Réf. : Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (N° Lexbase : L4876KEC)
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par Dominique Vidal, Professeur émérite, CREDECO GREDEG UMR 7321 CNRS/UNS
le 08 Septembre 2015
La loi modifie le régime particulier des sociétés d'architectes (A) et le régime général des sociétés d'exercice libéral (B).
A - Sociétés d'architectes (article 68 de la loi)
L'article 68 de la loi "Macron" modifie l'article 13 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture (N° Lexbase : L6905BH9) et y ajoute un article 13-1, tous deux relatifs aux sociétés d'architectes dont l'article 12 permet la constitution.
1° - Modifications de l'article 13 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977
C'est plutôt une réécriture de l'article 13, 2° à laquelle procède la loi Macron ; mais cette réécriture est plutôt une formulation nouvelle à laquelle le nouvel article 13-1 pourra se référer ; elle comporte cependant également une modification de fond.
Cette modification de fond est la suppression de la condition qu'un des associés au moins doit être une personne physique détenant 5 % minimum du capital social et des droits de vote qui y sont affectés. La société pourra donc désormais compter uniquement des associés personnes morales, ou bien une ou plusieurs personnes physiques dont aucune ne détiendra au moins 5 % du capital social.
La modification de forme réside en ce que l'article 13, 2°, qui ne comportait qu'un seul alinéa, est désormais ainsi rédigé :
"2° Plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue par :
a) Un ou plusieurs architectes personnes physiques ou une ou plusieurs personnes physiques établies dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen et exerçant légalement la profession d'architecte dans les conditions définies aux 1° à 4° de l'article 10 ou à l'article 10-1 ;
b) Des sociétés d'architecture ou des personnes morales établies dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen dont plus de la moitié du capital et des droits de vote est détenue par des personnes qualifiées, au sens des articles 10 ou 10-1, et exerçant légalement la profession d'architecte".
2° - Insertion d'un article 13-1 nouveau dans la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977
Après l'article 13, il est inséré un article 13-1 ainsi rédigé :
"Les personnes morales mentionnées au b du 2° de l'article 13 qui respectent les règles prévues au même article peuvent ouvrir des succursales qui ne sont pas dotées de la personnalité morale.
II. - L'ouverture d'une succursale est subordonnée à l'inscription sur un registre tenu par le conseil régional de l'ordre des architectes.
III. - La profession d'architecte exercée par les succursales est soumise aux dispositions législatives et réglementaires relatives à la profession d'architecte".
L'article 22 de la loi du 3 janvier 1977 disposait qu'un décret en Conseil d'Etat prévoit les cotisations obligatoires qui sont versées par les architectes inscrits au tableau régional en vue de couvrir les dépenses du conseil régional et du conseil national. L'article 68 de la loi Macron modifie ce texte pour inclure les cotisations obligatoires qui sont versées par les succursales inscrites au registre. Les succursales payeront donc leur cotisation. Pour le surplus, la jurisprudence décidera dans quelle mesure elles seront ou non assimilées à des implantations professionnelles "plénières". Pour un premier exemple, dans quelle mesure la vie judiciaire de la société devra-t-elle ou pourra-t-elle se développer auprès de sa succursale ?
En définitive, on observera aisément que l'on favorise l'exercice de la profession sous forme de société. Le ton est donné qui se retrouvera ailleurs dans la loi "Macron", dans les SEL ou dans les sociétés interprofessionnelles.
B - Sociétés d'exercice libéral (article 67 de la loi)
L'article 67 est un article fleuve qui compte trois divisions.
Le "I" modifie la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales (N° Lexbase : L3046AIN) ; il comporte 13 subdivisions et près de 200 lignes.
Le "II" donne une modification formelle de l'article L. 5125-7 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L1801KGS) ; nous n'y reviendrons pas.
Le "III" apporte quelques modifications à l'article L. 6223-8 du même code (N° Lexbase : L1800KGR) ; nous n'y reviendrons pas davantage.
