La lettre juridique n°961 du 19 octobre 2023 : Droit pénal spécial

[Textes] Loi « anti-squat » : commentaire des dispositions pénales de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite

Réf. : Loi n° 2023-668, du 27 juillet 2023, visant à protéger les logements contre l'occupation illicite N° Lexbase : L2872MI9

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N7103BZ4

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[Textes] Loi « anti-squat » : commentaire des dispositions pénales de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/100615816-textesloiantisquatcommentairedesdispositionspenalesdelaloin2023668du27juillet2023vis
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par Simon Husser, Docteur en droit, Enseignant contractuel à l’Université Rouen-Normandie

le 06 Novembre 2023

Mots-clés : violation de domicile • squat • concours de qualification • locataire défaillant • propagande

Les dispositions pénales de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite concernent la lutte contre le squat. Celui-ci n’est plus seulement appréhendé comme une atteinte à la vie privée. Il s’agit également, désormais, d’une atteinte à la propriété. Dans cette optique, le législateur a adopté trois séries de mesures visant à réprimer plus sévèrement ce phénomène. Premièrement, le périmètre du squat est étendu à des lieux autres que le domicile, à savoir les logements non meublés et les locaux professionnels. Cette extension ne résulte pas de la nouvelle définition du domicile introduite par la loi, dès lors que sa portée a été réduite par le Conseil constitutionnel. Elle découle de la création d’un nouveau délit d’occupation frauduleuse distinct du délit de violation de domicile. L’innovation soulève de nombreuses questions. Deuxièmement, de nouveaux comportements en lien plus ou moins étroit avec le squat sont incriminés : le maintien d’un locataire défaillant dans une propriété, en violation d’une décision de justice, ainsi que la propagande ou la publicité en faveur du squat. Troisièmement, le législateur a aggravé les peines du délit de violation de domicile et du délit de mise à disposition frauduleuse du bien immobilier d’autrui.


 

1. Économie générale du texte. Au sortir de l’été 2023, la désignation « anti-squat » est fortement mobilisée dans l’espace public. Outre la sortie, dans les salles obscures, d’un film éponyme mettant en scène une société logeant des personnes dans des bureaux inoccupés pour les protéger contre les squatteurs [1], c’est également cette terminologie qui est utilisée, en pratique, pour décrire la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite N° Lexbase : L2872MI9, texte ayant pour origine une proposition de loi issue des rangs de la majorité [2]. Pour autant, seul le premier chapitre de la loi (« Mieux réprimer le squat ») traite du squat au sens fort du terme. Le deuxième chapitre (« Sécuriser les rapports locatifs ») comme le troisième (« Renforcer l’accompagnement des locataires en difficulté ») ont, quant à eux, davantage trait au contentieux locatif, ce qui renvoie aux impayés de loyers, à des comportements relevant d’une « zone grise » [3] qu’il serait excessif de qualifier de squats. La critique du traitement conjoint, par le législateur, de questions aussi différentes n’a pas manqué d’être soulevée lors des débats parlementaires [4]. Sur le plan juridique, il est certain que les branches du droit à mobiliser ne sont pas les mêmes selon la problématique considérée. Sans surprise, les dispositions pénales se situent dans le chapitre premier de la loi, sur lequel on se focalisera, tandis que le reste du texte fait la part belle au droit civil [5]. Au niveau politique, toutefois, l’objectif de la loi est sans équivoque : il s’agit « d’envoyer un signal aux bailleurs, afin de ne pas désinciter à l’investissement et de couper court au mouvement de déport du marché locatif traditionnel vers celui des meublés de tourisme » [6], ce qui suppose notamment de « mieux protéger la propriété […] contre les squatteurs » [7].

2. Nécessité alléguée d’un renforcement de la lutte contre le squat. La pénalisation du squat n’est, bien entendu, pas une préoccupation nouvelle pour le législateur. Le délit de violation de domicile commis par un particulier, défini par l’article 226-4 du Code pénal N° Lexbase : L3174MIE, est depuis longtemps mobilisé pour sanctionner les occupants sans droit ni titre d’un logement, c’est-à-dire les individus qui se maintiennent dans un domicile à la suite d’une introduction réalisée à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte [8]. Ce délit est étroitement lié à la procédure administrative d’expulsion forcée prévue par l’article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (loi « DALO ») N° Lexbase : L5929HU7. Ainsi, en cas de violation de domicile, le propriétaire du logement ou son locataire peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter son domicile et, en l’absence de départ volontaire, de les expulser avec le concours de la force publique, sans devoir passer par la voie civile, longue et complexé [9]. Cette procédure a été modifiée par la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (loi « ASAP ») N° Lexbase : L9872LYB pour lui conférer plus d’efficacité [10]. Malgré des résultats plutôt satisfaisants [11], qui traduisent d’ailleurs le caractère marginal du phénomène du squat [12], la médiatisation régulière de faits divers suscitant une forte émotion dans l’opinion publique a fait de cette question un terreau propice à la frénésie parlementaire : pas moins de quinze propositions de loi ont été déposées depuis 2020 [13]. La majorité a donc fini par entendre les voix réclamant un renforcement de la lutte contre le squat, notamment sur le plan pénal.

3. Procédure d’adoption et intervention du Conseil constitutionnel. La proposition de la loi a été enregistrée le 18 octobre 2022 et a été significativement modifiée lors des premières lectures devant l’Assemblée nationale et le Sénat, les deuxièmes lectures n’ayant été à l’origine que de modifications marginales sur les aspects pénaux du texte. Saisi par des parlementaires de l’opposition, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition civile de la loi – censure qui fut d’ailleurs mal comprise par l’opinion publique et qui le contraignit à publier un communiqué pour préciser son interprétation [14] –, mais a validé l’ensemble des mesures pénales soumises à son appréciation, une seule disposition étant assortie d’une réserve d’interprétation [15].

4. Apports du texte en droit pénal. Loin d’être une simple loi d’ajustement, le texte étudié introduit de profonds bouleversements quant au traitement pénal du squat. Un véritable changement de paradigme est introduit sur le plan des valeurs sociales protégées, puisque le squat n’est plus appréhendé sous le seul angle de la protection pénale de la vie privée, mais également sous l’angle de la propriété, conformément aux intentions des concepteurs du texte[16]. Dès lors, l’innovation majeure de la loi est l’extension du périmètre du squat : l’occupation de lieux autres que le domicile est à présent répréhensible (I.). Outre cet élargissement du périmètre du squat, le législateur a également incriminé des comportements auparavant non punissables et gravitant autour de ce phénomène (II.). Enfin, les peines de plusieurs infractions sont aggravées (III.).

