Si l'article L. 145-58 du Code de commerce (
N° Lexbase : L5786AI7) autorise le bailleur à se soustraire au paiement de l'indemnité d'éviction en consentant au renouvellement du bail qu'il avait initialement refusé, la décision de première instance l'ayant condamné au paiement de ladite indemnité étant frappée d'appel, ce droit ne peut être exercé que si le locataire est encore dans les lieux et que son départ ne présente pas un caractère irréversible. Tel est le rappel opéré par la cour d'appel de Rennes dans un arrêt du 19 juin 2013 (CA Rennes, 19 juin 2013, n° 12/02951
N° Lexbase : A7618KGA ; dans le même sens, cf. CA Paris, 16ème ch., sect. B, 6 novembre 1998, n° 1997/13596
N° Lexbase : A9403A7E). Or, en l'espèce, le bailleur a notifié son refus de renouvellement les 4 septembre et 8 octobre 2009 et le tribunal de grande instance a fixé l'indemnité d'éviction par décision du 24 janvier 2012. Le bailleur a fait appel de la décision par déclarations des 27 avril et 2 mai 2012 mais a attendu le 23 octobre 2012 pour notifier son droit de repentir au preneur qui exploitait un hôtel-restaurant dans les lieux loués. Or, les 16 et 18 octobre précédents, ce dernier avait notifié au bailleur une sommation d'assister à l'état des lieux et à la remise des clefs le 30 octobre, par ministère d'huissier. Surtout, par lettres recommandées du 12 octobre 2012, il a résilié ses contrats auprès de Butagaz, des Pages jaunes, d'une blanchisserie et de son assureur au tire de la police Multirisque Hôtelier et de tous ses partenaires commerciaux, chaque lettre annonçant la fermeture définitive de l'établissement en raison du refus de renouvellement du bail. Le preneur produit encore les courriels de refus de réservation adressés à ses partenaires le 13 octobre 2013. De même, les contrats de crédit-bail de matériel étaient résiliés depuis le 14 septembre 2012. Le déménagement était entrepris avant la notification du droit de repentir puisqu'une facture de déménagement a été établie le 19 octobre 2012 et le 22 octobre 2012, un huissier de justice a constaté que ni l'hôtel, ni le restaurant, n'étaient plus exploités, qu'il n'y avait plus aucun client, ni salarié, et que le déménagement de l'ensemble de l'établissement était en cours et très avancé, seuls les sommiers et matelas restant dans les chambres. En outre, le matériel internet et téléphonique a été démonté le 18 octobre 2012. Enfin, les bulletins de salaire des cinq salariés en CDI ont été arrêtés au 20 octobre 2012, leurs lettres de licenciement ayant été adressées le 25 octobre 2012 avec mention d'entretiens préalables le 12 octobre 2012. Il résulte de tous ces éléments que la société locataire avait pris des dispositions irréversibles pour quitter les lieux, de sorte que l'exercice par le bailleur de son droit de repentir est trop tardif et doit être déclaré de nul effet (cf. l’Ouvrage "baux commerciaux"
N° Lexbase : E5030AEZ).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable