La lettre juridique n°236 du 16 novembre 2006 : Urbanisme

[Textes] L'assouplissement des permis délivrés à titre précaire

Réf. : Décret n° 2006-1220 du 4 octobre 2006 relatif aux permis délivrés à titre précaire (N° Lexbase : L3064HSB)

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le 07 Octobre 2010

On se souvient que l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 (N° Lexbase : L4697HDC), qui doit entrer en vigueur au plus tard le 1er juillet 2007, a modifié la législation relative aux permis de construire et aux autorisations d'urbanisme. Soucieuse de clarifier le droit applicable et, ainsi, de renforcer la sécurité juridique pour les citoyens, l'ordonnance simplifie les procédures d'autorisation et de déclaration. L'article 15 de l'ordonnance réécrit complètement le livre IV du Code de l'urbanisme en réformant, de manière plus ou moins étendue, notamment, le certificat d'urbanisme et le contrôle de la conformité des travaux ou les différentes autorisations. La réforme des autorisations est, de loin, la plus spectaculaire puisqu'elle réduit de onze à quatre les types d'autorisation. Il n'existera plus que trois permis (le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir) et une déclaration préalable, abstraction faite de l'autorisation atypique relative des remontées mécaniques et d'aménagement des pistes de ski (C. urb., art. L. 472-1 N° Lexbase : L8019HEQ). Reste à évaluer si cette nouvelle réforme du droit de l'urbanisme tarira le flot et la vivacité des critiques adressées au droit de l'urbanisme par les praticiens et les professionnels, étant donné que de nombreux aspects, et notamment la procédure de délivrance de ces autorisations, seront précisés par décret. A cet égard, la publication du décret d'application de cette ordonnance devait intervenir "avant l'été 2006" (rép. min. n° 87100, JOAN Q, 30 mai 2006, p. 5716 N° Lexbase : L4706HTH), or cette dernière n'est toujours pas intervenue. Mis à part le décret n° 2006-958 du 31 juillet 2006, relatif aux règles de caducité du permis de construire et modifiant le Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L4395HKY) (1), seul un décret d'application a été rendu public, celui du 4 octobre 2006, relatif aux permis délivrés à titre précaire, les deux décrets devançant le projet de décret d'application de l'ordonnance du 8 décembre 2005 encore en consultation.

Le décret du 4 octobre 2006 fixe lui-même sa propre date d'entrée en vigueur ainsi que la date d'entrée en vigueur de l'article 15 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 en tant qu'il remplace les articles L. 423-1 à L. 423-5 anciens (N° Lexbase : L7584ACU) par les articles L. 433-1 à L. 433-7 nouveaux du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3542HTD). Dans les deux cas, il s'agit du 1er novembre 2006. On peut, néanmoins, s'étonner de cette mise en oeuvre anticipée lorsque l'on sait que le décret devant préciser les modalités d'application de l'ordonnance du 8 décembre 2005 n'est toujours pas publié. Il semble qu'il faille chercher la cause de cette entrée en vigueur rapide dans la volonté politique du Gouvernement de permettre aux personnes habitant des logements insalubres d'être relogées le plus tôt possible dans des constructions provisoires.

Le décret confirme ainsi l'assouplissement du régime actuel du permis précaire à travers, notamment, l'extension de son champ d'application à toutes les constructions provisoires (I). Mais cet assouplissement ne va pas sans poser des questions, notamment, quant aux effets et implications juridiques de la nouvelle extension ainsi délimitée (II).

I. L'extension du champ d'application des permis délivrés à titre précaire

A. La recomposition du domaine du permis précaire

Dans l'optique de rechercher avant tout le point d'équilibre entre, d'une part, un nécessaire contrôle des opérations d'aménagement et de construction et, d'autre part, la suppression des contraintes pesantes et injustifiées qui nuisent à la dynamique économique, l'ordonnance du 8 décembre 2005 donne une définition précise du champ d'application de chaque procédure, parmi lesquelles celle relative à l'octroi des permis délivrés à titre précaire. En ce sens, le régime juridique d'un tel permis est assoupli. Les permis et constructions précaires disparaissent, en premier lieu, au profit des constructions autorisées par un permis de construire délivré à titre précaire. Comme peut le relever le Professeur Benoît Cattin, "l'appellation est mieux nommée, tant il est certain que ce n'est pas le permis qui est frappé de précarité mais le droit qui lui est attaché" (2).

