La lettre juridique n°961 du 19 octobre 2023 : Santé et sécurité au travail

[Jurisprudence] Maintien d’une obligation de reclasser le salarié inapte lorsque la rédaction de l’avis restreint la dispense de reclassement au cadre de l’entreprise

Réf. : Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-12.970, F-B N° Lexbase : A47981GS

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N7139BZG

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par Laurène Joly, Maître de conférences en droit privé à l’Université de Bordeaux, COMPTRASEC - UMR CNRS 5114

le 18 Octobre 2023

Mots clés : inaptitude • dispense de reclassement • périmètre • groupe • établissement public administratif

La Cour de cassation, dans un arrêt du 13 septembre 2023, interprète strictement les termes de l’article L. 1226-2-1 du Code du travail, en approuvant les juges d’appel d’avoir jugé que « l’employeur n’était pas dispensé de procéder à des recherches de reclassement et de consulter les délégués du personnel », dès lors qu’avaient été ajoutés par le médecin du travail les termes « dans l’entreprise » à la formule « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » sur l’avis d’inaptitude.


Le régime juridique de l’inaptitude a été remanié à plusieurs reprises, notamment par la loi « Travail » du 8 août 2016 puis par les ordonnances « Macron » du 22 septembre 2017 avec la volonté de renforcer les garanties offertes aux salariés, d’une part, et de simplifier la procédure, d’autre part. Les employeurs continuent néanmoins à dénoncer l’insécurité juridique générée par les incertitudes liées à l’obligation de reclassement et à l’hétérogénéité des pratiques des médecins du travail et force est de constater que le contentieux du droit de l’inaptitude est loin de se tarir. Des décisions ont ainsi récemment livré des éclaircissements sur les conditions d’application des dispenses de recherche de reclassement pour le salarié inapte. C’est sur ce point que la Cour de cassation est invitée à se prononcer dans l’arrêt du 13 septembre 2023.

Un salarié, administrateur de base de données, au sein de l’Établissement public de sécurité ferroviaire, a été déclaré inapte après plus de deux ans d’arrêt de travail pour maladie non professionnelle. L’avis d'inaptitude du médecin du travail, daté du 23 août 2017, est ainsi rédigé : « Inapte. Étude de poste, étude des conditions de travail et échanges entre le médecin du travail et l’employeur réalisés le 16 août 2017. Tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ». L’employeur en déduit qu’il est dispensé de rechercher un reclassement et de consulter les représentants du personnel. Il licencie le salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 18 septembre 2017.

Le salarié conteste la validité de son licenciement, en faisant notamment valoir que l’employeur n’a pas cherché à le reclasser préalablement à son licenciement et obtient gain de cause devant les juges du fond. Ces derniers soulignent en effet l’emploi des termes « tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise » au lieu des termes « tout maintien dans un emploi » dans la rédaction de l’avis médical d’inaptitude. Or, ces termes n'impliquaient pas l'éloignement du salarié de toute situation de travail. Une recherche de reclassement aurait donc dû avoir lieu en dehors de l’entreprise. La cour d’appel fait donc droit à la demande du salarié. L’employeur, condamné à indemniser le salarié pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, forme alors un pourvoi et saisit la Cour de cassation. La solution des magistrats du second degré est confirmée par la Haute juridiction : l’employeur n'était ni dispensé de procéder à des recherches de reclassement ni de consulter les élus.

L’arrêt sous commentaire s’inscrit dans le droit fil de la position adoptée par la Cour de cassation sur l’interprétation des dispenses légales de reclassement du salarié déclaré inapte (I.). Toutefois, la décision est rendue dans un contexte très particulier suscitant des interrogations liées à la mise en œuvre de la solution qu’elle propose (II.).

I. Les limites de la dispense de recherche de reclassement du salarié inapte

En cas d’inaptitude du salarié, l’employeur doit impérativement chercher une solution de reclassement avant de le licencier.

En effet, quel que soit l’origine professionnelle ou non de l’inaptitude, selon les articles L. 1226-2 N° Lexbase : L8714LGT et L. 1226-10 N° Lexbase : L8707LGL du Code du travail, l’employeur doit proposer au salarié déclaré inapte à son emploi un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant. Cette proposition doit tenir compte des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté. Une seconde obligation pèse sur l’employeur : avant tout licenciement pour inaptitude, l’employeur - qu’il ait ou non des postes à proposer - doit consulter le comité social et économique (CSE) sur les possibilités de reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi, dans les conditions prévues aux articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du Code du travail, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions [1].

