Lexbase Affaires n°434 du 3 septembre 2015 : Bancaire

[Doctrine] Loi "Macron" : dispositions de droit bancaire

Réf. : Loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (N° Lexbase : L4876KEC)

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par Hervé Causse, Professeur d'Université, Directeur du Master Droit des Affaires et de la Banque à l'Université d'Auvergne, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit bancaire"

le 08 Septembre 2015

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, comporte quelques dispositions de droit bancaire et financier qui, techniques, n'en sont pas le coeur. Toutefois, les mesures sur le crédit inter-entreprise libèrent effectivement une activité réservée de principe aux établissements de crédit et, désormais, aux sociétés de financement, mais cette exclusivité, appelée à tort "monopole bancaire", était déjà nuancée de nombreuses exceptions. Les autres mesures ne se placent pas au plan des principes même si, par exemple, la réforme de la récente mobilité bancaire voudrait aider les consommateurs à faire des économies de frais bancaires en leur permettant de plus facilement changer de banque ; mais il n'y a alors guère de perspective de croissance économique ou d'activité y participant et, en outre, ce serait forcer les sens de l'expression que de la rattacher à l'égalité des chances. A peine la loi est-elle sortie des griffes du Conseil constitutionnel, qui en a censuré diverses dispositions (Cons. const., décision n° 2015-715 DC, du 5 août 2015 N° Lexbase : A1083NNG), notamment pour des questions de procédure parlementaire, que le Gouvernement a annoncé que ces mesures seraient reprises dans un autre projet de loi. Cela donne l'occasion de parler de dispositions qui ont failli devenir loi.

On doit, en premier lieu, évoquer la censure, par le Conseil constitutionnel, d'un dispositif sur l'information de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) sur la pratique du refus de compte (art. 265 de la loi "Macron"). Cette disposition complétait l'article L. 312-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5247IXM) d'un alinéa autorisant (?) la Banque de France à alerter l'ACPR si elle avait connaissance d'un cas de refus d'ouverture de compte par un établissement qu'elle aurait pourtant désigné à cette fin. Le moins que l'on puisse dire est que la question ne semble pas essentielle alors que la commission de sanctions de l'ACPR a déjà sanctionné un établissement pour non-respect des dispositions du droit au compte (en réalité au droit au service de base bancaire ; CS ACPR, 11 avril 2014, procédure 2014-03, Société générale). Le refus d'ouverture de compte du banquier et le droit au compte continuent ainsi d'animer les esprits juridiques depuis vingt ans. Certains "détails juridiques" agacent les banquiers au point qu'ils puissent invoquer la Constitution quand la Banque de France désigne un établissement pour ouvrir un compte à une SCI (1).

On peut, en second lieu, évoquer le renoncement de la réforme de l'aval. Elle venait d'un amendement de l'opposition, mais elle avait été acceptée par le Gouvernement. La disposition ne figure pas dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité et qui est celui adopté en dernière lecture. Aux termes de cet amendement, l'entreprise qui fait avaliser un titre par une personne physique devrait, pour recueillir l'aval sur un effet de commerce, lui faire porter une formule plus longue que le seul "bon pour aval", nouvelle formule censée mieux l'informer : "Bon pour aval de la somme de (...) due sur / garantie par mes revenus et mes biens personnels / propres pour une durée de (...)". Cet amendement a peut-être été suscité par quelques rares arrêts sur le sujet, contentieux aisément inspiré du lourd contentieux sur la caution -l'aval est une caution simplifiée en la forme- (2) ; le reverra-t-on un jour ?

On peut désormais en venir au coeur du commentaire à mener. La loi pour la croissance modifie, en pur droit bancaire, le crédit entre entreprises (I) et adapte quelques règles du compte (II).

I - La rénovation du crédit entre entreprises

La rénovation du crédit entre entreprises est acquise par la libération du prêt entre sociétés qui sont, dans l'idée du législateur, quelque chose comme "des partenaires", et elle est promise par l'habilitation à prendre une ordonnance en matière de financement participatif au moyen de bons de caisse.

A - L'instauration d'un pur crédit entre entreprises

Le droit bancaire, avec pour thème essentiel les banques, est une figure juridique qui se voit de moins en moins bien. Le Code monétaire et financier montre déjà, sans comporter toutes les réalités financières, un ensemble de règles gouvernant la finance où la banque est un acteur parmi bien d'autres (3). Plus le temps passe, plus la matière s'enrichit d'acteurs et d'opérations, plus l'idée de "monopole bancaire" utilisée en doctrine est infondée.

La loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances conduit à le rappeler alors qu'elle ouvre une brèche dans l'exclusivité bénéficiant aux établissements habilités (établissements de crédit, établissements de crédit spécialisés et sociétés de financement) pour l'activité de crédit. L'article 167 de la loi pour la croissance élargit le crédit que l'on peut appeler "inter-entreprise" dans des conditions qui devraient interroger les praticiens.

Cette disposition complète l'article L. 511-6 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L3123KGR) qui était déjà fort long. Ce texte l'est aujourd'hui d'autant plus qu'il est également complété par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015, relative à la transition énergétique pour la croissance verte (N° Lexbase : L2619KG4) ; l'article 23 de cette loi y insère la disposition utile pour coordonner la définition et l'activité des "sociétés de tiers-financement", lesquelles sont prévues et définies aux article L. 381-1 (N° Lexbase : L8902IZQ) à L. 381-3 du Code de la construction et de l'habitation (depuis la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, pour l'accès au logement et un urbanisme rénové N° Lexbase : L8342IZY).

Ces précisions étant faites, on revient au coeur du propos. Aux termes du Code monétaire et financier, toute forme de crédit est une opération de banque qui, lorsque l'on entend en faire à titre habituel, et spécialement à titre professionnel, exige un agrément. L'agrément accordé par l'ACPR confère en principe un statut d'établissement lequel est fait de droits et d'obligations. Toutefois, de nombreux financements (et opérations de paiement) échappent à cette exclusivité, soit au profit des entreprises (C. mon. fin., art. L. 511-7 N° Lexbase : L1240I4P), soit d'autres personnes (C. mon. fin., art. L. 511-6). La loi pour la croissance (art. 167) élargit d'ailleurs les possibilités, pour les fondations ou associations reconnues d'utilité publique, de se financer à titre gratuit par des prêts de plus de deux ans : ces opérations sont désormais aussi ouvertes aux personnes morales (C. mon. fin., art. L. 511-6, al. 2, 5°, in fine) ; ces organisations peuvent notamment intervenir en matière de microcrédit. Il y là, incontestablement, une mesure de libération de l'activité car ces organisation en élargissant leurs sources de ressources peuvent espérer octroyer davantage de crédit.

L'essentiel de la question réside cependant dans la situation des entreprises ordinaires et de toutes espèces. On doit rappeler que ces entreprises industrielles et commerciales peuvent se financer ou financer autrui. En vertu de l'article L. 511-7, elles peuvent : (i) faire du crédit fournisseur via des délais de paiement, technique de crédit qui dépend de la transparence tarifaire du droit de la concurrence (4) ; (ii) conclure des locations de logements assorties d'une option d'achat ; (iii) se financer par émission de titres financiers (actions, obligations, etc.), ce qui est évidemment un empire du financement ; (iv) faire des opérations de trésorerie (dépôts, crédits et opérations de paiement) au sein d'un groupe de sociétés contrôlé par l'une d'elles ; (v) émettre certains instruments de paiement aux fins d'achat auprès d'elles ou de ses partenaires (cartes privatives ou accréditives) ; (vi) remettre des espèces en garantie d'opérations sur instruments financiers ou de prêts de titres ou faire des pensions.