Les dispositions 11°, 12° et 13° de l'article 67 concerneront les sociétés de participations financières (infra, partie II). Restent donc, pour les SEL proprement dites, les dispositions 1° à 10° de l'article 67-I.
On sait que la genèse des sociétés professionnelles à risque limité s'est heurtée, historiquement, au caractère libéral des professions concernées, en ce qu'il implique une relation à caractère personnel entre le professionnel et celui qui fait appel à sa compétence, qui lui confie par exemple sa santé, son patrimoine, son honneur ou sa liberté. Mais on sait aussi que l'évolution des conditions techniques et économiques de l'exercice de ces professions fait que le professionnel est de plus en plus incliné à s'appuyer sur l'organisation d'une entreprise, l'entreprise libérale.
C'est dans ce contexte que la loi du 31 décembre 1990 a ouvert à ces professions la faculté de constituer des sociétés à risque limité (SA, SARL, SAS), sans pour autant se départir d'une certaine prudence, tenant notamment à assurer l'indépendance professionnelle des intervenants, en particulier par des exigences de majorité et de gouvernance en faveur des professionnels en exercice. Le législateur avait, depuis lors, fait quelque peu évolué cette réglementation (en 1993, 1999, 2001, 2005, 2011, 2012).
La loi "Macron" lui apporte un renouveau dans le sens de la libéralisation, sans toutefois abandonner complètement l'idée d'une réglementation particulière. Il en résulte une accentuation remarquable de la complexité de ces dispositions. Assurément, libéralisation ne rime pas ici avec simplification.
Pour être aussi fidèle que possible à la loi et ne pas ajouter à sa complexité formelle, on présentera successivement les 15 occurrences que sont les 13 subdivisions du I, puis le II, enfin le III de l'article 67. Cette méthode manque assurément d'élégance littéraire mais on comprendra vite que s'impose, surtout pour un premier commentaire "à chaud", une étude aussi analytique que possible.
1° - Article 67-I, 1° de la loi "Macron"
L'article 3 est complété par un alinéa ainsi rédigé : "Une fois par an, la société adresse à l'Ordre professionnel dont elle relève un état de la composition de son capital social". Cette disposition permet ainsi à l'Ordre professionnel de s'assurer que les conditions de l'agrément et de l'immatriculation demeurent respectées.
2° - Article 67-I, 2°de la loi "Macron"
Cet article comporte cinq dispositions portant modifications de l'article 5 de la loi de 1990. Cet article est celui qui réglemente la détention du capital social des SEL. Les dispositions "d" et "e" sont de simples ajustements formels qui n'appellent pas commentaire. Restent les dispositions "a", "b" et "c" qui introduisent d'importantes modifications.
Selon le a), les deux premiers alinéas de l'article 5 de la loi de 1990 sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés : "I. Sous réserve de l'article 6 :
A. - Plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue, directement ou par l'intermédiaire des sociétés mentionnées au 4° du B du présent I, par des professionnels en exercice au sein de la société ;
B. - Le complément peut être détenu par :".
En substance, le changement est le suivant. L'article 6 (désormais, article 6, III) vise les décrets en Conseil d'Etat propres à chaque profession qui peuvent déroger à l'article 5. Dans sa rédaction antérieure, la réserve de l'article 6 était mentionnée à l'alinéa 2 et ne concernait, en conséquence, que la part du capital autre que la majorité détenue par les professionnels en exercice. Le principe de cette détention professionnelle majoritaire était donc absolu, alors que seul le second principe, celui qui aménage la détention du complément, était assorti de la réserve de l'article 6. En plaçant l'article 6 en facteur commun des deux principes, la loi donne au pouvoir réglementaire la faculté de régir toute question relative à la détention du capital des SEL.
Selon le b), après le 5°, toujours de l'article 5 de la loi de 1990, il est inséré un 6° ainsi rédigé : "Toute personne physique ou morale légalement établie dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou dans la Confédération suisse qui exerce, dans l'un de ces Etats, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d'une qualification nationale ou internationale reconnue et dont l'exercice constitue l'objet social de la société et, s'il s'agit d'une personne morale, qui répond, directement ou indirectement par l'intermédiaire d'une autre personne morale, aux exigences de détention du capital et des droits de vote prévues par la présente loi".
