Le Quotidien du 13 janvier 2023 : Distribution

[Brèves] Agent commercial : application du droit français au mandataire établi en dehors de l’UE qui ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix

Réf. : Cass. com., 11 janvier 2023, n° 21-18.683, F-B N° Lexbase : A647287T

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N3949BZB

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par Vincent Téchené

le 18 Janvier 2023

► Lorsqu'un contrat est soumis par les parties à la loi française en application de l'article 5 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats d'intermédiaires et à la représentation, doit être qualifié d'agent commercial, au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce, le mandataire, personne physique ou morale qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de son mandant, quoiqu'il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services, quand bien même cet agent est établi et exerce son activité en dehors du territoire de l'Union européenne.

Faits et procédure. À partir de 2008, une célèbre maison de Cognac, qui a pour activité le commerce de vins et spiritueux, a conclu avec une société de droit canadien (l’agent) ayant pour activité le référencement et la promotion de vins et spiritueux au Canada, des contrats intitulés « exclusive agency agreement », la désignant comme « agent » exclusif en vue de la commercialisation et de la promotion de ses produits au Canada.

Le dernier contrat a été conclu le 19 avril 2013, pour une durée de deux ans à compter du 1er juin 2013, renouvelable automatiquement pour des périodes de deux ans, sauf dénonciation adressée par lettre six mois avant l'échéance.

Toutefois, le 26 novembre 2014, la société mandante a informé l’agent qu'elle mettait un terme au contrat à son échéance, tout en l'informant de son souhait de négocier un nouvel accord. Le 1er avril 2015, la première a informé le second qu'elle mettait fin à leurs relations le 1er juin 2015. Prenant acte de cette rupture, l’agent a sollicité le paiement de l'intégralité des commissions dues, d'une indemnité de rupture du contrat d'agent commercial ainsi que d'une indemnité compensatrice de son préjudice financier et moral. La mandante s'y étant opposée, en déniant à son cocontractant la qualité d'agent commercial, ce dernier l'a assignée en paiement de l'indemnité de résiliation, des commissions relatives aux ventes réalisées du 1er juin au 31 août 2015 et de dommages et intérêts.

La cour d’appel de Paris (CA Paris, 5-5, 20 mai 2021, n° 19/05011 N° Lexbase : A40244ST) ayant retenu que le contrat litigieux devait être qualifié d'agence commerciale pour la totalité, la mandante a formé un pourvoi en cassation.

Décision. Mais dans son arrêt du 11 janvier, la Haute juridiction approuve l’arrêt d’appel.

En effet, ce dernier a relevé que les différents contrats conclus en l’espèce stipulent qu'ils sont soumis au droit français. Par ailleurs, selon l'article L. 134-1 du Code de commerce N° Lexbase : L9693L77, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Ce texte résulte de la loi n° 91-593, du 25 juin 1991, relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants N° Lexbase : O9675B44, ayant transposé en droit français la Directive n° 86/653/CEE, du Conseil, du 18 décembre 1986 N° Lexbase : L9726AUR. En outre, par un arrêt du 4 juin 2020 (CJUE, 4 juin 2020, aff. C-828/18 N° Lexbase : A81253MU, N. Eréséo, Lexbase Affaires, juillet 2020, n° 641 N° Lexbase : N3949BYW), la CJUE dit pour droit que l'article 1 § 2 de cette Directive « doit être interprété en ce sens qu'une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d'agent commercial, au sens de cette disposition ».

La Cour de cassation constate alors que les juges du fond en ont déduit que doit être qualifié d'agent commercial, au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce, le mandataire, personne physique ou morale qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux, quoiqu'il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services.

Ainsi, pour les juges du quai de l’Horloge, la cour d'appel a exactement retenu que, pour qualifier les contrats conclus entre les parties qui avaient entendu soumettre ceux-ci à la loi française en application de l'article 5 de la Convention de La Haye, du 14 mars 1978, sur la loi applicable aux contrats d'intermédiaires et à la représentation, il devait être fait application de l'article L. 134-1 du Code de commerce, ainsi interprété, quand bien même l'agent commercial était établi et exerçait son activité en dehors du territoire de l'Union européenne.

On rappellera qu’avant l’arrêt de la CJUE, la Cour de cassation estimait que le statut d’agent commercial ne s’appliquait pas lorsque le distributeur est privé de la possibilité de modifier les conditions et tarifs du fournisseur (v. not., Cass. com., 15 janvier 2008, n° 06-14.698, FS-P+B N° Lexbase : A7597D3R ; Cass. com., 27 avril 2011, n° 10-14.851, F-P+B N° Lexbase : A5268HPS ; Cass. com., 20 janvier 2015, n° 13-24.231, F-D N° Lexbase : A2667NAZ ; Cass. com., 10 octobre 2018, n° 17-17.290, F-D N° Lexbase : A3210YGY). Pour se mettre en accord avec la jurisprudence européenne, la Cour de cassation devait opérer un revirement en la matière. Ce fut chose faite quelques mois plus tard (Cass. com., 2 décembre 2020, n° 18-20.231, F-P  N° Lexbase : A957938B, V. Téchené, Lexbase Affaires, décembre 2020, n° 659 N° Lexbase : N5713BYA), la Chambre commerciale énonçant alors que « doit désormais être qualifié d'agent commercial le mandataire, personne physique ou morale qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux, quoiqu'il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services ». Cette solution a depuis lors été rappelée : l’impossibilité pour le mandataire de modifier les conditions des contrats, et en particulier les prix, ne suffit pas à exclure l’existence d’un contrat d’agent commercial (Cass. com., 12 mai 2021, n° 19-17.042, FS-P N° Lexbase : A52784RW, V. Téchené, Lexbase Affaires, mai 2021, n° 676 N° Lexbase : N7565BYT).

Enfin, dans l’arrêt rapporté, pour rejeter le pourvoi, on notera que la Cour de cassation ajoute que la sécurité juridique ne consacre pas un droit acquis à une jurisprudence figée, l'évolution de la jurisprudence relevant de l'office du juge dans l'application du droit. Il en découle que lorsque les parties choisissent la loi française comme loi applicable à leur contrat en application de la Convention de La Haye, elles ne peuvent se prévaloir, en cas de litige postérieur, de la loi telle qu'interprétée à la date de conclusion du contrat.

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