La lettre juridique n°919 du 6 octobre 2022 : Avocats/Procédure pénale

[Jurisprudence] Écoutes téléphoniques : la régularité des interceptions entre un avocat et la compagne de son client

Réf. : Cass. crim.,13 septembre 2022, n° 21-87.45, F-B N° Lexbase : A99668HL

Lecture: 5 min

N2719BZQ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Jurisprudence] Écoutes téléphoniques : la régularité des interceptions entre un avocat et la compagne de son client. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/88690330-jurisprudence-ecoutes-telephoniques-la-regularite-des-interceptions-entre-un-avocat-et-la-compagne-d
Copier

par Pauline Dufourq, Avocate pénaliste, cabinet Soulez Larivière

le 06 Octobre 2022

Mots clefs : interception téléphonique • secret professionnel • nullité • instruction • avocat

La Chambre criminelle s’est prononcée le 13 septembre dernier sur la régularité d’un procès-verbal d’interception de communications. Pour la Cour de cassation, ne constitue pas une interception des correspondances émises par la voie des télécommunications, la surveillance ayant pour but de rendre compte des circonstances ayant permis la localisation d’un véhicule. Par ailleurs, la conversation entre l’avocat et la compagne de son client ne pouvait relever de l’exercice des droits de sa défense dans la mesure où l’intéressée n’avait pas été placée en garde à vue et n’était pas partie à la procédure.


 

Dans un arrêt remarqué en date du 13 septembre dernier, la Chambre criminelle a été saisie de la question de la régularité de l’interception de la communication entre un avocat et la compagne de son client.

En l’espèce, une information judiciaire était ouverte des chefs d’infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment. Dans ce cadre, plusieurs actes d’investigations étaient mis en œuvre par les enquêteurs et tout particulièrement l’interception de conversations entre une femme et l’avocat de son compagnon. Ces écoutes retranscrites par procès-verbal visaient les indications délivrées par l’avocat concernant le déferrement de son client et un rendez-vous au tribunal.

C’est dans ce contexte qu’une demande d’annulation était déposée visant notamment les conversations interceptées entre l’avocat et la compagne de son client. Les requérants invoquaient au soutien de leur demande les dispositions de l’article 100-5, alinéa 3, du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1325MAC lequel dispose : « À peine de nullité, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un avocat relevant de l’exercice des droits de la défense et couvertes par le secret professionnel de la défense et du conseil […] ».

Cette demande d’annulation était néanmoins écartée par la chambre de l’instruction laquelle retenait que le procès-verbal a pour objet une surveillance, qu’il ne s’agit pas d’un procès-verbal de transcription d’une conservation téléphonique et qu’il ne ressort pas de cet acte que l’avocat en question assure la défense de la personne titulaire de la ligne surveillée.

Non satisfaits de cette décision, les requérants formaient alors un pourvoi devant la Chambre criminelle.

Plusieurs moyens étaient alors formulés par ces derniers contre l’arrêt d’appel. Tout d’abord, ils critiquaient la chambre d’instruction d’avoir dénaturé le procès-verbal en relevant qu’il s’agissait d’un procès-verbal de surveillance et non de retranscription alors que la teneur d’une conversation entre un avocat et la compagne de son client y était retranscrite.

Ensuite, les requérants reprochaient à la cour d’appel d’avoir eu une lecture stricte des exigences prévues à l’article 100-5, alinéa 3, du Code de procédure pénale en retenant qu’il n’était pas établi que l’avocat dont l’interception était retranscrite assurait la défense de la compagne de son client. Pour les requérants, l’interdiction de la transposition n’est pas limitée aux seules conversations avocat-client mais s’étend aux échanges entre un avocat et un proche de son client, lorsque la conversation concerne les droits de la défense dudit client.

Enfin, les requérants critiquaient l’arrêt de la cour d’appel en ce qu’il avait retenu, pour écarter la demande de nullité, qu’il ne ressortait pas de la conversation interceptée que « cet avocat assure la défense de la personne titulaire de la ligne téléphonique susvisée ainsi placée sous surveillance » sans rechercher, indépendamment de l’écoute, si l’avocat n’était pas celui de la compagne.

Pour rappel, la Chambre criminelle relève, au terme d’une jurisprudence constante, que la règle de libre communication entre la personne mise en examen et son avocat, qui interdit l’interception de correspondances ou communications téléphoniques échangées entre eux, ne fait pas obstacle à l’interception des communications d’un proche de cette personne avec l’avocat de celle-ci, sauf si l’avocat est aussi le défenseur de ce proche (Cass. crim., 10 mai 1994, n° 93-81.522 N° Lexbase : A9171CGR et Cass. crim., 18 janvier 2006, n° 05-86.447, F-P+F+I N° Lexbase : A5634DMM).

Saisie de la question de la régularité de la retranscription de cet échange, la Chambre criminelle confirmait l’analyse de la chambre de l’instruction en considérant qu’il ne s’agissait pas d’un procès-verbal de retranscription mais de surveillance : « si l’interdiction de transcription des correspondances avec un avocat relevant de l’exercice des droits de la défense de son client s’étend à celles échangées à ce sujet entre l’avocat et les proches de celui-ci, les échanges litigieux relatifs au déférement de M. (K) au tribunal et au rendez-vous pris entre l’avocat et la compagne de celui-ci n’ont été rapportés que pour rendre compte des circonstances ayant permis la localisation du véhicule, de sorte que le procès-verbal en cause a eu pour seul objet de donner les informations nécessaires à la compréhension des investigations ».

Ensuite, la Cour de cassation constate que la compagne de M. (K) n’avait pas encore été placée en garde à vue dans le dossier au moment où s’est tenu l’échange téléphonique litigieux et n’était pas partie à la procédure au moment où la chambre de l’instruction a statué, de sorte que cette conversation avec l’avocat ne pouvait relever de l’exercice des droits de sa défense.

À travers cet arrêt, la Chambre criminelle retient une approche restrictive de la retranscription téléphonique en expliquant que le procès-verbal avait pour finalité de rendre compte des circonstances ayant permis la localisation du véhicule et ce faisant qualifie l’acte de surveillance. Cette décision peut être rapprochée d’un arrêt rendu le 2 avril 1997 à l’occasion duquel la Chambre criminelle a considéré que ne constitue pas une interception de correspondance émise par la voie des télécommunications, au sens des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme N° Lexbase : L4798AQR ou 100 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1324MAB, le simple compte rendu de propos entendus par des policiers au cours d’une conversation téléphonique qui s’est déroulée en leur présence, sans artifice ni stratagème (Cass. crim., 2 avril 1997, n° 97-80.269 N° Lexbase : A1402ACW / n° 97-80.270).

newsid:482719