Le choix d'imposer à tous les avocats d'un barreau de participer par leurs cotisations et les ressources de l'Ordre au financement d'une assurance non imposée par la loi est de nature à contredire le caractère indépendant et libéral de la profession, en collectivisant le risque lié à la perte de collaboration, inhérent au caractère libéral du statut d'avocat collaborateur, pour le faire supporter par l'ensemble de la profession. Au surplus, l'octroi de cet avantage aux avocats collaborateurs, alors que les autres avocats libéraux, exerçant à titre individuel ou en qualité d'avocats associés, n'en disposent pas, introduit une rupture d'égalité, non prévue par la loi, dans l'exercice de la profession. Si l'article 17- 6° de la loi de 1971 (
N° Lexbase : L6343AGZ) permet au conseil de l'Ordre de traiter toute question intéressant l'exercice de la profession et de veiller à l'observation des devoirs des avocats ainsi qu'a la protection de leurs droits et, notamment, d'administrer et d'utiliser les ressources de l'Ordre pour assurer les secours, allocations ou avantages quelconques attribués à ses membres ou anciens membres, ces pouvoirs ne peuvent être exercés que sous réserve du respect des règles de la profession d'avocat. La délibération litigieuse, non compatible avec le caractère libéral et indépendant de la profession pour les motifs ci-dessus exposés, sera en conséquence annulée. Telle la sentence de la cour d'appel de Rouen rendue dans un arrêt du 19 mars 2014 (CA Rouen, 19 mars 2014, n° 13/04940
N° Lexbase : A2097MH7 ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E9310ETY). Pourtant, le conseil soutenait que la délibération était compatible avec la nature libérale de l'activité d'avocat, les valeurs libérales de la profession d'avocat ne s'attachant pas à une prise de risque ou à un esprit d'entreprise mais seulement à son mode d'exercice indépendant de son client et à la nature de sa prestation, un service intellectuel. Il contestait, également, qu'il soit ainsi porté atteinte à l'égalité entre les avocats et faisait valoir qu'il s'agissait, durant les premiers mois suivant la perte de la collaboration, de permettre à un confrère avocat, en règle générale débutant dans la profession, d'éviter d'accepter, sous pression professionnelle et financière, une collaboration aux conditions parfois peut-être abusives ou de s'installer sans les ressources nécessaires à assurer la pérennité de son exercice. Mais, pour la cour, le caractère libéral de la profession d'avocat fait référence, d'une part, à l'indépendance de l'avocat tant par rapport à l'Etat que par rapport à ses clients, personnes morales ou physiques, mais aussi, d'autre part, à sa liberté et à sa responsabilité dans l'exercice de ses fonctions, sous la seule réserve du contrôle exercé par l'Ordre. Et, les collaborateurs libéraux disposent de la même indépendance. Aucune charge non rendue obligatoire par la loi ou par la réglementation de la profession ne peut être imposée à l'avocat libéral.
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