I. L’extension du périmètre du squat

5. L’extension du périmètre du squat à d’autres lieux que le domicile est l’innovation majeure de la loi du 27 juillet 2023 et un des objectifs principaux des rédacteurs du texte. Toutefois, la façon dont cette extension a été réalisée (A.) soulève de nombreuses questions (B.).

A. Les voies de l’extension

6. Une nouvelle définition du domicile a initialement été proposée pour élargir la commission du délit de violation de domicile à des hypothèses qui lui échappaient jusqu’alors, mais la définition finalement retenue ne fait que conforter certains acquis jurisprudentiels (1), si bien que la véritable extension tient au champ d’application d’un des nouveaux délits d’occupation frauduleuse introduits par la loi (2).

1) L’extension manquée : la nouvelle définition du domicile

7. Énoncé de la définition. La loi du 27 juillet 20223 introduit un second alinéa au sein de l’article 226-4 du Code pénal, aux termes duquel : « Constitue notamment le domicile d’une personne, au sens du présent article, tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non ».

8. Contexte jurisprudentiel. Le domicile est la condition préalable de l’infraction de violation de domicile ; tout l’enjeu est donc de déterminer ce que cette notion recouvre. À cet égard, il est classiquement jugé que l’infraction de violation de domicile n’a pas pour objet de garantir les propriétés immobilières des citoyens contre une usurpation, même violente [17], mais de sauvegarder la liberté, la sécurité et l’indépendance des citoyens en organisant la protection de leurs demeures [18]. Le domicile est ainsi « le lieu où une personne, qu’elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux, ce texte n’ayant pas pour objet de garantir d’une manière générale les propriétés immobilières contre une usurpation » [19]. Une telle solution suppose que le juge vérifie in concreto l’habitabilité du lieu privé. Dès lors, constituent des domiciles une chambre d’hôtel [20], une chambre d’hôpital [21] ou un bateau aménagé [22]. En revanche, ne constituent pas un domicile le local inhabité et vide de tout mobilier ou matériel [23], un château ni habité ni habitable [24], ou une maison en construction [25].

9. Élaboration du texte. C’est précisément pour contrer certaines des solutions évoquées [26] que la version initiale du texte proposait d’ajouter une précision à l’article 226-4 selon laquelle l’infraction concerne le domicile d’autrui, « qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale et qu’il soit meublé ou non » [27]. L’intégration explicite de la résidence secondaire à la définition du domicile – déjà effectuée à l’article 38 de la loi « DALO » par la loi « ASAP » – n’était pas nécessairement utile, la jurisprudence précitée ne s’opposant pas à une telle solution [28]. En revanche, la référence au logement non meublé élargissait significativement le périmètre du délit, ce que le garde des Sceaux n’a pas manqué de relever lors de l’ouverture des débats à l’Assemblée nationale [29]. Au cours de ces débats, la définition précitée fut introduite par voie d’amendement [30]. Si l’extension projetée était moins large qu’initialement, une telle rédaction aurait tout de même permis de considérer qu’un logement non raccordé à l’eau ou à l’électricité constitue un domicile.

10. Réserve d’interprétation. C’était sans compter l’intervention du Conseil constitutionnel. Après s’être référés à la définition prétorienne du domicile précitée – si bien qu’on peut se demander pourquoi le législateur ne s’est pas inspiré davantage de celle-ci – les juges constitutionnels ont émis une réserve d’interprétation aux termes de laquelle « la présence de tels meubles ne saurait, sans méconnaître le principe de nécessité des délits et des peines, permettre, à elle seule, de caractériser le délit de violation de domicile ». Il appartiendra donc au juge d’apprécier « si la présence de ces meubles permet de considérer que cette personne a le droit de s’y dire chez elle » [31]. En somme, l’extension souhaitée par le législateur semble manquée, dès lors que la présence de meubles devra être cumulée avec d’autres éléments, tels que le raccordement du logement au réseau électrique, par exemple. Bien entendu, il reste à observer comment la réserve d’interprétation sera comprise par les magistrats en pratique. Quoi qu’il en soit, si la nouvelle définition du domicile consolide des acquis jurisprudentiels, tout en restant très ouverte – ce dont atteste l’adverbe « notamment » – la véritable innovation légale se situe ailleurs.

2) L’extension réalisée : le nouveau délit d’occupation frauduleuse

11. Énoncé du délit. La loi étudiée introduit un nouvel article 315-2 du Code pénal N° Lexbase : L3178MIK au sein d’un nouveau chapitre (« De l’occupation frauduleuse d’un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel livre dédiée aux atteintes aux biens ») inséré dans le titre Ier (« Des appropriations frauduleuses ») du livre III (« Les atteintes aux biens ») dudit code. L’alinéa premier de l’article réprime l’« introduction dans un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte, hors les cas où la loi le permet » et l’alinéa second le « maintien dans le local à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet ». On aura reconnu la définition de la violation de domicile, à ceci près que la condition préalable du délit est, cette fois, un « local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel ».

12. Contexte jurisprudentiel. La jurisprudence n’a pas attendu l’article précité pour sanctionner des immixtions dans un lieu autre que le domicile. Adoptant une interprétation extensive de cette notion, le juge pénal a pu qualifier comme tel de nombreux lieux à usage professionnel [32], si bien que les arrêts refusant de retenir cette qualification pour de tels lieux font figure d’exception [33]. Cette construction jurisprudentielle repose en réalité sur un « anthropomorphisme excessif » [34] ; considérer que le siège d’une personne morale est équivalent à son domicile pose de sérieuses difficultés au niveau de la théorie des droits de la personnalité [35]. Il était donc souhaitable que législateur reconnaisse la spécificité du lieu de travail en incriminant l’intrusion en son sein [36]. Après tout, cette spécificité était déjà partiellement prise en compte en matière de vol aggravé [37] et elle l’était pleinement en matière procédurale, plusieurs dispositions étant relatives aux visites de lieux à usage professionnel [38].