Toutefois, le législateur a introduit deux cas de dispense à ces deux obligations permettant à l’employeur de procéder directement au licenciement du salarié déclaré inapte [2]. L’employeur est, en effet, dispensé de la recherche de reclassement et de la consultation du CSE, si l’avis d’inaptitude du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

En conséquence, dès lors que l’un des deux cas de dispense est mentionné expressément dans l’avis d’inaptitude, l’employeur est dispensé de reclasser le salarié inapte et peut procéder à son licenciement [3].

En pratique, depuis 1er novembre 2017, des modèles d’avis d’inaptitude sont entrés en vigueur, intégrant la dispense de reclassement [4]. Le médecin du travail peut donc, en principe, se contenter de cocher une case correspondant à l’un des deux cas de dispense précédemment cités. Néanmoins, il n’est pas exclu que le médecin du travail puisse utiliser le modèle type en cochant une des deux cases libérant l’employeur de son obligation de reclasser le salarié inapte, mais en annotant le document de façon à modifier le périmètre associé à la dispense de reclassement. Il est donc recommandé à l’employeur d’être particulièrement vigilant quant à la formulation de l’avis médical d’inaptitude.

Tel était bien le cas, en l’espèce, puisque le médecin du travail avait indiqué dans l’avis d’inaptitude que « tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé » et non pas que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à santé.

Au soutien de son pourvoi, l’employeur a tenté de faire valoir que l’article L. 1226-2-1 du Code du travail n’impliquait pas que le médecin du travail fasse mention de ce que le maintien du salarié dans un emploi, quel qu’il soit, même en dehors de l’entreprise, serait gravement préjudiciable à sa santé pour que la dispense de reclassement puisse s’appliquer. La Cour de cassation rejette le pourvoi et approuve les juges d’appel qui ont relevé que la rédaction de l’avis d’inaptitude n'impliquait pas un éloignement du salarié de toute situation de travail et n’exonérait, par conséquent, pas l’employeur de son obligation de rechercher un reclassement et de consulter les représentants du personnel, en l’occurrence les délégués du personnel à l’époque des faits. Autrement dit, la Haute juridiction n'écarte pas toute recherche de reclassement, extérieure à l’entreprise. Ainsi, elle juge que le licenciement du salarié était sans cause réelle et sérieuse, car l’employeur devait procéder à ces recherches de reclassement et ne pouvait rompre le contrat de travail de l’intéressé que si ces recherches n’aboutissaient pas ou que le salarié refusait l’emploi proposé.

La lecture de cet arrêt confirme que la Cour de cassation adopte une interprétation très stricte des cas de dispense de l’obligation de reclassement du salarié inapte à la charge de l’employeur. Pour les Hauts magistrats, les formules retenues par le législateur doivent se retrouver « telles quelles » dans l’avis médical d’inaptitude pour que l’employeur soit exempté d’une recherche de reclassement. Cette rigueur se justifie sans doute par le caractère, en principe, exceptionnel de la dispense de reclassement.

Cette attention, portée à la rédaction de l’avis d’inaptitude, n’est pas nouvelle et, de ce point de vue, la décision commentée peut être rapprochée de décisions antérieures de la Cour de cassation dans lesquelles celle-ci avait jugé que le principe d’exonération ne vaut pas si le médecin du travail a entendu modifier la portée de l’une des mentions légales de dispense de reclassement, par exemple en limitant l’exonération au seul périmètre de l’entreprise lorsque celle-ci appartient à un groupe. Dans cette hypothèse, une recherche de reclassement doit ainsi être effectuée au sein du groupe. Tel était le cas dans une affaire où l’avis d’inaptitude mentionnait expressément que l’état de santé d’une salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans l’entreprise [5] et non « dans un emploi ». La Cour de cassation a pu ainsi en déduire que la dispense de reclassement n’était pas totale dans un arrêt du 8 février 2023 [6]. En caractérisant l’existence d’un groupe de reclassement entre le comité d’établissement qui employait la salariée et la société au sein duquel il était mis en place, en raison d’une permutabilité du personnel, elle juge que le comité d’établissement n’était donc pas dispensé de son obligation de rechercher un reclassement au sein de la société. Autrement dit, en cas de dispense de reclassement dans le seul cadre d’une entreprise faisant partie d’un groupe, l’employeur reste tenu de rechercher un poste de reclassement dans les autres sociétés du groupe.

