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par Simon Husser, Docteur en droit, ATER à l’Université Paris-Nanterre
le 19 Décembre 2022
Mots-clés : abus de biens sociaux • ABS • risque • résultat • intention • infraction instantanée • infraction de prévention
Le délit d’abus de biens sociaux est parfois décrit comme une infraction formelle. Or, il serait plus exact de le qualifier d’infraction de risque, catégorie doctrinale émergente. En effet, l’atteinte à l’actif social ne conditionne par la consommation du délit, mais la jurisprudence exige tout de même que l’exposition de cet actif social à un risque injustifié soit établie. Cette exigence de démonstration d’un risque est le critère de définition principal de l’infraction de risque. Pour autant, ce concept se définit aussi par rapport à ses incidences sur l’élément moral de l’infraction et sur la fixation du point de départ de la prescription. De plus, identifier une infraction de risque permet de mieux comprendre le rôle que le législateur entend lui faire jouer au regard de la prévention de la délinquance. C’est ainsi que l’abus de biens sociaux est également une infraction de risque au regard de ses caractères : il s’agit d’une infraction qui n’est pas pleinement intentionnelle, d’une infraction instantanée et d’une infraction de prévention.
Le délit d’abus de bien sociaux [1] a pu être décrit comme un « monstre juridique » [2] tant il est difficile de le rattacher aux catégories et concepts du droit pénal général [3]. Sur le plan de la matérialité, le défi conceptuel consiste à déterminer si le délit est une infraction matérielle ou une infraction formelle, distinction supposément matricielle. Or, si l’on file la métaphore de la tératologie, il est permis de penser que l’abus de biens sociaux se rattache, sur ce point, à un concept hybride [4] : l’infraction de risque [5].
Encore faut-il s’entendre sur ce que recouvre ce concept, ce qui suppose une plongée dans les abysses du droit pénal général. En effet, le critère de distinction entre l’infraction formelle, l’infraction matérielle et l’infraction de risque tient au rôle joué par le résultat. Or, ce dernier est l’un des concepts les plus nébuleux du droit pénal, plusieurs typologies de résultats ayant été dégagées au long du XXe siècle[6].
La tendance doctrinale contemporaine est néanmoins à la simplification de la présentation [7] et un consensus semble se dessiner autour de la nécessité de considérer le résultat comme l’atteinte concrète ou abstraite à un bien juridiquement protégé [8], c’est-à-dire le résultat redouté à propos duquel raisonne le législateur lorsqu’il incrimine un comportement. Par suite, le résultat n’est pas forcément présent dans le texte d’incrimination, dès lors que le législateur peut placer le curseur de la répression plus ou moins en amont de sa réalisation. En revanche, toute infraction comporte un élément matériel dont la composante indispensable est la définition du comportement litigieux, la mention du résultat redouté n’étant, donc, qu’une composante facultative.
De là, la distinction entre infraction matérielle et formelle semble aisée : la première est celle qui intègre dans la définition de son élément matériel le résultat redouté, conséquence de l’agir de l’agent – d’où la terminologie d’infraction « de résultat » parfois préconisée [9] –, si bien que le juge sera tenu de relever la survenance de ce résultat pour établir la consommation de l’infraction. Une difficulté tient au fait que l’atteinte à la valeur sociale protégée est parfois trop abstraite pour que le juge puisse facilement faire le départ entre le comportement et le dommage subséquent. La solution semble être de considérer que le résultat est tellement inhérent à l’acte que la démonstration du second est « de nature à » établir le premier, ce qui permettrait, par exemple, de rattacher les violences d’ordre psychologique [10] et la diffamation [11] aux infractions matérielles [12], mais ce qui rend tout de même poreuse la frontière entre infraction formelle et infraction matérielle [13].
Identifier une infraction matérielle n’est pas sans conséquence : au titre de l’élément moral de l’infraction, qui se définit, en théorie, par relation à l’élément matériel, le juge ne pourra pas se contenter de la seule volonté du comportement ; il devra établir également la volonté du résultat ou, au contraire, son absence [14]. Par ailleurs, le point de départ de la prescription se situe au jour où survient le résultat [15].
Plus largement, l’infraction matérielle correspond à une vision tout à fait orthodoxe, objective et libérale du droit pénal : le délinquant ne répond que du dommage qu’il a causé à la société [16].
L’infraction formelle, quant à elle, est le plus souvent définie négativement [17] comme toute infraction qui n’intègre pas le résultat redouté dans la définition de son élément matériel. En réalité, une telle conception ne permet d’identifier que l’infraction formelle lato sensu ou, en d’autres termes, la catégorie des infractions « de comportement » [18], à savoir une catégorie d’infractions qui se décline elle-même en plusieurs sous-catégories.
La première de ces déclinaisons est bien entendu l’infraction formelle stricto sensu, laquelle peut se définir comme l’incrimination à titre autonome d’une tentative d’infraction matérielle [19] – c’est l’exemple classique de l’empoisonnement [20] – ou d’une provocation directe à commettre une telle infraction, hypothèse très proche [21].
La deuxième sous-catégorie est l’infraction-obstacle, qui se définit comme l’incrimination à titre autonome de l’acte préparatoire d’une infraction matérielle ; il s’agit de se placer très en amont sur l’iter criminis[22]. Le résultat redouté peut être, d’une part, déterminé par le texte d’incrimination [23], non comme composante de l’élément , mais sous la forme originale d’un dol spécial [24]. Ainsi, l’association de malfaiteurs est commise « en vue de » la préparation d’un crime [25]. D’autre part, le résultat peut être indéterminé, il est alors question de sanctionner un état dangereux, comme l’illustre le délit de conduite en état d’ivresse [26] : le conducteur pourrait tout aussi bien commettre une atteinte aux biens qu’une atteinte aux personnes.
Les infractions d’abstention pourraient constituer une troisième sous-catégorie d’infraction de comportement puisque, là encore, le résultat redouté – l’atteinte à l’intégrité physique consécutive à la réalisation du péril dans lequel se trouve une personne, par exemple [27] – n’a pas à se produire [28].
Il n’y a donc qu’une différence de degré dans la conception de l’infraction formelle stricto sensu, de l’infraction obstacle et des délits d’abstention : que le résultat soit proche, éloigné ou complètement décorrélé du comportement de l’agent, le juge n’a en aucun cas à s’y intéresser, seule la qualification de l’acte incriminé étant suffisante au titre de la matérialité.
Plus encore, dans leur application, ces trois types d’infractions engendrent des conséquences similaires : l’élément moral se résume normalement à la volonté du comportement [29] – ce qui n’exclut pas qu’un dol spécial vienne compenser la faiblesse de la matérialité de l’infraction dans certains cas [30] – et la prescription commence à courir dès que le comportement est exécuté, peu importe ses suites [31].
Dans leur logique, de surcroît, toutes ces infractions sont imprégnées d’une logique positiviste et utilitariste, font la part belle à une approche subjective de l’infraction et sont régulièrement critiquées pour restreindre les libertés individuelles dans une optique répressive [32].
En revanche, il y a bien une différence de nature entre les infractions formelles et les infractions de risque. Un auteur a pu dégager une définition de ces dernières en raisonnant à partir de la figure des infractions de mise en danger [33] : il s’agirait des infractions « qui comportent un élément de définition légale qui impose au juge, pour établir leur consommation, la vérification concrète d’une situation de hausse des probabilités de réalisation de l’atteinte effective au bien juridique protégé par l’incrimination pénale » [34]. En d’autres termes, si le résultat redouté, précisément identifié [35], n’est pas intégré dans la définition de l’infraction par le législateur, ce qui évoque l’infraction formelle, le risque de survenance de ce résultat l’est et le juge doit le caractériser, cette exigence de démonstration rappelant l’infraction matérielle ; il est donc bien question d’un concept hybride [36].
Quant aux implications de l’infraction de risque, on peut penser que la probabilité de la survenance du dommage, prise en compte sur le plan matériel, l’est également sur le plan de l’élément moral : l’agent doit, en toute rigueur, avoir prévu la réalisation du risque, ce qui évoque la figure du dol éventuel [37]. Par ailleurs, comme pour l’infraction formelle, le point de départ de la prescription devrait commencer à courir au jour de l’exécution du comportement.
Enfin, il est possible d’estimer que l’infraction de risque répond à une logique un peu plus vertueuse que celle de l’infraction formelle. Si les deux catégories ont en commun l’importance accordée à la sévérité et à la prévention, l’infraction de risque semble épouser également la logique d’intériorisation de la norme, propre au droit contemporain, dans une optique de responsabilisation[38].
Ces prémices conceptuelles étant posées, il convient, dans cette étude, de démontrer que l’abus de biens sociaux n’est pas une infraction formelle, contrairement à ce que certains auteurs peuvent avancer[39], mais bien une infraction de risque. Non seulement le délit étudié correspond à la définition doctrinale précitée des infractions de risque, au titre du rapport qu’il entretient avec le résultat redouté (I.), mais il permet aussi, au regard de ses caractères, de préciser cette définition et de tracer avec un peu plus de netteté les contours de l’infraction de risque (II.).
I. Une infraction de risque au titre de son rapport au résultat
L’infraction de risque répond en partie à la définition de l’infraction formelle, dès lors que le résultat redouté n’est pas une composante de l’élément matériel de l’infraction, ce qui est le cas pour l’abus de biens sociaux (A.). Toutefois, l’infraction de risque exige la démonstration de la probabilité de survenance d’un risque, le rôle du juge étant renforcé à cet égard, ce qui se vérifie, là encore, avec le délit étudié (B.).
A. L’indifférence à la survenance du résultat redouté
Contrairement à l’abus de confiance, qui exige, au titre de sa définition légale, d’établir le « préjudice d’autrui » causé par le détournement du bien confié [40], les textes d’incrimination, en matière d’abus de biens sociaux, ne font aucune référence au résultat redouté. L’élément matériel du délit, aux termes de la loi, se résume à l’usage des biens, du crédit, du pouvoir ou des voix contraire à l’intérêt social de la société concernée. Il ne faut nullement voir dans cette référence à l’intérêt social le résultat redouté de l’infraction [41]. Il est d’ailleurs délicat, dans l’absolu, d’identifier avec certitude ce résultat : il pourrait s’agir de l’appauvrissement matériel de la société comme d’une atteinte à sa réputation. En réalité, il importe peu d’identifier avec précision la valeur sociale protégée par l’incrimination, dès lors, justement, qu’elle ne participe pas à la définition de l’élément matériel. Cela permet à un auteur d’affirmer que l’indifférence au préjudice subi par la société « révèle la nature exacte de ces délits comme infraction contre les abus de gestion ou de mandat social. Elle induit aussi qu’il ne s’agit pas de délits contre les biens, puisque l’atteinte à ceux-ci est indifférente à leur existence » [42].
L’indifférence au résultat est patente en jurisprudence. Ainsi, le succès d’une opération n’empêche pas la caractérisation du délit si cette opération est jugée trop hasardeuse au jour de sa réalisation [43]. Dans la même logique, un dirigeant ne peut prétendre avoir géré efficacement la société en invoquant la compensation d’une créance détenue sur la société [44]. Plus encore, l’approbation a posteriori d’un acte par des organes de la société [45] ou par un commissaire aux comptes [46] ne permet pas d’ôter à l’usage son caractère délictueux. En revanche, si la régularisation ultérieure de prélèvements illégaux par le dirigeant lui-même est aussi inopérante, cela ne contribue pas à montrer l’indifférence au résultat, puisqu’il s’agit tout simplement d’une illustration de l’indifférence du repentir actif, ce qui concerne également les infractions matérielles [47].
Il est vrai que, dans de nombreuses hypothèses, les juges s’attardent sur les conséquences de l’opération menée par le dirigeant pour établir sa contrariété à l’intérêt social. C’est le cas, en particulier, lorsqu’est analysée l’absence de contrepartie à un acte de disposition ou de dissipation des biens sociaux, ce qui renvoie aux hypothèses les plus évidentes d’usages abusifs : l’appropriation des biens sociaux par le dirigeant, l’octroi d’une rémunération à un dirigeant ne correspondant pas à un travail effectif, ou encore le fait d’accorder des avantages à une autre société [48].
Est-ce à dire que l’infraction est à la fois matérielle et de risque ? Dans l’absolu, rien n’exclut une telle analyse, puisque certaines infractions sont « pluri-offensives » [49], en ce que, du fait leur définition légale, elles peuvent revêtir tantôt un aspect formel, tantôt un aspect matériel [50]. Cela vaut pour l’infraction de risque, laquelle ne doit pas être perçue comme celle qui exclut toute survenance du résultat [51], mais comme celle qui ne requiert pas la preuve de ce résultat pour être consommée. Il serait tout à fait possible, néanmoins, de considérer qu’il est seulement question d’une infraction de risque, et non d’une infraction matérielle, dès lors que le constat de la réalisation de ce risque est la preuve la plus absolue de la probabilité qu’il survienne. L’essentiel est surtout de relever que l’infraction ne peut pas s’analyser comme une infraction formelle classique, puisque la démonstration d’un risque est a minima nécessaire.
Avant d’approfondir ce point, il convient toutefois de noter que l’extension prétorienne de l’abus de biens sociaux aux abstentions engendre une difficulté sérieuse [52]. En effet, certains auteurs déduisent de cette jurisprudence que deux conditions sont nécessaires pour qualifier une abstention coupable : « d’une part, que l’abstention observée cause directement une perte indue à la société […], d’autre part, que l’abstention soit intentionnelle, c’est-à-dire observée à dessein de produire l’effet préjudiciable qui en résulte » [53]. C’est là définir l’élément matériel et l’élément moral d’une infraction matérielle. Sans doute faut-il y voir une exception critiquable à l’indifférence du résultat, puisqu’il s’agit d’un dévoiement certain de la notion d’usage, dont on pourrait légitimement penser qu’elle renvoie exclusivement à une action positive [54].
Cette réserve mise à part, il est certain que caractériser un résultat n’est pas indispensable pour qualifier le délit d’abus de biens sociaux. En revanche, l’infraction n’est pas formelle, en ce que le juge doit tout de même s’assurer que la démonstration d’un risque est rapportée par l’autorité de poursuite.
B. L’exigence de la démonstration d’un risque
Il a été admis très tôt que la contrariété à l’intérêt social pouvait résulter de l’exposition de l’actif social à un risque injustifié : avant même la création du délit d’abus de biens sociaux par les décrets-loi du 8 août et du 30 octobre 1935, des juges de première instance avaient pu condamner pour abus de confiance un dirigeant qui avait procédé à des opérations à découvert sans aucune garantie, exposant ainsi la société « à des risques auxquels elle aurait dû rester étrangère » [55]. Si cette solution méconnaissait évidemment les éléments constitutifs de l’abus de confiance [56], la nouvelle rédaction des différents délits d’abus de biens sociaux a permis qu’elle soit reprise. La cour d’appel de Paris a ainsi pu condamner des dirigeants pour avoir exposé leur société « à un risque certain » [57]. Quant à la Cour de cassation, elle a jugé à maintes reprises que le délit était constitué lorsque l’actif social avait supporté un « risque auquel il ne devait pas être exposé » [58].
