Le Quotidien du 7 octobre 2022 : Procédure pénale/Enquête

[Brèves] Précisions sur les nullités de l’enquête préliminaire : autorisation des réquisitions de l’article 77-1 du Code de procédure pénale et présence de l’avocat lors d’une séance d’identification de suspects

Réf. : Cass. crim., 28 septembre 2022, n°20-86.054, F-B N° Lexbase : A38458MD

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N2868BZA

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[Brèves] Précisions sur les nullités de l’enquête préliminaire : autorisation des réquisitions de l’article 77-1 du Code de procédure pénale et présence de l’avocat lors d’une séance d’identification de suspects. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/88717019-breves-precisions-sur-les-nullites-de-lenquete-preliminaire-autorisation-des-requisitions-de-larticl
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par Helena Viana

le 19 Octobre 2022

►L’article 77-1 du Code de procédure pénale n’impose aucune forme particulière à l’autorisation que le procureur de la République peut donner à un officier de police judiciaire pour requérir : l’absence en procédure de cette autorisation n’est pas susceptible d’entraîner l’annulation desdites réquisitions.

Encourt la cassation l’arrêt de la chambre de l’instruction qui rejette la nullité tirée, d’une part, de l’absence d’avocat lors de la présentation du mis en cause à la victime et, d’autre part, du stratagème déloyal employé par les enquêteurs et consistant à transcrire au procès-verbal des circonstances de la présentation manifestement inexactes.

Faits et procédure. Une personne mise en examen des chefs de viol et agression sexuelle aggravés, agression sexuelle et tentative, violations de domicile a formé une demande d’annulation des réquisitions adressées à l'Institut national de police scientifique aux fins d'exploitation des scellés contenues dans la procédure. En sus, elle a demandé l’annulation de la seconde identification par laquelle la victime l’avait formellement reconnu, alors que cette présentation s’était faite sans la présence de son avocat, qu’il avait pourtant sollicité.

La chambre de l’instruction a rejeté la demande du requérant le 29 octobre 2020 et le juge d’instruction l’a renvoyé des chefs susvisés devant la cour criminelle par ordonnance du 15 février 2022.  

Le mis en examen a relevé appel de l’ordonnance de renvoi et la chambre de l’instruction a rendu un arrêt de mise en accusation le 30 juin 2022.

Deux pourvois ont été formés par le mis en examen, l’un dirigé contre l’arrêt du 29 octobre 2020 rejetant sa demande d’annulation des pièces de la procédure, l’autre contre l’arrêt de mise en accusation en date du 30 juin 2022.
 

Ces pourvois ont été joints en raison de leur connexité.

Moyen du pourvoi. En premier lieu, le requérant reproche à l’arrêt d’avoir constaté que les réquisitions litigieuses avaient été prises sur autorisation du procureur de la République, sans rechercher si une pièce de la procédure faisait état d’une demande de l’officier de police, ni plus encore d’une réponse écrite ou verbale du procureur à cette demande.

En second lieu, le demandeur au pourvoi reproche à l’arrêt de ne pas avoir prononcé la nullité du procès-verbal d’identification, alors qu’au cours du second acte d’identification l’avocat du mis en cause n’avait pas été prévenu et était absent. De plus, il soutient que le refus par la chambre de l’instruction d’annuler la procédure violait les articles 61-3 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L2775LBE et l’article 6, §3 de la CESDH N° Lexbase : L7558AIR, le procès-verbal du 26 septembre 2019 en procédure résultant d’un stratagème employé par les policiers. En effet, deux identifications successives avaient été faites par la victime, mais seul un procès-verbal, en date du 26 septembre 2019, avait été rédigé par les enquêteurs : celui portant sur la seconde identification du mis en cause par la victime. Pourtant, à travers une glace sans tain, il lui avait été présenté quatre individus, dont le mis en cause, en présence de son avocat et la victime a hésité et désigné le numéro un, sans être formelle. Puis elle a demandé à revoir le mis en cause, et l’avait identifié formellement sans la présence de l’avocat lors de cette seconde présentation. Pour le requérant, l’établissement de ce procès-verbal à charge, en omettant de rédiger le procès-verbal à décharge portant sur la première identification, avait pour but de contourner les règles de procédure.