Dans l’affaire commentée, la Haute juridiction cantonne la dispense au seul périmètre de la société qui emploie le salarié concerné, mais n’exonère pas l’employeur de toute recherche de reclassement dans la mesure où l’avis d’inaptitude, en l’espèce, semble s’apparenter à une mesure thérapeutique d’éloignement de la situation de travail dans laquelle se trouvait le salarié. Si cette solution doit être approuvée en ce qu’elle s’inscrit dans une logique de préservation de l’emploi, elle n’en suscite pas moins certaines interrogations quant à sa mise en œuvre. En effet, il ne ressort pas de la formulation employée par la Cour de cassation que le non-respect de l’obligation de reclassement tient à l’absence de recherche d’un emploi dans un groupe alors que l’avis d’inaptitude mentionne uniquement l’inaptitude à un emploi « dans cette entreprise ». Pourquoi la Haute juridiction ne mentionne-t-elle expressément pas l’existence d’un groupe ?

II. L’étendue du périmètre de reclassement du salarié inapte embauché par un établissement public administratif

Dans cette affaire, l’employeur du travailleur déclaré inapte est l'Établissement public de sécurité ferroviaire qui est un établissement public national à caractère administratif (EPA). Doté de la personnalité morale, l’EPA dispose d’une autonomie administrative et financière afin de remplir une mission d’intérêt général, précisément définie. L’EPA est placé sous le contrôle de la collectivité publique dont il dépend (État, région, département ou commune). Les personnels des EPA sont essentiellement des agents publics, ils peuvent être des fonctionnaires relevant du statut général de la fonction publique ou des agents non titulaires contractuels de droit public en CDD ou CDI, pouvant relever le cas échéant de statuts particuliers [7].

On peut donc s’étonner que l’ordre judiciaire soit compétent pour connaître du litige opposant un agent non titulaire et l’Établissement public de sécurité ferroviaire qui l’a embauché par contrat de travail. En effet, la compétence devait revenir au juge administratif puisque les personnels non statutaires travaillant dans un EPA sont des agents contractuels de droit public, quel que soit leur emploi. Or, aux termes de l'article L. 2221-3 du Code des transports N° Lexbase : L2240H9T, l’Établissement public de sécurité ferroviaire, bien qu’étant un EPA, peut employer du personnel dans les conditions fixées par le Code du travail. Le Tribunal des conflits indique que, par cette disposition, le législateur a entendu donner à l’établissement public la possibilité de recruter une partie de son personnel, selon les règles du droit privé. Il en déduit par conséquent que, dans ce cas particulier, en raison d’une disposition législative spécifique, il y a compétence judiciaire [8]. Sur le site internet de l’Établissement public de sécurité ferroviaire, on peut du reste lire que « les collaborateurs de l’EPSF sont majoritairement des salariés de droit privé possédant une qualification professionnelle reconnue et/ou une expérience professionnelle significative dans le domaine ferroviaire » [9].

Le cas d’espèce examiné est donc très spécifique puisqu’il concerne un salarié embauché par un EPA.

Faut-il transposer les règles relatives aux obligations de l’employeur public pour déterminer l’étendue de l’obligation de reclassement à la charge de l’EPA ?

En ce qui concerne le reclassement des fonctionnaires, plusieurs décisions de cours administratives d’appel indiquent qu’« il résulte des dispositions combinées des articles L. 826-1 et suivants du Code général de la fonction publique et des décrets propres à chaque fonction publique relatifs au reclassement des fonctionnaires que si l’agent demande son reclassement, il incombe alors à l’administration de tenter de le reclasser dans un emploi d’un autre corps ou cadre d’emplois, en priorité dans son administration d’origine ou, à défaut, lorsqu’aucun poste n’est disponible dans son administration d’origine, dans toute administration ou établissement public relevant des trois fonctions publiques » [10]. Autrement dit, en l’absence de poste administratif vacant au sein de l’établissement susceptible d’être proposé à l’agent pour permettre son reclassement interne, il appartient à l’administration d’étendre ses recherches de reclassement dans toute administration ou établissement public relevant des trois fonctions publiques aux fins de trouver une solution de reclassement externe.

Toutefois, le périmètre très large de l’obligation de reclassement de l’employeur public ne vaut a priori que pour les fonctionnaires. Or, ce n’est pas le statut du travailleur, en l’espèce, ce qui ne permet pas l’application stricte et entière des dispositions issues du statut général de la fonction publique.