13. Élaboration du texte. Ce n’est que lors de la première lecture à l’Assemblée nationale que les « locaux à usage économique » ont été intégrés à la définition du nouveau délit d’occupation frauduleuse [39]. Les peines prévues étaient, à ce stade, alignées sur celle de la violation de domicile. Il revint au Sénat de les réduire dans une optique de proportionnalité entre atteinte à la vie privée et atteinte à la propriété [40]. Enfin, au cours de la seconde lecture dans la chambre basse, la terminologie de local « à usage commercial, agricole ou professionnel » a finalement été retenue. Le rapporteur du texte a fait valoir que cette terminologie était déjà présente en droit positif, mais en citant à l’appui de cette assertion des textes non relatifs à la matière pénale [41]. Pourtant, les dispositions procédurales précitées auraient pu être prises comme modèle. Cela aurait permis d’établir une cohérence entre droit pénal de fond et droit pénal de forme en retenant la formule « lieux à usage professionnel », plus ciselée que celle finalement adoptée. En effet, comme a pu le relever une députée : « logiquement, ce qui est commercial et agricole est aussi professionnel » [42]. En toute hypothèse, le squat de lieux de travail devrait être réprimé sur le fondement de l’article 315-1 du Code pénal N° Lexbase : L3177MII à l’avenir, et il est sans doute louable que les magistrats n’aient plus à interpréter la notion de domicile de façon discutable. Mais le texte va plus loin, puisqu’il évoque aussi « le local à usage d’habitation », lequel devient alors une notion distincte de celle de domicile. Il faut sans doute comprendre que cette mention a un seul objectif : permettre de sanctionner le squat lorsque les juges ne peuvent pas qualifier le logement de domicile, en particulier en l’absence de meubles [43]. En somme, c’est bien l’article étudié qui réalise l’extension du périmètre du squat en droit pénal, mais la façon dont cette modification a été opérée soulève des enjeux qu’il convient d’approfondir.

B. Les enjeux de l’extension

14. En admettant que l’occupation de lieux à usage professionnel et de locaux d’habitation non meublés soit pénalement répréhensible au titre d’une atteinte à la propriété, tout en maintenant le délit de violation de domicile comme une atteinte à la vie privée, le législateur s’inscrit pleinement dans l’objectif annoncé : mettre à l’honneur la propriété privée[44]. Toutefois, la dualité d’infractions introduite engendre nécessairement un concours de qualifications (1) ainsi que des enjeux d’articulation avec la procédure administrative d’expulsion forcée (2).

1) Le concours des qualifications

15. Argumentaire du Conseil constitutionnel. Devant le Conseil constitutionnel, les requérants faisaient notamment valoir l’imprécision des termes « local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel », dont il résulterait une confusion entre la nouvelle incrimination et le délit de violation de domicile. Le Conseil constitutionnel a balayé cet argument en assénant que « les notions de local à usage d’habitation et de local à usage commercial, agricole ou professionnel ne sont ni imprécises ni équivoques » et que « le législateur a entendu réprimer certains comportements de nature à porter atteinte aux biens » en vertu de son pouvoir général d’appréciation et de décision [45]. Puis, les Sages ont poursuivi leur argumentaire en se plaçant sur le terrain du principe d’égalité devant la loi. Ce principe est le fondement privilégié par le Conseil constitutionnel pour traiter des conflits de qualification. Dans une décision du 28 juin 2013, il a ainsi refusé qu’un même comportement puisse être sanctionné par deux infractions distinctes punies de peines différentes et répondant à un régime procédural distinct, et ce, sans que la différence de traitement soit justifiée par une différence de situation [46]. En 2023, telle n’est pas la solution retenue : selon les Sages, les deux incriminations considérées « se différencient, dès lors qu’un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel visé à l’article 315-1 du Code pénal ne constitue pas nécessairement un domicile au sens de l’article 226-4 de ce code », si bien que « le délit d’occupation frauduleuse de certains locaux, qui réprime une atteinte aux biens, et le délit de violation de domicile, qui réprime une atteinte aux personnes, punissent des agissements de nature différente » [47].

16. Appréciation de l’argumentaire. Les juges constitutionnels persistent donc à appréhender la question des conflits de qualification à l’aune du critère des valeurs sociales protégées, auquel a pourtant renoncé la chambre criminelle de la Cour de cassation [48]. Mais c’est surtout l’emploi du terme « nécessairement », dans cet argumentaire, qui soulève une difficulté d’interprétation. Il a été suggéré plus haut que l’article 315-1 du Code pénal N° Lexbase : L3177MII ne concernerait que les lieux à usage professionnel et les logements non meublés (ou autres hypothèses marginales où la jurisprudence écarte la qualification de domicile), tandis que l’article 226-4 du même code N° Lexbase : L3174MIE ne n’aurait trait qu’au domicile au sens fort du terme. Pour autant, l’adverbe évoqué peut laisser penser que la délimitation n’est pas aussi nette que cela : affirmer que des qualifications peuvent être incompatibles laisse ouverte la possibilité qu’elles ne le soient pas forcément. Dès lors, un juge favorable à la reconnaissance du droit à la vie privée des personnes morales pourra-t-il décider de continuer à réprimer le maintien dans le siège social d’une société sur le fondement de la violation de domicile, au prétexte que la vie privée de celle-ci est en cause ? À l’inverse, pourra-t-on reprocher à un magistrat d’avoir cru logique de qualifier une maison non habitée de local d’habitation, alors, on l’a vu, qu’il s’agit d’un domicile au sens de la nouvelle définition légale de celui-ci ? Rappelons que la différence de pénalité (deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende pour l’occupation frauduleuse ; trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende pour la violation de domicile) n’est peut-être pas significative [49], mais qu’elle demeure réelle. Une articulation plus nette des deux délits aurait été préférable. Plus largement, si tant est que l’on accepte de considérer que le local d’habitation soit une notion plus large que celle de domicile, ou à tout le moins distincte de celle-ci, l’interprétation de nombreux textes pourrait être amenée à évoluer. En effet, le vol est aggravé lorsqu’il est commis dans un « local d’habitation » [50], la légitime défense nocturne est présumée lorsqu’il est question d’un « lieu habité » [51] et l’accès des enquêteurs au « lieu d’habitation » est encadré lorsqu’il s’agit, par exemple, d’installer un dispositif de captation d’images [52]. Or, la doctrine considère que tous ces termes sont synonymes de domicile [53]. Il apparaît donc le législateur et le Conseil constitutionnel n’ont pas pris la mesure de l’impact potentiel d’une distinction entre domicile et lieu à usage d’habitation sur la lisibilité de la notion de domicile en droit pénal [54], si ce n’est pour articuler les infractions avec la procédure administrative d’expulsion forcée.

