Réf. : Ass. plén., 22 décembre 2023, n° 20-20.648, B+R N° Lexbase : A27172AU
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par Alexandra Martinez-Ohayon
le 27 Mars 2024
► Dans un procès civil, des moyens de preuve déloyaux peuvent être présentés au juge dès lors qu’ils sont indispensables à l’exercice des droits du justiciable. Toutefois, la prise en compte de ces preuves ne doit pas porter une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux de la partie adverse (vie privée, égalité des armes, etc.).
Faits et procédure. Dans cette affaire, un employeur a licencié un salarié pour faute grave. Ce dernier a contesté son licenciement devant le conseil des prud’hommes. Pour apporter la preuve de cette faute, l’employeur a soumis au juge l’enregistrement sonore capturé au cours d’un entretien informel, au cours duquel le salarié a tenu des propos ayant conduit à sa mise à pied. Cet enregistrement avait été réalisé à l’insu de l’employé.
La cour d’appel (CA Orléans, 28 juillet 2020, n° 18/00226 N° Lexbase : A97963RA a déclaré cette preuve irrecevable, compte tenu du fait que l’enregistrement avait été réalisé de façon clandestine. Aucune autre preuve ne permettant de démontrer la faute commise par le salarié, la cour d’appel a jugé que ce licenciement était sans cause réelle et sérieuse. L’employeur a formé un pourvoi en cassation.
Dans cette affaire, un employeur avait licencié un salarié en présentant un enregistrement audio obtenu à l’insu de ce dernier, lors duquel le salarié tenait des propos justifiant sa sanction. La Cour d’appel avait jugé que cet enregistrement, obtenu à l’insu du salarié, rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’employeur s'est pourvu en cassation, et c’est ainsi que l’Assemblée plénière a rendu sa décision le 22 décembre 2023.
La solution. Énonçant le principe susvisé, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel.
Il convient de relever que cette solution constitue un revirement de jurisprudence et s’inspire de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme.
La Cour de cassation répond à la nécessité de ne pas priver un justiciable de la possibilité de faire la preuve de ses droits, lorsque la seule preuve disponible pour lui suppose, pour son obtention, une atteinte aux droits de la partie adverse.
L’arrêt d’appel ayant écarté les enregistrements clandestins au motif qu’ils avaient été obtenus de manière déloyale est donc censuré.
La Cour de cassation renvoie l’affaire devant une autre cour d’appel. Cette dernière devra vérifier, d’une part, que les enregistrements étaient indispensables pour prouver la faute grave du salarié, d’autre part, que l’utilisation de ces enregistrements réalisés à l’insu du salarié ne portent pas une atteinte disproportionnée à ses droits fondamentaux.
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