De telles personnes physiques ou morales ressortissantes "européennes" pourront ainsi désormais figurer au capital complémentaire à la majorité des professionnels en exercice.
Enfin selon le c), le début du huitième alinéa de l'article 5 de la loi de 1990 est ainsi rédigé : "Pour les professions de santé, le nombre de sociétés constituées pour l'exercice d'une même profession, dans lesquelles une même personne physique ou morale figurant parmi celles mentionnées aux 1° et 5° du B est autorisée... (le reste sans changement)".
Cette dernière modification est considérable. Elle a pour effet de cantonner aux professions de santé la disposition qui permet de limiter, par décret en Conseil d'Etat, le nombre de SEL au capital desquelles peut figurer une personne visée aux articles 5, 1° à 5, 5°. Observons que les personnes "ressortissantes européennes" visées à l'article 5, 6° nouveau ne sont pas visées par la possibilité d'une telle limitation. Voilà qui ressemble, en l'état, à une discrimination à rebours.
3° - Article 67-I, 3° de la loi "Macron"
L'article 5-1 est abrogé ; en réalité, on en retrouve la substance au nouvel article 6.
4° - Article 67-I, 4°de la loi "Macron"
L'article 6 fait entièrement l'objet d'une nouvelle rédaction. Il compte 5 divisions.
"Par dérogation au A du I de l'article 5 :
1° Sauf pour les sociétés ayant pour objet l'exercice d'une profession de santé, plus de la moitié du capital et des droits de vote des sociétés d'exercice libéral peut aussi être détenue par des personnes, établies en France ou mentionnées au 6o du B du I de l'article 5, exerçant la profession constituant l'objet social de la société ou par des sociétés de participations financières de professions libérales dans les conditions prévues au II du présent article et au titre IV de la présente loi ;
2° Pour les sociétés ayant pour objet l'exercice d'une profession de santé, plus de la moitié du capital social des sociétés d'exercice libéral peut aussi être détenue par des personnes exerçant la profession constituant l'objet social ou par des sociétés de participations financières de professions libérales dans les conditions prévues au II du présent article et au titre IV de la présente loi ;
3° Pour les sociétés ayant pour objet l'exercice d'une profession juridique ou judiciaire, plus de la moitié du capital et des droits de vote peut aussi être détenue par des personnes, établies en France ou mentionnées au 6° du B du I de l'article 5, exerçant l'une quelconque des professions juridiques ou judiciaires".
On observe ainsi deux paramètres. Le premier tient à l'implantation géographique de l'associé, soit européenne, soit sans limitation ; le second tient à la possibilité, ou non, d'intervenir par la voie de sociétés de participations financières. Avec ces paramètres, la loi définit trois catégories de professions :
- la profession de santé "bénéficie" des deux paramètres les plus libéraux (SPF, intervenant pas nécessairement "européen") ;
- les professions juridiques ou judiciaires "bénéficient" des deux paramètres restrictifs ;
- les autres professions se voient affectées d'un paramètre libéral (SPF) et d'un paramètre restrictif (intervenant "européen").
In fine, le texte prévoit que "cette société doit au moins comprendre, parmi ses associés, une personne exerçant la profession constituant l'objet social de la société". Il est raisonnable de considérer que "cette" société visée par la restriction concerne toutes les sociétés visées à l'article 6-I, qu'elles relèvent du 1°, du 2° ou du 3° ; on imagine mal qu'une SEL puisse ne comporter aucun associé exerçant la profession définie à son objet !
