Lexbase Contentieux et Recouvrement n°5 du 29 mars 2024 : Procédure civile

[Panorama] Panorama de procédure civile 2023

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N8602BZM

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par Etienne Vergès, Professeur à l’Université Grenoble Alpes, directeur scientifique Lexbase de la revue Droit privé et de l’ouvrage de procédure civile

le 26 Avril 2024

Mots-clés : principes directeurs • concentration • prescription • preuve civile • péremption d’instance • homologation • transaction

L’actualité de la procédure civile au second semestre a été marquée par la publication du décret du 29 décembre 2023 qui a fait l’objet d’un commentaire détaillé dans cette revue. Nous nous concentrons donc sur l’actualité jurisprudentielle du mois de juillet au mois de décembre 2023, en opérant quelques retours en arrière lorsque cela s’avère nécessaire. Les grands thèmes de la procédure civile sont à l’honneur : les principes directeurs (principe de concentration), la prescription de l’action et la preuve. D’autres actualités importantes seront abordées à la fin de la chronique (la péremption d’instance, l’homologation d’une transaction).


 

Sommaire

I. Principes directeurs du procès : le principe de concentration

- Cass. com., 15 février 2023, n° 21-21.502, F-D
- Cass. civ. 2, 15 décembre 2022, n° 21-16.007, F-B
- Ass. plén., 14 avril 2023, n° 21-13.516

II. Prescription civile

  • Le délai de l’action en garantie des vices cachés

- Cass. mixte, 21 juillet 2023, quatre arrêts,  n° 21-15.809, n° 21-17.789, n° 21-19.936, n° 20-10.763, B+R

  • Point de départ du délai pour agir en restitution en cas de nullité d’une clause abusive (prêts libellés en franc suisse)

- Cass. civ. 1, 12 juillet 2023, n° 22-17.030, FS-D

  • Point de départ de la prescription d’un acte illicite ininterrompu

- Cass. civ. 1, 15 novembre 2023, n° 22-23.266

III. Preuve civile : production des pièces et mesures d’instruction

- Ass. plén. 22 décembre 2023, n° 20-20.648
- Cass. civ. 1, 6 décembre 2023, n° 22-19.285, FS-B
- Cass. soc., 20 décembre 2023, n° 21-20.904, FS-B
- Cass. com. 28 juin 2023, n°22-11.752, F-B

IV. Autres arrêts signalés

  • Sur la péremption d’instance

- Cass. civ, 21 décembre 2023, deux arrêts, n° 17-13.454, n° 21-20.034, FS-B

  • L’exécution d’un accord homologué

- Cass. civ. 2, 26 octobre 2023, n° 21-19.844, FS-B


Comme indiqué précédemment, le présent aperçu se focalise sur l'actualité jurisprudentielle, excluant la revisite du décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 portant simplification de la procédure d'appel en matière civile N° Lexbase : L9662MK3 qui a déjà fait l'objet d'une analyse approfondie dans cette revue [1].

I. Principes directeurs du procès : le principe de concentration

Trois arrêts récents alimentent la jurisprudence, aujourd’hui abondante, qui définit progressivement le contenu et les contours du principe de concentration.

Le premier aborde une question nouvelle à propos du cautionnement (Cass. com., 15 février 2023, n° 21-21.502, F-D N° Lexbase : A43649DY). Dans cette espèce, une banque avait assigné en paiement la caution d’un prêt en se fondant sur un cautionnement consenti le 1er avril 2009. Toutefois, elle fut déboutée de sa demande, les juges ayant estimé que le cautionnement était inopposable à la caution. Fort d’un second acte de cautionnement conclu le 27 juillet 2011 entre les mêmes parties et portant sur le même prêt, la banque a agi une nouvelle fois contre la caution. Sa demande a été déclarée irrecevable par la cour d’appel en raison de l’autorité de la chose jugée de la première décision. Cette espèce est intéressante, car elle pose la question de l’application du principe de concentration des moyens à deux demandes formulées dans deux instances différentes, portant sur la même dette, mais fondées sur deux sûretés différentes. Pour défendre la dualité d’objets des deux demandes successives, la banque invoquait deux arguments. D’une part, elle prétendait que la seconde demande tendait à « l’exécution d’un contrat de cautionnement distinct » de celui qui fondait la première demande. En suivant cette argumentation, on aurait pu considérer que le changement de cautionnement provoquait une modification de l’objet du litige. D’autre part, la banque arguait que le premier jugement s’était limité à statuer sur l’inopposabilité du premier cautionnement. Selon cet argument, il fallait en déduire qu’elle ne s’était pas prononcée sur la demande en paiement de la dette par la caution.