L'article L. 511-6, quant à lui, autorise diverses opérations de crédit à raison de la qualité des personnes en cause. Toutefois, son alinéa 2, à son point 3, autorise les avances sur salaires ou les prêts de caractère exceptionnels des entreprises à leurs salariés. Juste après cette disposition, l'article 167 de la loi pour la croissance ajoute un alinéa "3 bis" innovateur qui, lui, vaut principe. Il dispose que l'interdiction de pratiquer des opérations de crédit ne s'applique pas "aux sociétés par actions ou aux sociétés à responsabilité limitée dont les comptes font l'objet d'une certification par un commissaire aux comptes qui consentent, à titre accessoire à leur activité principale, des prêts à moins de deux ans à des microentreprises, des petites et moyennes entreprises ou à des entreprises de taille intermédiaire avec lesquelles elles entretiennent des liens économiques le justifiant".

L'alinéa poursuit et précise : "L'octroi d'un prêt ne peut avoir pour effet d'imposer à un partenaire commercial des délais de paiement ne respectant pas les plafonds légaux définis aux articles L. 441-6 (N° Lexbase : L1780KGZ) et L. 443-1 (N° Lexbase : L1981I3R) du Code de commerce. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions et les limites dans lesquelles ces sociétés peuvent octroyer ces prêts".

La règle ainsi posée autorise nouvellement une assez grande liberté du crédit entre entreprises qui opérait surtout pour le cas spécifique des financements au sein d'un groupe de sociétés. La règle vaut principe tant sa formulation est large. En effet, les prêteurs toutes SA et SARL aux comptes certifiés, et les emprunteurs vont de la microentreprise à la PME en passant par l'ETI (entreprise de taille intermédiaire). Les acteurs possibles sont donc très nombreux.

La condition de l'existence de liens économiques -entre les deux entreprises- qui justifie le prêt restreint à peine ce large champ d'application. En effet, elle peut être interprétée de façon fort large ; il faudra voir si les termes du décret à intervenir restreindront cette liberté ; le Gouvernement annonce l'adoption de dispositions réglementaires dès le mois de septembre 2015 (5). En tout cas, le maximum de deux ans des prêts en cause semble illusoire. Une simple clause de tacite reconduction pourrait déjà permettre de la contourner dans divers cas. Ensuite, rien n'interdira à un emprunteur de signer un nouveau crédit pour solder le précédent qui, ainsi, n'aura pas dépassé le délai de deux ans.

Pour se donner bonne conscience, car on doute que ce soit pour contribuer à une théorie distinguant entre l'économie réelle et la finance, le législateur a formulé une interdiction. Les créances détenues par le prêteur ne peuvent, à peine de nullité, être acquises par un organisme de titrisation, fonds professionnel ou faire l'objet de contrats constituant des instruments financiers à terme ou transférant des risques d'assurance à ces mêmes organismes ou fonds. L'interdiction traduit une volonté politique d'aider au financement de l'économie réelle sans alimenter la pompe de la finance abstraite (à elle on offre aussi bien la société de libre partenariat qui est une nouvelle forme d'organisme de placement collectif).

En la forme, le prêt, la loi ne parle pas de "crédit", est formalisé dans un "contrat de prêt" ; la loi a sans doute voulu dire un écrit. Cet acte sera soumis, selon le cas, aux articles L. 225-38 (N° Lexbase : L8876I37) à L. 225-40 ou aux articles L. 223-19 (N° Lexbase : L5844AIB) et L. 223-20 (N° Lexbase : L5845AIC) du Code de commerce ; le montant des prêts consentis est communiqué dans le rapport de gestion et fait l'objet d'une attestation du commissaire aux comptes selon des modalités prévues par décret en Conseil d'Etat.

