est organisé par les législations nationales. Cette décision doit, toutefois, être prise par le GSN à la majorité des deux tiers des membres du GSN d'au moins deux Etats membres et à la condition qu'ils représentent au moins les deux tiers des salariés des personnes morales ou des personnes physiques participantes, ainsi que des filiales et établissements concernés.

Il faut bien comprendre que dans ce cas les dispositions supplétives, dites aussi "de référence", ne sont pas applicables. Aussi, une telle décision ne peut-elle être prise dans le cas d'une SCE constituée par transformation lorsqu'il existe un système de participation dans la coopérative qui doit être transformée.

C - Dispositions relatives à l'accord

Là encore, le législateur a repris les dispositions régissant la SE. En effet, il est indiqué que "les dirigeants de chacune des personnes morales participantes et, le cas échéant, les personnes physiques participantes négocient avec le GSN en vue de parvenir à un accord dont le contenu est fixé conformément aux dispositions de l'article L. 439-32 [du Code du travail]" (3).

L'une des rares nouveautés du texte réside dans l'affirmation, au demeurant peu claire, selon laquelle "l'accord inclut dans les cas de renégociation l'hypothèse des modifications intervenues postérieurement à la constitution de la société coopérative européenne et touchant à sa structure, ainsi qu'à celle de ses filiales et de ses établissements".

L'article L. 439-56 du Code du travail, issu de la loi n° 2008-89 du 30 janvier 2008 (C. trav., L. 2362-12, recod.), met en oeuvre le fameux principe "avant-après", qui était déjà à l'oeuvre dans la SE. En effet, il est prévu que, lorsque la SCE est constituée par transformation d'une coopérative, l'accord doit prévoir un niveau d'information, de consultation et de participation, au moins, équivalent à celui existant dans la coopérative qui doit être transformée.

Le principe "avant-après" permet de préserver les droits acquis en matière d'implication des salariés dans les décisions, mais, aussi, de prévenir toute dérive du système par la voie de la création d'une SCE, qui ne serait justifiée que par le souci d'échapper à des règles nationales trop contraignantes. Il s'agit, aussi, de ne pas imposer à un Etat des règles de représentation des travailleurs qui lui seraient par trop étrangères.

La sanction du non-respect du principe qui vient d'être évoqué est rigoureuse, puisque l'accord conclu en violation de celui-ci est nul. Dans ce cas, ce sont les dispositions supplétives de la loi qui trouvent à s'appliquer.

Lorsque la participation concerne au moins 25 % du nombre total de salariés des personnes participantes, en cas de constitution d'une SCE par voie de fusion, ou au moins 50 % de ce nombre total, en cas de constitution par tout autre moyen (4), la majorité requise est celle des deux tiers, dans les conditions envisagées précédemment, si le GSN envisage de fixer un nombre ou une proportion des membres de l'organe de surveillance ou d'administration par lesquels les salariés exercent leurs droits à participation à un niveau inférieur à celui qui était le plus élevé au sein de l'une des entités participantes.

Cette dernière disposition, dont la clarté laisse pour le moins à désirer (5), démontre que l'accord peut conduire à une réduction des droits à participation, nonobstant le principe "avant-après". Mais, les conditions spéciales de majorité permettent autant que faire ce peut de le préserver.

D - Dispositions relatives à l'implication des salariés en l'absence d'accord

Lorsque les négociations ont échoué (6), les dispositions supplétives s'appliquent. Dans ce cas, la SCE ne peut être immatriculée, et donc n'exister, que si les parties décident de mettre en oeuvre les dispositions relatives à l'implication des salariés en l'absence d'accord et celles applicables postérieurement à l'immatriculation de la SCE (v. infra).

S'agissant des dispositions relatives à l'implication des salariés en l'absence d'accord, est, tout d'abord, prévue l'institution d'un "comité de la société coopérative européenne", doté de la personnalité juridique. Ce comité ressemble, traits pour traits, à celui de la SE. La loi précise, d'ailleurs, que la composition, la compétence, les attributions et les règles de fonctionnement du comité de la SCE sont fixées conformément aux dispositions des articles L. 439-35 à L. 439-41 du Code du travail (N° Lexbase : L7817HB7 ; C. trav., L. 2353-7 à L. 2353-12, recod. N° Lexbase : L0992HXZ).

