Lexbase Affaires n°434 du 3 septembre 2015 : Baux commerciaux

[Textes] Modalités de notification des actes en matière de baux commerciaux : Pinel et Macron, les duettistes d'Echternach

Réf. : Loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances (N° Lexbase : L4876KEC)

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par Jean-Pierre Dumur, Chartered Surveyor (MRICS), Expert agréé par la Cour de cassation, Expert près la Cour Supérieure de Justice de Luxembourg, Schneider International

le 08 Septembre 2015

Petite devinette à l'occasion de la rentrée : connaissez-vous la procession d'Echternach ?
Echternach est une charmante bourgade du Grand Duché de Luxembourg située le long de la vallée de la Sûre marquant la frontière avec la Rhénanie-Palatinat allemande, essentiellement connue pour sa procession dansante du mardi de Pentecôte : sur une mélodie qui ressemble à une polka, les participants avancent en sautant en rangées à travers les rues de la ville, pour arriver à la basilique qui abrite la tombe de saint Willibrord.
Cette procession présentait à l'origine une particularité aujourd'hui abandonnée : comme saint Willibrord était censé guérir, ou au moins soulager, les maladies nerveuses, les crampes et/ou l'épilepsie, les danseurs avançaient de trois pas pour reculer ensuite de deux pas. C'est l'origine de l'expression : "Avancer au pas d'Echternach".
Le pas d'Echternach, mais à l'envers (deux pas en avant, trois pas en arrière), vient d'être ressuscité dans notre beau pays de France en matière de baux commerciaux pour ce qui concerne les modalités de notification des actes, à l'occasion de la publication à un an d'intervalle, de deux textes législatifs :
- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, dite loi "Pinel" (N° Lexbase : L4967I3D) ;
- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dite loi "Macron".
Qu'on en juge... Comme chacun le sait, la loi du 18 juin 2014 était venue modifier le dernier alinéa de l'article L. 145-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L5043I38), en permettant de notifier les congés "par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire, au libre choix de chacune des parties". A l'époque tous les professionnels, qu'ils soient conseils de bailleurs ou de preneurs, avaient attiré l'attention des parlementaires sur les dangers d'une telle mesure.

Mais à toutes ces alertes, la réponse des pouvoirs publics s'était traduite par un "circulez, il n'y a rien à voir", un ministre alors en exercice n'ayant pas craint d'affirmer devant la commission des lois du Sénat que, "si l'acte extrajudiciaire coûte environ 34 fois plus cher que la Lettre Recommandée Avec Demande d'Avis de Réception (ci-après LRADAR), il n'est pas certain qu'il soit 34 fois plus sûr" !

C'est certainement la raison pour laquelle, dans les mois qui ont suivi, le Gouvernement a souhaité "en remettre une couche". Dans sa partie "alléger les obligations de l'entreprise", la version initiale du projet de loi "Macron" comportait en effet un article 56 ayant pour objet de supprimer dans la plupart des cas, le recours obligatoire à l'acte extrajudiciaire dans les relations entre bailleurs et locataires. C'est ainsi que, dans l'exposé des motifs, on pouvait lire : "En matière de baux commerciaux, les relations entre bailleur et locataire sont soumises à un formalisme contraignant. De nombreuses décisions prises par l'une ou l'autre des parties au contrat de bail doivent être communiquées à l'autre partie sous la forme d'un acte extrajudiciaire, c'est-à-dire par le recours à un huissier.
L'article L. 145-31 du Code de commerce autorise déjà le recours à la lettre recommandée avec demande d'avis de réception (LRADAR) lorsque le locataire demande au bailleur le droit de procéder à une sous-location. Récemment, la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, a modifié l'article L. 145-9 du Code de commerce pour permettre que le congé puisse être donné par LRADAR.
Il s'agit de poursuivre cette logique de simplification et de diminution des coûts. Le recours à un huissier a pour objet essentiel de donner date certaine à l'acte transmis. Cet objectif peut être rempli par une LRADAR. L'article permet ainsi le recours à la lettre recommandée avec demande d'avis de réception tout en permettant aux parties, si elles le souhaitent, de recourir à un acte extrajudiciaire délivré par huissie
r".

Le texte de présentation considérait donc clairement cette disposition comme le prolongement de la dernière réforme en matière de congé contenue dans la loi "Pinel", avec pour seul objectif la diminution du coût de signification.

