Réf. : Arrêté du 23 août 2023 fixant les tarifs réglementés de postulation des avocats en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires N° Lexbase : L5728MIY
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par Aude Alexandre Le Roux, avocat associé AARPI Trianon Avocats, secrétaire-adjoint de l’AAPPE
le 26 Avril 2024
Mots-clés : tarifs • tarifs réglementés • avocat • émoluments • droit proportionnel • postulation • saisie immobilière • partage • licitation • sûretés judiciaires • remontée des données
Les tarifs réglementés de postulation des avocats en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires ont été reconduits pour une nouvelle période de deux ans par un arrêté du 23 août 2023. Parallèlement, les travaux autour de l’élaboration du tarif définitif se poursuivent. Une remontée des données comptables des cabinets exerçant en ces matières se précise.
Après des années qui se suivent sans bouleversement majeur sur la question de l’élaboration du tarif des avocats, l’année 2023 a apporté avec elle quelques éléments quant à la grande collecte des données qui s’imposera prochainement aux praticiens.
Avant d’en préciser les contours, un bref rappel s’impose.
La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite « loi Macron » N° Lexbase : L4876KEC, publiée au journal officiel du 7 août 2015, a opéré un bouleversement majeur en abrogeant, le tarif de postulation issu du décret n° 60-323 du 2 avril 1960 portant règlement d'administration publique et fixant le tarif des avoués N° Lexbase : L2132G8H.
Ce tarif avait initialement été fixé pour les avoués de première instance et maintenu de façon artificielle par l’article premier du décret du 25 août 1972 (n° 72-784) le rendant applicable à la profession d’avocat. Son caractère provisoire était expressément rappelé et devait prendre fin dès la fixation d’un tarif de postulation et des actes de procédure.
Il aura donc fallu attendre des décennies avant que la loi précitée ne vienne bouleverser ce fragile équilibre.
Modification d’importance donc mais également consécration du principe de la fixation d’un tarif régissant les droits et émoluments perçus par l’avocat au titre des prestations effectuées en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires.
Si une réforme apparaissait particulièrement nécessaire au regard de l’ancienneté du tarif des anciens avoués de première instance et de son inadéquation avec l’économie contemporaine, celle-ci n’est toujours pas finalisée.
De nombreux acteurs se sont mobilisés dès le mois d’août 2015 afin de parvenir à la rédaction du nouveau projet de tarif dont était chargée la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dans les délais escomptés. Le chantier s’annonçait immense et les objectifs ambitieux : prendre en compte « les coûts pertinents du service rendu » tout en fixant « une rémunération raisonnable définie sur la base de critères objectifs » et ce, à l’échelle de l’exercice de la profession d’avocat intervenant en matière de saisie immobilière, licitation-partage et de sûretés judiciaires.
I. L’élaboration d’un tarif à durée limitée
Face à l’ampleur de la tâche, il était fait le choix d’un tarif à durée limitée dans l’attente de disposer des éléments nécessaires à l’écriture du tarif « définitif ».
Près de deux ans après la promulgation de la loi Macron, le décret n° 2017-862 du 9 mai 2017 relatif aux tarifs réglementés de postulation des avocats en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires N° Lexbase : L2641LEK était enfin publié.
L’arrêté du 6 juillet 2017 N° Lexbase : L2200LGL, publié au journal officiel le 14 juillet 2017, fixait le tarif des avocats pour une période de deux années, comprise entre le 1er septembre 2017 et le 1er septembre 2019, avec entrée en vigueur au 1er septembre 2017.
En ces matières, l’ancien tarif demeure donc applicable pour les procédures initiées avant le 1er septembre 2017.
Cette durée initiale de validité de deux ans avait laissé imaginer qu’il permettrait d’obtenir l’ensemble des données nécessaires à la rédaction du tarif définitif, cet objectif ambitieux allait vite être démenti tant la tâche s’avérait complexe à organiser.
Si les travaux se sont poursuivis, ce délai s’est avéré bien trop court pour que les différents interlocuteurs puissent se coordonner.
