Lexbase Fiscal n°862 du 15 avril 2021 : Droit pénal fiscal

[Brèves] Caractérisation du délit de fraude fiscale : la preuve de l’appréhension des sommes n’est pas nécessaire

Réf. : Cass. crim., 8 avril 2021, n° 19-87.905, F-P+I (N° Lexbase : A65534NZ)

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par Marie-Claire Sgarra

le 28 Avril 2021

La caractérisation du délit de fraude fiscale résultant de l’omission de déclarer les rémunérations sujettes à l’impôt en application de ce texte n’implique pas qu’il soit démontré que le prévenu a effectivement appréhendé les sommes en causes.

Les faits

  • les prévenus, deux époux, fondateurs de la société Laboratoire Puressentiel, initialement dénommée Aroma Thera, ont cédé à une société de droit anglais les droits d’exploitation des marques et brevets d’une gamme jusqu’ici exploités par la société Aroma Thera
  • la société de droit anglais a concédé à la société Aroma Thera dont l’épouse était le président et administrateur, un contrat de licence exclusive d’exploitation des marques et brevets précédemment cédés
  • la Direction générale des Finances publiques a adressé aux prévenus une proposition de rectification suite à un examen de situation personnelle, considérant que l’épouse était la véritable gestionnaire et l’exploitante des marques et brevets cédés à la société de droit anglais et que les redevances versées à la société de droit anglais rémunéraient en réalité les prestations réalisées par l’épouse, qui devait être imposée à ce titre en application de l’article 155 A du Code général des impôts (N° Lexbase : L2518HLT)
  • sur avis conforme de la commission des infractions fiscales, l’administration fiscale a déposé plainte contre les deux époux, qui ont été cités à comparaître devant le tribunal correctionnel pour s’être frauduleusement soustraits à l’établissement et au paiement de l’impôt sur le revenu, en s’abstenant de souscrire dans les délais requis des déclarations des bénéfices non commerciaux
  • les premiers juges ayant relaxé les prévenus, le procureur de la République et l’administration fiscale ont formé appel de cette décision

🔎 Principe. Aux termes de l’arrêt 155 A, I du Code général des impôts, les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières notamment lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ou lorsqu’elles n’établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services.

En cause d’appel, les juges retiennent le délit de fraude fiscale :

  • la demanderesse dont l’intervention a dépassé le cadre de la simple assistance s’est comportée comme la véritable gestionnaire de la société de droit anglais à laquelle la société Aroma Thera versait les redevances dues en contrepartie de l’exploitation des marques et brevets cédés
  • la société de droit anglais présentait tous les caractères d’une coquille vide et qu’aucun élément ne démontre qu’elle exerçait de manière prépondérante, au sens de l’article 155 A précité du Code général des impôts, une activité industrielle ou commerciale autre que la prétendue prestation de services rémunérée par les redevances litigieuses

Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi au visa de l’article 155 A, I du Code général des impôts.

✔ En premier lieu, la possibilité prévue par l’article 155 A du Code général des impôts d’imposer, entre les mains d’une personne qui rend des services, la rémunération correspondant à ces services, lorsqu’elles sont perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France, n’est pas subordonnée, dans l’hypothèse où la personne qui rend les services est domiciliée ou établie en France, à la condition que ces services aient été rendus en France.

👉 Dès lors, la demanderesse ne saurait se faire un grief de ce que la cour d’appel n’a pas répondu au moyen régulièrement soulevé devant elle tiré de ce que les prestations correspondant à la rémunération versée à la société de droit anglais auraient été réalisées à l’étranger.

✔ En second lieu, le contribuable domicilié en France, auteur de la prestation de services, est réputé avoir réalisé lui-même les bénéfices ou revenus retirés de cette prestation par la personne chargée de les percevoir. Il appartient le cas échéant au contribuable d’apporter la preuve soit que tel n’a pas été le cas, soit que la rémunération litigieuse, qui lui a été reversée en tout ou partie par l’entité l’ayant perçue, a été imposée à un autre titre.

👉 La caractérisation du délit de fraude fiscale résultant de l’omission de déclarer les rémunérations sujettes à l’impôt en application de ce texte n’implique pas qu’il soit démontré que le prévenu a effectivement appréhendé les sommes en causes.

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