Etaient ainsi visés les articles :
- L. 145-10, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L2008KGH demande de renouvellement) ;
- L. 145-12, alinéa 4, du Code de commerce (N° Lexbase : L2007KGG prise d'effet du bail renouvelé, après exercice par le bailleur de son droit d'option) ;
- L. 145-17, I, 1° du Code de commerce (N° Lexbase : L5745AIM mise en demeure préalable à un refus de renouvellement sans indemnité d'éviction pour motif grave et légitime) ;
- L. 145-18, alinéa 5, du Code de commerce (N° Lexbase : L2006KGE signification par le locataire évincé de son acceptation du local de remplacement proposé par le bailleur, aux lieu et place de l'indemnité d'éviction) ;
- L. 145-19, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L2005KGD notification par le locataire de son droit de priorité, suite à un refus de renouvellement sans indemnité d'éviction pour cause d'immeuble insalubre ou dangereux) ;
- L. 145-47, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L2004KGC déspécialisation partielle) ;
- L. 145-49 alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L2002KGA déspécialisation plénière) ;
- L. 145-55 du Code de commerce (N° Lexbase : L2003KGB renonciation du locataire à sa demande de déspécialisation).

Ainsi, dans le texte initialement soumis à l'Assemblée nationale sous le régime de l'article 49-3 de la Constitution (N° Lexbase : L0876AHW), le Gouvernement persistait et signait : le recours possible à la LRADAR était possible pour tous les actes entre bailleurs et preneurs, sauf :
- pour la réponse négative du bailleur à une demande de renouvellement de bail par le preneur (C. com., art. L. 145-10) ;
- pour le refus de renouvellement dû par le bailleur, pour motif grave et légitime (C. com., art. L. 145-17) ;
- pour le commandement ou la mise en demeure visant la clause résolutoire (C. com., art. L. 145-41 N° Lexbase : L5769AII).

En janvier 2015, nous publiions dans ces colonnes un article (1) dans lequel nous concluions : "Ainsi, contre vents et marées et en dépit de toutes les alertes lancées par les praticiens de la matière depuis des mois sur le sujet, le Gouvernement a donc décidé d'ouvrir en grand la boîte de Pandore', sans se préoccuper des risques énormes que va faire courir aux parties la signification de leurs actes par LRADAR et des conséquences catastrophiques qui pourront en découler, compte tenu des intérêts financiers en jeu en matière de baux commerciaux : à titre d'exemple, pour un locataire qui 'se prendra les pieds dans le tapis' en matière de congé à l'issue d'une période triennale, la sanction sera l'obligation de régler au bailleur trois ans de loyer supplémentaires en pure perte !...et en l'espèce, les occasions de 'se prendre les pieds dans le tapis' sont nombreuses, diverses et variées...".

Mais, comme chacun sait, nul n'est prophète en son pays...

Avec la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, applicable à partir du 8 août 2015, le législateur nous a fait la totale...de l'incohérence !

On trouvera ci-après la version consolidée des articles du Code de commerce impactés par la loi, en matière de modalités de notification des actes relatifs à des baux commerciaux :
- en italique, les dispositions successivement ou alternativement abrogées par les lois "Pinel" et "Macron" ;
- en gras, les nouvelles dispositions introduites par l'article 207 de la loi "Macron" et en vigueur depuis le 8 août 2015.

1 - Article L. 145-4 du Code de commerce

"La durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans.
Toutefois, à défaut de convention contraire [abrogé par la loi "Pinel"], le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, dans les formes et délai de l'article L. 145-9 [abrogé par la loi "Macron"] au moins six mois à l'avance par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire. Les baux conclus pour une durée supérieure à neuf ans, les baux des locaux construits en vue d'une seule utilisation, les baux des locaux à usage exclusif de bureaux et ceux des locaux de stockage mentionnés au 3° du III de l'article 231 ter du Code général des impôts (N° Lexbase : L7785I8T) peuvent comporter des stipulations contraires.
Le bailleur a la même faculté, dans les formes et délai de l'article L. 145-9, s'il entend invoquer les dispositions des articles L. 145-18 , L. 145-21 (N° Lexbase : L5749AIR), L. 145-23-1 (N° Lexbase : L0804HPH) et L. 145-24 (N° Lexbase : L5752AIU) afin de construire, de reconstruire ou de surélever l'immeuble existant, de réaffecter le local d'habitation accessoire à cet usage ou d'exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d'une opération de restauration immobilière et en cas de démolition de l'immeuble dans le cadre d'un projet de renouvellement urbain.
Le preneur ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite du régime social auquel il est affilié ou ayant été admis au bénéfice d'une pension d'invalidité attribuée dans le cadre de ce régime social a la faculté de donner congé dans les formes et délais de l'article L.145-9 [abrogé par la loi "Macron"] prévus au deuxième alinéa du présent article. Il en est de même pour ses ayants droit en cas de décès du preneur.
Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables à l'associé unique d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, ou au gérant majoritaire depuis au moins deux ans d'une société à responsabilité limitée, lorsque celle-ci est titulaire du bail".