Un nouvel arrêté du 8 août 2019 N° Lexbase : L8704LRS était dès lors publié au journal officiel du 30 août 2019 qui reprenait la majeure partie du tarif fixé par l’arrêté du 6 juillet 2017, tout en le reconduisant pour une nouvelle période de deux années.
Il contenait toutefois deux précisions d’importance.
La première découlait directement de l’évolution de l’article L. 322-1 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L7313LPK résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice N° Lexbase : L6740LPC, consacrant la possibilité de recourir à la vente de gré à gré jusqu’à l’ouverture des enchères, en cas d’accord exprès entre le débiteur saisi, le poursuivant et l’ensemble des créanciers inscrits. Cette faculté ainsi gravée dans le marbre mettait ainsi fin à un débat doctrinal controversé sur la possibilité de vendre les biens saisis de gré à gré alors que cette forme de vente n’était pas prévue au Code des procédures civiles d’exécution qui, seul, envisageait la vente amiable autorisée par le juge de l’exécution.
Ainsi, l’arrêté du 8 août 2019 mettait fin à une nouvelle série d’interrogations quant à la perception de l’émolument proportionnel par l’avocat dans l’hypothèse d’une vente de gré à gré, alors que celui-ci n’était expressément prévu que dans le cadre de vente amiable judiciaire et modifiait l’article A. 444-191 du Code de commerce N° Lexbase : L8761LRW.
Plus de place au doute sur cette question, en cas de vente de gré à gré avec mainlevée du commandement, l’avocat poursuivant la vente perçoit l'émolument proportionnel perçu par les notaires en application de l'article A. 444-91 du même Code N° Lexbase : L3314LWN.
La seconde concernait la distribution du prix de vente. L’arrêté du 8 août 2019 modifiait l’article A. 444-192 N° Lexbase : L3314LWN en précisant que lors d’une procédure de distribution du prix de vente d’un immeuble et en présence d’un seul créancier admis à faire valoir ses droits sur le prix de vente, l’émolument serait réduit de moitié. Contre toute attente, la formulation « lorsqu'il n'est pas fait de répartition entre plusieurs créanciers, un seul d'entre eux étant en mesure de percevoir un versement, cet émolument est réduit de moitié » allait donner lieu à de nouvelles difficultés auprès de certains praticiens, nous y reviendrons.
Cette nouvelle période biennale de reconduction du tarif devait, en outre, permettre de recueillir des données auprès des avocats praticiens et de faire évoluer le tarif dans les objectifs fixés initialement dans une recherche évidente de compétitivité.
La crise sanitaire liée à la Covid-19 et l’arrêt brutal de l’activité de nombreux cabinets d’avocats aura balayé ce projet.
C’est donc de nouveau en pleine période estivale, que l’arrêté du 2 août 2021 N° Lexbase : L5426L74 était publié au journal officiel du 15 août 2021, reconduisant le tarif jusqu’au 31 août 2023.
Outre la nouvelle prorogation, deux nouvelles modifications avaient été apportées.
La formulation de l’alinéa 2 de l’article 444-192 du Code de commerce, telle qu’issue de l’arrêté du 8 août 2019 est de nouveau modifiée. L’article modifié renvoyait désormais expressément aux dispositions de l’article L.331-1 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5893IRP régissant la procédure de distribution en présence d’un créancier unique, mettant ainsi un point final aux difficultés d’interprétation précédemment évoquées.
Enfin, les remises qui peuvent être consenties par les avocats sur leurs émoluments proportionnels, telles que prévues à l’article L. 444-2 N° Lexbase : L3474LZP et dans les conditions fixées à l’article A. 444-202 du Code de commerce N° Lexbase : L5493L7L, applicables uniquement sur les tranches d’assiette supérieures ou égales à 100 000 euros passaient de 10 à 20 %.
L’arrêté du 23 août 2023 publié au journal officiel du 29 août 2023 n’a pas cette fois, apporté de modification d’ajustement ni de modification d’importance, signe que le tarif provisoire établi fonctionne. Il est de nouveau reconduit pour une nouvelle période de deux ans. L’article A. 444-187 du Code de commerce N° Lexbase : L5811MI3 est modifié et prévoit désormais que les émoluments sont applicables jusqu’au 31 août 2025.