Ensuite, l'échec des négociations impose de respecter les dispositions supplétives relatives à la participation (7). Il convient, ici, de distinguer deux cas :

- le premier concerne les SCE constituées par transformation. S'il existe déjà un système de participation dans la coopérative existante, le niveau des droits doit être au moins équivalent à celui dont bénéficiaient les salariés, conformément au principe "avant-après" ;

- le second concerne tous les autres moyens de création d'une SCE. Lorsque la participation au sein des personnes morales participantes atteint les seuils fixés au troisième alinéa de l'article L. 439-57 du Code du travail, issu de la loi n° 2008-89 du 30 janvier 2008, la forme applicable de participation est déterminée après un examen des différents systèmes nationaux existant au sein des personnes morales participantes. Si ces différents systèmes ont en commun une seule forme de participation, elle doit être retenue. Si plusieurs formes de participation coexistent, le GSN doit déterminer, parmi ces différentes formes, laquelle sera retenue pour la SCE. A défaut d'accord, les dirigeants de la SCE déterminent la forme de participation applicable.

Dans le cas où la forme de participation choisie consiste en l'élection de membres du conseil d'administration ou, le cas échéant, du conseil de surveillance, la procédure se déroule conformément aux dispositions des articles L. 225-28 à L. 225-34 (N° Lexbase : L5899AIC) et L. 225-80 (N° Lexbase : L5951AIA) du Code de commerce.

E - Dispositions applicables aux SCE non soumises à l'obligation de constitution d'un GSN

En application de l'article L. 439-62 du Code du travail, issu de la loi n° 2008-89 du 30 janvier 2008 (L. 2363-11, recod.), l'ensemble des dispositions qui viennent d'être évoquées ne sont pas applicables lorsque la SCE est constituée exclusivement par des personnes physiques ou par une seule personne morale et plusieurs personnes physiques, employant ensemble moins de cinquante salariés ou cinquante salariés et plus mais au sein d'un seul Etat membre (8).

Les structures de petite taille font, ainsi, l'objet d'un traitement spécifique qui, il faut le remarquer, n'existe pas à propos de la SE. Dans les SCE mentionnées à l'article L. 439-62, l'implication des salariés est déterminée dans les conditions suivantes :

- au sein de la SCE, l'information et la consultation sont régies par les dispositions du Code du travail relatives aux délégués du personnel et au comité d'entreprise. La participation est, quant à elle, organisée, le cas échéant, selon les dispositions du Code de commerce, la répartition des sièges au sein du conseil d'administration ou au conseil de surveillance étant effectuée proportionnellement au nombre de salariés employés dans chaque Etat membre ;

- au sein des filiales et établissements de la SCE, l'information et la consultation sont régies par les dispositions applicables dans l'Etat membre dans lequel ces filiales et établissements sont situés.

Cela étant, même dans les SCE de "petite taille", telles que définies par l'article L. 439-62, il est possible de mettre en oeuvre les dispositions relatives au GSN et à la négociation de l'implication des salariés. Pour cela, il faut qu'au moins un tiers des salariés de la SCE et de ses filiales et établissements, employés dans, au moins, deux Etats membres, le demande ou que le seuil de cinquante salariés dans au moins deux Etats membres soit atteint ou dépassé.

F - Dispositions relatives à la participation des salariés à l'assemblée générale ou aux assemblées de section ou de branche

L'article L. 439-68 du Code du travail, issu de la loi n° 2008-89 du 30 janvier 2008 (L. 2362-18, recod.), constitue une disposition spécifique, sans équivalent pour la SE. Elle procède de la transposition de l'article 9 de la Directive de 2003 qui donne la possibilité aux salariés et à leurs représentants de participer à l'assemblée générale ou aux assemblées de section ou de branche (9). En effet, le Règlement de 2003, relatif au statut de la SCE, admet une telle possibilité, en imposant, toutefois, que la loi de l'Etat du siège le prévoit et que les travailleurs ne contrôlent pas plus de 15 % du total des droits de vote.