2° - Article L. 145-9 du Code de commerce

"Par dérogation aux articles 1736 (N° Lexbase : L1858ABG) et 1737 (N° Lexbase : L1859ABH) du Code civil, les baux de locaux soumis au présent chapitre ne cessent que par l'effet d'un congé donné six mois à l'avance ou d'une demande de renouvellement.
A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil.
Le bail dont la durée est subordonnée à un événement dont la réalisation autorise le bailleur à demander la résiliation ne cesse, au-delà de la durée de neuf ans, que par l'effet d'une notification faite six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil. Cette notification doit mentionner la réalisation de l'événement prévu au contrat.
S'agissant d'un bail comportant plusieurs périodes, si le bailleur dénonce le bail à la fin des neuf premières années ou à l'expiration de l'une des périodes suivantes, le congé doit être donné dans les délais prévus à l'alinéa premier ci-dessus.
Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire [abrogé par la loi "Pinel"] lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire, au libre choix de chacune des parties [introduit par la loi "Pinel" et abrogé par la loi "Macron"] acte extrajudiciaire.
Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné".

3° - Article L. 145-10 du Code de commerce

"A défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois qui précèdent l'expiration du bail, soit, le cas échéant, à tout moment au cours de la prolongation.
La demande en renouvellement doit être notifiée au bailleur par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Sauf stipulations ou notifications contraires de la part de celui-ci, elle peut, aussi bien qu'à lui-même, lui être valablement adressée en la personne du gérant, lequel est réputé avoir qualité pour la recevoir. S'il y a plusieurs propriétaires, la demande adressée à l'un d'eux vaut, sauf stipulations ou notifications contraires, à l'égard de tous.
Elle doit, à peine de nullité, reproduire les termes de l'alinéa ci-dessous.
Dans les trois mois de la notification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, dans les mêmes formes [abrogé par la loi "Macron"], par acte extrajudiciaire, faire connaître au demandeur s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.
L'acte extrajudiciaire notifiant le refus de renouvellement doit, à peine de nullité, indiquer que le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement".

4° - Article L. 145-12 du Code de commerce

"La durée du bail renouvelé est de neuf ans sauf accord des parties pour une durée plus longue.
Les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 145-4 sont applicables au cours du bail renouvelé.
Le nouveau bail prend effet à compter de l'expiration du bail précédent, ou, le cas échéant, de sa prolongation, cette dernière date étant soit celle pour laquelle le congé a été donné, soit, si une demande de renouvellement a été faite, le premier jour du trimestre civil qui suit cette demande.
Toutefois, lorsque le bailleur a notifié, soit par un congé, soit par un refus de renouvellement, son intention de ne pas renouveler le bail, et si, par la suite, il décide de le renouveler, le nouveau bail prend effet à partir du jour où cette acceptation a été notifiée au locataire par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception".

5° - Article L. 145-18 du Code de commerce

"Le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail pour construire ou reconstruire l'immeuble existant, à charge de payer au locataire évincé l'indemnité d'éviction prévue à l'article L.145-14.
Il en est de même pour effectuer des travaux nécessitant l'évacuation des lieux compris dans un secteur ou périmètre prévu aux articles L. 313-4 (N° Lexbase : L5892IZA) à L. 313-4-2 du Code de l'urbanisme et autorisés ou prescrits dans les conditions prévues auxdits articles.
Toutefois, le bailleur peut se soustraire au paiement de cette indemnité en offrant au locataire évincé un local correspondant à ses besoins et possibilités, situé à un emplacement équivalent.
Le cas échéant, le locataire perçoit une indemnité compensatrice de sa privation temporaire de jouissance et de la moins-value de son fonds. Il est en outre remboursé de ses frais normaux de déménagement et d'emménagement.
Lorsque le bailleur invoque le bénéfice du présent article, il doit, dans l'acte de refus de renouvellement ou dans le congé, viser les dispositions de l'alinéa 3 et préciser les nouvelles conditions de location. Le locataire doit, dans un délai de trois mois, soit faire connaître par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception son acceptation, soit saisir la juridiction compétente dans les conditions prévues à l'article L. 145-58 (N° Lexbase : L5786AI7).
Si les parties sont seulement en désaccord sur les conditions du nouveau bail, celles-ci sont fixées selon la procédure prévue à l'article L. 145-56 (N° Lexbase : L5784AI3)".