En second lieu, le domaine de ce permis est entièrement recomposé. Sous l'ancienne rédaction issue de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, dite "SRU" (N° Lexbase : L9087ARY), la délivrance d'un tel permis était réservée à l'édification d'une construction à caractère précaire sur un emplacement réservé par un plan d'occupation des sols rendu public ou un plan local d'urbanisme approuvé ou un document d'urbanisme en tenant lieu (C. urb., art. L. 423-1 à 5 anciens N° Lexbase : L7584ACU). Ce permis pouvait aussi être exceptionnellement accordé pour l'édification de constructions précaires à usage industriel dans une zone affectée à un autre usage par un document d'urbanisme (C. urb., art. L. 423-4 ancien N° Lexbase : L7587ACY). Peut désormais être exceptionnellement autorisé tout projet de construction entrant dans le champ d'application du permis de construire (ou de la déclaration préalable) et ne répondant pas aux exigences des règles de fond posées par l'article L. 421-6 (N° Lexbase : L3299HC8) (C. urb., art. L. 421-3 al. 1er ancien N° Lexbase : L5655C8X).

B. L'application à toutes les constructions provisoires

La délivrance d'un permis précaire n'est plus réservée à l'hypothèse d'une construction à caractère précaire sur un emplacement réservé, mais s'ouvre à des catégories de construction, telles que les constructions provisoires ou de "dépannage", pour lesquelles aucun régime satisfaisant n'existait. Elles font l'objet d'un "permis précaire" qui peut déroger exceptionnellement aux règles d'urbanisme.

C'est la seule exception, avec les constructions temporaires (C. urb., art. L. 421-5 N° Lexbase : L8128HER), à l'obligation de respecter les règles de fond. Les constructions temporaires échappant à toute formalité au titre du Code de l'urbanisme en raison de la faible durée de leur maintien en place ou de leur caractère temporaire compte tenu de leur usage. Le principe est maintenu de l'assujettissement à un permis de construire de toute construction, hormis les cas où, en vertu d'un décret à venir, la construction est soumise à la procédure de déclaration préalable.

La distinction entre constructions "précaires" et constructions "temporaires" sera opérée par décret. Les constructions saisonnières, c'est-à-dire qui doivent périodiquement être démontées et réinstallées (C. urb., art. L. 432-1 et L. 432-2 N° Lexbase : L8107HEY) continuent à n'être autorisées que dans le respect des règles de fond, par un permis de construire qui fixe la durée de chaque installation et devient caduc à l'expiration d'un délai qui ne peut excéder cinq ans.

II. Les implications de l'extension du champ d'application au niveau juridique

A. Un délai d'enlèvement rendu obligatoire dans les secteurs protégés

Le nouveau permis précaire est étendu, à titre exceptionnel, à toutes les constructions à caractère provisoire, dès lors qu'elles ne rentrent pas dans le cadre des exemptions pures et simples et ne respectent pas les règles d'urbanisme. Il y a là un risque quant aux droits rattachés et exprimés à travers l'obtention de ces permis précaires. L'ordonnance a rendu obligatoire un délai d'enlèvement dans les secteurs protégés, la fixation de ce délai étant facultative dans les autres cas, sachant qu'à l'expiration de ce délai, le pétitionnaire doit enlever, sans indemnité, la construction autorisée (C. urb., art. L. 423-2 ancien N° Lexbase : L7585ACW et L. 433-2 nouveau N° Lexbase : L3543HTE).

