La lettre juridique n°236 du 16 novembre 2006 : Social général

[Jurisprudence] La volonté d'empêcher une baisse de rémunération justifie une inégalité salariale

Réf. : Cass. soc., 31 octobre 2006, n° 03-42.641, Société Sodemp, FS-P+B (N° Lexbase : A1936DSI)

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

le 07 Octobre 2010

Quelques mois après avoir statué dans une affaire comparable mettant en cause les salariés du Ritz (Cass. soc., 25 mai 2005, n° 04-40.169, FS-P+B N° Lexbase : A4304DIA), la Cour de cassation poursuit son tour des grands hôtels parisiens confrontés aux revendications égalitaires de leurs salariés. Statuant, de nouveau, sur les limites du principe "à travail égal, salaire égal", la Cour de cassation admet, cette fois-ci, en complément d'une liste déjà bien longue (1), que l'employeur peut introduire des différences de rémunération pour garantir à certains salariés le maintien de leur rémunération antérieure (2).
Résumé

Un salarié, engagé postérieurement à la mise en oeuvre d'un accord collectif organisant le passage d'une rémunération au pourcentage à une rémunération au fixe, ne se trouve pas dans une situation identique à celle des salariés présents dans l'entreprise à la date de conclusion dudit accord et subissant, du fait de la modification de la structure de leur rémunération, une diminution de leur salaire de base que l'attribution d'une indemnité différentielle a pour objet de compenser.

Décision

Cass. soc., 31 octobre 2006, n° 03-42.641, Société Sodemp, FS-P+B (N° Lexbase : A1936DSI)

Cassation partielle sans renvoi (CA Paris, 18ème ch., sect. D, 11 février 2003 )

Textes visés : le principe "à travail égal, salaire égal"

Mots clés : principe "à travail égal, salaire égal" ; différence de rémunération ; volonté de combattre une baisse de la rémunération

Liens base :

Faits

1. La société Sodemp exploite, dans le 17ème arrondissement de Paris, l'hôtel "Le Méridien Paris Etoile".

Le 29 avril 1992, elle a conclu un accord d'entreprise "sur les modalités d'accompagnement consécutives au passage de la rémunération au pourcentage à la rémunération fixe". L'article 1er de ce texte fixait le pourcentage maximum de baisse des rémunérations annuelles pour les diverses catégories de salariés concernés par la modification de la structure de leur rémunération. L'article 2 instituait un "salaire complémentaire individualisé, non-indexable [dit IPPC ou SCINI], destiné à compenser une partie de l'incidence du passage au fixe sur les rémunérations pour le personnel présent à la date du 4 juillet 1991". Il était, également, institué le passage à 39 heures payées 40 heures pour tout le personnel.

2. Mme Minka et un certain nombre de salariés de l'hôtel ont saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire, en vertu de la règle "à travail égal, salaire égal". Se plaignant, aussi, de ce que la société Sodemp n'avait pas fait application de la réduction du temps de travail avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2001, de l'accord de branche du 15 juin 2001 portant réduction du temps de travail, les salariés ont sollicité le paiement de dommages-intérêts pour repos compensateur non fourni à compter du 1er février 2000 et de dommages-intérêts pour non-application de la loi du 19 janvier 2000 sur les 35 heures.

3. La cour d'appel de Paris a condamné l'employeur à verser aux demandeurs des indemnités pour violation de leur droit à repos compensateur.

Solution

1. L'application d'un horaire d'équivalence, dans les industries et commerces déterminés par décret, est subordonnée à l'existence, pendant le temps de travail, de périodes d'inaction. Dès lors, ayant constaté, par une appréciation souveraine des faits et des preuves, que le travail des femmes de chambre ne comportait pas de périodes d'inaction, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

2. Ne méconnaît pas le principe "à travail égal, salaire égal", "l'employeur qui justifie par des raisons objectives et matériellement vérifiables la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale".