2) L’articulation des infractions avec la procédure administrative d’expulsion forcée

17. Problématique. La procédure administrative d’expulsion forcée prévue par l’article 38 de la loi « DALO » a fait l’objet de nombreuses retouches par la loi du 27 juillet 2023. Si toutes ne sont pas en lien direct avec les infractions qui viennent d’être évoquées [55], les modifications les plus importantes le sont, dès lors que cette procédure administrative ne pouvait classiquement être mise en œuvre que si une plainte pour violation de domicile était déposée. L’enjeu est donc de déterminer si l’extension opérée sur le plan substantiel quant au périmètre du squat peut rejaillir sur le plan procédural. Ainsi, peut-on demander au préfet l’expulsion de la personne qui occupe un logement non meublé ? Quid de celle qui occupe un lieu de travail ?

18. Articulation possible. Aux termes du premier alinéa de l’article précité, dans sa nouvelle rédaction, la mise en œuvre de la procédure suppose l’introduction et le maintien « dans le domicile d’autrui, qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale ou dans un local à usage d’habitation » [56]. Le quatrième alinéa précise que « lorsque le local occupé ne constitue pas le domicile du demandeur », le délai assorti à la mise en demeure de quitter les lieux est de sept jours, et non de vingt-quatre heures. Il ne fait donc aucun doute que le législateur a souhaité étendre le champ d’application de la procédure à des lieux autres que le domicile, ce que suggère la nouvelle référence au « local d’habitation », soit essentiellement les logements non meublés. Or, on l’a vu, le squat de tels logements n’est répréhensible que sur le fondement de l’article 315-1 du Code pénal. Pour autant, les lieux à usage professionnel ne sont pas concernés ici. Logiquement, l’articulation suivante devrait alors être retenue : l’expulsion forcée est possible si le délit de violation de domicile ou le délit d’occupation frauduleuse d’un local d’habitation est constaté [57] ; l’expulsion forcée n’est pas possible si l’occupation frauduleuse concerne un lieu à usage professionnel [58]. En pratique, la victime du squat devra faire attention à viser l’infraction idoine dans sa plainte [59]. En toute hypothèse, le Conseil constitutionnel n’a rien trouvé à redire à cette extension du périmètre de la procédure d’expulsion forcée, mettant à nouveau l’accent sur le fait que le législateur « a cherché à protéger le droit de propriété » [60], objectif fondant également l’incrimination de nouveaux comportements en lien avec le squat.

II. L’incrimination de nouveaux comportements en lien avec le squat

19. Le squat renvoie normalement à l’occupation consécutive à une introduction irrégulière dans un lieu, si bien que qualifier le locataire ne payant plus son loyer de « squatteur » et l’exposer à la sanction pénale peut paraître excessif. C’est pourtant ce qui semble résulter de la loi étudiée. En effet, le maintien du locataire défaillant est à présent punissable au titre d’un nouveau délit d’occupation frauduleuse, lequel est introduit dans le chapitre de la loi visant à « mieux réprimer la lutte contre le squat » (A.). De façon plus anecdotique, un délit visant à sanctionner la promotion du squat a également été créé (B.).

A. Le maintien du locataire défaillant

20. Un délit assorti de causes d’exonération. Placé juste après le délit d’occupation frauduleuse dans un lieu autre que le domicile défini par l’article 315-1 du Code pénal, précédemment étudié, et inséré dans le même chapitre que celui-ci, l’article 315-2 du Code pénal énonce, en son premier alinéa, que « le maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux depuis plus de deux mois est puni de 7 500 euros d’amende ». Le second alinéa du texte assortit néanmoins ce délit de plusieurs causes d’exonération : l’infraction ne peut s’appliquer si la « trêve hivernale » est en cours [61], si un délai de grâce a été accordé (ou au moins sollicité) [62] et si le bailleur est une personne morale de droit public ou un bailleur social. Comme l’a souligné le rapporteur du texte au Sénat, cette dernière exclusion « peut s’interpréter comme une volonté de protéger surtout les petits propriétaires privés, plus vulnérables en cas d’impayés, et de tenir compte des moyens financiers plus limités des locataires du parc social » [63]. Il ressort nettement de ce texte que le locataire défaillant, s’il peut être exposé à la sanction pénale, n’est pas un squatteur comme un autre, dès lors qu’il est traité beaucoup moins sévèrement que l’auteur d’une violation de domicile ou que l’auteur d’une occupation illicite d’un lieu autre que le domicile. Il convient néanmoins de revenir sur le parcours de ce texte, afin de réaliser que les objectifs que s’étaient fixés ses concepteurs concernant l’élément matériel des infractions susceptibles de punir le squat sont loin d’être tous remplis.

21. Constat du double objectif initial. Tout au long du processus parlementaire, deux objectifs distincts ont interféré l’un avec l’autre : d’une part, élargir l’élément matériel de l’infraction de violation domicile en sanctionnant tout maintien dans un lieu consécutif une introduction régulière ; d’autre part, incriminer l’hypothèse spécifique du maintien dans une propriété en violation d’une décision de justice. S’agissant du premier objectif, il faut rappeler que le législateur avait lui-même involontairement restreint la définition de l’élément matériel du délit de violation de domicile par le passé. En effet, lors de l’entrée en vigueur du Code pénal de 1992, l’article 226-4 du Code pénal permettait de sanctionner le maintien de personnes se maintenant de façon irrégulière dans un lieu à la suite d’une introduction, elle, régulière. L’hypothèse n’est pas d’école. Il peut s’agir de l’ex-époux qui se maintient avec contrainte dans l’ancien domicile conjugal attribué par décision de justice à l’épouse [64] ; de l’individu à qui l’on aurait prêté son logement pour quelques jours et qui refuserait de quitter les lieux ; de militants qui se maintiendraient dans un domicile après y être entrés légalement [65] ; ou encore, tout simplement, de l’individu qui serait entré dans les lieux en trouvant la porte ouverte [66]. Néanmoins, afin de dissiper un doute sur la nature instantanée ou continue du délit en cas de maintien violent [67], une nouvelle rédaction a été adoptée par la loi n° 2015-714 du 24 juin 2015. Or, si cette loi a nettement tranché le débat en faveur du caractère continu de l’infraction, elle a, par la même occasion, conditionné la sanction du maintien à une introduction irrégulière préalable [68]. Il pouvait donc paraître nécessaire que le législateur intervienne afin de remédier à cette limitation injustifiée de la répression du squat [69]. S’agissant du second objectif, il est en cohérence avec l’esprit de la loi, mais c’est peu dire que l’idée de pénaliser le locataire défaillant ne fait pas l’unanimité [70].