G - Dispositions communes

L'article L. 439-69 du Code du travail, issu de la nouvelle loi, rend applicables aux SCE trois dispositions intéressant les SE. Il s'agit, notamment, de l'article L. 439-43 du Code du travail (N° Lexbase : L7825HBG) (10), selon lequel, lorsqu'une SE est une entreprise ou un groupe d'entreprises de dimension communautaire, qui entre dans le champ d'application des entreprises soumises à la législation sur le comité d'entreprise européen, les dispositions relatives à l'implication dans la SE ne sont pas applicables (11). En revanche, le deuxième alinéa de l'article L. 439-69 précise qu'à titre dérogatoire, lorsque le GSN prend la décision de ne pas engager de négociations ou de clore des négociations déjà engagées, les dispositions relatives au comité d'entreprise européen ou à la procédure d'information et de consultation dans les entreprises de dimension communautaire s'appliquent.

L'article L. 439-70 du Code du travail, issu de la loi n° 2008-89 du 30 janvier 2008 (C. trav., art. L. 2362-9, recod.), concerne les obligations de discrétion et de secret professionnel qui, en vertu de l'article L. 432-7 (N° Lexbase : L6414ACK ; C. trav., art. L. 2352-15, recod. N° Lexbase : L0975HXE), pèsent sur les membres du comité d'entreprise et les représentants syndicaux. Au sein de la SCE, les obligations précitées concernent les membres du GSN et du comité de la société, ainsi que les experts qui les assistent. Il en va de même pour les représentants des salariés siégeant au sein de l'organe d'administration ou de surveillance ou participant à l'assemblée générale ou aux assemblées de section ou de branche.

Enfin, et la disposition est importante, l'article L. 439-71 du Code du travail, issu de nouvelle loi (C. trav., art. L. 2362-9 et L. 2364-5, recod.), dispose que les membres du GSN et de l'organe de représentation des salariés au sein de la SCE bénéficient du statut protecteur exorbitant du droit commun. Sont, également, protégés contre le licenciement, les représentants des salariés au conseil d'administration ou de surveillance ainsi que les représentants des salariés participant aux assemblées générales.

H - Dispositions applicables postérieurement à l'immatriculation de la SCE

En vertu de l'article L. 439-72 du Code du travail, issu de la loi n° 2008-89 du 30 janvier 2008 (C. trav., art. L. 2364-2 recod.), dans les SCE soumises à l'obligation de constituer un GSN, le comité de la SCE examine, au plus tard quatre ans après son institution, s'il convient d'engager des négociations en vue de conclure un accord relatif à l'implication des salariés (12). Dans ce cas de figure, le comité fait office de GSN et reste en fonction tant qu'il n'a pas été renouvelé ou remplacé.

L'article L. 439-73 du Code du travail, issu de la loi n° 2008-89 du 30 janvier 2008, prévoit une faculté de convocation du GSN à la demande des salariés. Cette possibilité est ouverte lorsque le GSN a pris la décision de ne pas engager de négociations ou de clore celles qui l'avaient été. A moins que les parties ne conviennent de rouvrir la négociation plus rapidement, au plus tôt deux ans après la décision du GSN, il doit être convoqué par le dirigeant de la SCE si au moins 10 % des salariés de la SCE, de ses filiales et établissements ou de leurs représentants en font la demande.

L'article L. 439-74, issu de la même loi, vise les changements susceptibles d'intervenir dans la structure de l'entreprise, la localisation de son siège ou le nombre de salariés qu'elle emploie, postérieurement à son immatriculation. Si ces changements sont de nature à affecter substantiellement la composition du comité de la SCE ou les modalités d'implication des travailleurs arrêtées par l'accord, une nouvelle négociation doit être engagée.

Pour en terminer avec la SCE, il convient de relever qu'il est fait extension au comité de la SCE des dispositions relatives au "délit d'entrave".