"La majorité du capital ou des droits de vote de la société d'exercice libéral ne peut être détenue :
1° Sous réserve du III de l'article 31-1, par une société de participations financières régie par ce même article qu'à la condition que la majorité du capital et des droits de vote de cette société soit détenue par des personnes exerçant la même profession que celle exercée par les sociétés faisant l'objet de la détention des parts ou actions ;
2° Sous réserve du III de l'article 31-2, par une société de participations financières régie par ce même article qu'à la condition que la majorité du capital et des droits de vote de la société de participations financières soit détenue par des professionnels exerçant la même profession que celle constituant l'objet social de la société d'exercice libéral".
Les articles 31-1 et 31-2 concernent les sociétés de participations financières, ou sociétés holding des professions libérales. Il est logique que la loi conserve l'exigence d'un enchaînement des participations majoritaires de personnes exerçant la même profession.
"Par dérogation au B du I de l'article 5 :
1° Des décrets en Conseil d'Etat peuvent prévoir, compte tenu des nécessités propres à chaque profession, qu'une personne autre que celle mentionnée au même article 5 puisse détenir une part du capital ou des droits de vote, inférieure à la moitié de celui-ci, des sociétés constituées sous la forme de sociétés à responsabilité limitée, de sociétés d'exercice libéral par actions simplifiées ou de sociétés d'exercice libéral à forme anonyme. Toutefois, pour celles de ces sociétés ayant pour objet l'exercice d'une profession de santé, la part du capital pouvant être détenue par toute personne ne peut dépasser le quart de celui-ci ;
2° Les statuts d'une société d'exercice libéral en commandite par actions peuvent prévoir que la quotité du capital détenue par des personnes autres que celles mentionnées audit article 5 peut être supérieure au quart, tout en demeurant inférieure à la moitié dudit capital".
Cette disposition reprend et développe quelque peu celle de l'ancien article 6. Le principe est posé que le pouvoir réglementaire peut, dans les limites indiquées, permettre que tout ou partie du capital non "majoritaire-professionnel" puisse être détenu par des personnes éloignées de la profession.
"Compte tenu des nécessités propres à chaque profession et dans la mesure nécessaire au bon exercice de la profession concernée, au respect de l'indépendance de ses membres ou de ses règles déontologiques propres, des décrets en Conseil d'Etat peuvent :
1° Ecarter l'application des 1° et 2° du I du présent article ;
2° Pour les professions de santé, limiter le nombre de sociétés d'exercice libéral constituées pour l'exercice de cette profession dans lesquelles une même personne exerçant cette profession ou une même société de participations financières de professions libérales peut détenir des participations directes ou indirectes ;
3° Limiter le nombre de sociétés d'exercice libéral constituées pour l'exercice d'une même profession dans lesquelles une même personne mentionnée au 1° du III peut détenir des participations directes ou indirectes ;
4° Interdire la détention, directe ou indirecte, de parts ou d'actions représentant tout ou partie du capital social non détenu par des personnes mentionnées au A du I de l'article 5 ou aux 1° à 4° et 6° du B du même I, à des catégories de personnes physiques ou morales déterminées, lorsque cette détention serait de nature à mettre en péril l'exercice des professions concernées dans le respect de l'indépendance de leurs membres et de leurs règles déontologiques propres".
Le texte confère au pouvoir réglementaire, par dérogation aux principes généraux, la marge d'une certaine régulation des exigences requises pour détenir des droits sociaux dans les SEL.
"Les III et IV ne sont pas applicables aux professions juridiques ou judiciaires".
5° - Article 67-I , 5° de la loi "Macron"
Le premier alinéa de l'article 7 est supprimé. Cette suppression est une mesure de pure forme : la substance en est reprise dans le nouvel article 6 exposé ci-dessus.
6° - Article 67-I, 6° de la loi "Macron"
L'article 8 est complété par un alinéa ainsi rédigé : "les deuxième, troisième et quatrième alinéas du présent article ne sont pas applicables aux cas mentionnés aux 1° et 3° du I de l'article 6".
