Réf. : Cass. civ. 3, 22 juin 2022, n° 20-20.844, FS-B N° Lexbase : A205978R
Lecture: 5 min
N2005BZB
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Vincent Téchené
le 30 Juin 2022
► Il résulte de l'article 2241 du Code civil, applicable en matière de bail commercial, que la délivrance d'une assignation interrompt le délai de prescription de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction prévue à l'article L. 145-9 du Code de commerce ;
En outre, l'obligation particulière de dépollution du site d'une installation classée pour la protection de l'environnement doit, à l'arrêt définitif de l'exploitation, être exécutée par le dernier exploitant, qui en est seul tenu, indépendamment de tout rapport de droit privé, de sorte que n'ont pas à être supportés par le bailleur les frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollutions et éventuellement de retrait des réservoirs, sur justificatifs, au titre des indemnités accessoires.
Faits et procédure. Un EPIC a notifié, le 29 mai 2009, à sa locataire un congé à effet au 31 décembre 2009, avec refus de renouvellement du bail commercial consenti à compter du 1er décembre 1970 pour l'exploitation d'une station-service de distribution de produits pétroliers et vente d'accessoires automobiles.
La locataire a assigné l'EPIC en paiement d'une indemnité d'éviction par acte du 30 décembre 2011, remis au tribunal le 9 janvier 2012.
Une société d’économie mixte, qui a acquis les locaux commerciaux donnés à bail, le 31 août 2016, est intervenue à l'instance.
C’est dans ces conditions que la SEM et l'EPIC ont formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel (CA Paris, 5-3, 8 juillet 2020, n° 18/23546 N° Lexbase : A76163Q7) qui a fixé à une certaine somme le montant de l'indemnité d'éviction due par la bailleresse à la société locataire, outre les frais de licenciement des salariés sur justificatifs et les frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollution et éventuellement de retrait des réservoirs, sur justificatifs.
Décision. Les demanderesses au pourvoi avançaient deux arguments.
Elles soutenaient d’abord que seule la saisine du tribunal par l'enrôlement de l'assignation peut interrompre le délai imparti au preneur pour agir en paiement d'une indemnité d'éviction. Or, en l'état d'un congé en date du 31 décembre 2009, la seule délivrance d'une assignation signifiée le 30 décembre 2011 n'a pas interrompu le délai imparti au preneur pour agir en paiement de l'indemnité d'éviction, dès lors que le tribunal n'en a été saisi que par sa remise au greffe, le 9 janvier 2012, soit après l'expiration du délai ayant commencé à courir le 31 décembre 2009.
Cet argument ne convainc pas la Cour de cassation qui retient qu’il résulte de l'article 2241 du Code civil N° Lexbase : L7181IA9, applicable en matière de bail commercial, que la délivrance d'une assignation interrompt le délai de prescription de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction prévue à l'article L. 145-9 du Code de commerce N° Lexbase : L2009KGI, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776, du 4 août 2008 N° Lexbase : L7358IAR, applicable au litige.
Ainsi, selon la Haute Cour, ayant relevé que le délai pour agir qui avait commencé à courir le 31 décembre 2009, date d'effet du congé, avait été interrompu par la délivrance de l'assignation au bailleur, le 30 décembre 2011, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action de la locataire n'était pas prescrite.
En revanche, sur l’obligation de dépollution, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 512-12-1 du Code de l'environnement N° Lexbase : L0778LZT, 18 de l'arrêté du 22 juin 1998 relatif aux réservoirs enterrés de liquides inflammables ou combustibles et de leurs équipements annexes, et 2.10 de l'annexe I de l'arrêté du 15 avril 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux stations-service relevant du régime de l‘enregistrement au titre de la rubrique n° 1435 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement.
Elle retient qu’il résulte de ces textes que le preneur à bail dont le renouvellement est refusé, dernier exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement, est tenu de prendre, en application de l'article L. 512-12-1 du Code de l'environnement, toutes les dispositions utiles pour la mise en sécurité du site et, s'agissant des réservoirs de carburant et de leurs équipements annexes, de les neutraliser conformément aux dispositions de l'article 18 de l'arrêté du 22 juin 1998 et de l'article 2.10 de l'annexe I de l'arrêté du 15 avril 2010.
Ainsi, l'obligation particulière de dépollution du site d'une installation classée pour la protection de l'environnement doit, à l'arrêt définitif de l'exploitation, être exécutée par le dernier exploitant, qui en est seul tenu, indépendamment de tout rapport de droit privé.
Or, la Haute juridiction relève que, pour retenir que les frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollutions et éventuellement de retrait des réservoirs, seront dus à la locataire évincée sur justificatifs, au titre des indemnités accessoires, l'arrêt d’appel énonce que les frais de mise en sécurité ou de dépollutions et éventuellement de retrait des réservoirs sont directement liés à l'éviction avec arrêt de l'exploitation.
Par conséquent, en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes visés.
Pour aller plus loin :
|
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:482005