Le risque étant inhérent à toute activité économique, il est revenu à la jurisprudence de faire le départ entre l’acte de gestion raisonnable et le risque injustifié. En toute rigueur, à s’en tenir aux textes d’incrimination, l’admission de l’exposition de l’actif social à un risque devait avoir pour contrepartie une appréciation exigeante du dol spécial relatif à la poursuite, par le dirigeant social, d’un intérêt personnel [59]. En pratique, cette composante de l’infraction est appréciée très souplement par la jurisprudence et ne joue pas ce rôle [60], si bien que le caractère injustifié ou anormal du risque est apprécié au cas par cas, le juge prenant comme boussole l’inutilité ou la disproportion du risque par rapport à la situation de la société.
Est ainsi constitutif d’un risque anormal le fait, pour un dirigeant, de se faire consentir une rémunération excessive au regard des possibilités financières de la société [61], d’insérer des clauses exorbitantes dans des contrats de prestations conclus au nom de la société [62] ou le fait, pour l’administrateur de deux sociétés, d’utiliser indifféremment les biens de l’une au profit de l’autre, exposant ainsi l’actif de chaque société à des risques de pertes [63].
À l’inverse, le paiement d’une dette sociale, même par une société qui connaît des difficultés financières, n’est pas constitutif d’abus de biens sociaux [64], pas plus que le remboursement d’un compte courant par le gérant [65]. Plus encore, la Cour de cassation a pu casser un arrêt n’ayant pas déterminé si une opération litigieuse avait engendré un risque injustifié distinct du « risque inhérent à la nature du marché » [66]. Plus récemment, elle a aussi cassé l’arrêt n’ayant pas recherché si la résiliation de baux avait fait encourir à la société concernée un risque distinct du « risque inhérent à son activité habituelle »[67]. Ces arrêts ne laissent planer aucun doute quant à la nécessité de démontrer la probabilité de survenance du risque.
Si, en toute rigueur, cette démonstration incombe au ministère public, d’aucuns soulignent qu’en présence d’actes équivoques, « la Cour de cassation semble bien imposer au prévenu l’obligation de justifier l’utilisation précise des fonds payés par la société et d’établir leur destination exacte » [68], ce qui constitue un reversement critiquable de la charge de la preuve.
En toute hypothèse, l’exigence de démonstration d’un risque injustifié vaut quel que soit l’objet de l’abus. Cela étant, si elle concerne l’abus de biens comme l’abus de pouvoirs – l’abus de voix, devenu désuet et inappliqué, n’étant pas concerné –, elle trouve son terrain de prédilection avec l’abus de crédit. En effet, c’est « l’aléa du décaissement qui caractérise l’abus de crédit » [69], d’où la condamnation de ce chef du dirigeant qui fait cautionner des dettes personnelles par sa société [70], par exemple.
Quant à la nature du risque encouru, elle ne se limite pas à l’atteinte directe au patrimoine social dès lors qu’en vertu d’une jurisprudence aussi célèbre que discutée, le délit est caractérisé en cas d’exposition de la société à un risque de condamnation pénale pour corruption ou trafic d’influence [71], voire pour d’autres infractions [72]. Or, si la légitimité d’une telle extension peut être discutée [73], l’on peut sans peine convenir que « le risque pénal est toujours anormal » [74].
Il ressort donc de tout ce qui précède que l’abus de biens sociaux répond bel et bien à la définition de l’infraction de risque quant à son rapport au résultat redouté. Or, si la nécessité d’établir l’existence d’un risque est le critère central de définition d’une telle infraction, il est à présent temps de dégager les autres caractères de celle-ci.
II. Une infraction de risque au regard de ses caractères
Il s’agit ici de confronter l’abus de biens sociaux avec les autres infractions de risque identifiées en doctrine, afin de déterminer si elle présente les mêmes caractères que celles-ci, esquissés en introduction. Du point de vue du juge, l’infraction de risque a une incidence sur la définition de l’élément moral et sur la fixation du point de départ de la prescription. D’une part, l’infraction de risque peut être décrite comme non intentionnelle, ce qui sous-entend qu’elle se situe à la frontière entre l’infraction intentionnelle et la faute d’imprudence (A.). D’autre part, dès lors que la survenance du résultat est indifférente à la consommation de l’infraction, il ne peut qu’être question d’une infraction instantanée (B.). Du point de vue du législateur, l’importance accordée à l’anticipation de l’atteinte à la valeur sociale protégée conduit à identifier une infraction de prévention (C.).
A. Une infraction non intentionnelle
Comme un auteur a pu le souligner, « la catégorie naissante des infractions de risque devrait conduire dans l’avenir à s’interroger sur la définition à donner de leur élément moral » [75]. Or, si l’on compare les éléments moraux des différentes infractions de risque identifiées par la doctrine, il est permis de penser que chacune de ces infractions exige d’établir que l’agent avait prévu la réalisation du risque, sans pour autant la souhaiter.
Ainsi, en matière de diffusion de messages inappropriés à des mineurs, la jurisprudence tire la conséquence du fait que le message doive être « susceptible d’être perçu par un mineur » en vérifiant que l’agent avait pris les précautions nécessaires pour éviter que ce risque ne se réalise [76]. On retrouve cette considération de l’absence de précautions prises par l’agent en matière d’exhibition sexuelle [77], autre infraction pouvant être rattachée à l’infraction de risque puisqu’il n’est pas nécessaire que l’atteinte à l’intégrité sexuelle d’autrui se soit produite [78]. Enfin, cette logique s’exprime également à propos du délit du risque causé à autrui. Si la doctrine se divise quant à l’existence, ou non, d’un dol éventuel en la matière [79], les auteurs s’accordent sur le fait qu’il s’agit d’exiger plus qu’une faute d’imprudence et moins qu’une intention [80]. La jurisprudence n’est pas d’un grand secours en l’occurrence, dès lors qu’elle a contourné la difficulté [81].
En bref, il serait logique de poser comme principe que l’élément moral de l’infraction de risque se résume à la volonté du comportement incriminée, doublée de la conscience du risque engendré par ce comportement ; on retrouve, sans surprise, la dimension hybride du concept étudié. Le délit d’abus de bien sociaux répond-il à cette conception ?
En théorie, si l’on s’en tient à la lettre des textes, la réponse à cette interrogation est négative et il peut même paraître très surprenant d’évoquer une infraction non intentionnelle alors que l’élément moral semble textuellement des plus exigeants. Les choses paraissent a priori très claires : l’élément moral se compose d’un dol général (les dirigeants concernés commettent « de mauvaise foi », un usage abusif qu’ils « savent » contraire à l’intérêt social) doublé d’un dol spécial (l’usage doit être commis « à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle [les dirigeants] sont intéressés directement ou indirectement »).
Pour autant, il est bien connu que la jurisprudence a depuis longtemps mis à mal cette présentation. D’une part, s’agissant du dol général, « la connaissance du caractère contraire à l’intérêt social apparaît prédominante par rapport à la mauvaise foi, dont la caractérisation est impliquée par la constatation de cette connaissance » [82] et le dol général est parfois déduit du dol spécial [83]. D’autre part, la définition de ce dol spécial a été considérablement élargie par la jurisprudence, qui considère que l’intérêt poursuivi peut être tant matériel que moral [84] et estime, par suite, que le dirigeant peut tout à fait poursuivre son propre intérêt quand bien même il a avantagé autrui [85] ; c’est dire que la jurisprudence s’est dégagée du mobile spécifique défini par le texte pour prendre en compte tous les mobiles poursuivis par le dirigeant et en faire une règle de preuve, davantage qu’une exigence autonome [86].