Ces arguments sont balayés par la Chambre commerciale. Cette dernière reprend à son compte l’analyse faite par la cour d’appel, selon laquelle l’objet des deux actions exercées par la banque est identique : il s’agit du paiement par la caution de sommes dues au titre du prêt. Les deux cautionnements successifs représentaient alors deux moyens distincts pour un même objet. La banque avait déjà conclu les deux cautionnements (en 2009 et 2011) le jour où elle avait exercé sa première action en paiement (en 2014). Par conséquent, elle aurait dû présenter dans l’instance relative à cette demande tous les moyens de nature à la fonder. La solution est, somme toute, assez classique. Lorsqu’une partie demande l’exécution d’un contrat, l’objet de la demande porte sur ce qui doit être exécuté : un paiement ou une exécution en nature. Le contrat n’est que le fondement juridique de cette demande. Ce qui pouvait créer de la confusion dans cette espèce, c’est qu’un même prêt était garanti par deux cautionnements distincts, conclu entre les mêmes parties. Mais il faut reconnaître que dans les deux instances, la banque demandait à la caution de payer les échéances d’un seul et même prêt. L’objet du litige était donc le même. Seul le moyen changeait.

Le second arrêt, rendu cette fois par la deuxième chambre civile, est plus intéressant, car il porte sur la distinction entre les différents postes d’un préjudice corporel (Cass. civ. 2, 15 décembre 2022, n° 21-16.007, F-B N° Lexbase : A49708Z4). Lorsqu’une personne est victime d’un préjudice corporel, la question qui se pose est celle de savoir si les différents postes de préjudices allégués constituent autant d’objets distincts. En l’espèce, un enfant avait été victime d’un accident et son représentant légal avait sollicité la réparation des divers préjudices corporels. Dans cette première instance, le rapport d’expertise précisait que l’état de la victime était consolidé, mais qu’il devrait être réexaminé avant et après la puberté. À l’issue de la puberté, la victime présenta une nouvelle demande d’indemnisation pour des frais de prothèse pour la période postérieure à la fin de la puberté. Cette demande fut déclarée irrecevable par la cour d’appel. Selon les juges du second degré, les frais de prothèse étaient relatifs à un dommage futur et la victime aurait dû « solliciter qu'ils soient réservés ». En ne présentant pas une telle demande dès la première instance, la victime était irrecevable à les présenter dans une instance postérieure.

Cet arrêt invitait la Cour de cassation à préciser sa position sur deux questions importantes. Il s’agissait d’une part de savoir si l’obligation de concentration pouvait s’appliquer à tous les postes de préjudices issus d’un même accident. Il s’agissait d’autre part de s’interroger sur l’obligation de demander à ce que certains droits à réparation soient « réservés », dans l’attente d’une évaluation future. La deuxième chambre civile prend nettement position sur ces deux questions. Dans un premier temps, elle juge que la victime n’était pas tenue de « faire réserver ces droits ». La formule est heureuse. La réserve de droit est un concept trompeur, même s’il est utilisé en pratique. Un bref regard outre-Atlantique nous apprend que cette question a été tranchée avec beaucoup de bon sens par un juge québécois. Celui-ci à répondu à un plaideur qui souhaitait qu’une réserve de droit lui soit reconnue en justice : « une partie a des droits ou elle n'en a pas. » [2]. Si une partie dispose d’un droit à voir son préjudice réparé, il n’est nul besoin de voir ce droit réservé. Le droit existe par lui-même. C’est d’ailleurs ce que précise la Cour de cassation dans un second temps. Elle affirme ainsi que la victime « n'était pas tenue de présenter, au cours de la première instance, toutes les demandes fondées sur le dommage qu'elle avait subi ». Là encore, la formule mérite d’être saluée. On sait que le principe de concentration est pris dans une controverse jurisprudentielle qui oppose la stricte concentration des moyens et la conception plus large, qui consiste à obliger les parties à concentrer toutes les demandes fondées sur une même cause (par ex. Cass. civ. 1, 28 mai 2008, n° 07-13.266, FS-P+B+I N° Lexbase : A7685D87). La deuxième chambre civile défend la conception stricte du principe de concentration, mais certains de ses arrêts ont été marqués par une certaine ambiguïté[3]. Dans cette affaire, on aurait pu imaginer que la victime soit tenue de présenter, dès la première instance, l’ensemble des demandes d’indemnisations fondées sur l’accident qui en constituait la cause unique.

Telle n’est pas la solution adoptée dans cet arrêt. La deuxième chambre civile s’en tient à une conception classique de l’objet du litige, conforme à l’idée que cet objet est la chose des parties. Elle en déduit qu’une partie peut scinder ses prétentions et les faire juger au cours d’instances distinctes. Cette logique ne tient pas compte de l’impératif d’efficacité procédurale, car elle conduit certaines parties à démultiplier les procédures. Toutefois, dans l’espèce étudiée les faits devaient nécessairement conduire à une telle solution. L’expert avait précisé que la situation de la victime devrait être réexaminée à deux moments de sa vie, et les frais de prothèse, sur lesquels portait le litige, ne pouvaient être anticipés au cours de la première instance. Certes, il s’agissait bien d’un préjudice futur, mais dont l’évaluation ne pouvait avoir lieu qu’à l’issue de la puberté. On comprend bien ici que le courant jurisprudentiel qui tend à obliger les parties à concentrer leurs demandes n’est ni juste ni réaliste. La deuxième chambre civile semble monter la garde pour éviter que le principe de concentration ne se transforme en un instrument d’évacuation des litiges au détriment des droits des parties.

