La lettre juridique n°910 du 16 juin 2022 : Droit des biens

[Brèves] Irrecevabilité des prétentions qui ne figureraient pas dans les premières conclusions : spécificité en matière de partage !

Réf. : Cass. civ. 1, 9 juin 2022, deux arrêts, n° 19-24.368, F-B N° Lexbase : A792574B, et n° 20-20.688, FS-B N° Lexbase : A791874Z

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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 16 Juin 2022

► En application de l'alinéa 2 de l’article 910-4 du Code de procédure civile, l'irrecevabilité prévue par son alinéa 1er ne s'applique pas aux prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ; tel est le cas en matière de partage où, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse.

Pour rappel, l’article 910-4 du Code de procédure civile N° Lexbase : L9354LTM impose aux parties de présenter l’ensemble de leurs prétentions dès les premières conclusions, ce sous peine d’irrecevabilité des prétentions qui ne figureraient pas dans ces premières écritures.

L’alinéa 2 du même texte ajoute que sont néanmoins recevables certaines prétentions invoquées tardivement, notamment celles qui sont destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses. Tel était donc le cas dans chacune des affaires en cause, qui concernaient, pour la première le partage d’une indivision liant des partenaires de Pacs, pour la seconde, un partage successoral.

Première affaire (pourvoi n° 19-24.368). La première affaire opposait d’anciens partenaires civils de solidarité dans le cadre du règlement de leurs intérêts patrimoniaux.

Pour déclarer irrecevables la demande de l’ex-partenaire, la cour avait retenu que le dispositif de ses conclusions ne comportait ni demande relative à la créance de son ex-partenaire telle qu'elle avait été fixée en première instance ni demande relative à l'estimation immobilière, de sorte que, par ces conclusions, elle avait restreint la saisine de la cour d'appel à ce qui était expressément demandé dans le dispositif de celles-ci et qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ces demandes, qui ne constituaient pas davantage une défense à une prétention adverse.

La décision est censurée sur un moyen relevé d’office par la Cour régulatrice, qui relève que les dernières conclusions d'appel de l’intéressée comportaient, selon les constatations de la cour d'appel, ces trois prétentions, lesquelles avaient trait au partage de l'indivision liant les parties.

Seconde affaire (pourvoi n° 20-20.688). La seconde affaire concernait un partage successoral. Pour déclarer irrecevables les prétentions nouvelles formées par l’un des héritiers au titre des rapports dus par ses cohéritiers dans ses conclusions déposées postérieurement, la cour d’appel avait retenu qu'en l'absence de survenance ou de révélation d'un fait postérieur à leurs écritures déposées dans les délais des articles 908 N° Lexbase : L7239LET, 909 N° Lexbase : L7240LEU et 910 N° Lexbase : L7241LEW du Code de procédure civile, n’étaient recevables que les prétentions formées par celui-ci dans ses conclusions formant appel incident et que les prétentions contenues dans les conclusions postérieures se heurtaient à l'irrecevabilité édictée par l'article 910-4 du même Code.

Répondant cette fois au moyen développé par le demandeur au pourvoi, la Cour de cassation censure la décision, après avoir relevé que les prétentions formées par le demandeur dans ses dernières conclusions portaient sur de nouvelles demandes de rapports dus par ses cohéritiers et avaient donc trait au partage de l'indivision successorale, de sorte qu'elles devaient s'analyser en une défense aux prétentions adverses.

Pour aller plus loin : v. F. Séba, ÉTUDE : L'appel, Spéc. La forme des conclusions devant la cour N° Lexbase : E539849S, in Procédure civile (dir. E. Vergès), Lexbase.

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