"Un salarié, engagé postérieurement à la mise en oeuvre d'un accord collectif organisant le passage d'une rémunération au pourcentage à une rémunération au fixe, ne se trouve pas dans une situation identique à celle des salariés présents dans l'entreprise à la date de conclusion dudit accord et subissant, du fait de la modification de la structure de leur rémunération, une diminution de leur salaire de base que l'attribution de l'indemnité différentielle a pour objet de compenser".

"Pour condamner la société Sodemp à payer aux salariées des sommes à titre de rappel de salaire et congés payés afférents, l'arrêt attaqué énonce que les dispositions de l'accord du 29 avril 1992 ne peuvent déroger aux dispositions d'ordre public des articles L. 133-5 4° (N° Lexbase : L3149HIH), L. 136-2 8° (N° Lexbase : L1373G9Q), L. 140-2 (N° Lexbase : L5726AC3), L. 140-3 (N° Lexbase : L5727AC4et L. 140-4 (N° Lexbase : L5728AC7du Code du travail ainsi qu'au principe 'à travail égal, salaire égal' ; [...] la disparité de situation suivant que les salariés étaient ou non présents à la date du 4 juillet 1991 n'est pas de nature à justifier une différence de traitement entre salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, étant observé que l'IPPC, indemnisant une perte de chance d'évolution favorable de la rémunération, n'est pas liée à l'ancienneté, et que le principe 'à travail égal, salaire égal' n'est pas limité à des situations dans lesquelles les salariés effectuent simultanément un travail égal pour un même employeur"

"En statuant ainsi, alors qu'il existait une justification objective à la différence des rémunérations, la cour d'appel a violé la règle susvisée".

3. Est cassé et annulé l'arrêt d'appel en ce qu'il a condamné la société Sodemp au paiement de rappels de salaire et congés payés afférents aux salariées et de dommages-intérêts à l'Union locale des syndicats CGT de Paris 17ème.

Observations

1. Liste des exceptions admises au principe "à travail égal, salaire égal"

  • Différence entre non-discrimination et principe "à travail égal, salaire égal"

Même si le principe "à travail égal, valeur égal", reconnu depuis l'arrêt "Ponsolle" (Cass. soc., 29 octobre 1996, n° 92-43.680, Société Delzongle c/ Mme Ponsolle, publié N° Lexbase : A9564AAH), et les applications du principe de non-discrimination présentent des similitudes évidentes, leurs éléments constitutifs et, partant, leur mise en oeuvre, diffèrent sensiblement.

Pour qu'une discrimination soit présumée, conformément au mécanisme issu de la loi du 16 novembre 2001 (loi n° 2001-1066, 16 novembre 2001, relative à la lutte contre les discriminations N° Lexbase : L9122AUE), il est, en effet, nécessaire d'établir, conformément à la définition qu'en donne d'ailleurs le droit communautaire, que deux personnes se trouvent dans une situation identique et qu'elles sont traitées différemment. L'employeur ne pourra, alors, échapper à une condamnation qu'en prouvant que cette différence de traitement est "justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination".

Lorsqu'un salarié invoque une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal", le bénéfice de la présomption d'inégalité salariale, que lui reconnaît la jurisprudence depuis 2004 (Cass. soc., 28 septembre 2004, n° 03-41.825, F-P+B N° Lexbase : A4907DD4, Dr. soc. 2004, p. 1144, et les obs.), dépend uniquement de la preuve qu'il accomplit un "travail égal, ou de valeur égale", ce qui est plus facile à rapporter que la preuve de l'identité des situations.

Cette faveur plus grande accordée au salarié qui se fonde sur la violation du principe "à travail égal, salaire égal" n'est, toutefois, que provisoire, puisque l'employeur pourra facilement s'exonérer en prouvant que les salariés en comparaison ne sont, en réalité, pas dans une même situation (Cass. soc., 29 octobre 1996, n° 92-43.680, Société Delzongle c/ Mme Ponsolle, précité : "l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique").