Les conditions de politique économique interrogent quant aux applications que les entreprises (qu'on suppose "grandes") feront de cette disposition. Quand le débiteur a un grand besoin de financement, le prêteur a tôt fait de devenir un créancier qui exige et contrôle ce qui se fait chez le débiteur. Même les Etats débiteurs peuvent se mettre à la merci des créanciers, la crise des "dettes souveraines" apprend chaque jour que le pouvoir des créanciers vide de sa substance la souveraineté nationale... On peut donc craindre que le financement soit un mode de gestion qui assujettisse les partenaires économiques fragiles au plan financier. En retour, on peut imaginer des actions en responsabilité civile des emprunteurs contre les prêteurs pour des prêts inadaptés, pour des actes ou faits d'ingérence, pour des refus de prêts jugés à contretemps ou intempestifs. La théorie appelle une pratique : les modèles de contrats de prêt devront être étoffés, précis et pertinents pour prévenir ces contentieux. La technique contractuelle est trop souvent oubliée en droit bancaire. En tout cas, la problématique du droit bancaire, qui désigne le "droit de la banque", devient, on le disait in limine, une problématique plus large qui est désormais une problématique de droit de l'argent ou, si l'on préfère, de droit bancaire et financier. En tout cas, elle n'est pas limitée aux entités bancaires.

B - L'initiation d'un financement participatif par les bons de caisse

La loi pour la croissance autorise le Gouvernement à prendre une ordonnance qui intéresse le droit bancaire tout en étant à la frontière de ce que l'on appelle le "droit des marchés financiers" (objet de diverses dispositions propres). Une ordonnance pourra réformer l'ordonnance sur le financement participatif (ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014, relative au financement participatif [LXB=L3580I3Y6]). Ce texte, adopté il y a moins d'un an, a enrichi le Code monétaire et financier. La réforme à intervenir visera à réveiller une "belle endormie" : l'émission de bons de caisse.

Les articles L. 223-1 (N° Lexbase : L0044DZN) et suivants du Code monétaire et financier régissent l'émission, l'exposition, la mise en vente ou en circulation par voie d'offre au public, de bons à ordre ou au porteur, délivrés en contrepartie d'un prêt, comportant l'engagement, par un commerçant, de payer telle personne à échéance déterminée -voyez aussi l'article L. 232-1 N° Lexbase : L0375DZW sur la sanction pénale- (7).

Ces titres "incorporant" un prêt, ils sont dans la lignée du financement participatif qui s'applique aux prêts ; toutefois, ils n'en sont pas dans le domaine puisqu'ils sont des titres, et alors même qu'ils ne sont pas des titres financiers (ni du reste des instruments financiers). La technique que consacrera l'ordonnance à venir, dans les neuf mois suivant la loi pour la croissance, autorisera certains professionnels du financement participatif à opérer. Il devrait consister à leur permettre l'intermédiation, par une plateforme électronique, de bons de caisse, ce qui va amener à réfléchir à nouveau à ces titres. Ce ne sera pas de l'appel public à l'épargne, ou de l'offre de titre financier, ce sera une technique nouvelle, qui se rapprochera de ces deux processus sans transformer les titres en valeurs mobilières supposant de déterminer un ensemble de titres (une émission globale). Au plan économique, la technique devrait encore bénéficier aux PME et PMI et participer du développement du financement entre entreprises.?

II - L'adaptation des règles des comptes bancaires

La loi réforme la mobilité bancaire et précise à la marge le régime des comptes inactifs.

A - La mobilité bancaire réformée

La loi réforme le récent dispositif relatif à la "mobilité bancaire" institué par la loi "Hamon" du 17 mars 2014 (loi n° 2014-344, relative à la consommation N° Lexbase : L7504IZX). Il s'agit de dispositions permettant aux clients de faire jouer la concurrence en changeant plus aisément d'établissement, ce qui est communément appelé le "transfert de compte" quand un client veut "changer de banque".