22. Maintien du double objectif. Dans la proposition de loi, le double objectif était clairement rempli : un article de cette proposition remédiait à la carence évoquée en incriminant le maintien irrégulier « non précédé d’une introduction délictuelle », tandis qu’un autre article incriminait « l’occupation sans droit ni titre d’un logement appartenant à un tiers, lorsqu’elle se fait en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux » [71]. Toutefois, ce dernier article fut vivement critiqué lors l’examen du texte par la commission des affaires économiques [72] de l’Assemblée nationale, si bien qu’une nouvelle rédaction fut proposée, laquelle prévoyait, de façon assez déroutante, que l’occupation « sans droit ni titre, de mauvaise foi, d’un immeuble bâti à usage d’habitation appartenant à un tiers s’apparente à un vol » tout en précisant qu’il « incombe au tiers occupant sans droit ni titre de présenter un titre de propriété, un contrat de bail en cours de validité le liant au propriétaire de l’immeuble occupé ou une convention d’occupation à titre gratuit signée par le propriétaire du bien » [73]. Les malfaçons de cette rédaction ont été d’emblée relevées par le garde des Sceaux lors des débats à l’Assemblée nationale [74], si bien que la distinction entre le délit d’occupation frauduleuse (le futur article 315-1 du Code pénal) et le délit visant le locataire défaillant (le futur article 315-2 Code pénal) était introduite. Les causes d’exonération précitées furent également ajoutées à ce stade, et une peine de prison était encore prévue. Par ailleurs, le maintien consécutif à une introduction régulière était bien réprimé, tant au titre de la violation de domicile que de l’occupation frauduleuse d’un lieu autre que le domicile.

23. Abandon du double objectif. Le Sénat a mis fin au double objectif poursuivi. Considérant que les deux textes qui lui étaient transmis permettaient de sanctionner les locataires défaillants, ce qu’il a jugé excessif, il a abandonné la sanction du maintien consécutif à une introduction régulière, pour ne retenir que le délit visant le locataire défaillant, non sans hésiter sur ce dernier point [75]. Quant à la peine de prison, elle fut supprimée lors des débats en séance publique devant la chambre haute, la peine de 7 500 euros d’amende étant, elle, conservée. En définitive, l’objectif le moins controversé n’a pas été atteint, tandis que la mesure la plus discutable a finalement été introduite. Pourtant, le locataire défaillant n’aurait pas forcément été concerné la sanction du maintien faisant suite à une introduction régulière. En effet, puisqu’un délit spécifique est introduit, les juges auraient pu considérer qu’il s’agit d’une infraction spéciale et juger, en vertu des principes de résolution de concours de qualification [76], que seul ce délit spécifique pouvait s’appliquer. Il faudra donc attendre la prochaine intervention législative pour qu’il soit remédié à l’impunité de certains squatteurs, ce qui est paradoxal au regard de l’objectif du texte étudié.

B. La propagande ou la publicité en faveur du squat

24. Énoncé du délit. Aux termes du nouvel article 226-4-2-1 du Code pénal N° Lexbase : L3175MIG, alinéa premier, « la propagande ou la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur de méthodes visant à faciliter ou à inciter à la commission des délits prévus aux articles 226-4 et 315-1 est punie de 3 750 euros d’amende ». L’alinéa second précise que les règles d’imputation prévues en matière d'infraction de presse lorsque la publication est effectuée par voie de presse ou par voie audiovisuelle sont applicables au délit.

25. Élaboration du délit. Ce nouveau délit n’était pas prévu dans la proposition de loi. Il a été introduit au stade des débats en séance publique devant l’Assemblée nationale, afin de lutter contre la diffusion de « guides du bon squatteur » [77]. Il revient au Sénat d’avoir précisé que la promotion illicite pouvait aussi concerner le délit d’occupation frauduleuse incriminé par l’article 315-1 du Code pénal et d’avoir ajouté la mention des règles d’imputation en matière d’infractions de presse [78].

 

26. Validation constitutionnelle. L’opposition a pu arguer que les documents de certaines associations d’aide au logement pourraient tomber sous le coup de cette incrimination. Le Conseil constitutionnel a jugé cette crainte injustifiée. Selon lui, le délit n’a « ni pour objet ni pour effet, en particulier [lorsque la diffusion] est effectuée par une association apportant, conformément à son objet, aide et assistance aux personnes en situation de précarité, d’incriminer la diffusion d’un message ou d’une information qui ne ferait pas directement ou indirectement la promotion de [méthodes visées par cette nouvelle infraction] » [79]. Les Sages ont également écarté de grief d’atteinte à la liberté d’expression et de communication [80].

III. L’aggravation des peines

27. Les peines du délit de violation de domicile. La loi du 27 juillet 2023 élève les peines encourues en matière de violation de domicile (anciennement d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende) à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Cette aggravation avait déjà été envisagée par la loi « ASAP », mais le Conseil constitutionnel avait censuré l’innovation, dès lors qu’elle était sans lien avec l’objet du texte [81]. À l’appui de cette aggravation, le rapporteur à l’Assemblée nationale a avancé l’injustice tenant au fait que le propriétaire expulsant de force un squatteur de son logement encoure, en vertu de l’article 226-4-2 du Code pénal, une peine plus sévère que l’occupant illégitime [82]. Il a également invoqué l’effet dissuasif de l’augmentation du quantum de la peine et l’impact procédural de celle-ci, en ce qu’elle permet d’avoir recours à la comparution immédiate [83]. Le Conseil constitutionnel a, quant à lui, estimé que les peines étaient justifiées au regard de la nature des comportements incriminés [84]. En pratique, la modification n’aura pas d’incidence notable sur les sanctions prononcées, dès lors que les juges, en vertu de leur pouvoir de personnalisation de la peine, prononcent des peines très éloignées des maximums encourus. La possibilité de juger en comparution immédiate le délit est toutefois une véritable innovation dont le ministère public pourra se saisir.