La confusion régnant en la matière, il importe de recentrer l’analyse sur l’essentiel et de mettre l’accent sur deux certitudes. D’un côté, l’élément moral du délit étudié est plus qu’une imprudence. La Cour de cassation a certes pu admettre que la négligence ou le défaut de surveillance soient reprochés à des gérants, mais « à la condition que ceux-ci aient connu les agissements délictueux qu’ils pouvaient empêcher » [87], autrement dit qu’ils aient eu conscience d’exposer la société à un risque. D’un autre côté, l’élément moral de l’abus de biens sociaux n’est pas une intention au sens classique du terme, puisqu’il n’est pas exigé du dirigeant qu’il vise le résultat redouté, conséquence du comportement incriminé. Le juge doit simplement vérifier que le prévenu poursuivait un but autre que celui de l’intérêt de la société, et ce, en ayant conscience d’exposer l’actif social à un risque d’atteinte.
L’infraction de risque se caractérise donc par son ambivalence sur le plan de l’élément moral. À l’inverse, sur le plan procédural, l’importance accordée au comportement ne devrait laisser planer aucun doute quant au caractère instantané d’une telle infraction, mais l’abus de biens sociaux illustre la tentation de passer outre un tel caractère.
B. Une infraction instantanée
S’agissant de la prescription de l’action publique, l’abus de biens sociaux semble correspondre au régime de l’infraction de risque esquissé plus haut : l’infraction est instantanée [88] et le point de départ de la prescription est fixé au jour de commission de l’usage répréhensible [89].
Il est vrai que c’est en matière d’abus de biens sociaux qu’a été dégagée la célèbre jurisprudence relative au report du point de départ de la prescription au jour où l’infraction est apparue au grand jour, au motif de la clandestinité des faits, solution consacrée par la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 N° Lexbase : L0288LDZ avec l’introduction des infractions occultes et dissimulées [90]. Pour autant, ce report du point de départ de la prescription ne contrarie en rien le caractère instantané de l’infraction, d’autant que la solution reste en réalité circonscrite à certains types d’abus [91]. Au contraire, on peut penser que c’est précisément parce que l’infraction est consommée indépendamment de son résultat, dont la survenance peut, en pratique, difficilement échapper à l’attention des organes de la société, qu’il a été nécessaire de forger une telle solution à l’origine.
Plus problématique est la jurisprudence considérant que, lorsque l’usage abusif consiste en des prélèvements litigieux opérés sur l’actif social de façon réitérée, en application d’un acte décisionnel antérieur, le point de départ de la prescription se situe au jour de la dernière ponction [92]. Cela revient à transformer le délit en une infraction continuée, voire d’habitude [93], d’où le caractère critiquable d’une telle solution [94].
Cette jurisprudence mise à part, le caractère instantané de l’abus de biens sociaux, à l’instar des autres infractions de risque [95], est vérifié. Reste à se placer du point de vue du législateur pour réaliser que le délit étudié est une infraction de prévention.
C. Une infraction de prévention
À l’instar des infractions formelles, l’infraction de risque peut être décrite comme une infraction de prévention [96], désignation dont l’intérêt est de mettre en lumière le rôle que le législateur souhaite conférer à une incrimination : l’anticipation de l’atteinte à la valeur sociale protégée [97].
L’infraction de prévention est sous-tendue par une logique de sévérité. Comme on l’a rappelé plus haut, une conception libérale du droit pénal suppose que celui-ci intervienne en dernier recours, en réaction au dommage causé par un individu. Or, avec l’infraction de risque, comme avec l’infraction formelle, le législateur estime que l’auteur d’un comportement ne doit pas échapper à la répression au prétexte qu’il n’a causé aucun préjudice à autrui [98]. C’est ainsi, on l’a vu, qu’un dirigeant peut être condamné pour abus de biens sociaux indépendamment du succès de son opération.
Dans une logique de prévention générale [99], cette sévérité vise à « dissuader les dirigeants sociaux de certaines opérations par trop hasardeuses. La politique des “ coups de poker ” n’est jamais à prescrire lorsque le dirigeant engage les intérêts d’autrui » [100]. Au demeurant, on a vu que l’exposition de l’actif social à un risque est inhérente à l’abus de crédit. Or, l’incrimination de cette hypothèse « démontre combien le législateur a voulu aller loin dans la répression. En effet […], l’usage abusif du crédit, lors de sa commission, n’entraîne en définitive qu’un préjudice éventuel et un préjudice moral, puisque la société se porte simplement garante au moment des faits délictueux » [101].
La logique d’une répression vigoureuse a d’ailleurs présidé à la création même du délit étudié, puisque l’objectif du législateur était de contourner les obstacles juridiques posés par l’abus de confiance et de réprimer des abus de gestion qui échappaient jusque-là à la répression. Cela permet à un auteur d’affirmer qu’il n’est « pas permis de reprocher à la jurisprudence [d’avoir] dénaturé [l’abus de biens sociaux] en l’appliquant dans l’indifférence du préjudice subi par la société […]. Le grief fait fonds sur une analyse du délit qui n’est pas corroborée par son incrimination, laquelle exprime de surcroît la volonté du législateur » [102].
Il est vrai que le rapport Mariani a pu, en 1996, suggérer une nouvelle rédaction du délit étudié exigeant une atteinte effective aux intérêts patrimoniaux de la société [103]. Mais cette proposition n’a eu aucune suite, ce qui est heureux, car si l’on exclut de l’élément matériel du délit « des fautes de gestion graves aux implications désastreuses non immédiatement concrétisées, on encourage au nom d’une liberté dévoyée d’entreprendre l’impéritie et l’affairisme » [104].
Bien entendu, le caractère dissuasif de la loi pénale est aujourd’hui contesté [105] et il y a quelque artifice à évoquer une logique de prévention dès lors que l’individu condamné pour avoir commis une infraction de risque subira une peine, dans une logique répressive. Ces objections n’enlèvent rien au fait que l’infraction de risque s’inscrit dans l’ère du temps. Un auteur a pu mettre en lumière, à l’issue du siècle dernier, le processus d’intériorisation des normes qui caractérise le droit contemporain, l’homme des démocraties devant « sans cesse réinventer lui-même ce qui était formulé par la loi positive. L’acteur juridique ne se contente plus d’appliquer des normes connaissables : il doit les prévoir. La loi pénale ou civile qui précisait le détail des obligations tend à être supplantée par une obligation générale de prudence sanctionnée par une extension de l’idée de responsabilité » [106].
Cette logique d’ « internalisation » de la norme, visant à « encourager à l’autorégulation » [107], est bien entendu très présente en droit pénal des affaires, la compliance rencontrant le succès que l’on sait. Or, un des moyens de mettre en œuvre cette autorégulation est précisément d’opérer une cartographie des risques. Il est donc permis de penser que la logique de prévention n’est pas si artificielle que cela en matière d’abus de biens sociaux, puisque une fois les risques cartographiés, l’auteur d’un acte de gestion abusif pourra difficilement prétendre ne pas avoir envisagé la probabilité de leur réalisation.