Ces alinéas 2, 3 et 4 de l'article 8 disposent que, par dérogation au droit commun des sociétés commerciales, le bénéfice d'un droit de vote double ne peut pas être ouvert à tout actionnaire qui en remplit les conditions ; il est exclusivement réservé aux actionnaires qui sont des professionnels exerçant dans la société. C'est l'une des conditions de l'indépendance de l'exercice de la profession. L'article 67-I, 6° de la loi Macron a pour effet d'écarter cette restriction, donc de revenir au doit commun dans les cas mentionnés aux 1° et 3° du I de l'article 6, c'est-à-dire en faveur des personnes mentionnées ci-dessus à propos de l'article 67-I, 4°, I.
7° - Article 67-I, 7° de la loi "Macron"
L'article 10 de la loi sur les SEL est ainsi modifié :
- à la première phrase du quatrième alinéa, les mots "législative ou statutaire" sont remplacés par les mots "prévue par les statuts ou par une disposition législative autre que le dernier alinéa du présent article" ;
- le dernier alinéa est ainsi rédigé : "Les troisième à avant-dernier alinéas du présent article ne sont pas applicables aux cas mentionnés aux 1° et 3° du I de l'article 6" ;
Les alinéas 2 et suivants de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1990 sur les SEL prévoient plusieurs dispositions à caractère stratégique, lesquelles concernent la valeur des parts sociales, des conditions dérogatoires de majorité en faveur des associés exerçant la profession dans la société et l'exigence d'un agrément à toute cession de droits sociaux. Ce sont ces dispositions qui sont ici écartées en faveur des mêmes personnes définies aux 1° et 3° de l'article 6-I.
8° - Article 67-I, 8° de la loi "Macron"
L'article 11 est abrogé. Il s'agit de dispositions propres au retrait d'un associé ou à la dissolution d'une société ayant pour objet un office public ou ministériel. La question de la réinstallation du ou des ancien(s) associé(s) est gérée par ailleurs, dans le cadre de la réforme générale de ces professions.
9° - Article 67-I, 9° de la loi "Macron"
L'article 12 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
"Lorsqu'il est fait application de la possibilité mentionnée au 1° du I de l'article 6, le premier alinéa du présent article n'est pas applicable.
Lorsqu'il est fait application de la possibilité mentionnée au 3° du même I, le premier alinéa du présent article n'est pas applicable. Toutefois, le conseil d'administration ou le conseil de surveillance de la société doit comprendre au moins un membre, en exercice au sein de la société, de la profession constituant l'objet social de la société".
L'article 12, alinéa 1er, de la loi sur les SEL dispose que par dérogation au droit commun des sociétés commerciales, les organes dirigeants (mandataires sociaux et deux tiers des membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance) doivent nécessairement être des associés (ou actionnaires) exerçant leur profession au sein de la société. Cette disposition est écartée soit totalement, soit partiellement.
Elle l'est totalement en faveur des sociétés ayant pour objet l'exercice d'une profession de santé dont plus de la moitié du capital et des droits de vote est détenue par des personnes, établies en France ou mentionnées au 6o du B du I de l'article 5, exerçant la profession constituant l'objet social de la société ou par des sociétés de participations financières de professions libérales dans les conditions prévues au II du présent article et au titre IV de la présente loi.
Elle l'est partiellement, sous la réserve que le conseil d'administration ou le conseil de surveillance comprenne au moins un membre exerçant au sein de la société la profession constituant l'objet social de la société pour les sociétés ayant pour objet l'exercice d'une profession juridique ou judiciaire dont plus de la moitié du capital et des droits de vote est détenue par des personnes, établies en France ou mentionnées au 6° du B du I de l'article 5, exerçant l'une quelconque des professions juridiques ou judiciaires.
Observons, en revanche, que n'est pas visé par la loi "Macron" l'article 12, alinéa 3, qui ajoute que seuls les associés ou actionnaires exerçant la profession au sein de la société prennent part aux votes relatifs aux conventions réglementées lorsqu'elles portent sur les conditions dans lesquelles ils y exercent leur profession. On voit mal comment cette disposition pourra s'entendre avec une telle réduction de leur nombre.
10° - Article 67-I, 10° de la loi "Macron"
L'article 13 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
"Lorsqu'il est fait application de la possibilité mentionnée au 1° du I de l'article 6, le premier alinéa du présent article n'est pas applicable.
