La lettre juridique n°237 du 23 novembre 2006 : Voies d'exécution

[Le point sur...] Saisie immobilière : une réforme - deux textes - aucune harmonisation

Réf. : Ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006, réformant la saisie immobilière (N° Lexbase : L3737HIA) ; décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006, relatif aux procédures de saisie immobilière et de distribution du prix d'un immeuble (N° Lexbase : L3872HKM)

Lecture: 6 min

N0498A9C

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Le point sur...] Saisie immobilière : une réforme - deux textes - aucune harmonisation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3208688-le-point-sur-saisie-immobiliere-une-reforme-deux-textes-aucune-harmonisation
Copier

par Christian Boyer, Avoué à la cour d'appel de Toulouse

le 07 Octobre 2010

Depuis trois décennies, on parle de refondre ou de supprimer l'ancien Code de procédure civile. Les projets de réforme de la saisie immobilière ont enfin abouti à vulgariser la terminologie, ou moderniser certaines étapes de la procédure. On peut regretter que par manque d'ambition ou de moyens les textes restent quelque peu éclatés. L'ordonnance du 21 avril 2006, composée de 26 articles, crée un titre XIX dans le livre III du Code civil. Le décret du 27 juillet 2006, composé de 168 articles, précise en détail les nouvelles règles de la saisie immobilière et de la distribution du prix de l'immeuble en retouchant 7 codes. Sans dresser un panorama détaillé, et sans comparer aux anciennes procédures que craignaient les non initiés, on tentera de présenter les points marquants de cette réforme. Quant à son entrée en vigueur la règle est simple : les textes sont applicables à compter du 1er janvier 2007.

Ils ne sont cependant pas applicables aux procédures en cours, c'est-à-dire :

- si le cahier des charges de la saisie a été déposé avant le 1er janvier 2007,
- si l'ouverture de l'ordre a été requis avant le 1er janvier 2007,
- si la procédure collective était ouverte avant le 1er janvier 2006,
- aux ventes ordonnées avant le 1er janvier 2007 dans une procédure collective ouverte après le 1er janvier 2006.

Les conflits d'application des textes dans le temps devraient donc être assez rares.

I - La saisie

  • La compétence

L'ordonnance donne au juge de l'exécution compétence d'attribution. Le décret donne compétence au juge du lieu de situation de l'immeuble (ou du domicile du débiteur au cas de pluralité d'immeubles).

  • Procédure et formalités

- Procédure

Elle débute par la signification du commandement de payer valant saisie, sous constitution obligatoire d'avocat.

Toutes les contestations et les demandes incidentes seront examinées lors de l'audience d'orientation. Celles-ci seront, sauf exception, formalisées par dépôt de conclusions d'avocat. Les jugements statuant sur ces contestations sont susceptibles d'appel dans les quinze jours de leur notification par le greffe. La cour juge ces affaires en urgence. La demande en distraction est possible en tout état de cause. Les créanciers peuvent demander, à tout moment, la subrogation, même verbalement à l'audience. Les cas de caducité du commandement de payer sont précisément prévus, le créancier pouvant être relevé de la caducité au cas de motif légitime, au cas de motif légitime, s'il présente demande au juge dans les quinze jours du prononcé de celle-ci.

- Formalités

Le commandement de payer valant saisie, acte de disposition au risque du créancier, est signifié au débiteur. Les treize mentions obligatoires, sans surprise, figurent à l'article 15 du décret. La saisie peut-être poursuivie contre le tiers détenteur du bien. La publication au bureau des hypothèques dans le délai de deux mois de la signification, à peine de caducité, reste une formalité essentielle. Cette publicité reste régie par le décret du 4 janvier 1955 (décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, portant réforme de la publicité foncière N° Lexbase : L9182AZ4), son effet premier étant l'opposabilité aux tiers. Des règles particulières sont prévues aux articles 20 à 24 du décret au cas de pluralité de biens saisis. Elles sont plus précises et plus claires qu'antérieurement même si elles demeurent très techniques. Les effets à l'égard du débiteur, indisponibilité du bien saisi, saisie des fruits et restriction au droit du saisi, courent de la signification du commandement. Le commandement se périme si aucune mention du jugement de vente n'est porté dans les deux ans de sa publication. Les modalités de suspension ou de prorogation prévues sont peu claires, et donneront probablement lieu à des difficultés contentieuses pratiques (articles 32 à 34 du décret).

  • Actes préparatoires à la vente : quatre étapes à respecter

- Procès-verbal décrivant les lieux

Dans les 8 jours du commandement, à défaut de paiement, l'huissier pénètre dans les lieux pour dresser un procès-verbal.

- Assignations à comparaître

Une nouveauté importante est à noter : dans les deux mois de la publication, le débiteur est assigné de un à trois mois avant l'audience d'orientation. Aux mentions obligatoires d'une assignation, l'article 39 du décret ajoute neuf séries de mentions obligatoires spéciales à cet acte.

Les créanciers inscrits reçoivent dans les cinq jours de l'assignation du débiteur dénonce du commandement valant assignation à comparaître à l'audience d'orientation. L'article 41 du décret prévoit les six mentions spéciales de cet acte.