  • La prise en compte de la situation personnelle du salarié

Pour déterminer si les salariés se trouvent dans une situation identique, la jurisprudence tient, tout d'abord, compte de données, soit strictement personnelles, comme la situation familiale (Cass. soc., 26 février 2002, n° 00-45.631, M. Roland Hommel c/ Société de secours minière (SSM) de Moselle-Est, FS-D N° Lexbase : A0707AYT), soit de données professionnelles propres, comme le coefficient hiérarchique, la classification, la qualification, l'ancienneté, les connaissances professionnelles, les diplômes, l'expérience, ou encore les responsabilités exercées (Cass. soc., 7 juin 2006, n° 04-45.592, Société d'exploitation mixte des transports de l'agglomération de Montpellier (TAM), F-D N° Lexbase : A8554DPI). Les juges peuvent, également, prendre en compte la précarité du statut professionnel du salarié et la volonté de l'employeur de compenser cette précarité par le versement d'une rémunération supérieure (Cass. soc., 28 avril 2006, n° 03-47.171, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2049DPL, voir notre chronique, L'ancienneté et la situation juridique du salarié dans l'entreprise peuvent justifier une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal", Lexbase Hebdo n° 213 du 4 mai 2006 - édition sociale N° Lexbase : N7835AKE).

  • La prise en compte de la situation juridique du salarié

Certaines différences de situation tiennent, également, à des considérations plus juridiques, qu'elles soient temporelles ou spatiales.

L'appartenance de deux salariés de la même entreprise à deux établissements distincts peut, ainsi, justifier une différence de rémunération, dès lors que les accords d'entreprise sont différents (Cass. soc., 27 octobre 1999, n° 98-40.769, Electricité de France c/ M. Chaize et autres N° Lexbase : A4844AGI, Dr. Soc. 2000, p. 189, chron. G. Couturier) et, semble-t-il, à condition que les différences entre établissements justifient ces différences de statut (Cass. soc., 18 janvier 2006, n° 03-45.422, F-P N° Lexbase : A3972DM3, sur ce sujet, lire notre chronique, Une différence de traitement fondée sur la pluralité des accords d'établissement n'est pas illicite, Lexbase Hebdo n° 199 du 26 janvier 2006 - édition sociale N° Lexbase : N3620AKB).

Le critère de l'antériorité dans l'entreprise ne constitue pas, en soi, un motif suffisant justifiant une différence de rémunération (Cass. soc., 25 mai 2005, n° 04 -40.169, Société The Hôtel Ritz Limited c/ Mme Stoyanka Smilov, FS-P+B, préc.). Encore faut-il établir que cette différence en révèle une autre, comme le fait que les salariés bénéficient d'avantages légaux distincts ; ainsi, le salarié embauché antérieurement à la dénonciation ou à la mise en cause de l'usage bénéficiera du principe légal de maintien des avantages individuels acquis, et non le salarié embauché postérieurement (Cass. soc., 11 janvier 2005, n° 02-45.608, FS-P N° Lexbase : A0168DGC). Il en ira de même pour le salarié recruté avant le passage aux 35 heures et qui percevra une garantie mensuelle de rémunération pour en assurer le maintien (Cass. soc., 1er décembre 2005, n° 03-47.197, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8452DLM, lire, notre chronique, Le principe "A travail égal, salaire égal" impuissant à réduire les inégalités résultant du passage aux 35 heures, Lexbase Hebdo n° 193 du 8 décembre 2005 - édition sociale N° Lexbase : N1672AK7).

La différence de date d'embauche est, également, un motif admis lorsque l'employeur a souhaité valoriser l'expérience et l'ancienneté acquises dans les tâches, à condition, toutefois, que celle-ci ne soit pas prise en compte, par ailleurs (Cass. soc., 29 octobre 1996, n° 92-43.680, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2049DPL, lire notre chronique, L'ancienneté et la situation juridique du salarié dans l'entreprise peuvent justifier une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal", préc.).