Lorsqu'il est fait application de la possibilité mentionnée au 3° du même I, le premier alinéa du présent article n'est pas applicable et au moins un associé commandité doit être une personne physique exerçant régulièrement sa profession au sein de la société".
L'article 13 concerne la société d'exercice libéral en commandite par actions ; son économie générale consiste à en réserver la gouvernance aux professionnels exerçant dans la société.
La qualité de commandité est désormais accessible à la catégorie privilégiée "des sociétés visées au 1 du I de l'article 6". Quant à la catégorie partiellement privilégiée "des sociétés visées au 3° du I de l'article 6", elle y échappe aussi, mais sous la réserve indiquée au texte.
Observons cependant que la loi "Macron" ne modifie pas les autres alinéas de l'article 13 ; on voit mal comment la règle de l'agrément des cessions de droits sociaux par les seuls professionnels exerçant dans la société pourra se combiner avec la raréfaction de ces derniers.
II - Les sociétés de participations financières
A - Article 67-I, 11° de la loi "Macron"
L'article 31-1 de la loi du 31 décembre 1990 définit le régime des sociétés de participations financières. Il est désormais structuré en trois parties, de I à III, auxquelles l'article 67-I, 11° apporte des modifications et des ajouts.
1° - Article 67-I, 11°, a) de la loi "Macron"
"A la première phrase, après le mot : 'protégé', sont insérés les mots : 'ou des personnes mentionnées au 6° du B du I de l'article 5' et les mots : 'd'une' sont remplacés par les mots : 'de cette' ;
A la seconde phrase, les mots : 'avoir des activités accessoires en relation directe avec leur objet et destinées' sont remplacés par les mots : 'exercer toute autre activité sous réserve d'être destinée'".
C'est ainsi désormais pour toute personne physique ou morale légalement établie dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou dans la Confédération Suisse qui exerce, dans l'un de ces Etats, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d'une qualification nationale ou internationale reconnue et dont l'exercice constitue l'objet social de la société et, s'il s'agit d'une personne morale, qui répond, directement ou indirectement par l'intermédiaire d'une autre personne morale, aux exigences de détention du capital et des droits de vote prévues par la loi qui pourra participer à la constitution d'une société de participations financières.
Observons que la loi prévoit déjà la possibilité de trois échelons de détentions récurrentes :
- une détention dans la personne morale associée dans la société associée de la SPF visée à l'article 5-I-B-6° ;
- une détention de cette personne dans la société de participations financières ;
- une détention de cette dernière dans la SEL, que l'on peut désormais qualifier de "société cible", tant le droit commun des sociétés holding investit le domaine des entreprises libérales.
2° - Article 67-I, 11° b) de la loi "Macron"
Au début du troisième alinéa, est ajoutée la mention : "II. -".
Rappelons que le I de l'article 31-1 définit le type de personnes qui peut participer à une SPF (alinéa 1er) et le type de société dont la SPF peut viser la détention (alinéa 2). Le II définit les personnes qui peuvent détenir la majorité de la SPF (al. 3) ou le complément à la majorité (al. 4), ainsi que la gouvernance (al. 5). Passons sur l'article 67-I-11, c) qui n'est qu'un aménagement rédactionnel.
3° - Article 67-I-11, d), alinéa 1er de la loi "Macron"
"Les gérants, le président, les dirigeants, le président du conseil d'administration, les membres du directoire, le président du conseil de surveillance et les directeurs généraux, ainsi que les deux tiers au moins des membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de la société par actions simplifiée, doivent être choisis parmi les personnes mentionnées au premier alinéa du II".
Cette disposition réserve la gouvernance de la SPF à des associés du type de ceux qui peuvent détenir la majorité du capital. Cette solution est doublement logique, du point de vue capitalistique et du point de vue professionnel.