C’est précisément la protection des droits des parties qui a conduit l’assemblée plénière à rendre l’arrêt le plus marquant de l’année à propos du principe de concentration (Ass. plén., 14 avril 2023, n° 21-13.516 N° Lexbase : A02279P4). Il s’agissait ici de trancher une question de principe portant sur l’incidence de l’action de la victime au pénal sur l’instance civile qui devait conduire à trancher la question de la responsabilité civile de l’auteur de l’infraction. En l’espèce, une personne était décédée à la suite d’un accident de la circulation dont l’auteur avait été poursuivi pénalement pour homicide involontaire puis relaxé. Dans de telles circonstances, les victimes (ici l’épouse et les enfants de la personne décédée) avaient la possibilité de former une demande de dommages et intérêts devant le juge pénal en application de l’article 470-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9931IQU. Cette disposition permet à la victime d’obtenir réparation devant le juge pénal sur le fondement des règles du droit civil (en l’espèce, la loi du 5 juillet 1985 N° Lexbase : L7887AG9 qui édicte un régime de responsabilité sans faute pour les accidents de la circulation). Tel n’était pourtant pas le cas en l’espèce, et le juge pénal avait rejeté l’action civile des victimes sur le seul fondement de la responsabilité pour faute. La question se posait donc de savoir si les victimes pouvaient agir au civil en se fondant sur le régime de la responsabilité du fait des accidents de la circulation.

En appliquant strictement le principe de concentration des moyens, la cour d’appel, saisie au civil, avait affirmé que la demande de réparation était irrecevable en application de l’autorité de la chose jugée. Selon les juges du second degré, la juridiction pénale avait statué définitivement sur l’action civile. La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et rend une décision dont la motivation enrichie définit un nouveau régime spécial de l’article 470-1 du Code de procédure pénale qui consiste à distinguer deux situations.

Si la victime a demandé l’application de l’article 470-1 du Code de procédure pénale devant le juge pénal, elle doit présenter l'ensemble des moyens qu'elle estime de nature à fonder ses demandes. Si elle est déboutée de son action, elle ne pourra plus agir par la suite devant le juge civil en invoquant d’autres moyens pour obtenir la réparation des mêmes préjudices.

À l’inverse, si la victime n’a pas demandé l’application de l’article 470-1 du Code de procédure pénale devant le juge pénal, l’assemblée plénière juge que le principe de concentration des moyens de s’applique pas, car il priverait la victime de son droit d’option entre le juge pénal et le juge civil. Dès lors, l’action civile fondée sur les règles du droit civil demeure recevable. Dans une telle situation, peu importe que la partie civile au procès pénal ait déjà sollicité l’attribution de dommages et intérêt. Seul compte le fait que la victime n’ait pas invoqué l’article 470-1 du Code de procédure pénale devant le juge pénal.

Dans cette seconde situation, on peut parler d’une réelle exception au principe de concentration des moyens. Si la victime a sollicité la réparation de son préjudice sur le fondement de l’infraction devant le juge pénal, on aurait pu considérer qu’elle était tenue d’invoquer devant ce juge l’ensemble des fondements juridiques de nature à justifier sa demande, qu’il s’agisse de l’infraction (une faute pénale) ou de la loi de 1985 (une responsabilité sans faute). Mais la Cour de cassation rappelle dans son arrêt que le droit d’option a été créé pour « garantir le droit effectif de toute victime d'infraction d'obtenir l'indemnisation de son préjudice ». C’est cette volonté de projeter la victime qui conduit l’assemblée plénière à réserver à celle-ci un sort dérogatoire.

On retiendra de cet arrêt important que la victime qui agit devant le juge pénal peut formuler une demande de dommages et intérêts fondée sur l’infraction et conserver son action devant le juge civil sur le fondement des règles du droit civil, notamment les régimes de responsabilité sans faute.

II. Prescription civile

Plusieurs décisions majeures ont été rendues au cours du second semestre 2023 en matière de prescription de l’action.

  • Le délai de l’action en garantie des vices cachés

Quatre arrêts d’intérêt majeurs ont été rendus par la chambre mixte à propos de l’action en garantie des vices cachés (Cass. mixte, 21 juillet 2023, quatre arrêts,  n° 21-15.809 N° Lexbase : A85501BB, n° 21-17.789 N° Lexbase : A85491BA, n° 21-19.936 N° Lexbase : A85481B9, n° 20-10.763 N° Lexbase : A85511BC, B+R)

On sait que cette action peut être exercée dans les deux ans à compter de la découverte du vice. Ce point de départ permet théoriquement à la victime d’agir de nombreuses années après la vente, si le vice demeure caché durant toutes ces années. Pourtant, de nombreuses questions restaient en suspens à propos de cette action, de sorte que la Cour de cassation a rassemblé quatre affaires assez différentes afin de répondre de façon uniforme à ces différentes questions :

- le délai de deux ans est-il un délai de prescription ou de forclusion ?