Plus encore, cette logique d’intériorisation des risques est fondée sur une idée de responsabilisation qui permet de considérer que la logique de l’infraction de risque n’est pas la même que celle de l’infraction formelle, lato sensu. En effet, avec la seconde, le législateur renvoie l’image d’un individu en proie à ses déterminismes, dans une logique positiviste : c’est l’individu dangereux qu’il s’agit d’écarter, l’auteur d’un crime atroce qu’il convient de neutraliser. Avec l’infraction de risque, le sujet de droit retrouve son libre arbitre : l’agent expose autrui à un risque et il s’agit de le responsabiliser en lui signifiant qu’il aurait dû le prévoir. Est-ce vraiment le rôle du droit pénal [108] ? La discussion est ouverte, mais on peut penser que, si l’abus de biens sociaux est bien un hybride, il s’apparente peut-être plus au monstre du docteur Frankenstein qu’à l’Hydre de Lerne.
[1] On retiendra classiquement dans cette étude la désignation générique d’abus de biens sociaux pour se référer aux quatre délits définis par les textes (C. com., art. L. 242-6, 3° et 4° N° Lexbase : L9515IY3, pour les sociétés anonyme ; art. L. 241-3, 4° et 5° N° Lexbase : L9516IY4, pour les SARL) : l’abus de biens sociaux proprement dit, l’abus du crédit, l’abus des pouvoirs et l’abus des voix.
[2] W. Jeandidier, L’abus de biens sociaux, un monstre juridique ?, Cah. dr. entr., 2006, n° 1, p. 29.
[3] W. Jeandidier, Abus des biens, du crédit, des pouvoirs ou des voix, JCl. Pénal des Affaires, Fasc. 50, n° 117, considérant que le délit étudié « est l’infraction la plus extravagante du droit pénal car elle collectionne les antagonismes », dès lors qu’elle oscille entre infraction de commission et infraction d’omission, infraction matérielle et formelle, infraction instantanée ou infraction continuée, infraction simple et infraction complexe, infraction intentionnelle et faute lourde de négligence.
[4] Sur les concepts hybrides en droit, v. J.-L. Bergel, Méthodologie juridique, 3e éd., 2018, PUF, n° 71 et s.
[5] Pour une étude de référence consacré à ce concept, sur laquelle on reviendra à plusieurs reprises : J. Chacornac, Le risque comme résultat dans les infractions de mise en danger : les limites de la distinction des infractions matérielles et formelles, RSC, 2008n 849.
[6] Sur la dénonciation de l’excessive subtilité de la distinction entre les concepts de résultat « réel », « matériel », « juridique », « légal » ou encore « sociologique » : J.-Y. Maréchal, Essai sur le résultat dans la théorie de l’infraction pénale, préf. A. Prothais, L’Harmattan, 2003, n° 31 et s. ; E. Dreyer, Droit pénal général, 6e éd., 2021, LexisNexis, n° 772 et s. V. toutefois, Y. Mayaud, Droit pénal général, 7e éd., 2021, PUF, n°, 304, pour une présentation fondée sur le distinction entre résultat redouté, résultat légal et résultat juridique.
[7] E. Dreyer, op. cit., n° 775 ; J. Chacornac, préc.
[8] J.-Y. Maréchal, op. cit., n° 371 : « le résultat, élément constitutif de l’infraction prévu, le cas échéant, par le texte d’incrimination, consiste en une atteinte, concrète ou abstraite, à un intérêt pénalement protégé, qui constitue l’effet ou la conséquence des actes d’exécution de l’infraction ». Comp., V. Malabat, Retour sur le résultat de l’infraction, in Mélanges en l’honneur de Jacques-Henri Robert, LexisNexis, 2012, p. 443.
[9] J.-Y. Maréchal, op. cit., n° 469 et s. ; M.-A. Raymond, Les infractions de résultat, thèse Bordeaux IV, 2010.
[10] Cass. crim., 18 mars 2008, n° 07-86.075, F-P+F N° Lexbase : A9804D7A : M. Véron, obs., Dr. pén. 2008, comm. 84 ; Y. Mayaud, obs., RSC 2008. 587 jugeant que « le délit de violences est constitué, même sans atteinte physique de la victime, par tout acte de nature à impressionner vivement la victime et à lui causer un choc émotif ».
[11] La diffamation est souvent présentée par la jurisprudence comme l’imputation d’un fait précis et déterminé, « de nature à » porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne visé (par ex. : Civ. 1re, 27 septembre 2005, n° 04-12.148, FS-P+B N° Lexbase : A5894DKI : S. Vigand, note, D., 2006. 637).
[12] En ce sens, J.-Y. Maréchal, op. cit., n° 472.
[13] Ainsi, pour E. Dreyer, la diffamation est une infraction formelle (Droit de la communication, 2018, LexisNexis, n° 1126).
[14] C’est ainsi, par exemple, que si un individu commet volontairement un acte qui engendre la mort d’autrui, il importe de savoir si le résultat redouté (la mort) était recherché, auquel cas il sera question d’un meurtre (C. pén., art. 221-1 N° Lexbase : L2260AMN) ou, à défaut d’un homicide par imprudence (C. pén., art. 221-6 N° Lexbase : L3402IQ3), voire du crime de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner (C. pén., art. 222-7 N° Lexbase : L5528AIL).
[15] E. Dreyer, Droit pénal général, op. cit., n° 791.
[16] Ce qu’exprime la locution latine classique poena est malum passionis propter malum actionis (la peine est un mal causant une souffrance à raison du mal causé par une action). V. aussi, Y. Mayaud, op. cit., n° 222.
[17] J.-Y Maréchal, op. cit., n° 150.
[18] E. Dreyer, op. cit., n° 788.
[19] J.-Y. Maréchal, La place du résultat dans la matérialité de l’infraction, in Faut-il rethéoriser le droit pénal ?, LexisNexis, 2017, p. 61.
[20] C. pén., art. 221-5 N° Lexbase : L2127AMQ. Sont aussi fréquemment citées la fabrication de fausse monnaie (C. pén., art. 442-1 N° Lexbase : L0481DZT) ou la subornation de témoins (C. pén., art. 434-15 N° Lexbase : L7972ALT).
[21] En ce sens, P. Spitéri, L’infraction formelle, RSC, 1966. 497. Par ex. : la provocation à l’usage de stupéfiants (CSP, art. L. 3421-4 N° Lexbase : L8910HWW). Adde : E. Dreyer, op. cit., n° 784, note 44, précisant que « l’analogie avec la tentative s’opère ici sous couvert d’exécution manquée et, non, d’exécution interrompue. Suivie ou non d’effet, la provocation s’exécute de la même façon ».
[22] X. Pin, Droit pénal général, 12e éd., 2021, Dalloz, n° 185.
[23] E. Dreyer, op. cit., n° 779, identifiant dans cette hypothèse une infraction « de prévention », distincte de l’infraction « de précaution », caractérisée, elle, par un résultat indéterminé.
[24] Le dol spécial est entendu ici au sens fort : une volonté portant sur un résultat extérieur à l’infraction, c’est-à-dire un mobile érigé en intention (X. Pin, op. cit., n° 207).
[25] C. pén., art. 450-1 N° Lexbase : L1964AMP. V. aussi, C. pén., art. 222-15-1 N° Lexbase : L6309L4G, définissant le délit d’embuscade comme le fait d’attendre un agent public dans un lieu déterminé « dans le but » de l’agresser.
[26] C. route, art. L. 234-1 N° Lexbase : L1669DKZ.
[27] C. pén., art. 223-6, al. 2 N° Lexbase : L6224LL4, réprimant la non-assistance en péril.
[28] Contra : J.-Y. Maréchal, op. cit., n° 555 qui fait des infractions d’abstention une catégorie radicalement distincte de l’infraction formelle.