A quelques rares exceptions près, il apparaît que les dispositions relatives à l'implication des salariés dans la SCE constituent le décalque de celles qui intéressent les SE. Par suite, les critiques qui avaient pu être formulées à l'encontre des secondes valent nécessairement pour les premières. La critique majeure qui peut être faite réside, évidemment, dans la complexité des mécanismes mis en oeuvre. Cette complexité, qu'il était, cependant, difficile d'éviter afin de dépasser les blocages sur la question de l'implication des salariés, peut constituer un répulsif sérieux pour ceux qui seraient intéressés par la constitution d'une SCE. Le peu de succès rencontré, jusqu'à présent, par la SE, au moins dans notre pays, laisse augurer d'un succès tout aussi relatif pour la SCE.

II La protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur

C'est, également, avec un certain retard (13) que la loi du 30 janvier 2008 transpose la Directive 2002/74/CE du 23 septembre 2002 (N° Lexbase : L9629A4E), modifiant la Directive 80/987/CEE du 20 octobre 1980 (N° Lexbase : L9435AUY), relative à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur.

La Directive de 1980 fait obligation aux Etats membres de l'Union européenne de mettre en place des institutions de garantie des créances salariales détenues par les travailleurs sur des employeurs en situation d'insolvabilité. Dans notre système juridique, l'assurance de garantie des salaires est gérée par l'Association pour la gestion du régime d'assurance des créances salariales (AGS) (14).

La Directive du 23 septembre 2002 est venue apporter un certain nombre de modifications à la Directive de 1980. Parmi celles-ci, il doit être fait mention de la précision selon laquelle, dans le cas des entreprises en état d'insolvabilité ayant des activités sur le territoire d'au moins deux Etats membres, l'institution compétente pour garantir les créances salariales impayées est celle de l'Etat membre sur le territoire duquel les salariés exercent ou exerçaient habituellement leur travail. De même, les droits de ces salariés en matière de garantie sont déterminés par le droit régissant l'institution de garantie, c'est-à-dire le droit national de leur pays de travail.

Ainsi qu'il a été relevé, "il s'agit donc de régler les 'situations transnationales' en posant une règle de compétence exclusive pour la mise en oeuvre de la garantie des salaires : le lieu d'exercice du travail des salariés (et non la localisation de l'entreprise qui détermine le pays où la procédure de faillite est conduite)" (15).

Il convient de relever, avant d'aborder les dispositions légales de transposition, que la Cour de cassation avait, en quelque sorte, pris les devants. Reprenant une jurisprudence de la CJCE (16), la Chambre sociale a, en effet, décidé, dès 2002, que devaient bénéficier de l'AGS les salariés de l'établissement secondaire français d'une entreprise de droit italien déclarée en faillite par un tribunal italien (17). Une décision plus récente a confirmé que, s'agissant de la compétence territoriale de l'AGS, c'est le critère du lieu d'exécution du travail qui doit être retenu (18).

A - Les règles de principe

Au regard de ces arrêts, la loi de 2008 n'apporte donc pas d'innovation majeure, au moins sur le plan des principes. Ainsi, au terme de l'alinéa 1er de l'article L. 143-11-10 du Code du travail, issu de la loi n° 2008-89 du 30 janvier 2008 (C. trav., art. L. 3253-18-1, recod.), "les institutions de garantie [...] assurent [...] le règlement des créances impayées des salariés qui exercent ou exerçaient habituellement leur activité sur le territoire français pour le compte d'un employeur dont le siège social, s'il s'agit d'une personne morale, ou, s'il s'agit d'une personne physique, l'activité ou l'adresse de l'entreprise, est situé dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou de l'Espace économique européen, lorsque cet employeur se trouve en état d'insolvabilité".

L'alinéa 2 de la disposition précitée prend soin de définir la notion "d'employeur se trouvant en état d'insolvabilité". L'état d'insolvabilité est constitué quand :

- l'ouverture d'une procédure collective prévue par les dispositions législatives, réglementaires et administratives locales a été demandée ;

- cette procédure entraîne le dessaisissement partiel ou total de l'employeur et la désignation d'un syndic ou de toute personne exerçant une fonction similaire à celle du mandataire judiciaire, de l'administrateur judiciaire ou du liquidateur ;

- l'autorité compétente a soit décidé l'ouverture de la procédure, soit constaté la fermeture de l'entreprise avec un actif insuffisant pour justifier une procédure.