Il ne faut pas confondre la mobilité bancaire avec la portabilité du numéro de compte, la loi Hamon ayant prévu, à son article 53 instaurant la mobilité bancaire, un rapport du Gouvernement au Parlement sur ce sujet. Ce rapport, rendu en décembre 2014, est défavorable à la portabilité, laquelle pourrait ou aurait pu être une modalité de la mobilité bancaire ; le numéro de compte ne peut pas être attaché à un client car il incorpore des chiffres qui identifient la banque. Le rapport a ainsi été l'occasion d'une réflexion sur la portabilité en général...

Il ne faut pas non plus confondre la mobilité bancaire, quoiqu'il y ait moins de raison pour y succomber, avec la "domiciliation bancaire", dont les nouveaux textes parlent ; cette notion plus traditionnelle vise le fait et la situation où un créancier peut correspondre avec le banquier de son débiteur et client. Mais les deux thèmes ont un rapport : la mobilité bancaire vise donc, à l'occasion d'un changement de banque, à changer de domiciliation bancaire quand une telle domiciliation a été mise en place.

L'article 43, I, de la loi pour la croissance retouche et complète l'article L. 312-1-7 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L1778KGX), son entrée en vigueur étant prévue dix-huit mois après la publication (art. 42, II), soit le 6 février 2017. Depuis la loi du 17 mars 2014, les établissements ont des obligations visant à garantir l'effectivité d'une décision de mobilité bancaire (1°), dispositif qui est donc modifié par la "loi Macron" (2°).

1° - La mobilité bancaire selon la loi "Hamon" de 2014

La loi fixe la situation en posant en principe que "la clôture de tout compte de dépôt ou compte sur livret est gratuite". On comprend bien pourquoi, ici, la gratuité est posée en principe ; néanmoins, on se demande pourquoi certains services bancaires doivent être gratuits -pour que d'autres soient plus chers ?- Il serait intéressant de vérifier si la jurisprudence européenne, garante des libertés économiques fondamentales, autorise les Etats membres de l'Union européenne à imposer la gratuité et, si oui, à quelles conditions ; les banquiers français ne s'en sont peut-être pas soucié parce que leur mode de fonctionnement est la négociation permanente avec l'Etat (ce qui évoque davantage la monarchie absolue que la République et l'Etat de droit).

Le dispositif s'applique aux comptes de dépôt et aux comptes de paiement ouverts auprès de tous les prestataires de services de paiement et détenus par les personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels. Les établissements de crédit mettent à la disposition de leurs clients, gratuitement et sans condition, une documentation relative à la mobilité bancaire (et, plus spécialement, l'établissement de départ informe également le client de l'existence d'un service de relations avec la clientèle et de la médiation pour en traiter les litiges). Elle a encore prévu que les modalités d'application du présent article sont définies par décret, lequel a récemment été adopté (décret n° 2015-838 du 8 juillet 2015, relatif à la prise en compte par les émetteurs de prélèvements des modifications de coordonnées bancaires par leurs clients N° Lexbase : L4216KAE, v. C. mon. fin., art. R. 312-4-4 N° Lexbase : L3562KA8).

Le dispositif actuel repose donc sur l'obligation, pour l'établissement d'arrivée (qui ouvre le nouveau compte de dépôt "dans le cadre du changement de domiciliation bancaire"), de proposer au client, gratuitement et sans condition, un service d'aide à la mobilité bancaire. Si le client souhaite en bénéficier, l'établissement d'arrivée recueille son accord formel pour effectuer, en son nom, les formalités liées au changement de compte afin que les virements et prélèvements réguliers soient présentés sur le nouveau compte. Le prestataire s'immisce alors dans les affaires du client en vertu d'une loi et d'un acte juridique spécial. L'établissement de départ, teneur du compte de dépôt que le client souhaite clôturer, propose sans frais ni pénalités, dans les cinq jours ouvrés suivant la demande de clôture, un récapitulatif des opérations automatiques et récurrentes de ce compte au cours des treize derniers mois.