[29] Thèse contredite en matière d’empoisonnement par une jurisprudence célèbre qui aligne l’élément moral de ce crime sur celui du meurtre (Cass. crim., 18 juin 2003, n° 02-85.199 N° Lexbase : A8130C8M : D. Rebut, note, D., 2004. 1620 et S. Mirabail, obs., somm. 2751 ; Prothais, note, ibid. 2005. 195; Rassat, note, JCP, 2003. II. 10121 ; Y. Mayaud, obs., RSC, 2003. 781). Cette solution, motivée par des considérations d’opportunité, est perçue comme introduisant une discordance fâcheuse entre l’élément matériel et l’élément moral de l’infraction par une doctrine majoritaire.
[30] C’est le cas pour l’exemple précité de l’association de malfaiteurs.
[31] E. Dreyer, op. cit., n° 790.
[32] Y. Mayaud, Ratio legis et incrimination, RSC, 1983, 597 : « s’éloigner du résultat redouté attentatoire à la valeur sociale protégée pour incriminer un danger en soi, c’est prendre le risque de couper l’activité criminelle de ses supports matériels et s’engager dans la voie d’un droit pénal à la fois abstrait et menaçant pour les libertés individuelles ». V. aussi, C. Lazerges, Le nouveau droit pénal se construit sur des sables mouvants, Le Monde, 6 mars 2016. Adde : Cons. const., décision n° 96-377 DC, 16 juillet 1996 N° Lexbase : A8343ACY : B. Mercuzot, note, D., 1997. 69, § 8, censurant la pénalisation de l’aide à l’entrée, à la circulation ou aux séjours d’un étranger au motif que cette aide n’était « pas en relation immédiate avec la commission de l’acte terroriste ».
[33] À savoir : le délit d’exposition d’autrui à un risque de mort ou de blessure (C. pén., art. 223-1 N° Lexbase : L3399IQX) et le délit de diffusion de messages inappropriés susceptibles d’être perçus par des mineurs (C. pén., art. 227-24 N° Lexbase : L7492L9D).
[34] J. Chacornac, préc. Au soutien de sa démonstration, l’auteur évoque notamment la doctrine allemande qui distingue les « délits de danger concrets » (konkreten Gefährdungsdelikte) des « délits d’atteinte » (Verletzungsdelikte). Est aussi citée la doctrine italienne, qui distingue les infractions d’atteinte proprement dites (di lesione) des infractions qui ne sanctionnent qu’une simple mise en danger du bien juridique, (reati di pericolo).
[35] Comp. C. pén., art. R. 641-1 N° Lexbase : L0867ABQ, réprimant le fait d’abandonner une arme ou tout autre objet présentant un danger pour les personnes et « susceptible d’être utilisé pour commettre un crime ou un délit ». Le risque est envisagé de manière si vague qu’on peut légitiment penser qu’il s’agit d’une infraction obstacle et non d’une infraction de risque en l’occurrence.
[36] J. Chacornac, art. préc., évoquant une « sorte de limbes entre infractions matérielles et les infractions formelles ».
[37] Infra.
[38] Infra.
[39] Par ex., W. Jeandidier, Droit pénal des affaires, 6e éd., 2005, Dalloz, n° 272 : « Le risque étant l’élément déterminant, le délit d’abus des biens, du crédit, des pouvoirs ou des voix évoque une infraction formelle » ; D. Dechenaud, L’élément matériel de l’infraction économique, in Le droit pénal économique, Cujas, 2018, p. 25.
[40] C. pén., art. 314-1 N° Lexbase : L5515LZB. On notera toutefois que la jurisprudence a une acception très large de ce préjudice, lequel est souvent déduit de la caractérisation des autres composantes de ce délit (Cass. crim., 12 avril 1967, n° 66-91.982 N° Lexbase : A1512CHH).
[41] Contra : D. Dechenaud, préc.
[42] D. Rebut, Abus de biens sociaux, Rép. pén., Dalloz, n° 68. Contra, B. Bouloc, Le dévoiement de l’abus de biens sociaux, RJ com. 1995. 301.
[43] T. corr. Seine, 11 mai 1955 : Autessere, note, D., 1956. 274 ; Bastian, note, JCP 1955. II. 8973 ; Cass. crim., 6 octobre 1980, no 79-93.802 N° Lexbase : A3642CGY : B. Bouloc, note, Revue des sociétés, 1981, p. 133.
[44] Cass. crim., 16 décembre 1975, n° 75-91.045 N° Lexbase : A3153AUC : M. Delmas-Marty, note, JCP G, 1976, I, 18476 ; Cass. crim, 6 octobre 1980, préc. : B. Bouloc, Revue des sociétés, 1981, p. 133 ; Cass. crim., 21 août 1991, n° 90-86.505 N° Lexbase : A2249AGE : J-H. Robert, note, Dr. pén., 1992, comm. 17 ; Cass. crim., 21 mars 2018, n° 17-83.695, F-D N° Lexbase : A7816XHX : R. Salomon, obs., Dr. sociétés 2018, comm. 114.
[45] Qu’il s’agisse des actionnaires ou associés (Cass. crim., 5 novembre 1963, n° 62-90.643 N° Lexbase : A2334CGK : D., 1964, p. 52 ; Cass. crim., 19 mars 1979, n° 78-92.386 N° Lexbase : A1156CIN ; Cass. crim., 3 octobre 1983 N° Lexbase : A0467C8S ; Cass. crim., 30 septembre 1991, n° 90-83.965 N° Lexbase : A2227AGL : B. Bouloc, note, Rev. sociétés 1992. p. 356 ; Baradene, note, Bull. Joly Sociétés 1992, 153) ou d’un conseil d’administration (Cass. crim., 12 décembre 1994, n° 94-80.155 N° Lexbase : A2702CSU : Bull. Joly Sociétés 1994, p. 427).
[46] Cass. crim.,, 16 mai 2018, n° 17-82.503, F-D N° Lexbase : A4544XNM : R. Salomon, obs., Dr. sociétés, 2018, comm. 133.
[47] Par ex., pour l’escroquerie : Cass. crim., 9 mai 1979, nº 79-91.368 N° Lexbase : A7697CG8.
[48] Pour des exemples jurisprudentiels et d’autres illustrations, v. D. Rebut, op. cit., n° 94 et s.
[49] E. Dreyer, op. cit., n° 787.
[50] Voir l’exemple de la corruption active par E. Dreyer (ibid.) : « au stade du démarchage, le délit correspond à une infraction obstacle (“déterminé”) car il existe seulement un risque de voir le destinataire accepter, au stade de la conclusion du pacte, il s’agit d’une infraction formelle car le défaut de probité devient certain sans être, pour autant, démontré ; au stade de l’exécution du pacte, l’infraction s’avère matérielle car la preuve du résultat redouté est acquise ».
[51] À cet égard, le délit de risque causé à autrui ne doit pas être perçu comme un modèle prescriptif : le fait que la survenance du résultat, comme la mort de la victime, impose de qualifier un homicide par imprudence, est simplement la conséquence de la multiplication des qualifications par le législateur en matière d’atteinte à l’intégrité physique ou à la vie.
[52] Par ex. : Cass. crim., 15 mars 1972, no 71-91.378 N° Lexbase : A6940AG7 : B. Bouloc, note, Rev. sociétés 1973. 357, sanctionnant l’abstention de réclamer le paiement d’une dette ; Cass. crim., 28 janvier 2004, no 02-88.094 N° Lexbase : A0610DCL : J.-F. Barbièri, note, Bull. Joly 2004. 861 ; B. Bouloc, note, Rev. sociétés 2004, p. 722, condamnant l’omission de faire corriger une erreur bancaire préjudiciable à la société. Adde : D. Rebut, L’abus de biens sociaux par abstention, D., 2005, chron. 1290.