S'agissant des créances garanties, la loi renvoie aux dispositions de l'article L. 143-11-1 du Code du travail (N° Lexbase : L7703HBW ; C. trav., art. L. 3253-8, recod. N° Lexbase : L1561HX4). Toutefois, les délais prévus par ce texte sont allongés puisqu'ils passent à trois mois, au lieu de quinze jours ou un mois. Relevons que l'article L. 143-11-2 (N° Lexbase : L5766ACK), qui permet de couvrir les créances résultant du licenciement des salariés protégés, n'est pas visé par le nouveau texte. Toutefois, l'allongement des délais de prise en compte des créances à trois mois après le jugement pour tous les licenciements de salariés paraît suffisant pour écarter tout risque pour les salariés protégés (19).

B - Les modalités de paiement des créances salariales

En vertu de l'article L. 143-11-12 du Code du travail, issu de la loi n° 2008-89 du 30 janvier 2008 (C. trav., art. L. 3253-18-5, recod.), l'AGS verse les sommes dues sur présentation des relevés des créances impayés établis par le syndic étranger ou équivalent. Les relevés doivent indiquer le montant des cotisations et contributions sociales salariales.

Il est important de souligner que les sommes sont directement versées aux salariés dans les huit jours suivant la réception des relevés de créances. Elles ne transitent donc pas par le syndic étranger (20). Cette règle répond à un souci de simplicité et de rapidité. Elle renforce, également, la protection des salariés, dans la mesure où certains pays, tel le Royaume-Uni, ne traitent pas les créances salariales comme des créances privilégiées, au risque que les sommes en cause soient réintégrées aux actifs destinées à dédommager l'ensemble des créanciers (21).

Par exception, et de façon logique, l'avance des contributions de l'employeur au financement de la convention de reclassement personnalisé est versée aux organismes d'assurance chômage.

L'AGS devra avancer les sommes visées dans le relevé de créances même en cas de contestation par un tiers. Par ailleurs, elle devra, également, couvrir les créances établies par décision de justice exécutoire, même si les délais de garantie sont expirés (22).

L'article L. 143-11-13 du Code du travail, issu de la loi n° 2008-89 du 30 janvier 2008, déclare applicables aux procédures les articles L. 143-11-3 (N° Lexbase : L0052HDB), L. 143-11-5 (N° Lexbase : L5769ACN) et L. 143-11-8 (N° Lexbase : L7706HBZ) et instaure une subrogation de l'AGS dans les droits des salariés pour lesquels elle a effectué des avances.

Pour conclure, il convient d'apporter deux précisions. Tout d'abord, l'article L. 143-11-15, issu de la nouvelle loi, détermine les obligations de l'AGS en matière d'échanges d'informations. Elle devra répondre à toute demande des institutions de garantie d'un autre Etat membre concernant la réglementation applicable en cas de mise en oeuvre de l'extension de garantie décrite ci-dessus. Ensuite, la loi dispose que les règles nouvelles s'appliquent aux procédures définies à l'article L. 143-11-10 du Code du travail, issu de la loi n° 2008-89 du 30 janvier 2008, ouvertes à compter du premier jour du premier mois suivant la publication de la présente loi.