28. Les peines du délit de mise à disposition frauduleuse du bien immobilier d’autrui. Le délit de mise à disposition frauduleuse du bien immobilier d’autrui, prévu par l’article 313-6-1 du Code pénal N° Lexbase : L3176MIH [85] sanctionne le fait de « de mettre à disposition d’un tiers, en vue qu’il y établisse son habitation moyennant le versement d’une contribution ou la fourniture de tout avantage en nature, un bien immobilier appartenant à autrui, sans être en mesure de justifier de l’autorisation du propriétaire ou de celle du titulaire du droit d’usage de ce bien ». À l’instar de l’aggravation précédente, les peines de ce délit sont passées d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. À l’origine, les députés souhaitaient introduire un nouveau délit qui aurait consisté à « se dire faussement propriétaire de ce bien aux fins de le louer », pratique croissante chez les marchands de sommeil [86]. Autrement dit, il s’agissait de pallier l’impossible sanction d’un tel comportement sur le terrain de l’escroquerie, en l’absence de manœuvres frauduleuses et du fait que l’immeuble soit classiquement exclu du domaine de celle-ci [87]. Or, comme l’ont relevé les sénateurs, à juste titre, l’article 313-6-1 précité permet déjà de sanctionner « celui qui loue un bien en se faisant passer faussement pour son propriétaire, puisque l’auteur de l’infraction ne pourra jamais se prévaloir de l’autorisation du véritable propriétaire. Son champ d’application est plus large puisqu’il permet aussi de sanctionner par exemple des sous-locations accordées sans l’accord du propriétaire » [88]. La création d’une nouvelle infraction fut donc jugée inopportune et l’augmentation des peines de ce délit privilégiée. Étant donné que ce délit n’a été appliqué qu’une seule fois depuis sa création [89], l’innovation devrait rester purement symbolique.

À retenir.

  • La nouvelle définition du domicile reprend des acquis jurisprudentiels.
  • L’extension du périmètre du squat tient à la création d’un délit d’occupation frauduleuse envisagé comme une atteinte à la propriété : sont concernés les locaux à usage professionnel et, probablement, les logements non meublés. L’articulation de ce délit avec la violation de domicile et la procédure administrative d’expulsion pose question.
  • Le locataire défaillant se maintenant dans un logement en violation d’une décision de justice commet un délit puni de 7 500 euros d’amende.
  • La propagande ou la publicité en faveur du squat est incriminée.
  • Les peines du délit de violation de domicile et du délit de mise à disposition frauduleuse du bien immobilier d’autrui sont aggravées.
 

[1] Dispositif introduit à titre expérimental par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique N° Lexbase : L8700LM8 et pérennisé par la loi commentée.

[2] G. Kasbarian, A. Bergé et L. Marcangeli (Renaissance et apparentés et Horizons et apparentés), Proposition de loi n° 360 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, 18 octobre 2022 [en ligne].

[3] G. Kasbarian, Rapport n° 491, fait au nom de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale sur la proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, 16 novembre 2022, p. 5 [en ligne].

[4] JOAN CR, 29 novembre 2022, p. 6116 [en ligne].

[5] La loi facilite ainsi la résiliation du bail des locataires défaillants en systématisant l’insertion d’une clause résolutoire. Elle raccourcit également les délais en matière de procédure d’expulsion locative.

[6] Rapport n° 491, préc., p. 6. Pour autant, comme le relève ce même rapport, les bailleurs ne sont pas les seules victimes du squat, dès lors qu’un quart des cas de squat répertoriés concernent des locataires momentanément absents de leur logement (p. 12).

[7] A. Reichardt, Rapport n° 278, 25 janvier 2023, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, p. 5 [en ligne].

[8] Sur les enjeux de cette définition, v. infra n° 21.

[9] V. G. Dumenil, Traitement juridique du « squat » : évolutions, interrogations et perspectives, Droit pénal 2022, étude 15.

[10] Le texte a notamment étendu le domaine de procédure à la résidence secondaire, déconnecté sa mise en œuvre du titre d’occupation du résident (propriétaire, locataire, occupant à titre gratuit) et introduit l’obligation pour le préfet de mettre en demeure l’occupant sous 48 heures à réception de la demande de quitter les lieux. Adde : N. Damas, Expulsion des squatteurs, vers plus d’efficacité ?, D. 2020, p. 2512.

[11] Rapport n° 491, préc., p. 11 : « au cours des six premiers mois de l’année 2021, 124 demandes de procédure avaient été déposées auprès des services préfectoraux dans des cas supposés de squats, avec un taux de traitement de 76 %. Dans l’Hexagone, quatre régions (Île-de-France, Hauts-de-France, Sud, Occitanie) concentraient 80 % des cas […] à la fin de l’année 2021, la ministre chargée du logement, Emmanuelle Wargon, avait rapporté que quelque 170 cas avaient pu être résolus par cette nouvelle procédure ».

[12] Pour étayer la nécessité de renforcer la pénalisation, l’expansion du phénomène du squat en Espagne a été fréquemment invoquée pendant les débats. Par ex., Rapp. n°491, préc, p. 68.

[13] Rapp. n° 491, préc., p. 14. Parmi ces propositions, dix provenaient du groupe Les Républicains.

[14] Communiqué du 29 juillet 2023, clarifiant la portée de la censure de l’article 7 de la loi qui introduisait un régime dérogatoire de responsabilité civile au profit des propriétaires de logements occupés illicitement [en ligne].

[15] Cons. const., n° 2023-853 DC, 26 juillet 2023. V. infra n° 10 N° Lexbase : A61471GR.

[16] Proposition de loi n° 360, préc., exposé des motifs, évoquant « les squats, à la fois violation de la sphère intime et privation de l’usage de la propriété » [en ligne].

[17] CA Paris, 16 juin 1987 : D. 1987, IR, p. 197. V. déjà, en droit romain, Digeste, 47, 10, § 2 : « Par maison on entend, non la propriété d’une maison, mais le domicile ».

[18] T. corr. Chalon-sur-Saône, 17 février 1950 ; JCP 1950, II, 5505, note G. Levasseur.