- son point de départ est-il différent de celui du droit commun ?

- l’action en garantie est-elle également limitée par un délai butoir ?

- dans l’affirmative, quel est le point de départ de ce délai butoir ?

Chacun des quatre arrêts rendus fait l’objet d’une motivation enrichie dont nous retiendrons ici l’essentiel. Ainsi, la Cour affirme que « l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut plus désormais être assuré que par l'article 2232 du Code civil N° Lexbase : L7744K9P, de sorte que cette action doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie ».

Cette formulation, très complète, renseigne d’abord sur la nature du délai de deux ans, qui est rattaché ici aux délais de prescription, par application de l’article 2232 Code civil. Pour retenir cette qualification, la haute juridiction s’en réfère à la volonté exprimée par le législateur. Elle cite ainsi plusieurs travaux préparatoires qui font allusion à « un délai de prescription pour l'action en garantie des vices cachés du code civil ». Elle se réfère également à la nécessité pour le consommateur de bénéficier d’un délai susceptible d’interruption ou de suspension pour que la garantie de ses droits soit assurée. Dans l’un des quatre arrêts (pourvoi n° 21-15.809), elle conclut explicitement que « le délai biennal prévu à l'article 1648, alinéa 1, du Code civil N° Lexbase : L9212IDK est un délai de prescription ».

La qualification de prescription signifie donc, de manière incidente, que le délai est susceptible d’être interrompu ou suspendu. Dans l’une des espèces (pourvoi n° 21-15.809), la Cour de cassation précise que le délai peut être interrompu par une assignation en référé (C. civ. art. 2241 N° Lexbase : L7181IA9) et qu’il peut, en outre, être suspendu lorsque le juge a fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès (C. civ. art. 2239 N° Lexbase : L7224IAS), cette suspension produisant son effet jusqu’au jour où la mesure a été exécutée (date du dépôt du rapport de l’expert).

La nature du délai étant précisée, encore fallait-il en définir le point de départ. Sur ce point, la réponse est donnée par l’article 1648 du Code civil N° Lexbase : L9212IDK, lequel précise que le délai de deux ans court à compter de la découverte du vice. Ce point de départ spécifique est, en réalité, conforme à celui prévu en droit commun. En effet, depuis la réforme de la prescription en 2008, le point de départ dit « glissant » court à compter du jour où celui qui agit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action. Ainsi, la découverte du vice caché par l’acheteur correspond bien à cette définition du point de départ glissant.

Toutefois, la difficulté liée à ce point de départ réside dans le fait qu’il risque de prolonger la durée de la garantie indéfiniment. Si la chose vendue est viciée dès son origine, peu importe que le vice produise son effet tardivement, la garantie est due par le vendeur. Cette règle soulève d’inévitables difficultés, liées non seulement à la preuve du vice apparu tardivement, mais encore à la difficile distinction entre le vice originel et les effets dus à l’usure de la chose ou à son vieillissement. C’est ici qu’intervient de délai butoir de la prescription, prévu par l’article 2232 du Code civil N° Lexbase : L7744K9P. Selon cette disposition, les différents événements qui ont pour effet de déplacer, d’interrompre ou de suspendre le délai de prescription ne peuvent avoir pour effet de porter ce délai au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. La Cour de cassation décide d’appliquer ce délai butoir à l’action en garantie des vices cachés. Elle affirme ainsi que « l'action en garantie des vices cachés est encadrée par le délai butoir de vingt ans de l'article 2232 du Code civil courant à compter de la vente conclue par la partie recherchée en garantie ». Cette formule a deux conséquences.

D’une part, la garantie des vices cachés est limitée à une durée totale de vingt années. Au-delà, l’acheteur ne peut plus s’en prévaloir, et ce, même si la découverte du vice est postérieure à cette durée. Pour justifier cette solution, la Cour de cassation explique, dans son communiqué, avoir recherché une conciliation entre le droit pour le consommateur d’agir lorsqu’il découvre tardivement le vice et « les impératifs de la vie économique », qui incitent à éviter que la garantie du vendeur puisse être recherchée indéfiniment.

D’autre part, la Cour de cassation apporte une précision essentielle pour déterminer le point de départ du délai butoir. L’article 2232 du Code civil fixe ce point de départ au jour de la naissance du droit. On imagine aisément que le droit de l’acquéreur naît au jour de l’achat. Toutefois, la situation se complique en présence d’une chaîne de contrats. Tel était le cas dans une des affaires soumises à la chambre mixte (pourvoi n° 20-10.763). En l’espèce, un client avait confié la construction d’un abri à un constructeur, lequel s’était procuré des plaques de fibrociment chez un fournisseur, qui avait acquis ces plaques chez un fabricant italien. Le produit qui présentait un vice avait donc fait l’objet de trois contrats successifs. Dans cette espèce, le client avait agi contre le constructeur. Par la suite, le fournisseur, puis le fabricant avaient été appelés dans la cause. La question se posait donc de savoir quel était le contrat qui constituait le point de départ du délai incompressible de vingt ans. La chambre mixte précise alors que ce délai court « à compter de la vente conclue par la partie recherchée en garantie ». Cela signifie que le point de départ varie en fonction du défendeur à l’action.