Les « anciens » tarifs demeurent applicables :
II. Vers l’établissement d’un tarif définitif
La reconduction du tarif jusqu’au 31 août 2025 devrait permettre cette fois une évolution notable des travaux autour de l’élaboration du tarif des avocats intervenant en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et des sûretés judiciaires.
Rappelons que l’objet poursuivi par la loi du 6 août 2015 dite « loi Macron » ayant supprimé l’ancien tarif de postulation devra assurer la couverture des « coûts pertinents du service rendu » tout en fixant « une rémunération raisonnable définie sur la base de critères objectifs » et ce, à l’échelle de l’exercice de la profession d’avocat intervenant en matière de saisie immobilière, licitation-partage et de sûretés judiciaires.
L’élaboration de ce tarif passera donc nécessairement par une remontée des données comptables auprès des praticiens concernés telle que prévue à l’article R. 444-20 du Code de commerce N° Lexbase : L2447LGQ.
Après avoir été exclus du dispositif fixés par l’arrêté du 11 août 2018 relatif au recueil de données et d'informations auprès de certains professionnels du droit, les avocats ont été intégrés aux professionnels concernés par le décret n° 2020-179 du 28 février 2020 relatif aux tarifs réglementés applicables à certains professionnels du droit N° Lexbase : L2437LW8.
Ce décret a défini les modalités de détermination de taux de résultat moyen sur la base duquel le tarif devra être fixé en application de l’article L. 444-2 du Code de commerce N° Lexbase : L3474LZP et précise les modalités de collecte des données transmises annuellement par les instances professionnelles nationales.
Concernant les avocats, l’échéance de la remontée des données avait initialement été fixée à l’année 2023. Sur l’impulsion du groupe de travail « saisie-immobilière » de la commission Règles et Usages auprès du Conseil National des Barreaux, il a consécutivement été sollicité que l’année civile concernée par la remontée soit 2024 puis 2025 afin de permettre aux avocats de s’organiser.
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a soumis le 30 octobre 2023 au Conseil national des barreaux un projet de décret définissant le dispositif de collecte des données des avocats réalisant des prestations de saisie immobilière et de licitation judiciaire.
Afin que la remontée des données soit la plus significative possible, seuls les avocats ayant perçu au cours de l’année civile concernée des émoluments correspondant à cinq prestations de saisie immobilière et de vente sur licitation devraient être tenus de faire remonter leurs données.
Il est donc temps que les cabinets qui se savent déjà concernés par cette remontée se mobilisent afin de s’organiser pour l’effectuer.
Cette remontée devra être scrupuleusement suivie par les praticiens concernés. Tout d’abord car à défaut d’y déférer des amendes administratives sont prévues par l’article L. 444-6 du Code de commerce N° Lexbase : L2496LDS à savoir de 3 000 euros part avocat et de 15 000 euros par structure. Mais surtout car il est primordial que le nouveau tarif qui sera écrit soit représentatif au regard des exigences posées par la loi Macron en corrélation avec la réalité économique de ces procédures et de leur coût de gestion pour les cabinets et du niveau de technicité nécessaire à leur mise en œuvre.
Concernant les procédures diligentées par un avocat dit plaidant et un postulant, la remontée des données sera effectuée auprès de l’avocat postulant qui a, seul, vocation à percevoir des émoluments, le partage d‘émoluments étant interdit.
Les collaborateurs libéraux devraient également être concernés par cette obligation de remontée des données dès lors qu’ils auront perçu des émoluments au titre de cinq prestations de saisie immobilière et de vente sur licitation au cours de l’année civile.
Dans l’attente du décret précisant le champ des avocats concernés par cette obligation de remontée et de l’arrêté explicitant précisément quelles données devront être communiquées il est déjà possible de s’organiser.
Dans un premier temps une demande auprès des éditeurs de logiciels des cabinets est nécessaire afin de les sensibiliser sur cette remontée qui s’annonce.
En toute hypothèse, il sera nécessaire que la facturation permette de distinguer dans le chiffre d’affaires : la part d'encaissements relative aux émoluments, de celle relative aux honoraires et aux remboursements de débours.
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