[53] D. Rebut, op. cit., n° 77. Dans le même sens, A. Lepage, P. Maistre du Chambon et R. Salomon, Droit pénal des affaires, 6e éd., 2020, Lexisnexis, n° 731. Adde : Cass. crim., 7 septembre 2005, no 05-80.163 N° Lexbase : A9353DNQ : D. Rebut, obs., RSC, 2006. 331, corroborant cette analyse en refusant d’appliquer l’abus de biens sociaux au dirigeant qui s’était abstenu de s’opposer aux abus commis par un autre dirigeant dès lors que son abstention n’était pas en elle-même préjudiciable pour la société.
[54] V. déjà, A. Vitu, Droit pénal spécial, Cujas, 1982, n° 985, considérant qu’une telle solution revient à « donner au mot usage un sens audacieusement large, qui jure avec celui que ce terme revêt en matière d’escroquerie (usage d’un faux nom, d’une fausse qualité) où il ne concerne que des actes positifs ».
[55] Trib. corr. Seine, 22 janvier 1925 : Rev. Sociétés 1926, p. 343.
[56] H. Donnedieu de Vabres, RSC, 1938, p. 719.
[57] CA Paris, 9 janvier 1952 : D. Bastian, note, JCP, 1952, II. 6970.
[58] V. par ex. Cass. crim., 10 novembre 1964, n° 64-90.071 [LXB=A9568CGH] : R. D. M., note, JCP, 1965. II. 14146 ; Cass. crim., 24 mars 1969, n° 67-93.577 N° Lexbase : A8010CII ; Cass. crim., 16 mars 1970, n° 68-90.226 N° Lexbase : A6586AGZ ; Cass. crim., 8 décembre 1971, n° 70-93.020 N° Lexbase : A6863CGB ; Cass. crim., 16 décembre 1975, préc. ; Cass. crim., 4 février 1985, n° 84-91.581 N° Lexbase : A3881AGT ; Cass. crim., 16 janvier 1989, no 87-85.164 N° Lexbase : A4092AGN ; J. Cosson, note, D., 1989, p. 495 ; B. Bouloc, note, Revue des sociétés, 1989, p. 687 ; Y. Streiff, note, Bull. Joly 1989. 424.
[59] En ce sens, D. Rebut, op. cit., n° 105, pour qui cette exigence « est seule capable de compenser l’incertitude inhérente à une appréciation sur le fondement de l’exposition à un risque ».
[60] Infra.
[61] Cass. crim., 9 mai 1973, n° 72-93.501 N° Lexbase : A3059AUT ; B. Bouloc, note, Revue des sociétés 1973, p. 696 ; Cass. crim., 13 décembre 1988, no 87-82.268 N° Lexbase : A4093AGP ; Cass. crim., 30 septembre 1991, no 90-83.965 N° Lexbase : A2227AGL : D. Baraderie, note, Bull. Joly 1992, 153 ; Cass. crim., 3 février 2016, no 14-84.16, F-D N° Lexbase : A3146PKQ.
[62] Cass. crim., 5 janvier 2010, n° 09-83.693, F-D N° Lexbase : A7775EQZ. En l’espèce, les clauses stipulaient une durée de 7 ans renouvelable par tacite reconduction et l’exigibilité de la totalité des sommes restant dues jusqu’au terme du contrat en cas de rupture anticipée de celui-ci. Le fait que ces clauses n’aient jamais été mises en œuvre n’était pas un obstacle à la répression.
[63] Cass. crim., 16 décembre 1975, préc.
[64] Cass. crim., 14 juin 1993, n° 92-80.763 N° Lexbase : A4021ACW : B. Bouloc, note, Revue des sociétés, 1994, 90.
[65] Cass. crim., 8 septembre 2010, n° 09-87.672, F-D N° Lexbase : A4420GCP.
[66] Cass. crim., 16 janvier 1989, n° 87-85.164, préc. En l’occurrence, la Cour d’appel de renvoi a prononcé la relaxe du prévenu en concluant à l’absence de risque anormal (CA Versailles, 11 octobre 1989 : J.-P. Marchin, note, Gaz. Pal. Rec., 1990, 1, jur., p. 200).
[67] Cass. crim., 9 février 2022, n° 20-86.560, F-D N° Lexbase : A06597NQ : R. Salomon, note, Bull. Joly Sociétés 2022, p. 18 ; RJDA, 2022, n° 343.
[68] M. Véron et G. Beaussonie, Droit pénal des affaires, 12e éd., 2019, Dalloz, n° 397. Et les auteurs de citer les arrêts suivants à l’appui de leur propos : Cass. crim., 28 novembre 1994, n° 94-81.818 N° Lexbase : A8025C4Y : J.-F. Renucci, note, D., 1995. 506 ; B. Bouloc, note, Revue des sociétés, 1996, p. 105 ; J.-H. Robert, note, Dr. pénal 1995, comm. 70, pour des frais de mission et de réception très élevés sans justification des bénéficiaires ; Cass. crim., 11 janvier 1996, n° 95-81.776 N° Lexbase : A9136ABY : J.- H. Robert, note, Dr. pénal 1996, comm. 108, s’agissant de prélèvements occultes dans les caisses de la société.
[69] E. Joly et C. Joly-Baumgartner, L’abus de biens sociaux à l’épreuve de la pratique, Economica, 2002, p. 74.
[70] Cass. crim., 10 mai 1955, Bull. crim. no 234 ; Cass. crim., 10 novembre 1964, no 64-90.071 N° Lexbase : A9568CGH : D., 1965, p. 43. Comp. Cass. crim., 31 janvier 2007, n° 02-85.089, FS-P+F N° Lexbase : A7759DTK : D., 2007, p. 514 ; B. Bouloc, note, Revue des sociétés 2007, p. 379.
[71] Cass. crim., 27 octobre 1997, no 96-83.698 N° Lexbase : A4624AGD : M. Boizard, note, D. Affaires, 1997, p. 1429 ; C. Ducouloux-Favard et B. Bouloc, note, LPA, 7 novembre 1997, p. 6 ; Revue des sociétés, 1997, p. 869 ; M. Pralus, note, JCP, 1998, II. 10017 ; J.-F. Barbièri, note, Bull. Joly, 1998. II (arrêt Carignon) ; Cass. crim., 14 mai 2003, no 02-81.217 N° Lexbase : A9407C7K ; A. Lienhard, obs., D., 2003, AJ, 1766 ; D. Rebut, obs., RSC, 2003, p. 797; Cass. crim., 22 septembre 2004, no 03-81.282 : J.-H. Robert, note, Dr. pén., 2004. comm. 178 ; B. Bouloc, note, Revue des sociétés, 2005, p. 205 ; Cass. crim., 16 décembre 2015, no 14-86.602, F-D N° Lexbase : A8869NZI.
[72] Par ex. : Cass. crim., 27 février 2013, no 11-88.189, F-D N° Lexbase : A2778KBI, pour un risque de condamnation pour faux et usage et faux. Adde : D. Rebut, op. cit., n° 125, pour qui la solution « doit néanmoins être limitée aux infractions commises dans un intérêt strictement personnel ».
[73] D. Rebut, op. cit., n° 110, pour qui « cette extension de la jurisprudence […] a dénaturé l’abus de biens sociaux, lequel est devenu la qualification de substitution d’autres infractions ».
[74] A. Dekeuwer, Défense et illustration de l’incrimination d’abus de biens sociaux dans un système de corruption, JCP E, 1998, 310.