En définitive, la chambre mixte aboutit à un régime équilibré, qui combine le délai spécial de l’action en garantie des vices cachés et le droit commun de la prescription, tout en appliquant ce régime à la fois aux contrats civils, commerciaux et mixtes.

  • Point de départ du délai pour agir en restitution en cas de nullité d’une clause abusive (prêts libellés en franc suisse)

Un arrêt rendu au mois de juillet (Cass. civ. 1, 12 juillet 2023, n° 22-17.030, FS-D N° Lexbase : A54021AC) viens trancher la question du point de départ du délai de prescription dans un important contentieux relatif à des acquisitions immobilières financées par des prêts en franc suisse. Ce type de montage financier avait donné lieu à un important contentieux lié au fait que les emprunteurs avaient dû, en application du contrat, rembourser en une seule fois un capital dont la valeur avait fortement augmenté à la suite de la hausse du franc suisse. Dans l’espèce étudiée, un emprunteur qui devait faire face à l’obligation de payer l’intégralité du capital emprunté avait agi contre la banque pour faire reconnaître le caractère abusif des clauses de remboursement et de change et pour obtenir la restitution des sommes payées. La cour d’appel avait déclaré abusives les clauses en question, mais la banque considérait que l’action en restitution était prescrite. La question qui se posait devant la Cour de cassation était celle de savoir quel était le point de départ de la prescription de l’action en restitution, laquelle était fondée sur l’annulation d’une clause abusive par la cour d’appel. Deux solutions étaient envisageables. Soit la prescription commençait à courir au jour du contrat, soit le point de départ devait être fixé au jour où la clause était déclarée abusive. La Cour de cassation opte pour la seconde solution. Elle affirme que « le point de départ du délai de prescription quinquennale (…) de l'action, fondée sur la constatation du caractère abusif de clauses d'un contrat de prêt libellé en devises étrangères, en restitution de sommes indûment versées doit être fixé à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses ». Pour justifier cette décision, la Cour de cassation s’appuie sur le droit de l’Union européenne et se réfère expressément à une décision de la CJUE (CJUE, arrêt du 9 juillet 2023, SC Raiffeisen Bank SA c/ JB, C-698/18 N° Lexbase : A80993QZ). Toutefois, la solution se comprend également au seul regard du droit français. En effet, l’action en restitution exercée par l’emprunteur dépend de la constatation en justice du caractère abusif de la clause sur laquelle repose cette demande de restitution. Dès lors, c’est bien à la date à laquelle le juge constate la nullité de la clause que le consommateur prend connaissance de son droit à restitution des sommes indûment versées. Cette décision, rendue dans un contentieux volumineux de prêts libellés en franc suisse vient apporter une réponse qui protège les consommateurs et qui devrait avoir beaucoup d’impact sur les procédures en cours.

  • Point de départ de la prescription d’un acte illicite ininterrompu

La dernière décision que nous retenons dans cette chronique concerne une question au croisement des prescriptions civile et pénale (Cass. civ. 1, 15 novembre 2023, n° 22-23.266 N° Lexbase : A37861ZA). Il s’agit de savoir si le point de départ de la prescription liée à un acte illicite doit être fixé à l’origine de la situation illicite ou lorsque celle-ci prend fin. Cette question s’applique en particulier à un acte de contrefaçon. Cet acte génère à la fois une réponse pénale et une réponse civile. Or, en matière pénale, la prescription de l’action publique à l’égard de ce type d’acte est retardée dans le temps en raison du caractère continu de l’infraction (cf. E. Raschel, ÉTUDE : Les causes d’extinction de l’action publique, 6-3. Le point de départ du délai de prescription de l’action publique, in procédure pénale, Lexbase N° Lexbase : E0144ZS7).

Ainsi, selon une jurisprudence constante, la prescription commence à courir au moment où l’infraction cesse. Dans l’espèce étudiée, une demande de réparation avait été formée par un sculpteur, en raison de la reproduction contrefaisante de l’une de ses œuvres. L’acte de contrefaçon avait été reconnu le 17 décembre 2008 par un arrêt irrévocable, mais l’infraction n’avait pas cessé. Le 5 mars 2021, l’artiste assigna en référé l’auteur de la contrefaçon afin de faire cesser le trouble manifestement illicite et d’obtenir une indemnisation provisionnelle.