(1) La loi insère, en outre, un nouvel alinéa à l'article L. 762-1 du Code du travail, en vertu duquel "cette présomption de salariat ne s'applique pas aux artistes reconnus comme prestataires de services établis dans un Etat membre de la Communauté européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen où ils fournissent habituellement des services analogues et qui viennent exercer leur activité en France, par la voie de la prestation de services, à titre temporaire et indépendant".
(2) Sont, ici, visés les cas dans lesquels le siège social et l'administration centrale de la SCE ne se trouvent pas en France, alors même que des filiales ou établissements de la SCE le sont.
(3) L'accord a, notamment, porté sur : la liste des entités juridiques concernées par l'accord, la composition, le nombre de membres et la répartition des sièges de l'organe de représentation qui est l'interlocuteur de l'organe dirigeant de la société, les attributions et la procédure prévue pour l'information et la consultation de l'organe de représentation, etc.
(4) Exception faite du cas où la SCE est constituée par transformation d'une coopérative.
(5) On trouve le même type de prescription pour la SE.
(6) Il n'y a pas "échec" des négociations, lorsque le GSN a expressément décidé de ne pas engager les négociations ou de clore les négociations engagées.
(7) Il faut comprendre que, dans le triptyque de l'implication, l'information et la consultation relèvent du comité, tandis que la participation découle du respect de ces dispositions.
(8) Les SCE composées de plusieurs personnes morales ne sont donc pas concernées par cette exclusion.
(9) Il s'agit de formations restreintes de l'assemblée générale, réunies en fonction d'un critère territorial ou professionnel.
(10) Sont, également, visés les articles L. 439-44 (N° Lexbase : L7718HBH) et L. 439-45 (N° Lexbase : L7730HBW) du Code du travail. Le premier concerne le décompte des effectifs des sociétés participantes, le second intéresse la compétence du juge français en cas de litige relatif à la désignation des membres du GSN.
(11) C. trav., art. L. 2361-2, recod. .
(12) Sont donc concernées par cette disposition, les SCE d'une grande taille, dans lesquelles aucun accord n'a pu être trouvé et où se trouvent donc applicables les dispositions supplétives.
(13) Pour ne pas dire un retard certain puisque le délai laissé aux Etats membres a expiré le 8 octobre 2005...
(14) C. trav., art. L. 143-11-1 et s. (N° Lexbase : L7703HBW).
(15) D. Fasquelle, Rapport au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale sur le projet de loi adopté par le Sénat, relatif à la mise en oeuvre des dispositions communautaires concernant le statut de la société coopérative européenne et la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur, décembre 2007. Ainsi que l'indique l'exposé des motifs du projet de loi, l'AGS a été saisie, entre janvier 2002 et décembre 2005, de 104 procédures transfrontalières, qui ont concerné 603 salariés et qui ont donné lieu au versement d'avances d'un montant de 3 779 228 euros.
(16) CJCE, 16 décembre 1999, aff. C-198/98, G. Everson et T.J. Barrass c/ Secretary of State for Trade and Industry et Bell Lines Ltd (N° Lexbase : A0610AWI).
(17) Cass. soc., 2 juillet 2002, n° 99-46.140, AGS de Paris c/ M. Daniel Bonnot, FS-P+B+R (N° Lexbase : A0626AZ9). Voir les obs. de J.-P. Laborde, Le salarié d'un établissement français d'une société soumise à procédure collective à l'étranger peut revendiquer le bénéfice de l'AGS, Lexbase Hebdo n° 77 du 26 juin 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N7857AAA).
(18) Cass. soc., 26 avril 2006, n° 03-47.334, AGS de Paris c/ Mme Kiyomi Aoki, F-P+B (N° Lexbase : A2050DPM). Lire les obs. de N. Mingant, Compétence territoriale de l'AGS : le critère unique du lieu d'exécution de la prestation de travail, Lexbase Hebdo n° 214 du 11 mai 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N8108AKI).
(19) V. en ce sens, D. Fasquelle, rapp. préc..
(20) A rebours, lorsque le mandataire, administrateur ou liquidateur français, reçoit des sommes d'une institution équivalente à l'AGS située dans un autre Etat membre, il doit les reverser immédiatement aux salariés concernés. Les organes de la procédure doivent, en outre, transmettre à toute institution située dans un autre Etat membre, équivalente à l'AGS, les relevés de créances impayées. L'article L. 143-11-14, issu de la loi du 30 janvier dernier, précise, par ailleurs, que lorsque le syndic étranger ou tout personne exerçant une fonction similaire à celle du mandataire judiciaire, de l'administrateur judiciaire ou du liquidateur a cessé ses fonctions ou lorsque l'entreprise a fermé, l'AGS verse les sommes dues au salarié sur présentation par celui-ci des pièces justifiant le montant de sa créance. Dans ce cas, les dispositions relatives aux relevés des créances ne sont pas applicables.
(21) D. Fasquelle, ibid..
(22) Cette disposition suscite des interrogations quant à son degré d'effectivité (V. D. Fasquelle, rapp. préc.).

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