C'est le décret n° 2006-1220 du 4 octobre 2006 qui indique, dès à présent, les hypothèses dans lesquelles le délai d'enlèvement de constructions précaires devra nécessairement être indiqué dans les permis de construire délivrés à titre précaire. Tel sera le cas, lorsque le terrain d'assiette du projet n'est situé ni dans une zone urbaine, une zone à urbaniser ou un emplacement réservé délimités par un plan local d'urbanisme, ni dans un secteur constructible délimité par une carte communale. Tel sera encore le cas, lorsque le terrain est situé dans un secteur sauvegardé ou un périmètre de restauration immobilière en application des articles L. 313-1 (N° Lexbase : L5592HBQ) à L. 313-15 (N° Lexbase : L5624HBW) du Code de l'urbanisme, dans un site inscrit ou classé en application des articles L. 341-1 (N° Lexbase : L5773HD8) et suivants du Code de l'environnement. Enfin, ce sera également le cas dans le champ de visibilité d'un monument historique tel que défini par le Code du patrimoine ou dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager créée en application de l'article L. 642-1 du Code du patrimoine (N° Lexbase : L3981HCG).

En tout état de cause, le permis précaire portant sur une construction à édifier dans un emplacement réservé doit recueillir l'avis favorable de la collectivité intéressée à l'opération (C. urb., art. L. 423-1 ancien N° Lexbase : L7584ACU).

B. La préservation de la rigueur des droits attachés aux permis précaires

L'arrêté du maire accordant le permis de construire peut prescrire, s'il y a lieu, aux frais du demandeur et par voie d'expertise contradictoire, l'établissement d'un état descriptif des lieux et, le cas échéant, d'une évaluation sommaire du fonds de commerce ou d'industrie dont la construction est susceptible de permettre le développement ou la transformation (C. urb., art. L. 423-2 ancien N° Lexbase : L7585ACW et art. L. 433-2 nouveau N° Lexbase : L3543HTE).

Si le bénéficiaire de la réserve décide d'acquérir le terrain, le propriétaire n'a droit à être indemnisé ni de la valeur des constructions précaires autorisées, ni de la valeur ou de la plus-value acquise par le fonds de commerce, ni des frais de démolition ou d'enlèvement de ces constructions (C. urb., art. L. 423-3 ancien N° Lexbase : L7586ACX et art. L. 433-5 nouveau N° Lexbase : L3546HTI). Toutefois, en cas de remise en état sollicitée par la puissance publique avant l'expiration du délai fixé pour l'enlèvement des constructions, le propriétaire a droit à une indemnité proportionnelle au délai qui reste à courir par rapport au délai prévu (C. urb., art. L. 423-3 ancien et art. L. 433-4 nouveau N° Lexbase : L3545HTH).

Enfin, le sort des titulaires de droits réels ou de baux de toute nature est, également, fixé de manière très rigoureuse puisqu'ils ne peuvent prétendre à aucune indemnité (C. urb., art. L. 423-5 ancien N° Lexbase : L7588ACZ et L. 433-6 nouveau du Code de l'urbanisme). Les actes passés avec des ayants cause doivent mentionner le caractère précaire des ouvrages, sachant que la loi frappe de nullité les actes de vente, de location ou portant constitution de droits réels sur des bâtiments édifiés à titre précaire s'ils ne mentionnent pas le caractère précaire de ces constructions (C. urb., art. L. 423-5, al. 3, ancien et art. L. 433-7 nouveau N° Lexbase : L3548HTL).

Christophe De Bernardinis
Maître de conférences à l'université de Metz


(1) Aux termes de la nouvelle rédaction de l'article R. 421-32 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L2457HPP), lorsque le permis de construire fait l'objet, notamment, d'un recours en annulation devant le juge administratif, le délai de validité de cette autorisation est, désormais, suspendu jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle irrévocable. Cette nouvelle disposition très attendue, ne règle cependant pas toutes les difficultés (Cf. le commentaire de Philippe Billet, Les nouvelles règles de caducité du permis de construire. A propos du décret n° 2006-958 du 31 juillet 2006, JCP A, n° 37, 11 septembre 2006, n° 1202).
(2) B. Cattin, La réforme des autorisations d'urbanisme, Construction - Urbanisme 2006, n°1, janvier, Etude 1.

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