Décision. La Chambre criminelle casse partiellement l’arrêt de la chambre de l’instruction.

Elle rejette le premier moyen soulevé par le demandeur sur le fondement de l’article 77-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L5531LZU, lequel, énonce-t-elle, n’impose aucune forme particulière à l’autorisation que le procureur de la République peut donner à un officier de police judiciaire. Elle rappelle que la réquisition prévue par l’article susvisé doit être donnée dans le cadre d’une enquête préliminaire en cours et ne pas avoir été donnée par voie d’autorisation générale et permanente préalable : c’est là la seule condition instaurée par l’article 77-1 du Code de procédure pénale.

En réponse au second moyen, la Haute juridiction casse l’arrêt du 29 octobre 2020 au visa de l’article 61-3 du Code de procédure pénale, lequel prévoit le droit à l’assistance de l’avocat à une séance d’identification de suspects pour celui qui le réclame, et du principe de la loyauté de la preuve.

La Chambre criminelle condamne la position prise par la chambre de l’instruction, laquelle retenait que la présentation d’une personne gardée à vue n’était pas assimilable à une audition et que, de fait, aucune nullité ne pouvait résulter de l’absence de l’avocat à cet acte. La Chambre énonce que la seconde présentation à la victime s’est déroulée en l’absence de l’avocat et estime que la cour a statué en méconnaissance des dispositions de l’article 61-3 du Code de procédure pénale.

Mais elle ajoute, et c’est ce qui justifiera, semble-t-il, la cassation, que les circonstances contenues dans le procès-verbal du 29 septembre 2019, « seul procès-verbal rédigé d’initiative par les enquêteurs », concernant la présentation de la personne gardée à vue, étaient manifestement inexactes. La référence que la Cour fait à la personne à l’initiative du procès-verbal n’est pas sans importance. En effet, l’avocat du requérant avait adressé un courrier au magistrat instructeur, pour dénoncer les conditions dans lesquelles étaient intervenues les présentations successives à la victime. Le magistrat avait alors rédigé un procès-verbal contenant ces précisions, mais à en juger la réponse de la Cour de cassation, ce procès-verbal n’avait pas pour effet de régulariser le détournement de procédure des enquêteurs, qui n’ont pas été à l’initiative du procès-verbal.

Portée de la cassation. Saisie de deux pourvois dirigés à l’encontre de l’arrêt en date du 29 octobre 2020 et à l’encontre de l’arrêt de mise en accusation du 30 juin 2022, la Cour de cassation tire les conséquences de la cassation du premier arrêt, à savoir qu’elle entraîne la cassation du second.

On peut légitimement se demander si la même solution aurait été retenue si les deux procès-verbaux avaient été dressés par les enquêteurs sur-le-champ et conformément à la procédure, mais toujours sans la présence de l’avocat. C’est en effet le cumul de l’utilisation d’un stratagème déloyal par les enquêteurs et la méconnaissance du droit à l’avocat qui semble avoir entraîné la cassation en l’espèce.

Rappelons que le droit à l’accès d’un avocat au cours des séances d’identification trouve son origine dans le droit supranational transposé en droit interne, et plus précisément dans la directive 2013/48/UE du parlement européen et du conseil du 22 octobre 2013 (considérant 26) N° Lexbase : L5328IYY. Or, si l’arrêt du 28 septembre 2022 nous rappelle l’importance de la présence de l’avocat, et ce également lors d’une séance d’identification comme le prévoit l’article 61-3 du Code de procédure pénale, l’arrêt ne nous éclaire pas davantage sur le fait de savoir si l’absence de l’avocat à cet acte est susceptible à lui seul d’entraîner la nullité de l’acte, ni quel est le type de nullité encourue. En effet, si le requérant invoque l’existence d’un grief présumé en cas d’absence d’information de l’avocat lors d’une séance d’identification, la Cour n’en fait aucunement référence dans son raisonnement.

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