[19] Cass. crim., 22 janvier 1997, n° 95-81.186 N° Lexbase : A0863ACX.

[20] Cass. crim., 31 janvier 1914 : DP 1918, 1, p. 76 ; Cass. crim., 6 avril 1993, n° 93-80.185 N° Lexbase : A4679CNM.

[21] CA Paris, 17 mars 1986 ; Gaz. Pal. 1986, 2, p. 429.

[22] Cass. crim., 20 novembre 1984, n° 84-91.829 N° Lexbase : A3392AAU.

[23] T. corr. Chalon-sur-Saône, 17 février 1950, préc.

[24] Cass. crim., 26 juin 2002, n° 01-88.474 N° Lexbase : A6838C3N.

[25] Cass. crim., 1er avril 1992, n° 91-85.279 N° Lexbase : A9706CKP.

[26] Rapport n° 471, préc., p. 35 : « Cette clarification devrait permettre, sans s’écarter excessivement de la notion d’un lieu effectivement occupé, de sécuriser les biens qui sont sur le point d’être habités (déménagement, transaction, changement de locataire) mais sont temporairement vides de meubles. »

[27] Proposition de loi n° 360, préc., art. 2.

[28] En ce sens, G. Dumenil, art. préc.

[29] JOAN CR, préc., p. 6103.

[30] Amendement n° 127 : v. JOAN CR, 2 décembre 2022, p. 6409 [en ligne].

[31] Cons. const., décision n° 2023-853 DC, 26 juillet 2023, préc., § 46-49 : il est également affirmé qu’ « en qualifiant en qualifiant certains locaux à usage d’habitation de domicile, le législateur n’a pas adopté des dispositions imprécises », ce dont on peut douter (v. infra n° 16).

[32] Par ex. : une usine (T. corr. Bar-le-Duc, 12 février 1936 : Gaz. Pal. 1936, 1, p. 847 ; TGI Épinal, 1er févr. 1972 ; Cah. prud’h. 1972, p. 143), le siège d’une personne morale (CEDH, 16 avril 2002, Req. 37971/97, Colas Est Sté c/ France, § 41 N° Lexbase : A5397AYK), un bureau (Cass. crim., 24 juin 1987, n° 87-82.333 N° Lexbase : A8481CIX ; Cass. crim., 7 février 1994, n° 93-80.520 N° Lexbase : A9319CNH).

[33] Par ex. : un bloc opératoire (Cass. crim., 27 novembre 1996, n° 95-84.118) ou le siège d’une association (Cass. crim., 27 septembre 1984, n° 84-93.474 N° Lexbase : A6481AAB).

[34] En ce sens, A. Lepage, v° « Droits de la personnalité », Rép. civ., n° 176.

[35] V. A. Lepage, op. cit., n° 165 et s. ; G. Dumenil, Le domicile en droit pénal, LGDJ, Paris, 2021, n° 170 et s.

[36] En ce sens : S. Husser, Privé et public en droit pénal, th. Paris-Panthéon-Assas, 2022, n° 270.

[37] C. pén., art. 311-4, 6° N° Lexbase : L7493L9E et 311-5, 3° N° Lexbase : L7624IP3, aggravant la répression du vol commis dans un « lieu utilisé ou destiné à l’entrepôt de fonds, valeurs, marchandises ou matériels », formule issue de la loi n° 81-82 du 2 février 1981, renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes N° Lexbase : L8215HI4. On notera que l’innovation avait précisément pour origine une jurisprudence interprétant trop largement l’ancienne notion de « maison habitée » (A. Vitu, Droit pénal spécial, t. 2, Cujas, 1982, n° 2276).

[38] C. proc. pén., art. 78-2-1 N° Lexbase : L9726L7D, habilitant les enquêteurs à entrer dans de tels lieux. V. aussi, en matière de visites administratives, C. com., art. L. 450-3 N° Lexbase : L6273L44 ; C. douanes, art. 63 ter N° Lexbase : L5938K8G ; C. conso., art. L. 512-5 N° Lexbase : L0968K7Y.

[39] Rapport n° 278, préc., p. 14.

[40] Rapport n° 278, préc., p. 71 : « il est logique que la peine soit plus sévère en cas de squat d’un domicile qu’en cas de squat de locaux commerciaux, qui sont parfois inoccupés depuis des années ».

[41] À savoir CCH, art. R. 122-1 N° Lexbase : L7510L9Z pour les bâtiments à usage agricole et l’article L. 329-1 du Code de l’urbanisme pour les locaux à usage commercial et professionnel (v. Rapp. n° 691, préc., p. 18).

[42] JOAN CR, 29 mars 2023, p. 3252 [en ligne].

[43] C’est ce que semble suggérer la distinction entre domicile et local d’habitation préconisée par les concepteurs du texte s’agissant de l’article 38 de la loi « DALO » (v. infra, n° 18).

[44] Comp., CEDH, 3 décembre 2020, Req. 12929/18, Papachela et Amazon c/ Grèce, § 63 N° Lexbase : A722138X, sanctionnant l’inaction de l’État n’ayant rien fait pour protéger les droits d’un propriétaire dont le bien avait été squatté.

[45] Cons. const., décision n° 2023-853 DC, 26 juillet 2023, préc., § 7-8.

[46] Cons. const., décision n° 2013-328 QPC, 28 juin 2013, § 6 N° Lexbase : A7733KHU.

[47] Cons. const., décision n° 2023-853 DC, 26 juillet 2023, préc., § 12-13.

[48] Cass. crim., 15 déc. 2021, n° 21-81.864. Adde : J.-C. Saint-Pau, Cumul des qualifications d’ usage de faux et d’escroquerie. Évolution de la règle ne bis in idem, Lexbase Pénal, 2022 N° Lexbase : N0178BZM ; X. Pin, Conflit de qualifications : beaucoup de bruit..., RSC 2022, p. 311 ; L. Saenko, Les concours d’infractions en matière pénale : la fractura temporis ?, D. 2022, p. 1762.

[49] Comp. Cons. const., décision n° 213-328 QPC, 28 juin 2013, où il était question de 5000 euros d’amende pour la première infraction et de cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende pour la seconde.

[50] C. pén., art. 311-4, 6° N° Lexbase : L7493L9E et 311-5, 3° N° Lexbase : L7624IP3.

[51] C. pén., art. 122-6 N° Lexbase : L2098AMN.