4° - Article 67-I, 11°, d), alinéas 2, 3 et 4 de la loi "Macron"
"Par dérogation aux I et II du présent article, la société de participations financières peut également avoir pour objet la détention de parts ou d'actions de sociétés mentionnées au premier alinéa de l'article 1er ou relevant du livre II du Code de commerce lorsque ces sociétés ont pour objet l'exercice d'une même profession juridique ou judiciaire. Le capital social et les droits de vote de cette société de participations financières peuvent être détenus par toute personne exerçant une profession juridique ou judiciaire ou par toute personne mentionnée au 6o du B du I de l'article 5 exerçant l'une quelconque desdites professions.
Une part du capital et des droits de vote, demeurant inférieure à la moitié, peut également être détenue par des personnes mentionnées aux 2° et 3° du même B.
Les organes de contrôle de la société doivent comprendre au moins une personne exerçant la même profession que celle exercée par les sociétés faisant l'objet de la détention des parts ou actions".
La difficulté soulevée par cet article est de comprendre où se situe la "dérogation aux I et II" de l'article 31-1. On y voit l'exclusion de la détention d'un complément à la majorité par des personnes du 5° du B du I de l'article 5, c'est-à-dire relevant d'une profession juridique ou judiciaire autre que celle qui fait l'objet de la société. Un notaire ne pourra intervenir à titre minoritaire dans une SPF d'avocats, ni réciproquement.
Les articles 67-I, 11° e) et f) sont purement rédactionnels. Indiquons simplement qu'au début du cinquième alinéa antérieur à la loi Macron est insérée la mention "IV" qui ouvre sur les dispositions relatives à la dénomination sociale et que l'alinéa 6 est logiquement supprimé.
5° - Article 67-I, 11°, g) de la loi "Macron"
L'avant-dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "Une fois par an, la société de participations financières adresse à l'ordre professionnel dont elle relève un état de la composition de son capital social".
Cette disposition reprend la règle pareillement instituée pour les SEL.
6° - Article 67-I-11, h) de la loi "Macron"
Le dernier alinéa de l'article 31-1 est supprimé. Il mentionnait la compétence d'un décret en Conseil d'Etat, notamment pour l'agrément des SPF pour les offices publics ou ministériels.
B - Article 67-I, 12° de la loi "Macron"
L'article 31-2 de la loi du 31 décembre 1990 concerne les SPF destinées à détenir des SEL exerçant plusieurs des professions libérales dans le domaine patrimonial. C'est donc une société holding de sociétés d'exercice libéral interprofessionnel.
1° - Article 67-I, 12°, a) de la loi "Macron"
Le premier alinéa est ainsi modifié :
- au début, est ajoutée la mention "I. -" ;
- est ajoutée une phrase ainsi rédigée : "Est regardée comme exerçant une de ces professions, pour l'application du présent article, toute personne mentionnée au 6° du B du I de l'article 5 et exerçant l'une quelconque desdites professions".
Il était logique que fussent assimilées aux professions françaises du chiffre ou du droit mentionnées à l'article 31-2 des professions correspondantes exercées dans les pays visés au 6° du B du I de l'article 5, dès lors que les membres de telles professions sont éligibles à la constitution d'une SPF.
2° - Article 67-I, 12°, b) de la loi "Macron"
La première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :
"II. - Sous réserve du III du présent article, plus de la moitié du capital et des droits de vote doit être détenue par des personnes exerçant la ou les mêmes professions que celles exercées par les sociétés faisant l'objet d'une prise de participation et, lorsqu'au moins une des sociétés faisant l'objet d'une prise de participation exerce une profession juridique ou judiciaire, par toute autre personne admise à détenir la majorité du capital social et des droits de vote de ladite société".
La loi ne le dit pas mais il n'est pas inutile de préciser que par "toute autre personne" visée in fine, il convient d'entendre, outre les professionnels exerçant dans la société à raison du principe de base que pose l'article 5-A-I , les personnes "européennes" que l'article 5-B-6° destine à la détention du complément, mais que l'article 6-I-3° nouveau "hisse" à la condition enviable d'éligibilité à la participation majoritaire pour ce qui concerne les SEL de professions juridiques ou judiciaires.