Cet argument n'est, toutefois, pas nécessairement pertinent. L'employeur peut, en effet, parfaitement mettre en place, généralement par la voie conventionnelle, un système de carrière valorisant, également, les mérites individuels des salariés (Cass. soc., 3 mai 2006, n° 03-42.920, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2459DPR, lire notre chronique L'égalité salariale n'est pas l'identité salariale, Lexbase Hebdo n° 214 du 10 mai 2006 - édition sociale N° Lexbase : N8019AK9), ce qui suffira, d'ailleurs, à justifier les différences de rémunération produites par le système en cause (CJCE, 3 octobre 2006, aff. C-17/05, B. F. Cadman c/ Health & Safety Executive N° Lexbase : A3687DRY, lire notre chronique, L'ancienneté et la performance individuelle comme justifications valables d'une inégalité salariale, Lebxase Hebdo n° 232 du 19 octobre 2006 - édition sociale N° Lexbase : N4111ALT).

  • La prise en compte des contraintes liées au marché de l'emploi

D'autres justifications tiennent, enfin, exclusivement à l'état du marché de l'emploi au moment où le salarié a été recruté et à l'intérêt de l'entreprise tenue, par exemple, d'embaucher en urgence un salarié qualifié pour assurer sa survie (Cass. soc., 21 juin 2005, n° 02-42.658, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A7983DII, lire notre chronique, La justification des inégalités de rémunération, Lexbase Hebdo n° 174 du 30 juin 2005 - édition sociale N° Lexbase : N6023AIW) ou de mener une politique de recrutement ambitieuse à l'échelon international (Cass. soc., 9 novembre 2005, n° 03-47.720, Société European synchrotron radiation facility (ESRF) c/ M. Marc Diot, FS-P+B N° Lexbase : A5949DLW, lire notre chronique, Nouvelle illustration d'une différence de traitement justifiée en matière de rémunération, Lexbase Hebdo n° 191 du 24 novembre 2005 - édition sociale N° Lexbase : N1188AK9).

2. Confirmation de la volonté d'assurer le maintien de la rémunération antérieure

  • L'espèce

Dans cette affaire, la direction de l'hôtel Le Méridien Etoile avait décidé de "moderniser" la rémunération d'une partie de son personnel en substituant à la traditionnelle rémunération au pourcentage une rémunération fixe mensualisée. Pour accompagner cette petite révolution, un accord d'entreprise avait été conclu pour garantir aux salariés embauchés avant une certaine date, fixée par la convention, le maintien de leur rémunération grâce au versement d'un complément salarial.

Des salariés embauchés postérieurement à la date butoir fixée par la convention collective pour bénéficier du complément de salaire conventionnel avaient, alors, saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel de salaires, se fondant sur la violation du principe "à travail égal, salaire égal".

La cour d'appel de Paris leur avait donné raison, sur ce point, après avoir considéré que le critère de présence dans l'entreprise à la date déterminée par la convention collective ne suffisait pas à justifier la différence de traitement, dans la mesure où il n'était pas lié à l'ancienneté des salariés.

Tel n'est pas l'avis de la Chambre sociale de la Cour de cassation qui casse cette décision, au motif que "un salarié, engagé postérieurement à la mise en oeuvre d'un accord collectif organisant le passage d'une rémunération au pourcentage à une rémunération au fixe, ne se trouve pas dans une situation identique à celle des salariés présents dans l'entreprise à la date de conclusion dudit accord et subissant, du fait de la modification de la structure de leur rémunération, une diminution de leur salaire de base que l'attribution de l'indemnité différentielle a pour objet de compenser".

  • La confirmation du critère de la "situation juridique du salarié dans l'entreprise"

C'est la deuxième fois que la Cour de cassation vise la "situation juridique du salarié dans l'entreprise" (Cass. soc., 28 avril 2006, préc.) et que la Cour admet que l'employeur peut valablement favoriser certains salariés qui risquent de perdre une partie de leur rémunération à l'occasion d'une modification dans la structure de celle-ci ou d'une réduction de la durée légale du travail.