6° - Article L. 145-19 du Code de commerce

"Pour bénéficier du droit de priorité prévu à l'article L. 145-17, le locataire doit, en quittant les lieux ou, au plus tard dans les trois mois qui suivent, notifier sa volonté d'en user au propriétaire, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, en lui faisant connaître son nouveau domicile ; il doit notifier de même, sous peine de déchéance, tout nouveau changement de domicile.
Le propriétaire qui a reçu une telle notification doit, avant de louer ou d'occuper lui-même un nouveau local, aviser de la même manière le locataire qu'il est prêt à lui consentir un nouveau bail. A défaut d'accord entre les parties sur les conditions de ce bail, celles-ci sont déterminées selon la procédure prévue à l'article L. 145-56.
Le locataire a un délai de trois mois pour se prononcer ou saisir la juridiction compétente. Ce délai doit, à peine de nullité, être indiqué dans la notification visée à l'alinéa précédent. Passé ce délai, le propriétaire peut disposer du local.
Le propriétaire qui ne se conformerait pas aux dispositions des alinéas précédents est passible, sur demande de son locataire, du paiement à ce dernier de dommages-intérêts".

7° - Article L. 145-47 du Code de commerce

"Le locataire peut adjoindre à l'activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires.
A cette fin, il doit faire connaître son intention au propriétaire par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, en indiquant les activités dont l'exercice est envisagé. Cette formalité vaut mise en demeure du propriétaire de faire connaître dans un délai de deux mois, à peine de déchéance, s'il conteste le caractère connexe ou complémentaire de ces activités. En cas de contestation, le tribunal de grande instance, saisi par la partie la plus diligente, se prononce en fonction notamment de l'évolution des usages commerciaux.
Lors de la première révision triennale suivant la notification visée à l'alinéa précédent, il peut, par dérogation aux dispositions de l'article L. 145-38 (N° Lexbase : L5034I3T), être tenu compte, pour la fixation du loyer, des activités commerciales adjointes, si celles-ci ont entraîné par elles-mêmes une modification de la valeur locative des lieux loués".

8° - Article L. 145-49 du Code de commerce

"La demande faite au bailleur doit, à peine de nullité, comporter l'indication des activités dont l'exercice est envisagé. Elle est formée par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et dénoncée, en la même forme, aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce. Ces derniers peuvent demander que le changement d'activité soit subordonné aux conditions de nature à sauvegarder leurs intérêts.
Le bailleur doit, dans le mois de cette demande, en aviser, dans la même forme, ceux de ses locataires envers lesquels il se serait obligé à ne pas louer en vue de l'exercice d'activités similaires à celles visées dans la demande. Ceux-ci doivent, à peine de forclusion, faire connaître leur attitude dans le mois de cette notification.
A défaut par le bailleur d'avoir, dans les trois mois de la demande, notifié son refus, son acceptation ou encore les conditions auxquelles il subordonne son accord, il est réputé avoir acquiescé à la demande. Cet acquiescement ne fait pas obstacle à l'exercice des droits prévus à l'article L. 145-50 (N° Lexbase : L5778AIT)".

9° - Article L. 145-55 du Code de commerce

"A tout moment et jusqu'à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée, le locataire qui a formé une demande conformément aux articles L. 145-47, L. 145-48 (N° Lexbase : L5776AIR) ou L. 145-49 peut y renoncer en le notifiant au bailleur par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et, dans ce cas, il supporte tous les frais de l'instance".