[75] J. Chacornac, art. préc. L’auteur esquisse toutefois l’analyse selon laquelle la jurisprudence devrait établir la volonté de l’agent de créer le risque en matière d’infractions de risque. Or, on ne souscrira pas à une telle analyse dès lors que, selon nous, il ne s’agit pas de vouloir créer le risque, mais de prévoir l’éventualité de sa réalisation. Plus largement, sur la nécessité de ne pas analyser les catégories conceptuelles d’infractions fondées sur le rapport au résultat à travers le seul prisme de la matérialité, v. P. Spiteri, art. préc. ; A. Chavanne, RID pén., 1969, p. 125.
[76] Cass. crim., 23 février 2000, n° 99-83.928 N° Lexbase : A5695AWT : M. Véron, note, Dr. pén., 2000, comm. 85 ; J. Francillon, obs., RSC, 2000, p. 639 ; CA Paris, 2 avril 2002 : C. Manara, obs., D. 2002. 1900.
[77] C. pén., art. 222-32 N° Lexbase : L2629L47. Par ex. : Cass. crim., 14 décembre 1971, n° 71-91.890 N° Lexbase : A4833CHH. On notera toutefois qu’il s’agit d’une jurisprudence ancienne et que, dans la pratique judiciaire, l’exhibitionniste condamné est véritablement celui qui impose sciemment sa nudité à autrui.
[78] En faveur d’un tel rattachement, J. Chacornac, art. préc.
[79] En faveur d’une analyse sous l’angle du dol éventuel : J. Cedras, Le dol éventuel : aux limites de l’intention, D., 1995, chron. 18 ; X. Pin, op. cit., n° 220. En défaveur d’une telle analyse : M.-L. Rassat, Droit pénal spécial, 8e éd., 2018, Dalloz, n° 399.
[80] Par ex., M.-L. Rassat, op. cit., n° 394, soulignant que le chapitre du Code pénal consacré à la mise en danger de la personne a « le mérite de révéler qu’il existe effectivement un élément moral intermédiaire entre le dommage causé intentionnellement et le dommage qui résulte de l’imprudence » ; Y. Mayaud, La volonté à la lumière du nouveau Code pénal, in Mélanges Larguier, Presses universitaires de Grenoble, 1993, p. 203, pour qui « la faute délibérée n’est rien d’autre qu’une attitude persistante dans une conduite négligente, elle est la conscience du péril ou des risques que l’on fait courir par son comportement, doublée de la volonté de s’y engager malgré tout ».
[81] V. not., Cass. crim., 16 février 1999, n° 97-86.290 N° Lexbase : A9291ATB ; Y. Mayaud, note, RSC, 1999, p. 581 ; M. Véron, obs., Dr. pén., 1999, comm. 82 , estimant que l’élément moral de l’infraction se résume au caractère manifestement délibéré de la violation de l’obligation de sécurité, si bien qu’il n’importe que le prévenu n’ait pas eu connaissance ou conscience de ce danger. Un décalage est introduit entre l’élément matériel et l’élément moral de l’infraction. En ce sens, J. Chacornac, art. préc.
[82] D. Rebut, op. cit., n° 152.
[83] D. Rebut, op. cit., n° 159.
[84] Par ex., Cass. crim., 3 mai 1967, n° 66-92.965 N° Lexbase : A8535CET, pour la préservation de la réputation familiale du dirigeant.
[85] Cass. crim., 25 octobre 2006, n° 04-81.502 : J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 2006, comm. 160.
[86] W. Jeandidier, Abus des biens, du crédit, des pouvoirs ou des voix, op. cit., n° 79. V. aussi, X. Pin, La nature de la faute en droit pénal économique, in Le droit pénal économique, Cujas, 2018, p. 37.
[87] Cass. crim., 19 décembre 1973, n° 73-90.224 N° Lexbase : A7820AXW : B. Bouloc, note, Revue des sociétés, 1974, p. 364. Comp. Cass. crim., 23 mars 2005, n° 04-84.756, F-D N° Lexbase : A6863RNI : J.-H. Robert, obs., Dr. pén. 2005, comm. 91.
[88] Cass. crim., 8 octobre 2003, no 02-81.471 N° Lexbase : A8173C9L : B. Bouloc, note, Revue des sociétés, 2004, p. 155 ; R. Salomon, note, Dr. sociétés, 2004, no 68.
[89] D. Rebut, op. cit., n° 222
[90] Sur la question de savoir si le délit est une infraction occulte ou une infraction dissimulée, v. W. Jeandidier, op. cit., n° 102.
[91] D. Rebut, op. cit., n° 236.
[92] Par ex. : Cass. crim., 28 mai 2003, n° 02-83.544, FS-P+F+I N° Lexbase : A8644C8N ; B. Bouloc, note, Revue des sociétés 2003, p. 906, pour le versement d’un salaire rémunérant un emploi fictif.
[93] W. Jeandidier, op. cit., n° 24.
[94] Y. Mayaud, Appel à la raison ou pour une approche cohérente de la prescription de l’abus de biens sociaux, D., 2004, p. 194.
[95] Voir toutefois, M.-L. Rassat, op. cit., n° 399, estimant que « la nature instantanée ou successive [du délit de risque causé à autrui] n’est pas clairement définie parce que, selon les cas, l’infraction peut être l’un ou l’autre » ; et l’auteur de prendre l’exemple de la mauvaise conduite d’un chantier, acte durable.
[96] A. Ponseille, L’infraction de prévention en droit pénal français, thèse Montpellier, 2001 ; J-Y. Maréchal, La privation de soins ou d’aliments : une infraction de prévention ?, D., 2006, p. 2446.
[97] J. Chacornac, art. préc.
[98] D. Dechenaud, art. préc. : « Cette référence au risque est, d’ailleurs, révélatrice : le droit pénal prend ici une dimension préventive, et punit les personnes qui, sans avoir nécessairement atteint l’ordre public économique, l’ont menacé par l’adoption d’un comportement dangereux ».
[99] P. Morvan, Criminologie, 3e éd., 2019, n° 344.
[100] W. Jeandidier, op. cit., n° 34
[101] W. Jeandidier, op. cit., n° 13.
[102] D. Rebut, op. cit., n° 69. Contra : B. Bouloc, art. préc. ; X. De roux et K. Bougartchev, L’abus de biens : derniers excès, Bull. Joly 1995. 1025 ; P. Marini, Rapport au Premier ministre. La modernisation du droit des sociétés, 1996, La Documentation française, p. 100 s. ; R. Ollard, L’abus de biens sociaux est-il un contrôle de gestion des entreprises ?, Dr. pén., 2009, étude 19.
[103] P. Marini, rapport préc., préconisant de sanctionner les dirigeants qui « auront sciemment porté atteinte aux intérêts patrimoniaux de [la société] ».
[104] W. Jeandidier, op. cit., n° 118.
[105] E. Dreyer, op. cit., n° 95.
[106] A. Garapon, Le gardien des promesses. Justice et démocratie, éd. Odile Jacob, 1996, p. 146. L’auteur évoque également, dans son ouvrage, le délit de risque causé à autrui comme « révélateur d’un nouveau mode de contrôle social. L’État laisse désormais aux individus le soin de se contrôler réciproquement, il compense la disparition du contrôle central par le soin laissé à chacun de prévenir et de contrôler acte pouvant provoquer des victimes potentielles » (p. 109).
[107] M. Véron, G. Beaussonie, op. cit., n° 17.
[108] Voir A. Garapon, op. cit., , p. 147, pour qui l’introduction du délit de mise en danger d’autrui « revient à pénaliser la responsabilité civile ». Adde : A. Zouhal, Le risque en droit pénal, préf. É. Verny, LGDJ, 2021, n° 62 et s.
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