L'affirmation rappelle, en effet, les termes d'un arrêt en date du 1er décembre 2005 où la Cour avait considérée qu'"un salarié, engagé postérieurement à la mise en oeuvre d'un accord collectif de réduction du temps de travail, ne se trouve pas dans une situation identique à celle des salariés présents dans l'entreprise à la date de conclusion dudit accord et ayant subi une diminution de leur salaire de base consécutive à la réduction de la durée du travail, diminution que l'attribution de l'indemnité différentielle a pour objet de compenser" (Cass. soc., 1er décembre 2005, préc.).

  • Une solution justifiée

Comme la précédente, cette conclusion nous semble parfaitement logique et justifiée, puisque les salariés recrutés avant l'entrée en vigueur de la nouvelle convention collective risquent bien de perdre une partie de leur rémunération, compte tenu du passage à un salaire payé au temps, là où il était antérieurement calculé au rendement, alors que les nouveaux embauchés n'auront jamais connu que ce système de rémunération classique.

La Cour semble, ainsi, revenir sur la solution admise dans l'affaire du Ritz où une salariée embauchée postérieurement à la date fixée par la convention collective pour assurer le maintien des salaires antérieurs avait obtenu gain de cause (Cass. soc., 25 mai 2005, préc.). Il semble, toutefois, que dans cette affaire, la salariée en question avait bien travaillé antérieurement à la date butoir, mais sous un statut précaire d'extra, de telle sorte qu'elle pouvait avoir vocation à bénéficier, également, du maintien de la rémunération antérieure.

  • Une solution contraire à une certaine idée du principe de faveur

On notera, ici, que la Cour de cassation se montre moins favorable aux salariés que ne semblait l'avoir été, avant elle, le Conseil constitutionnel. Ce dernier avait, en effet, examiné la constitutionnalité de la loi "Aubry II" et singulièrement de la validité des garanties mensuelles de rémunération (GMR) au regard du principe d'égalité entre salariés, fondé sur le principe général d'égalité entre citoyens de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (Cons. const., décision n ° 99-423 DC, du 13 janvier 2000, loi relative à la réduction négociée du temps de travail N° Lexbase : A8786ACE). Le Conseil avait, en effet, censuré la disposition de la loi excluant du bénéfice des GMR les salariés à temps partiel embauchés antérieurement à la réduction de la durée légale du travail, au nom du principe d'égalité avec les salariés à temps plein, mais admis, pour le reste, la conformité du dispositif, après avoir, toutefois, relevé que le législateur avait pu "sans porter atteinte au principe d'égalité, exclure du bénéfice du complément différentiel de salaire les salariés à temps complet et les salariés à temps partiel recrutés postérieurement à la réduction du temps de travail sur des postes qui ne sont pas équivalents à ceux occupés par des salariés bénéficiant de la garantie". Le Conseil avait donc l'air de considérer que l'argument tiré du principe "à travail égal, salaire égal" devait prévaloir sur la justification tirée du désir d'éviter aux salariés une perte de rémunération liée à l'abaissement de la durée légale du travail.

Or, telle n'est pas la position de la Cour de cassation, dans cette affaire, puisqu'elle considère le motif avancé par l'entreprise comme suffisant pour justifier la mesure. Il n'est donc pas question, ici, de niveler "par le haut" en étendant le bénéfice de dispositifs conventionnels à des salariés exerçant un même travail, ou de valeur égale, dès lors qu'ils ne se trouvent pas dans la même "situation juridique" que les autres salariés.

  • Peut-on toujours parler de principe "à travail égal, salaire égal" ?

On se demande, alors, s'il est encore bien raisonnable de parler de principe "à travail égal, salaire égal" tant le principe semble, aujourd'hui, battu en brèche par les exceptions. Il ne semble pas, non plus, possible de parler de principe de "non-discrimination salariale", car le motif invoqué par l'employeur n'a pas à apparaître illicite pour être sanctionné. Il semblerait, alors, plus raisonnable de faire référence à un "principe d'égalité de traitement salarial", ce qui éviterait aux salariés bien des déconvenues et des frustrations.

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