La question se posait alors de savoir si l’action exercée devant le juge civil était prescrite. L’artiste faisait notamment valoir que l’action exercée afin de faire cesser une atteinte à la propriété intellectuelle n’était soumise à aucune prescription, puisque, selon le pourvoi, la propriété ne se prescrit pas par le non-usage. La Cour de cassation ne retient pas cette argumentation. En s’appuyant sur la règle du point de départ glissant, elle affirme que la date à laquelle le titulaire du droit d’auteur a connu les faits lui permettant d’exercer son action était la date à laquelle le caractère contrefaisant de l’œuvre exposée avait été reconnu en justice. Elle en déduit que l’action exercée devant le juge civil plus de douze années après cet arrêt était prescrite. Sous la forme d’un obiter dictum, la 1re chambre civile précise que cette solution s’impose « même si la contrefaçon s'inscrivait dans la durée ».

On en déduit qu’en matière civile, le caractère continu d’un acte ou d’une situation illicite n’a pas d’influence sur la prescription. Le point de départ n’est ainsi pas retardé comme c’est le cas en matière pénale. On retient également de cet arrêt que le point de départ de prescription n’est pas le jour où l’acte illicite a été accompli, mais le jour où l’illicéité est constatée par une décision de justice. Cette solution relève finalement d’un compromis favorable à la victime de l’acte pénalement répréhensible, laquelle peut agir d’abord au pénal pour que l’infraction soit constatée et ensuite au civil pour obtenir la réparation de son préjudice ou la cessation de la situation illicite.

III. Preuve civile : production des pièces et mesures d’instruction

L’année 2023 a été celle de la preuve civile. Plusieurs arrêts de principe ont été rendus et certains ont déjà été abondamment commentés. Nous signalons donc rapidement les arrêts fondamentaux qui ont déjà été présentés dans les revues Lexbase, pour nous attarder sur des arrêts moins commentés, mais tout aussi essentiels.

La preuve illicite ou déloyale a donné lieu à un revirement spectaculaire de jurisprudence de la part de l’assemblée plénière au mois de décembre dernier (Ass. plén. 22 décembre 2023, n° 20-20.648 N° Lexbase : A27172AU), commenté dans cette revue (L. Siguoirt, Nouvelle ère pour le droit à la preuve : la possible production ou obtention illicite ou déloyale des preuves en matière civile, Lexbase Droit privé, janvier 2024, n° 969 N° Lexbase : N7952BZK). En l’espèce, il s’agissait d’une affaire classique d’enregistrements clandestins dans le contentieux du licenciement. Selon une jurisprudence constante, ce type d’enregistrement était jugé déloyal et, à ce titre, écarté des débats (ou « irrecevable », la Cour de cassation utilisant plusieurs formules pour la même sanction). En la matière, même si la haute juridiction avait consacré, depuis 2012, l’existence d’un droit à la preuve, elle considérait dans le même temps que ce droit pouvait rencontrer des obstacles insurmontables, parmi lesquels le principe de loyauté de la preuve. Dans l’arrêt du 22 décembre 2023, l’assemblée plénière finit par reconnaître que « l'application de cette jurisprudence peut cependant conduire à priver une partie de tout moyen de faire la preuve de ses droits ». Elle en déduit que, désormais, « dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats ». Le juge saisi d’un contentieux sur une preuve illicite ou déloyale doit mettre en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence. Plus particulièrement, une preuve peut être admise aux débats à condition que sa production soit indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi.

La solution s’étend bien au-delà de la question des preuves déloyales, pour couvrir toutes les situations dans lesquelles une preuve peut présenter un caractère illicite. Il en est ainsi lorsqu’une preuve porte atteinte à une loi spéciale, mais encore à un principe général du droit.

Tel est le cas notamment du principe du secret professionnel de l’avocat qui a donné lieu à un arrêt très important rendu quelques jours avant celui de l’assemblée plénière, mais qui se situe dans la droite ligne que la jurisprudence trace désormais (Cass. civ. 1, 6 décembre 2023, n° 22-19.285, FS-B N° Lexbase : A6695174), déjà commenté, E. Vergès, Des perquisitions civiles dans les cabinets d’avocats : quand le secret professionnel de l’avocat ne résiste pas au droit à la preuve de son client, Lexbase Avocats, janvier 2024, n° 343 N° Lexbase : N7785BZD). En l’espèce, une société, qui avait confié certains dossiers à un avocat, recherchait la responsabilité de ce dernier pour détournement de clientèle. Dans ce contexte, la société avait sollicité des mesures d’instruction in futurum et le juge avait ordonné sur requête à un huissier de se rendre au cabinet d’avocat pour prendre connaissance de certains documents en lien avec le litige. La cour d’appel avait rétracté l’ordonnance en jugeant notamment que seul l’article 56-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L5195HZG permet la consultation et la saisie de documents détenus par un avocat au sein de son cabinet. Ce faisant, les juges du second degré considéraient que la mesure d’instruction était assimilable à une perquisition. Pourtant, la Cour de cassation prend le contre-pied de ce raisonnement et elle juge que « le secret professionnel de l'avocat ne constitue pas en lui-même un obstacle à  l'application des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1497H49, dès lors que les mesures d'instruction sollicitées, destinées à  établir la faute de l'avocat, sont indispensables à  l'exercice du droit à  la preuve du requérant, proportionnées aux intérêts antinomiques en présence et mises en œuvre avec des garanties adéquates ».

