Cahiers Louis Josserand n°2 du 23 février 2023 : Actualité

[Evénement] Retour sur… le séminaire « Les événements sportifs internationaux et le droit », du 18 mars 2022

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[Evénement] Retour sur… le séminaire « Les événements sportifs internationaux et le droit », du 18 mars 2022. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/93282285-evenement-retour-sur-le-seminaire-les-evenements-sportifs-internationaux-et-le-droit-du-18-mars-2022
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par Xavier Aumeran (Université des Antilles, Professeur associé à l’Équipe Louis Josserand) et Jean Nicolau (Université de São Paulo)

le 26 Juin 2024

Le 18 mars 2022, l’Équipe organisait, avec l’Université de São Paulo, un séminaire de recherche sur « Les événements sportifs internationaux et le droit ». Cette demi-journée faisait suite à d’autres colloques et séminaires organisés par l’Équipe depuis 2017 sur le droit international du sport.

Un sujet d’une grande actualité, alors même que la France accueille et s’apprête à accueillir de nombreux événements sportifs de niveau mondial. Des enjeux qui sont d’autant plus essentiels, comme le soulignait Olivier Costa dans ses propos introductifs, à l’heure d’une exclusion de la Russie de l’essentiel des compétitions sportives internationales.

Prélude à d’autres recherches, cette demi-journée ambitionnait d’identifier les problématiques juridiques soulevées par les événements sportifs internationaux.

Emmanuel Bayle a d’abord montré l’extrême diversité des manifestations susceptibles d’être incluses dans le champ des « événements sportifs internationaux » : événements organisés par les fédérations sportives internationales ou le mouvement olympique, « méga-événements », événements liés à des causes, ou encore événements organisés par des marques ou des acteurs privés partiellement ou totalement indépendants du mouvement sportif. De ce foisonnement, cinq configurations de régulation sont identifiées par l’universitaire, allant d’événements intégralement organisés et contrôlés par le mouvement sportif à d’autres qui en sont déconnectées. Une interrogation surgit : l’approche du juriste doit-elle être différenciée selon les modèles proposés ? Assurément, à tout le moins, les problématiques soulevées par une coupe du monde de ski ou de football ne sont pas identiques à celles des X Games ou du Rallye Dakar.

En écho, Robert Vincent a ensuite cherché à définir juridiquement l’événement sportif international, notamment en le distinguant de la manifestation sportive. De son point de vue, la manifestation se transformerait en événement sportif si elle présente un caractère exceptionnel ; et deviendrait internationale dès lors qu’elle fait l’objet de règles transnationales. L’événement sportif international serait ainsi celui qui relève du droit sportif transnational. La réflexion est lancée !

Une hétérogénéité des approches entre les deux premiers intervenants, qu’Olivier Costa est venu éclairer en soulignant le développement du financement privé des événements. Face à des citoyens en recherche de sens, le financement public des événements sportifs internationaux serait en voie d’essoufflement. D’ores et déjà, et sans minorer l’engagement des États et collectivités dans la construction et l’entretien des équipements sportifs, l’essentiel du financement des événements sportifs internationaux est d’origine privée. Prenant les traits de contrats de sponsoring, de mécénat, ou encore de naming (Olivier Costa proposant d’ailleurs de réfléchir à des naming à temps partiel), l’avenir donnera probablement à voir un essor des financements privés dématérialisés.

I. Les rapports aux droits des événements sportifs internationaux

L’objet de l’étude mieux cerné, une (vaste) question est posée : comment les événements sportifs internationaux sont-ils saisis par certains droits ? Le séminaire se proposait d’avancer quelques éléments de réflexion.

D’abord par Gustavo Monaco dont l’approche pluraliste et centrée sur le droit international privé, mais aussi public, a permis d’insister sur la notion de coordination des systèmes juridiques. Les divergences constatées en matière de nationalité, entre l’approche des fédérations et celle des États, en constituent une parfaite illustration. Le Professeur brésilien a par ailleurs souligné toute la difficulté à placer les fédérations sportives internationales, ni organisations internationales ni sujets du droit international public, dans le paysage du droit international.

Ensuite, Tatiana Nunes, présidente du tribunal brésilien antidopage, a détaillé les particularités de la lutte antidopage lors des événements sportifs internationaux. Elle a mis l’accent sur le rôle de l’Agence mondiale antidopage (AMA) et sur la vocation universelle du Code mondial antidopage, dont les dispositions s’appliquent notamment aux litiges découlant des compétitions internationales organisées au sein du mouvement sportif.

