Réf. : Cass. civ. 1, 28 septembre 2022, n° 21-14.673, F-B N° Lexbase : A34248LE
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par Vincent Téchené
le 05 Octobre 2022
► Lorsqu'une caution invoque un manquement de la banque à son devoir de mise en garde, les parts sociales dont elle est titulaire au sein de la société cautionnée doivent être prises en considération pour apprécier ses capacités financières au jour de son engagement.
Faits et procédure. Une banque a consenti à une SCI un prêt immobilier, garanti par le cautionnement solidaire d’une caution professionnelle et d’une personne physique (la caution) dans la limite de la somme de 385 833,50 euros. Le 7 octobre 2015, à la suite de la défaillance de la SCI dans le remboursement du prêt, la banque a prononcé la déchéance du terme.
Après avoir payé le solde du prêt à la banque, la caution professionnelle a assigné la SCI et la caution en paiement, lesquelles ont appelé la banque en intervention forcée et garantie, en invoquant une disproportion de l'engagement de caution et un manquement de celle-ci à son devoir de mise en garde.
La caution a été condamnée à payer solidairement avec la SCI un certain montant à la caution professionnelle et la banque a été condamnée à payer la même somme à la caution pour manquement à son obligation de mise en garde.
La banque s’est alors pourvue en cassation tandis que la caution a formé un pourvoi incident.
Décision. La Cour de cassation s’est prononcée, d’abord, sur le pourvoi de la caution et, ensuite, sur celui de la banque.
La Cour de cassation rappelle ici qu’il résulte de l’article L. 332-1 du Code de la consommation N° Lexbase : L1162K78 et l'article 2310 du Code civil N° Lexbase : L1209HIM, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192, du 15 septembre 2021 N° Lexbase : L8997L7D, que la sanction prévue au premier de ces textes prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire, que ce soit sur le fondement de leur recours subrogatoire ou personnel.
Or, pour condamner la caution à payer à la caution professionnelle les sommes qu'elle a acquittées, l'arrêt d’appel a retenu que celle-ci ne peut se voir opposer les exceptions opposables au créancier principal, comme la disproportion de l'engagement de la caution.
Par conséquent, en statuant ainsi la cour d’appel a violé les textes précités.
Cette solution ne surprendra pas le lecteur, la Cour de cassation ayant déjà jugé en ce sens à plusieurs reprises (Cass. mixte, 27 février 2015, n° 13-13.709, P+B+R+I N° Lexbase : A3426NCU, G. Piette, Lexbase Affaires, mars 2015, n° 417 N° Lexbase : N6558BUG ; Cass. civ. 1, 26 septembre 2018, n° 17-17.903, FS-P+B N° Lexbase : A2007X8T ; Cass. civ. 1, 8 septembre 2021, n° 19-24.129, F-D N° Lexbase : A245844S, V. Téchené, Lexbase Affaires, septembre 2021, n° N° Lexbase : N8842BY7).
Pour les cautionnements souscrits après le 1er janvier 2022 et donc soumis au droit issu de l’ordonnance de réforme du 15 septembre 2022, on rappellera que la sanction applicable au cautionnement disproportionné n’est plus de priver d’effet le cautionnement, mais la réduction de ce dernier au montant à hauteur duquel la caution pouvait s’engager (C. civ., art. 2300, nouv. N° Lexbase : L0174L8X).
La Cour de cassation commence par rappeler qu’il résulte de l’article 1147 du Code civil N° Lexbase : L1248ABT, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, que la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s'il existe un risque de l'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.
Elle précise ensuite que les parts sociales dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciation de ses capacités financières au jour de son engagement.
Ainsi, elle censure l’arrêt d’appel qui, pour condamner la banque au titre de son devoir de mise en garde, s’est déterminé, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la caution n'était pas également titulaire de 99 % des parts de la SCI cautionnée.
Le devoir de mise en garde de la caution, d’origine jurisprudentielle (Cass. com., 20 septembre 2005, n° 03-19.732, F-P+B N° Lexbase : A5020DK7 ; Cass. com., 15 novembre 2017, n° 16-16.790, FS-P+B+I N° Lexbase : A0222WZA) a été consacré par l’ordonnance de réforme du 15 septembre 2021 (C. civ., art. 2299, nouv. N° Lexbase : L0173L8W). En outre, pour remédier aux incertitudes liées à la notion de caution avertie, ce texte ne se limite pas aux cautions profanes. Sur ce point, la solution retenue ici par la Cour de cassation nous semble pleinement reconductible.
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