On en déduit de façon générale que les secrets juridiquement protégés - tels que le secret professionnel de l’avocat ou du banquier - ne sont plus des obstacles insurmontables à la recherche ou à la production d’une preuve en justice.

Cette généralisation de l’examen de nécessité et de proportionnalité de la preuve a donné lieu à un arrêt rendu au même moment par la chambre sociale à propos du secret médical (Cass. soc., 20 décembre 2023, n° 21-20.904, FS-B N° Lexbase : A844319L). En l’espèce, l’employée d’une clinique avait agi contre son employeur pour voir reconnaître en justice son statut de technicienne comptable et bénéficier des droits afférents à ce statut en application d’une convention collective. Pour établir la preuve des faits qu’elle alléguait, l’employée avait produit en justice des pièces issues de dossiers de patient et protégées par le secret médical. La question qui se posait devant la Cour de cassation était celle de savoir si la production de ces pièces couvertes par le secret médical était licite ou si, au contraire, elle pouvait constituer une faute grave de l’employée. La chambre sociale adopte ici une position de principe, selon laquelle « la production en justice de documents couverts par le secret médical ne peut être justifiée que lorsqu'elle est indispensable à l'exercice des droits de la défense et proportionnée au but poursuivi ». La formule est donc quasiment la même que celle retenue dans les deux arrêts présentés ci-dessus.

La Cour de cassation examine ensuite en détail la motivation de l’arrêt d’appel. En particulier, elle note que les documents produits comportaient le nom de patients, leurs pathologies, le nom de leur médecin traitant, la date de l’intervention chirurgicale et que l’employée n’établissait pas que l’absence d’anonymisation de ces pièces était indispensable pour justifier qu’elle exerçait effectivement des fonctions de technicienne comptable. Elle en déduit finalement que la Cour d’appel a pu retenir la faute de la salariée. En filigrane, on retiendra de cet arrêt que le droit à la preuve ne justifiait pas en l’espèce l’atteinte au secret médical, mais surtout que la salariée aurait pu produire ces preuves si les données identifiantes avaient été supprimées au préalable.

Dans le conflit entre droit à la preuve et secrets juridiquement protégés, les mesures d’instruction in futurum tiennent une place particulière. En effet, selon l’article 145 du Code de procédure civile, le juge peut ordonner une mesure qu’à la double condition qu’elle soit justifiée par un « motif légitime » et qu’elle soit « légalement admissible ». La question se pose de savoir comment articuler les critères de l’article 145 du Code de procédure civile avec l’examen de nécessité et de proportionnalité de la mesure. Un arrêt très pédagogique rendu par la chambre commerciale vient apporter une réponse claire dans le contentieux de la concurrence déloyale (Cass. com. 28 juin 2023, n°22-11.752, F-B N° Lexbase : A268297H). Les faits de l’espèce étaient très classiques. Une société soupçonnait des actes de déloyauté et de concurrence déloyale à l’égard d’un ancien salarié parti travailler dans une société concurrente. Elle a alors sollicité par requête une mesure d’instruction. Le juge ayant fait droit à la requête, la société concurrente en a demandé la rétractation et s’est pourvue en cassation contre l’arrêt qui a rejeté cette demande.

La Cour de cassation scinde son raisonnement en deux temps. S’agissant du motif légitime, elle approuve la Cour d’appel, soulignant à la fois que les juges du fond avaient un pouvoir souverain d’appréciation, mais examinant en détail la motivation de leur décision. Elle souligne ainsi que le demandeur à la mesure d’instruction avait « exposé de façon détaillée » le contexte de la requête, en expliquant notamment que l’ancien salarié avait tenté d’obtenir la liste des employés de l’entreprise avant son départ et sollicité plusieurs d’entre eux pour qu’ils viennent travailler dans la société concurrente. Elle relève encore que le recours à une ordonnance sur requête était nécessaire compte tenu du risque de dissimulation et de dépérissement des preuves, lesquelles constituaient pour l’essentiel des documents informatiques pouvant être facilement détruits. La haute juridiction, en reprenant ainsi les passages essentiels de l’arrêt d’appel, fournit une sorte de guide permettant d’expliciter le motif légitime dans ce type de contentieux. Il s’agit d’une part de l’existence d’un contexte faisant apparaître des soupçons, et d’autre part de l’explicitation du risque de dépérissement ou de dissimulation des preuves qui justifie de déroger au principe du contradictoire.