Il résulte de ce qui précède que désormais

  • Concernant le congé :

- le preneur peut signifier un congé en cours de bail, à l'expiration de chaque période triennale, par acte d'huissier ou par LRADAR (C. com., art. L. 145-4, al. 2) ;

- le preneur peut signifier un congé en fin de bail, dans le cas où celle-ci correspond à une période triennale (bail d'une durée de 9 ans ou 12 ans par exemple) par acte d'huissier ou par LRADAR (C. com., art. L. 145-4, al. 2) ;

- le preneur ne peut signifier un congé en fin de bail, dans le cas où celle-ci ne correspond pas à une période triennale (bail d'une durée de 10 ans ou 11 ans par exemple) que par acte d'huissier (C. com., art. L. 145-9, al. 5) ;

- le preneur ne peut signifier un congé en fin de bail dans le cas où celui-ci s'est poursuivi en tacite prolongation que par acte d'huissier (C. com., art. L. 145-9, al.5) ;

- le bailleur ne peut signifier un congé en cours de bail, à l'expiration de chaque période triennale dans les cas visés par les articles L. 145-18, L. 145-21, L. 145-23-1 et L. 145-24 du Code de commerce, que par acte d'huissier (C. com., art. L. 145-4 al. 3) ;

- le bailleur ne peut signifier un congé avec offre de renouvellement, en fin de bail, que par acte d'huissier (C. com., art. L. 145-9, al. 5) ;

- le bailleur ne peut signifier un congé avec refus de renouvellement, en fin de bail, que par acte d'huissier (C. com., art. L. 145-9, al. 5).

  • Concernant la demande de renouvellement :

- le preneur peut signifier une demande de renouvellement par acte d'huissier ou par LRADAR (C. com., art. L. 145-10, al. 2) ;

- le bailleur ne peut signifier son refus à la demande de renouvellement que par acte d'huissier (C. com., art. L. 145-10, al. 4).

  • Concernant la prise d'effet du bail renouvelé après exercice par le bailleur de son droit de repentir :

- le nouveau bail prend effet à compter de la notification du droit de repentir par acte d'huissier ou par LRADAR (C. com., art. L. 145-12, al. 4).

  • Concernant la mise en demeure préalable à un refus de renouvellement sans indemnité d'éviction pour motif grave et légitime :

- la situation est inchangée, à savoir que le bailleur ne peut signifier la mise en demeure que par acte d'huissier (C. com., art. L. 145-17, al. 2).

  • Concernant la signification par le locataire évincé de son acceptation du local de remplacement proposé par le bailleur aux lieu et place de l'indemnité d'éviction :

- le preneur peut signifier son acceptation par acte d'huissier ou par LRADAR (C. com., art. L. 145-18, al. 5).

  • Concernant la notification par le locataire évincé sans indemnité d'éviction d'un immeuble insalubre ou dangereux, de son droit de priorité en cas de reconstruction par le propriétaire ou son ayant-droit d'un nouvel immeuble comprenant des locaux commerciaux :

- le preneur peut signifier son acceptation par acte d'huissier ou par LRADAR (C. com., art. L. 145-19, al. 1er).

  • Concernant le commandement visant la clause résolutoire :

- la situation est inchangée, à savoir que le bailleur ne peut signifier la mise en demeure que par acte d'huissier (C. com., art. L. 145-41, al. 1er).

  • Concernant la déspécialisation partielle : notification par le locataire au bailleur, de son intention d'exercer des activités connexes ou complémentaires :

- le preneur peut signifier son intention par acte d'huissier ou par LRADAR (C. com., art. L. 145-47, al. 2).

  • Concernant la déspécialisation plénière : notification par le locataire des nouvelles activités envisagées, au bailleur et aux créanciers inscrits :

- le preneur peut notifier les nouvelles activités envisagées par acte d'huissier ou par LRADAR (C. com., art. L. 145-49, al. 1er).

  • Concernant la déspécialisation plénière : notification par le bailleur des nouvelles activités envisagées, aux locataires bénéficiaires d'une clause de non-concurrence sur des activités similaires :

- le bailleur peut notifier les nouvelles activités envisagées par acte d'huissier ou par LRADAR (C. com., art. L. 145-49, al. 2).

  • Concernant la déspécialisation partielle ou plénière : notification par le locataire au bailleur, de sa renonciation à exercer d'autres activités :

- le preneur peut signifier sa renonciation par acte d'huissier ou par LRADAR (C. com., art. L. 145-55).

Conclusion

En premier lieu, force est de constater que la nouvelle loi a expressément introduit une inégalité des parties au contrat en matière de notification des actes relatifs à un bail commercial :
- dans la grande majorité des cas, le preneur a la faculté de notifier les actes à son choix, par acte d'huissier ou par LRADAR ;
- à l'inverse, dans la grande majorité des cas, le bailleur reste tenu de notifier ses actes par acte d'huissier uniquement.