Enfin, toujours dans le contexte des événements sportifs internationaux, Jean Nicolau a quant à lui souhaité aborder des questions relatives à la compétence de la justice sportive internationale, en précisant la notion d’extranéité en matière de justice sportive. Il a d’abord évoqué la compétence de principe de la fédération organisatrice de l’événement sportif pour trancher des litiges disciplinaires, avant de se pencher sur la compétence de la justice sportive pour apprécier des questions relatives au dopage, puis de s’intéresser à l’application des règles de conformité et aux litiges sportifs de nature financière. Il a enfin conclu que, à quelques exceptions près (surtout en matière de dopage), la nationalité est un élément d’extranéité essentiel en matière sportive : en règle générale, c’est en présence d’une pluralité de nationalités que la justice sportive internationale est appelée à entrer en jeu. 

II. Le droit des événements sportifs internationaux

Ces premiers éléments avancés, une autre interrogation surgie : existe-t-il un droit des événements sportifs internationaux ? De futurs travaux permettront d’y répondre. En revanche, a minima, des dispositions et règles propres à ce type d’événement peuvent être identifiées.

Tel est notamment le cas de l’attribution d’une olympiade par le CIO. Après avoir étudié les différents actes juridiques qui fondent l’attribution d’une olympiade, David Jacotot les qualifie d’« actes de puissance privée », tant au stade de la candidature, qu’au stade de l’exécution. À ce titre, les contrats « ville hôte » sont d’authentiques contrats d’adhésion, préétablis et aucunement négociés entre les parties. De son avis, il serait d’ailleurs vain de chercher à les insérer parmi les qualifications contractuelles connues : il s’agit de contrats sui generis ne correspondant à aucun contrat nommé.

Dans le prolongement de cette intervention, Pitágoras Ditz, membre du bureau de l’avocat général de la nation au Brésil, a pu témoigner de son expérience ministérielle lors de l’organisation des Jeux olympiques 2016 de Rio. Ce droit olympique exposé par David Jacotot a, en effet, été appliqué, non sans difficulté, une fois la ville de Rio désignée. Avant même l’attribution des jeux, une loi fédérale avait même été adoptée afin de mettre en œuvre les obligations olympiques. L’attribution de l’événement constituait une condition suspensive d’entrée en vigueur de la loi. À ce titre, le processus observé est d’ailleurs différent de celui suivi par la France pour l’attribution des Jeux olympiques de Paris 2024. En France, des lettres d’engagement du Premier ministre ont été transmises au CIO et la loi olympique n’a été que postérieure à l’attribution des Jeux. Pitágoras Ditz a également montré les enjeux et difficultés pour le Brésil à se mettre en conformité avec les obligations imposées par le CIO, notamment du fait des différentes strates existantes dans cet État fédéral (attributions fédérales, attributions de chaque État, attributions municipales).

Dans un tout autre registre, c’est ensuite Hugo Petit-Jean qui a présenté le projet de Charte sociale européenne des événements sportifs élaborée par EASE (European Association of Sport Employers), notamment en s’appuyant sur la Charte sociale de Paris 2024. Reposant sur trois piliers  : la gouvernance des événements sportifs ; la protection des personnes (les travailleurs, les bénévoles, les athlètes, etc.) ; et les exigences liées aux lieux, cette Charte montre, parmi d’autres illustrations, le développement du droit souple en matière sportive.

Nicolas Martin-Teillard a quant à lui esquissé les règles applicables aux signes distinctifs des événements sportifs internationaux, à travers le droit des marques et le droit d’auteur. Il a notamment souligné la fréquente difficulté pour le droit des marques à s’appliquer à la matière sportive en raison du caractère faiblement distinctif de la marque. S’agissant du droit d’auteur, Nicolas Martin-Teillard s’est particulièrement intéressé au critère phare de la personnalité. À ce titre, l’arrêt de la Cour de cassation dit « Route du Rhum », du 8 octobre 2013 (Cass. com., 8 octobre 2013, n° 11-27.516, F-D N° Lexbase : A6810KM8, a été pris en exemple de cette question récurrente s’agissant des événements sportifs : une compétition est-elle protégeable par le droit d’auteur ? L’arrêt présenté permet de répondre par la positive, au regard des conditions de mise en œuvre de la course et de ses caractéristiques. Au sens du Code la propriété intellectuelle, la Route du Rhum, comme d’autres compétitions, peut être qualifiée d’œuvre.

Enfin, Roberto Barracco, arbitre au TAS et coordinateur scientifique de la Confédération brésilienne de football, a présenté la compétence délocalisée de la justice sportive s’agissant des événements sportifs internationaux. Il a d’abord présenté le concept de juridiction sportive, ainsi que ses diverses branches spécialisées (dopage, discipline, gouvernance). Il s’est ensuite référé à la nécessaire création d’organes décisionnels ad hoc à l’occasion de certaines compétions internationales.

Des réflexions et travaux franco-brésiliens fructueux qui, assurément, continueront à en appeler d’autres.

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