S’agissant du caractère légalement admissible de la mesure, la Cour de cassation abandonne l’appréciation souveraine et se livre à un véritable contrôle normatif du caractère nécessaire et proportionné de la mesure d’instruction. Elle note ainsi que la Cour d’appel a vérifié que les mesures ordonnées étaient « circonscrites dans le temps, dans leur objet et proportionnées à l’objectif ». En effet, les recherches étaient limitées aux documents en rapport avec les faits litigieux. Ces recherches étaient guidées par des mots-clés précis, tels que « centre de gestion », « centre de service » ou des noms propres de personnes impliquées dans le litige. La recherche portant sur des fichiers postérieurs à janvier 2019 était limitée dans le temps. Enfin, et de façon plus originale, la Cour de cassation fait référence au fait que l’autorisation donnée à l’huissier de pénétrer dans le domicile du défendeur en son absence était assortie d’une garantie par la présence de deux témoins. On retrouve ici une similitude avec le régime des perquisitions du Code de procédure pénale, qui conduit aujourd’hui à parler de « perquisitions civiles ». Cette similitude est confirmée par le fait que l’huissier avait été autorisé à « craquer » les mots de passe et les codes PIN. En définitive, la Cour de cassation approuve largement la cour d’appel, indiquant qu’elle a « légalement justifié sa décision ».

Cet arrêt est très riche, car il permet non seulement de comprendre comment la Cour de cassation distingue la condition du motif légitime et celle du caractère légalement admissible de la mesure d’instruction, mais également, car il donne de multiples précisions sur les critères qui conduisent la haute juridiction, soit à examiner avec une certaine distance l’appréciation souveraine du motif légitime par les juges du fond, soit à imposer un contrôle normatif lourd sur la légalité de la mesure.

IV. Autres arrêts signalés

Nous signalons ici d’autres arrêts qui méritent l’attention.

  • Sur la péremption d’instance

Deux arrêts rendus à la fin de l’année (Cass. civ, 21 décembre 2023, deux arrêts, n° 17-13.454 N° Lexbase : A8456193 , 21-20.034 N° Lexbase : A8458197, FS-B) apportent de nouvelles précisions sur le délai de péremption, notamment dans l’hypothèse où l’affaire a été radiée.

Dans l’une des affaires, une société partie au litige avait été dissoute, ce qui avait entraîné une interruption d’instance, puis une radiation.  Dans l’autre affaire, c’est le décès d’une des parties qui avaient entraîné l’interruption puis la radiation. La Cour de cassation juge qu’en de telles circonstances, à la suite de la radiation, « le délai de péremption recommence à courir à compter de la notification, par le greffe, ou de la signification, à la diligence d'une partie, de cette ordonnance de radiation, qui informe les parties des conséquences du défaut de diligences de leur part dans le délai de deux ans imparti ». Elle en déduit que si le dossier de la procédure ne comporte aucun élément permettant de justifier de la notification ou de la signification de l’ordonnance de radiation, le délai de péremption ne commence pas à courir.

L’information par les parties de la radiation et de ses conséquences doit être réalisée par le greffe. Toutefois, si une partie adverse souhaite sécuriser ses droits, et prendre date, elle peut, avant la notification par le greffe, signifier l’ordonnance de radiation aux autres parties. C’est alors cette signification qui fait courir le délai de péremption.

  • L’exécution d’un accord homologué

On signale un arrêt de la deuxième chambre civile (Cass. civ. 2, 26 octobre 2023, n° 21-19.844, FS-B N° Lexbase : A42771P4) à propos de la procédure d’homologation d’une transaction à l’initiative d’une seule partie. La Cour de cassation juge que cette homologation est régie par les articles 1565 N° Lexbase : L5924MBZ et suivants du Code de procédure civile qui visent, de façon plus générale, l’homologation des accords issus de procédures amiables extrajudiciaires (médiation, conciliation et procédure participative).

La deuxième chambre civile apporte plusieurs précisions. D’une part, la requête présentée en vue de l’homologation de l’accord n’est pas régie par le droit commun des requêtes (art. 493 et suiv.) et, par conséquent, l’ordonnance qui homologue l’accord n’est pas exécutoire au seul vu de la minute (CPC, art. 495 N° Lexbase : L6612H7Z). D’autre part, pour devenir exécutoire, cette ordonnance d’homologation doit, lorsqu’elle est rendue à la requête d’une seule partie, être notifiée conformément aux dispositions de l'article 503 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6620H7C, à la partie contre laquelle l'exécution est poursuivie.

En d’autres termes, la procédure d’homologation de l’accord ne suit pas le régime simplifié de l’ordonnance sur requête, mais le régime de droit commun des jugements. L’exécution forcée ne peut avoir lieu qu’à une double condition : d’une part, que le juge homologue l’accord, d’autre part, que l’ordonnance d’homologation soit notifiée à la partie adverse.


[1] Ch. Lhermitte, Réforme de la procédure d’appel : vous vouliez de la simplification, vous aurez de la lisibilité, Lexbase Droit privé, janvier 2024, n° 969 N° Lexbase : N7909BZX.

[2] Cour d’appel du Québec, Montréal (Ville de) c. Bergeron (2012 QCCA 2035). 

[3] Par ex. Cass. civ. 2, 1er juillet 2021, n° 20-11.706, F-B N° Lexbase : A20304YT . Dans cet arrêt, la deuxième chambre civile s’était ralliée à la position commune de la première et de la chambre commerciale, pour juger qu’une caution devait concentrer dans la même instance une demande de délais de paiement et une action en responsabilité contre son créancier, car les demandes portaient sur le même engagement de la caution.

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