La mention de la délivrance de ces actes doit être portée dans les huit jours du dernier acte en marge de la copie du commandement publié aux hypothèques

- Dépôt au greffe du cahier des conditions de vente et de l'état hypothécaire

Il s'agit d'une formalité à accomplir dans les trois jours de l'assignation au débiteur à peine de caducité du commandement. Le cahier des conditions de vente et de l'état hypothécaire est un document essentiel, remplaçant le cahier des charges, dont le contenu est fixé par l'article 44 du décret.

- Déclaration des créances et état ordonné des créances

Le créancier déclare sa créance dans les deux mois de la dénonciation qui lui a été délivrée. Il peut sous certaines conditions notamment de délais la déclarer postérieurement. Des règles spéciales sont prévues pour le créancier ayant inscrit sa sûreté après la publication (article 47 du décret). Le créancier poursuivant demandera au greffe toutes les déclarations de créance et déposera au greffe un état des créances ordonné selon leur rang, quinze jours au moins avant l'audience d'adjudication, ceci toujours à peine de caducité du commandement.

  • Audience d'orientation

Innovation annoncée précédemment, l'audience d'orientation permettra de déterminer si une vente amiable est possible ou si la vente forcée doit être poursuivie, et de vider tous les incidents, afin d'éviter des renvois trop fréquents lors des audiences de vente. Elle a un caractère très technique, permettant même des demandes orales de subrogation dans les poursuites. Le jugement est susceptible d'appel dans les quinze jours de sa signification.

  • La vente amiable sur autorisation judiciaire

La demande est présentée par le débiteur avant l'assignation à l'audience d'orientation. Elle suspend le cours de la procédure. Le juge fixe alors le prix minimum de vente, ses conditions particulières, les délais de vente, et taxe les frais. Au cas de non-réalisation, la procédure de vente forcée est reprise.

  • La vente forcée

Le juge fixe la date de l'audience entre deux et quatre mois de sa décision. Un créancier devra alors solliciter la vente, à peine de caducité du commandement. Le renvoi n'est possible qu'en cas de force majeure. Les modalités de la publicité sont assouplies, modernisées et complétées, le juge ayant de grands pouvoirs. Les enchères s'effectuent toujours par un avocat inscrit au barreau du tribunal de grande instance où a lieu la vente. Elles sont pures et simples sans possibilité d'élection de command. Elles s'arrêtent trois minutes après la dernière enchère (la bougie a probablement vécu !). L'identité du dernier enchérisseur est immédiatement révélée au greffier.

L'enchère nulle est relevée d'office. Toute enchère postérieure régulière couvre la précédente. Le paiement du prix s'effectue dans les deux mois de l'adjudication définitive. Les intérêts de retard sont dus selon les modalités précises et complexes (articles 83 à 86 du décret). Le jugement d'adjudication qui comporte divers visas et mentions spécifiques sera notifié, non seulement, à tous les créanciers, au débiteur, à l'adjudicataire, mais aussi, à toute personne ayant élevé une contestation qu'il tranche.

Le titre de vente est constitué par l'expédition du cahier des conditions de vente revêtue de la formule exécutoire et de la transcription du jugement.

Il constitue pour son bénéficiaire un titre d'expulsion. Une procédure de surenchère dans les quinze jours de l'adjudication est prévue aux articles 94 à 99 du décret, sans modification essentielle par rapport à l'existante. En revanche, la "folle enchère" devient "réitération des enchères" : la technique est comparable même si certains délais sont modifiés (articles 100 à 106 du décret).

II - La distribution du prix

L'ordonnance crée la distribution du prix en modifiant trois articles du Code civil (art. 2214 N° Lexbase : L5953HIC ; art. 2215 N° Lexbase : L5954HID et art. 2216 N° Lexbase : L5955HIE). Le décret ne lui consacre que 18 articles (art. 107 à 125). Cette nouvelle procédure remplace la "procédure d'ordre", mais l'on distingue toujours la distribution amiable et la distribution judiciaire.

  • La distribution amiable

Pour un créancier unique, celui-ci fera une demande de paiement motivée par lettre recommandée avec accusé de réception selon les modalités détaillées à l'article 112 du décret.

En cas de pluralité de créanciers ceux-ci devront actualiser leurs créances par conclusions d'avocat.

Un projet de distribution est notifié par la partie poursuivante, permettant, dans les quinze jours de sa réception, une contestation motivée par acte entre avocats. Après quoi le juge pourra donner force exécutoire à ce projet. Si une contestation est élevée tous les créanciers se réunissent : si un accord est trouvé un procès verbal est signé. A défaut, la procédure de la distribution judiciaire s'appliquera.

  • La distribution judiciaire

Elle est très simplifiée. Le poursuivant, ou à défaut toute partie intéressée, saisit le juge de l'exécution. La saisine s'opère par dépôt de conclusions au greffe pour distribuer les suites d'une saisie immobilière ou par assignation pour toute autre distribution. Le texte prévoit les modalités et délais de paiement.

En définitive, on peut dire qu'il s'agit d'une réforme technique et délicate. Et, on ne peut que regretter que les textes du Code civil fassent référence à des lois non codifiées.

Seule la pratique permettra d'en discerner la cohérence et les simplifications éventuelles.

newsid:260498