A priori, ce sont plutôt les règles du Code du travail qui devraient s’appliquer. Ainsi, aux termes des articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du Code du travail, l’employeur doit proposer « un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient, le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ». Autrement dit, le périmètre de l’obligation de reclassement est fixé par la réunion de trois critères cumulatifs : l'existence d'un groupe, la permutabilité du personnel et l'implantation des sociétés sur le territoire national.

La notion de groupe [11] désigne le groupe formé par une entreprise, appelée entreprise dominante, et les entreprises qu'elle contrôle, dans les conditions définies à l’article L. 233-1 N° Lexbase : L9087KB8, aux I et II de l'article L. 233-3 N° Lexbase : L5817KTM et à l'article L. 233-16 N° Lexbase : L9089KBA du Code de commerce.

La Chambre sociale de la Cour de cassation a, certes, fait évoluer ces dernières années sa jurisprudence, en ne limitant pas la notion de « groupe de reclassement » aux groupes juridiquement constitués. Un « groupe » a, par exemple, pu être considéré comme constitué par un simple réseau de franchises [12]. L’arrêt du 8 février 2023, précédemment cité, paraît ainsi attester que la notion de groupe à prendre en considération pour l’appréciation des efforts de reclassement ne doit pas être strictement subordonnée à la reconnaissance de l’existence d’une société-mère et de liens capitalistiques entre différentes sociétés. Pour autant, la notion de groupe permet-elle de circonscrire le périmètre de l’obligation de reclassement dans l’arrêt sous examen ? La réponse semble négative et c’est peut-être pourquoi la Chambre sociale a pris soin de ne pas s’y référer. Il semble, en réalité, au gré des arrêts [13], que le critère clé soit la permutabilité [14], même si cette notion n’est jamais vraiment explicitée.

Une piste peut être explorée pour déterminer le périmètre de reclassement : transposer la jurisprudence relative au reclassement des salariés déclarés inaptes employés au sein d’un établissement public industriel et commercial (EPIC).

Dans un arrêt du 13 juillet 2010 [15], des salariés licenciés pour motif économique en 1999 et 2000 reprochaient à leur employeur - l’Economat des armées - de ne pas avoir satisfait à son obligation de reclassement [16]. L’Economat des armées est un EPIC placé sous la tutelle du ministère de la Défense, dont l'activité s'exerçait principalement en Allemagne et qui s'était réorganisé à la suite de la réunification allemande et du retrait des Forces françaises de ce pays, en réduisant le nombre de ses succursales et les effectifs du personnel civil employé par contrat de droit privé. La cour d’appel avait fait droit à leur demande en affirmant que les possibilités de reclassement devaient être recherchées dans les trois EPIC placés sous la tutelle du ministère de la Défense. Toutefois, le périmètre des « entités » au sein desquelles le reclassement aurait dû être recherché devrait être restreint par l’application des articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du Code du travail aux seules « entités » dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. C’est précisément ce qu’arguait l’employeur, au soutien de son pourvoi, dans l’arrêt précité : « l'Economat des armées exposait qu'aucune permutation de personnel n'était jamais intervenue entre les trois autres EPIC placés sous la tutelle du ministère de la Défense, que ces trois EPIC n'avaient jamais eu et, au regard du principe de spécialité des personnes morales, ne pouvaient avoir une activité et une organisation similaires permettant d'effectuer la permutation de leur personnel, que la tutelle du ministère de la Défense, qui consistait en un contrôle a priori de la légalité des actes de ces EPIC et ne portait en aucun cas sur la gestion de leur personnel, ne lui donnait pas le pouvoir de permuter leur personnel et qu'il n'existait entre ces EPIC aucun lien d'influence ou de dépendance nécessaire à la caractérisation d'un groupe définissant le périmètre des recherches de reclassement ». Ce raisonnement est d’ailleurs adopté par la Cour de cassation puisqu’elle estime « qu'en se bornant à reprocher à l'Economat des armées de n'avoir pas proposé aux salariés de reclassement dans les deux autres EPIC placés sous la tutelle du ministère de la Défense, sans nullement caractériser une permutabilité de droit ou de fait de leur personnel, au regard notamment de leur activité, de leur organisation ou de leur lieu d'exploitation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article L. 1233-4 du Code du travail ».