3° - Article 67-I, 12°, c) de la loi "Macron"
Après le 5°, il est inséré un III ainsi rédigé :
"Lorsque la société a pour objet la détention de parts ou d'actions de sociétés ayant pour objet l'exercice de deux ou plusieurs des professions juridiques ou judiciaires, le capital social et les droits de vote peuvent être détenus par toute personne, établie en France ou mentionnée au 6° du B du I de l'article 5, exerçant une ou plusieurs des professions juridiques ou judiciaires. Une part du capital et des droits de vote, demeurant inférieure à la moitié, peut également être détenue par des personnes mentionnées aux 1° à 5° du II du présent article".
Cette disposition est la suite cohérente de la précédente. L'article 67-I, 12°, d) donne une disposition purement rédactionnelle.
4° - Article 67-I, 12°, e) de la loi "Macron"
Après les mots : "parmi les", la fin de l'avant-dernier alinéa est ainsi rédigée : "personnes exerçant les mêmes professions que celles exercées par les sociétés faisant l'objet de la détention des parts ou actions et, lorsqu'au moins une des sociétés faisant l'objet d'une prise de participation exerce une profession juridique ou judiciaire, par toute autre personne admise à détenir la majorité du capital social et des droits de vote de ladite société".
Cette disposition concerne la désignation des dirigeants.
C - Article 67-I, 13° de la loi "Macron"
L'article 34 est ainsi rédigé :
"I. - Les sociétés constituées avant l'entrée en vigueur des décrets prévus aux deuxième et troisième alinéas de l'article 5-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques et aux III et IV de l'article 6, dans sa rédaction résultant de la même loi, se mettent en conformité avec ces décrets, dans un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur desdits décrets.
II. - A l'expiration de ce délai, si un ou plusieurs associés ne remplissant pas les conditions fixées par ces décrets n'ont pas cédé les parts ou actions qu'ils détiennent, la société peut, nonobstant leur opposition, décider de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts ou actions de ceux-ci et de les racheter à un prix fixé, sauf accord entre les parties, dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du Code civil (N° Lexbase : L8956I34). A défaut, tout intéressé peut demander en justice la dissolution de la société. Le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser la situation. La dissolution ne peut être prononcée si, au jour où il est statué sur le fond, cette régularisation a eu lieu".
III - Sociétés interprofessionnelles
L'article 65, 2° de la loi "Macron" dispose que dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de huit mois, les mesures relevant du domaine de la loi pour faciliter la création de sociétés ayant pour objet l'exercice en commun de plusieurs des professions d'avocat, d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, de commissaire-priseur judiciaire, d'huissier de justice, de notaire, d'administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, de conseil en propriété industrielle et d'expert-comptable :
- dans lesquelles la totalité du capital et des droits de vote est détenue, directement ou indirectement, par des personnes exerçant l'une des professions exercées en commun au sein de ladite société ou par des personnes légalement établies dans un Etat membre de l'Union européenne, dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou dans la Confédération suisse qui exercent en qualité de professionnel libéral, dans l'un de ces Etats, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d'une qualification nationale ou internationale reconnue et exerçant une ou plusieurs des professions constituant l'objet social de la société ;
- qui ne peuvent exercer une profession que si l'un de leurs associés remplit les conditions requises pour exercer ladite profession ;
- en préservant les principes déontologiques applicables à chaque profession ;
- en prenant en considération les incompatibilités et les risques de conflits d'intérêts propres à chaque profession ;
- en préservant l'intégrité des missions des professionnels liées au statut d'officier public et ministériel dans l'accomplissement de leurs fonctions ;
- en assurant la représentation d'au moins un membre, en exercice au sein de la société, de chaque profession exercée par la société au sein du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de la société.
Le mariage des professions du chiffre et du droit est annoncé : les bans sont publiés !
Le Professeur Dominique Vidal a accepté de communiquer son adresse e-mail : d.vidal@arbitragecommercial.com
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