L'établissement d'arrivée communique, dans un délai de cinq jours ouvrés à compter de l'ouverture d'un nouveau compte, les nouvelles coordonnées bancaires aux émetteurs de prélèvements et de virements réguliers, au vu des informations fournies par le client. Les émetteurs de prélèvements disposent, pour prendre en compte ces modifications, et informer le client, de dix jours et, à titre transitoire, de vingt jours pour les changements reçus avant le 1er avril 2017 (C. mon. fin., art. R. 312-4-4, 2°).

En cas de présentation d'un chèque au paiement au cours des treize mois suivant la clôture du compte, l'établissement de crédit de départ informe par tout moyen approprié l'ancien titulaire du compte qu'il a l'obligation de refuser le paiement du chèque et des conséquences de ce refus, ainsi que des conditions dans lesquelles l'ancien titulaire du compte peut régulariser sa situation.

Ce dispositif a été adapté sur plusieurs points par la loi pour la croissance.

2° - La mobilité bancaire selon la loi "Macron"

Le principe précité de la liberté et de la gratuité de la fermeture du compte, qui forge la mobilité bancaire, fait désormais l'objet d'un I à l'article L. 312-1-7 (N° Lexbase : L1778KGX), et son II réaménage les modalités de l'information du client sur ladite mobilité bancaire par une documentation (un document de site internet se conçoit désormais) (8). L'essentiel du dispositif présenté ci-dessus est sinon remplacé par sept alinéas, mais le cadre général demeure avec des établissements d'arrivée et de départ, des émetteurs et des clients. Ce coeur de dispositif fait désormais l'objet d'un III de l'article L. 312-1-7.

Le service d'aide à la mobilité bancaire est modernisé car l'établissement d'arrivée propose au client un changement automatisé des domiciliations bancaires, vers le nouveau compte. Si le client souhaite bénéficier de ce service, l'établissement d'arrivée recueille toujours et encore son accord formel. Désormais dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la réception de cet accord -c'est assez court-, l'établissement d'arrivée sollicite de l'établissement de départ le transfert des informations relatives aux mandats de prélèvements valides, aux virements récurrents de ce compte des treize derniers mois, mais aussi les informations relatives aux chèques non débités des chéquiers utilisés au cours des treize derniers mois. L'établissement de départ transfère ces informations à l'établissement d'arrivée dans un délai de cinq jours ouvrés à compter de la réception de la demande qui lui a été faite par l'établissement d'arrivée.

On peut dire que la collaboration entre les établissements est désormais complète. Elle s'enrichit des obligations du nouvel établissement qui, en quelque sorte, met en place le nouveau compte. Dans un délai de cinq jours ouvrés à compter de la réception des informations demandées à l'établissement de départ, l'établissement d'arrivée communique les coordonnées du nouveau compte aux émetteurs de prélèvements valides et de virements récurrents (on parle ainsi des ordres permanents et en cours, non résiliés). Ces émetteurs disposent toujours d'un délai pour prendre en compte ces modifications et informer le client ; le décret précité, récent, devrait être maintenu avec ses deux délais de dix et vingt jours.

L'information du client est plus complète : l'établissement d'arrivée informe son client de la liste des opérations pour lesquelles le changement de domiciliation a été envoyé à ses créanciers et à ses débiteurs et lui adresse la liste des formules de chèques non débitées transmise par l'établissement de départ. Avec elle, le client doit pouvoir agir pour régulariser ces divers cas. Il informe également le client des conséquences d'un incident de paiement en cas d'approvisionnement insuffisant de son compte dans l'établissement de départ, si ledit client a fait le choix de ne pas le clôturer ; voilà un luxe qui va poser des problèmes pratiques car il va falloir que la lettre distingue selon les instruments de paiement en cause, alors que le client connaît ces conséquences, à la fois en vertu des termes contractuels qu'il a agréés et de la loi (nemo censetur ignorare legem).

Après la loi pour la croissance, ce n'est plus l'établissement de départ, mais celui d'arrivée, qui informe le client de l'existence d'un service de relations avec la clientèle et de la médiation pouvant traiter les litiges éventuels liés au changement de domiciliation bancaire.