On ne peut que déplorer l’absence de précisions concernant les possibilités de reclassement de ce salarié. Un reclassement au sein du ministère chargé des Transports ou de ses établissements de tutelle aurait-il dû être recherché ? Telle est la question que la Cour de cassation pourrait opportunément venir trancher dans une prochaine décision. La seule certitude tient à ce que le périmètre à prendre en compte est celui qui correspond aux possibilités effectives de permutabilité du personnel.

Dans l’attente d’une plus grande lisibilité sur la portée exacte de leurs obligations, les employeurs pourront utilement, lorsque la rédaction de l'avis d'inaptitude est équivoque sur les contours de la dispense de reclassement, demander au médecin du travail des précisions. À cet égard, la Cour de cassation a jugé que « les réponses apportées, postérieurement au constat régulier de l'inaptitude, par le médecin du travail sur les possibilités éventuelles de reclassement concourent à la justification par l'employeur de l'impossibilité de remplir cette obligation » [17] : une façon d’inciter au dialogue entre l’employeur et le médecin du travail.


[1] C. trav., art. L. 1226-2-1, al. 2 N° Lexbase : L6778K9W pour l’inaptitude d’origine non professionnelle ; C. trav., art. L. 1226-12, al. 2 N° Lexbase : L7392K9N pour l’inaptitude d’origine professionnelle.

[2] Ibid.

[3] Cass. soc., 8 juin 2022, n° 20-22.500, FS-B N° Lexbase : A791674X ; Cass. soc., 16 novembre 2022, n° 21-17.255, F-B N° Lexbase : A29178T9 ; Cass. soc., 8 février 2023, n° 21-19.232, FS-B N° Lexbase : A97089B8.

[4] Arrêté du 16 octobre 2017, fixant le modèle d'avis d'aptitude, d'avis d'inaptitude, d'attestation de suivi individuel de l'état de santé et de proposition de mesures d'aménagement de poste N° Lexbase : L1295LHG, modifié par un arrêté 20 décembre 2017 N° Lexbase : L1122LIE ; Arrêté du 7 mai 2018, modifiant l'arrêté du 20 décembre 2017, fixant le modèle d'avis d'aptitude, d'avis d'inaptitude, d'attestation de suivi individuel de l'état de santé et de proposition de mesures d'aménagement de poste N° Lexbase : L3796LKS.

[5] La salariée avait été déclarée inapte à son poste, suivant avis du médecin du travail libellé en ces termes : « Inapte. L’état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans cette entreprise. Echange avec l’employeur en date du 4 juillet 2017 (étude de poste faite) ».

[6] Cass. soc., 8 février 2023, n° 21-11.356, FS-D N° Lexbase : A66409CW.

[7] T. confl., 25 mars 1996, n° 03000, Préfet de la région Rhône-Alpes c/ Conseil de prud’hommes de Lyon (Berkani) N° Lexbase : A2712ATM.

[8] T. confl., 9 octobre 2017, n° 4096 N° Lexbase : A5275WUW.

[9] Site de la sécurité ferroviaire [en ligne].

[10] V. par exemple : CAA Lyon, 6 janvier 2022, n° 19LY03515 N° Lexbase : A34607KD ; CAA Bordeaux, 31 janvier 2022, n° 19BX03136 N° Lexbase : A508773S ; CAA Lyon, 28 septembre 2022, n° 20LY00592 N° Lexbase : A76138LK. Ces décisions font application de l’article L. 826-3 du Code général de la fonction publique N° Lexbase : L6958MBC.

[11] V. en dernier lieu, Cass. soc., 5 juillet 2023, n° 22-10.158, FS-B N° Lexbase : A330498U.

[12] Cass. soc., 20 février 2008, n° 06-45.335, F-D N° Lexbase : A0584D7R ; Cass. soc., 15 janvier 2014, n° 12-22.944, F-D N° Lexbase : A7836KTE.

[13] L’arrêt sous commentaire ne démentira pas ce constat.

[14] Dans un arrêt du 11 février 2015, la Cour de cassation reconnaît l'existence d’un « groupe de permutabilité », indépendamment de l'existence d'une structure sociétaire : Cass. soc., 11 février 2015, n° 13-23.573, FS-P+B N° Lexbase : A4456NBN.

[15] Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 09-42.839, F-D N° Lexbase : A6849E4G.

[16] La notion de groupe en matière d’inaptitude physique et de licenciement économique a été unifiée par l’ordonnance du 20 décembre 2017 N° Lexbase : L6578LH4.

[17] Cass. soc., 6 janvier 2021, n° 19-15.384, F-D N° Lexbase : A89134BQ.

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