Réf. : CJUE, 8 décembre 2022, aff. C-694/20, Orde van Vlaamse Balies N° Lexbase : A02048Y9
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par Marie-Claire Sgarra
le 04 Janvier 2023
► Épilogue heureux pour les avocats ! La CJUE a jugé, dans une décision très attendue que l’obligation imposée à l’avocat d’informer les autres intermédiaires impliqués, contenue dans la Directive « DAC 6 » n’est pas nécessaire et viole le droit au respect des communications avec son client.
Que prévoit la Directive « DAC 6 » ? La Directive européenne n° 2018/822, du Consei,l, du 25 mai 2018, relative à l’échange automatique et obligatoire d’informations sur les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration, dite Directive « DAC 6 » N° Lexbase : L6279LKR vise à renforcer la coopération entre les administrations fiscales des pays de l’UE en matière des montages potentiellement agressifs de planification fiscale. La déclaration DAC 6 vise à déclarer des dispositifs transfrontières potentiellement agressifs sur le plan fiscal contenant certaines caractéristiques. La Directive a été transposée en droit interne par l’ordonnance n° 2019-1068, du 21 octobre 2019, relative à l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration N° Lexbase : L9809LS4, codifiée aux articles 1649 AD N° Lexbase : L9972LS7 à 1649 AH N° Lexbase : L9976LSB du CGI. On notera :
Consulter le tableau des marqueurs sur le site de l’administration fiscale [en ligne]. Lire en ce sens, G. Massé et A.-C. Piroth, DAC 6 : une application pratique plus complexe et incertaine, Lexbase Fiscal, mai 2020, n° 824 N° Lexbase : N3300BYU. |
Les faits. Un décret flamand transposant cette Directive prévoit ainsi que, lorsqu’un avocat impliqué dans une planification fiscale transfrontière est tenu par le secret professionnel, il doit informer les autres intermédiaires qu’il ne peut pas effectuer lui-même cette déclaration.
Deux organisations professionnelles d’avocats ont saisi la Cour constitutionnelle belge. Selon elles, il est impossible de respecter l’obligation d’informer les autres intermédiaires sans violer le secret professionnel auquel sont tenus les avocats. La Cour constitutionnelle belge a interrogé la Cour de justice à cet égard.
La Cour de justice rappelle tout d’abord que l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne protège la confidentialité de toute correspondance entre individus et accorde une protection renforcée aux échanges entre les avocats et leurs clients. Cette protection spécifique du secret professionnel des avocats se justifie par le fait que les avocats se voient confier une mission fondamentale dans une société démocratique, à savoir la défense des justiciables. « Cette mission fondamentale comporte, d’une part, l’exigence, dont l’importance est reconnue dans tous les États membres, que tout justiciable doit avoir la possibilité de s’adresser en toute liberté à son avocat, dont la profession même englobe, par essence, la tâche de donner, de façon indépendante, des avis juridiques à tous ceux qui en ont besoin et, d’autre part, celle, corrélative, de loyauté de l’avocat envers son client ».
Or, l’obligation que prévoit la Directive pour l’avocat intermédiaire soumis au secret professionnel de notifier sans retard aux autres intermédiaires les obligations de déclaration qui leur incombent implique que ces autres intermédiaires prennent connaissance de l’identité de l’avocat intermédiaire. Ils prennent également connaissance de son analyse selon laquelle le dispositif fiscal en cause doit faire l’objet d’une déclaration ainsi que du fait qu’il est consulté à son sujet. Cette obligation de notification entraîne une ingérence dans le droit au respect des communications entre les avocats et leurs clients.
La Cour examine ensuite si ces ingérences sont susceptibles d’être justifiées. Elle rappelle que la modification apportée en 2018 à la Directive s’inscrit dans le cadre d’une coopération fiscale internationale ayant pour objectif de contribuer à la prévention du risque d’évasion et de fraude fiscales, qui constitue un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union.
Toutefois que cette obligation de notification incombant à l’avocat soumis au secret professionnel n’est pas nécessaire pour réaliser cet objectif. En effet, tous les intermédiaires sont tenus de transmettre ces informations aux autorités fiscales compétentes.
La divulgation, par les tiers intermédiaires notifiés, de l’identité et de la consultation de l’avocat intermédiaire à l’administration fiscale n’apparaît pas non plus nécessaire à la poursuite des objectifs de la Directive.
L’obligation de déclaration incombant aux autres intermédiaires non soumis au secret professionnel et, à défaut de tels intermédiaires, celle incombant au contribuable concerné, garantissent, en principe, que l’administration fiscale soit informée. L’administration fiscale peut, après avoir reçu une telle information, demander des informations supplémentaires directement au contribuable concerné qui pourra alors s’adresser à son avocat pour qu’il l’assiste. L’administration fiscale pourra également effectuer un contrôle de la situation fiscale de ce contribuable.
La Cour juge dès lors que l’obligation de notification prévue par la Directive n’est pas nécessaire et viole donc le droit au respect des communications entre l’avocat et son client.
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