Un paragraphe IV poursuit la restructuration de l'article L. 312-1-7 sur la mobilité bancaire pour le cas où le client désire la clôture du compte dans l'établissement de départ, ce n'est ni obligé, ni automatique. Dans ce cas, ce dernier informe gratuitement, durant une période de treize mois à compter de la date de clôture du compte, par tout moyen approprié et dans un délai de trois jours ouvrés, le titulaire du compte clôturé ayant bénéficié du présent service d'aide à la mobilité de la présentation d'ordres sur le compte clos (9). Le Code monétaire et financier voit ainsi consacrée une obligation post-contractuelle. Un second alinéa de ce paragraphe IV ajoute que l'établissement de départ transfère sur le compte ouvert auprès de l'établissement d'arrivée tout solde positif éventuel (le terme éventuel est mal choisi pour un compte de dépôt devant a priori afficher un solde créditeur). Il le fait à la date indiquée dans l'accord formel du client. Le début de la phrase semble indiquer que c'est un transfert de droit, mais l'alinéa se termine en évoquant l'accord formel du client. Sur un plan pratique, et notamment de technique contractuelle, il n'y a là aucune amélioration : il faudra toujours une clause indiquant le solde définitif, sa date de transfert et le compte destinataire ! Voilà un alinéa qui semble inutile alors qu'il aurait pu suggérer qu'une bonne clôture requiert un arrêté de compte, acte juridique qui indique la clôture, le solde et les modalités du règlement du solde qui s'impose sur-le-champ avec une clause d'acquit (10). Si cet alinéa suggère la bonne méthode de clôture, qui consiste en un acte écrit et signé constatant la fermeture du compte, alors il ne le fait pas assez clairement.

Les derniers alinéas sont structurés par la loi pour la croissance en des paragraphes V, VI et VII. Le premier vise le transfert auprès d'une banque de l'Union européenne (11). Le paragraphe IV détermine le domaine du service d'aide à la mobilité bancaire ; on l'a déjà précisé quant aux comptes (de dépôt ou aux comptes de paiement), aux professionnels (tout prestataire de services de paiement) et quant aux clients (personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels). Le dernier alinéa formant le VII reste inchangé qui habilite le Gouvernement à prendre un décret pour préciser les modalités d'application de ces alinéas ; il est annoncé un décret pour le mois de décembre 2015, en sorte que le décret précité, si récent soit-il, sera modifié ou complété (12).

B - Le régime des comptes inactifs précisé

Le régime du compte inactif est légèrement précisé par la loi pour la croissance (art. 140), ce qui donne en vérité l'occasion de le rappeler. Ce régime concerne le compte qui n'est pas fermé, dont le solde est créditeur, et qui demeure inactif pendant dix ans (absence d'opération initiée par son titulaire ou représentant). La loi n° 77-4 du 3 janvier 1977, codifiée (CGPPP, art. 1126-1, 3° N° Lexbase : L0398H4I et 1126-3 N° Lexbase : L7822IPE), oblige l'établissement à clôturer le compte. Cette fermeture légale et obligatoire du compte impose d'en verser le solde à la Caisse de dépôts et consignations. Ce processus permet notamment le jeu d'une prescription acquisitive de l'Etat, au terme de trente ans, sur tout dépôt effectué dans un établissement (au premier rang de ces nombreux dépôts figurent les dépôts de monnaie). Ce dispositif a été réaménagé par la loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance vie en déshérence (N° Lexbase : L4865I3L) et récemment précisé par un décret publié au Journal officiel du 30 août 2015 (décret n° 2015-1092 du 28 août 2015, relatif aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance vie en déshérence N° Lexbase : L8765KGQ). Les règles, dont l'entrée en vigueur est prévue au 1er janvier 2016, se trouvent dans quelques articles du Code monétaire et financier (C. mon. fin. art. L. 312-19 N° Lexbase : L4876I3Y et L. 312-20 N° Lexbase : L4877I3Z, et art. L. 321-4 N° Lexbase : L4878I33 pour les comptes de professionnels rendant des services d'investissement ; comme l'assureur pour les assurances-vie en déshérence, le banquier doit chercher son client et consulter annuellement le répertoire national d'identification des personnes physiques). La modification n'a pas valeur de principe et n'est donc mentionnée que pour mémoire. L'article L. 312-20 du Code monétaire et financier est précisé quant au point de départ du délai, qui de dix ans passe à vingt ans, pour les plans d'épargne-logement (le dernier versement) si leur titulaire n'a pas d'autres comptes dans l'établissement ; la durée de détention auprès de la Caisse des dépôts et consignations pour ces mêmes plans est fixée (dix ans).