En second lieu, il est à craindre que la faculté concédée aux locataires, par la grâce successive des lois "Pinel" et "Macron", de notifier leurs actes par LRADAR se révèle à l'usage une arme à double tranchant : les petits commerçants en quête d'économies risquent en effet de découvrir très vite, et à leurs dépens, que si l'acte extrajudiciaire est 34 fois plus onéreux que la LRADAR, il est plus sûr dans des proportions bien plus importantes...

Et, à cet égard, les controverses et contentieux divers ne tarderont pas à surgir sur la date d'effet des notifications par lettre recommandée avec demande d'avis de réception... laquelle varie selon les circonstances.
Ainsi, lorsque le destinataire accepte le pli remis à son domicile par le service postal, la notification intervient au jour de la remise.
Lorsque le destinataire d'une LRADAR est absent, le service postal laisse un avis de passage :
- si le destinataire retire le pli au bureau de poste, la date de notification sera la date à laquelle le pli a été retiré ;
- si le destinataire refuse d'accepter la lettre, ou l'accepte mais refuse de signer l'accusé de réception, la date de notification est la date du refus ;
- mais surtout, si le destinataire ne retire pas le pli dans le délai de 15 jours pour cause d'absence ou de négligence, la date de notification est celle de la date de la première présentation de la lettre au domicile du destinataire. La LRADAR est alors renvoyée à son expéditeur.

Alors, en pratique : à quelle date un congé notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception sera-t-il réputé remis à son destinataire ?

La loi du 18 juin 2014 n'avait rien prévu à ce sujet.

C'est le décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014 (N° Lexbase : L7060I4A) qui s'était efforcé de combler la lacune en créant, dans la partie réglementaire du Code de commerce, un article R. 145-1-1 (N° Lexbase : L7048I4S) aux termes duquel : "lorsque le congé prévu au 5ème alinéa de l'article L. 145-9 est donné par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la date du congé est la date de la première présentation de la lettre".

Malheureusement, bien que n'ayant pas été abrogé par la loi du 6 août 2015 (un oubli sans doute ?), cet article R. 145-1-1 est aujourd'hui vide de sens, puisque l'article L. 145-9 dans sa nouvelle rédaction impose à nouveau l'acte extrajudiciaire comme seul mode de notification en matière de congé !

On en revient donc aux seules dispositions de l'article 668 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6845H7N), aux termes duquel "la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre".

Quant à la jurisprudence, à ce jour elle ne nous éclaire pas davantage.
Ainsi, dans un arrêt du 13 juillet 2011, rendu en matière de baux d'habitation, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a jugé qu'un congé notifié au locataire par lettre recommandée revenue à son expéditeur avec la mention "non réclamée" ne pouvait pas être déclaré régulier (Cass. civ. 3, 13 juillet 2011, n° 10-20-478, FS-P+B N° Lexbase : A0492HW7).
A l'inverse, dans un arrêt du 16 octobre 2013 rendu en matière de baux commerciaux, dans un dossier où le destinataire n'avait pas retiré à La Poste une LRAR présentée en son absence, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a jugé que la formalité de notification du mémoire en fixation du prix est remplie, lorsque son destinataire est à même de retirer la lettre recommandée présentée à son domicile (Cass. civ. 3, 16 octobre 2013, n° 12-20.103, FS-P+B N° Lexbase : A1029KNG).

Aussi, au vu de ce qui précède et compte tenu de l'importance des enjeux financiers qui peuvent en découler, si l'on veut éviter que la "procession d'Echternach" se transforme en "danse de Saint Guy", il convient évidemment de s'en tenir à la notification par acte d'huissier, laquelle reste et restera le moyen le plus sûr de signifier les actes en matière de baux commerciaux, ne serait-ce que parce que l'acte extrajudiciaire est couvert par la responsabilité civile professionnelle de l'officier ministériel qui le délivre, alors que la mise en cause de La Poste en matière de délivrance d'une LRADAR paraît, sauf revirement peu probable de la jurisprudence, nettement plus aléatoire !


(1) Cf. J.-P. Dumur, Après la loi "Pinel", la loi "Macron" : suppression totale du recours obligatoire à l'acte extrajudiciaire dans les relations entre bailleurs et locataires en matière de baux commerciaux... La boîte de Pandore est grande ouverte, Lexbase Hebdo n° 407 du 8 janvier 2015 - édition affaires (N° Lexbase : N5308BU7).

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