[52] C. proc. pén., art. 706-96 N° Lexbase : L7418LPG.

[53] G. Dumenil, op. cit., n° 254 ; S. Husser, op. cit., n° 242. V. déjà, A. Vitu, op. cit., t. 2, n° 2275.

[54] En ce sens, G. Dumenil, Loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite. De l'inflation législative à l'incohérence, Droit pénal, 2023, act. 990.

[55] La nouvelle mouture du texte prévoit que les maires et commissaires de justice pourront constater l’occupation illicite (al. 1er), elle instaure l’obligation, pour le préfet, de s’adresser dans un délai de 72 heures à l’administration fiscale pour établir la preuve des droits de la personne lésée par le squat, lorsque celle-ci ne peut en apporter la preuve par elle-même (al. 2) ; elle prend enfin en compte une réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel (Const. const., décision n° 2023-1038 QPC, 24 mars 2023 N° Lexbase : A50169KY) en précisant que la décision préfectorale de mise en demeure est prise « en considération de la situation personnelle et familiale de l’occupant » (al. 3).

[56] La référence au « local d’habitation » a été introduite par le Sénat au stade de l’examen du texte en commission, à la place de la référence au domicile « meublé ou non » (Rapport n° 278, préc., p. 26).

[57] Ce qui n’était pas le cas auparavant : v. CE, 25 mars 2021, n° 450651 N° Lexbase : A59164NG.

[58] Rapport n° 691, préc., p. 27 : « deviendraient ainsi éligibles à la procédure d’évacuation forcée les logements occupés par des squatteurs entre deux locations ou juste après l’achèvement de la construction, avant que le propriétaire n’ait eu le temps d’emménager » ; v. aussi la réponse du rapporteur du texte à une critique d’une députée de l’opposition : « Vous dites que [la modification] étend la notion de domicile à tout lieu vide, mais ce n’est pas le cas. Les locaux à usage économique, par exemple, sont traités à l’article 1er A. L’article 38 de la loi Dalo n’a pas vocation à couvrir tout lieu vide et il est fait une distinction entre le domicile et les locaux à usage d’habitation » (Rapp. n° 1010, préc., p. 79).

[59] L’article 38 de la loi « DALO » n’ayant jamais fait explicitement référence à la violation de domicile, rien ne s’oppose à ce que la plainte vise le délit de l’article 315-1 du Code pénal.

[60] Cons. const., n° 2023-853 DC, 26 juillet 2023, préc., § 54 à 64.

[61] Soit du 1er novembre au 31 mars de l’année suivante (CPCE, art. L. 412-6).

[62] CPCE, art. L. 412-3 ; v. Rapport n° 278, préc. p. 15 : « Il est logique qu’aucune sanction pénale ne soit encourue lorsque le maintien dans les lieux est autorisé par une décision du juge civil. »

[63] Rapp. n° 278, préc., loc. cit.

[64] V. not., Cass. crim., 9 décembre 1998, n° 97-80.578 N° Lexbase : A5895CQE.

[65] G. Dumenil, Traitement juridique du « squat », art. préc.

[66] En ce sens, Rapport n° 278, préc., p. 7.

[67] L’enjeu étant la possibilité d’ouvrir une enquête de flagrance et de permettre, par suite, de justifier le recours à la procédure d’expulsion forcée de la loi « DALO ».

[68] En revanche, le maintien consécutif à une introduction irrégulière n’a plus à être commis à l’aide de violence.

[69] En ce sens, G. Dumenil, art. préc.

[70] Un député de l’opposition a pu fustiger une « proposition de loi Jean Valjean » (Rapport n° 491, p. 92).

[71] Prop. de loi n° 360, préc., art. 2 et 3.

[72] Rapp. n° 491, préc., p. 91.

[73] Art. 1er A du texte élaboré par ladite commission.

[74] JOAN CR, 28 novembre 2022, préc., p. 6103, relevant l’absence de définition de la mauvaise foi en droit pénal, un champ d’application trop large du délit et l’instauration d’une présomption de culpabilité.

[75] Rapport n° 278, préc., p. 16. Après avoir relevé les critiques tenant à « l’effet de stigmatisation [que le délit] pourrait entraîner », « son caractère peu opérant », et le fait qu’il pourrait concerner 35 000 ménages, la commission « a toutefois décidé de [le] maintenir compte tenu de son potentiel effet dissuasif ».

[76] Cass. crim., 15 décembre 2021, n° 21-81.864, préc.

[77] JOAN CR, 2 décembre 2022, préc., p. 6397.

[78] Rapp. n° 278, préc., p. 22. Sur le souci d’efficacité répressive inhérent à l’extension de ces règles d’imputation, v. S. Husser, op. cit., n° 322.

[79] Cons. const., décision n° 2023-853 DC, 26 juill. 2023, préc., § 37

[80] Cons. const., décision n° 2023-853 DC, 26 juill. 2023, préc., § 42.

[81] Cons. const., décision n° 2020-807 DC, 3 déc. 2020, § 69.

[82] Rapport n° 491, préc., p. 28. Cet argumentaire a été validé par le garde des Sceaux : « Il est totalement anormal, en effet, qu’un propriétaire qui tente de récupérer son appartement – ou sa maison – d’habitation, occupé de façon tout à fait illégale, soit puni davantage que le squatteur » (JOAN CR, 2 décembre 2022, préc., p. 6396). En sens contraire, pour un député de l’opposition, « si un propriétaire qui commet un délit d’expulsion illégale est plus sévèrement puni, c’est parce qu’il s’en prend physiquement à des familles, qu’il met dehors, souvent violemment. Lorsqu’un squatteur entre dans un domicile, la violence n’est pas la même : il occupe un bien mais ne se confronte pas physiquement à un propriétaire absent » (Rapport n° 491, préc., p. 75).

[83] Rapport n° 491, préc., p. 28.

[84] Cons. const., décision n° 2020-807 DC, 3 décembre 2020, § 31 N° Lexbase : A721138L.

[85] Le délit a été introduit par loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure N° Lexbase : L9731A9B.

[86] Proposition de loi n° 360, préc., art. 1er bis.

[87] Rapport n° 491, préc., p. 29.

[88] Rapport n° 278, préc. p. 24.

[89] CA Paris, 18 oct. 2005 : M. Véron, obs., Droit pénal 2006., comm. 90.

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