(1) CE, 10 septembre 2014, 6ème et 1ère s-s-r., n° 381183, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4379MW4), nos obs. in. Panorama de droit bancaire et financier - Première partie (institutions, institutions de régulation et monnaies ; comptes, paiements et instruments de paiement), Lexbase Hebdo n° 407 du 8 janvier 2015- édition affaires (N° Lexbase : N5318BUI) ; pour un point sur le droit au compte : G. Decocq, Y. Gérard, J. Morel-Maroger, Droit bancaire, 2014, p. 254, n° 359 et s..
(2) Nos obs., Droit bancaire et financier, Mare et Martin, 2015, n° 616 et 629, à paraître.
(3) Sur l'idée de finance saisie par le droit : nos obs., Droit bancaire et financier, préc., n° 31, 40 et 1460.
(4) En application de l'article L. 441-3 (N° Lexbase : L7987IZT) sur la facture et L. 441-6, alinéa 5 (N° Lexbase : L1769KGM), sur la transparence tarifaire, le paiement doit intervenir à 45 jours fin de mois ou à 60 jours au maximum ; le fournisseur ne peut donc pas financer plus largement ses acheteurs, étant entendu qu'il applique ses tarifs de façon égalitaire. Une Directive fixe le délai de paiement à 30 jours et, exceptionnellement, à 60 jours dans les relations avec les pouvoirs publics.
(5) Dossier législatif de Légifrance, Echéancier de mise en application de la loi
(6) Nos obs., Droit bancaire et financier, préc., n° 1459.
(7) Sur ces bons, nos obs., Droit bancaire et financier, préc., n° 858.
(8) "II. - Les établissements de crédit mettent à la disposition de leurs clients une documentation relative à la mobilité bancaire, gratuitement et sans condition, sur papier ou sur un autre support durable, dans leurs locaux et sous forme électronique sur leur site internet".
(9) Soit de la présentation de toute opération de virement ou prélèvement sur compte clos ; cette information est faite au moins une fois par émetteur impliqué ; soit de la présentation d'un chèque sur compte clos. L'ancien titulaire du compte clôturé est également informé par l'établissement de départ qu'il a l'obligation de refuser le paiement du chèque et des conséquences de ce refus, ainsi que des conditions dans lesquelles il peut régulariser sa situation.
(10) Nos obs., Droit bancaire et financier, préc., n° 962.
(11) "En cas d'ouverture d'un compte auprès d'un établissement situé dans un autre Etat membre de l'Union européenne, l'établissement de départ, teneur du compte de dépôt que le client souhaite clôturer, propose gratuitement, dans les six jours ouvrés qui suivent la demande de clôture du compte, un récapitulatif des opérations automatiques et récurrentes ayant transité sur ce compte au cours des treize derniers mois.
L'établissement de départ transfère tout solde positif éventuel du compte, sous réserve de disposer des informations permettant d'identifier l'établissement d'arrivée et le nouveau compte du client. Ce transfert est opéré à la date sollicitée par le client, au plus tôt six jours ouvrés après la réception de la demande de clôture du compte
".
(12) Echéancier de mise en application de la loi, préc note 5. 

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