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par Samya Felhine, Avocat - Directeur, Vaughan Avocats
le 06 Janvier 2021
Depuis le 1er Janvier 2021, la période transitoire prévoyant le maintien des règles applicables au sein de l’Union européenne dans les relations entre un Etat membre et le Royaume-Uni cessent de s’appliquer.
Aussi, le Royaume-Uni est-il devenu définitivement un pays tiers à l’Union européenne (UE) depuis cette date, après plus de 47 ans de vie commune.
Il n’en demeure pas moins que le Royaume-Uni et l’UE ont d’abord souhaité garantir des droits acquis aux salariés, pour les périodes antérieures au 1er janvier 2021 (accord de retrait du 24 janvier 2020) puis se sont finalement, à la veille de Noël, le 24 décembre dernier, accordé sur un nouvel accord de commerce et de coopération, prévoyant, notamment, certaines règles empruntées à la règlementation européenne en matière de Sécurité sociale.
La sortie de l’UE du Royaume-Uni impacte principalement la protection sociale des salariés ainsi que les règles d’immigration (visa, autorisation de travail). La sortie de l’UE du Royaume-Uni nécessite également quelques adaptations des clauses contractuelles dans le contrat de travail. Enfin, la fiscalité personnelle des salariés est faiblement impactée.
1 - Quel impact sur la couverture sociale des salariés mobiles ?
A titre liminaire, rappelons que le principe, en matière de Sécurité sociale, est qu’un salarié cotise dans le pays où il exerce physiquement son activité (principe de territorialité). Les règlements européens [1] prévoient des règles permettant de déroger à ce principe dans certaines situations de mobilité transfrontalière, simplifiant ainsi les démarches pour l’employeur ainsi que la couverture du salarié.
La règlementation au sein de l’Union européenne prévoit notamment les règles suivantes :
La sortie de l’UE signifie que le Royaume-Uni ne se voit plus appliquer les règles de Sécurité sociale applicables entre les Etats membres de l’Union européenne, régies par les règlements européens.
Aussi, pour toute nouvelle mobilité à compter du 1er janvier 2021, ces règles ne sont plus applicables.
Cependant, en application de l’accord de commerce et de coopération du 24 décembre 2020, signé entre l’UE et le Royaume-Uni et qui est d’application provisoire, certaines règles « d’inspiration européenne » s’appliquent depuis le 1er janvier 2021.
Il convient ainsi de distinguer les mobilités de salariés déjà en cours au 31 décembre 2020 et les mobilités nouvelles à compter du 1er janvier 2021.
a - Mobilités transnationales déjà en cours au 31 décembre 2020
L’accord de retrait du 24 janvier 2020, signé entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, apporte des garanties pour toute mobilité démarrée avant le 31 décembre 2020 et en cours à cette date :
L’article 30 de l’accord de retrait prévoit que les citoyens de l’UE ou du Royaume-Uni qui travaillent au Royaume-Uni ou dans un Etat membre au 31 décembre 2020 et qui sont soumis à la législation d’un seul Etat membre sont couverts par les règles de coordination européenne de Sécurité sociale « aussi longtemps qu’elles continuent à se trouver sans interruption dans l’une des situations [prévues par l’accord] et qui concerne à la fois un Etat membre et le Royaume-Uni ».
Sont ainsi visés les salariés « détachés » au sens de la Sécurité sociale, les salariés « expatriés » ou « localisés » ainsi que les salariés transfrontaliers.
Cotisations sociales
Les certificats A1 délivrés par les CPAM (ou le Cleiss) en cas de détachement ou de pluriactivité, qui avaient été obtenus avant le 31 décembre 2020, demeurent valables après le 31 décembre 2020, pour toute situation inchangée. Ceux-ci permettent, pour rappel, de n’être soumis qu’à la législation d’un seul Etat en cas de mobilité transfrontalière.
Exemple 1 : salarié français au Royaume-Uni
Exemple 2 : salarié britannique en France
Prestations sociales
Si la situation du salarié est inchangée par rapport à 2020, alors les règles de coordination de Sécurité sociale prévues par les Règlements (CE) n° 883/2004 et n° 987/2009 continuent de s’appliquer dans les mêmes conditions qu’avant le 31 décembre 2020, tant que la situation reste inchangée par rapport à la situation avant le 31 décembre.
Si la situation du salarié change par rapport à 2020, alors il n’y a plus de coordination des prestations. Cela signifie que le salarié acquerra des droits uniquement dans le pays où il cotise.
b - Mobilités transnationales à compter du 1er janvier 2021
A l’approche de la fin d’année, nous avions présumé, en l’absence de visibilité de tout accord, qu’en cas de nouvelle mobilité intervenant à compter du 1er janvier 2021, le principe de territorialité (imposant qu’un salarié est soumis à la législation de l’Etat où il exerce son activité) s’appliquerait, ce qui signifie que les travailleurs ont l’obligation de cotiser dans le pays de mission, sans possible exception.
Le Royaume-Uni et l’UE ont, cependant, signé, le 24 décembre 2020, un accord in extremis, de commerce et de coopération [2]. Ce texte n’a pas encore été ratifié par le Parlement européen mais, devant l’urgence et le chaos occasionné par la sortie de la période de transition au 1er janvier 2021, l’UE et le Royaume-Uni se sont accordés pour permettre une application provisoire du texte (dès le 1er janvier 2021) dans l’attente de la ratification par les 27.
La ratification devrait intervenir au plus tard le 28 février 2021 mais ce délai pourrait être prolongé.
En matière de Sécurité sociale, l'accord vise à garantir un certain nombre de droits aux citoyens de l'Union et aux ressortissants britanniques. Cela concerne les citoyens de l'Union qui travailleront, voyageront ou s'installeront au Royaume-Uni et les ressortissants britanniques qui travailleront, voyageront ou s'installeront dans l'Union après le 1er janvier 2021.
L’accord, qui reprend le principe de territorialité, prévoit également qu’un salarié pourra être détaché pour une durée de 24 mois (donc exonéré de cotisations dans le pays où il exerce son activité).
L’accord reprend ainsi, le principe d’unicité de législation applicable qui prévaut au sein de l’UE.
L’accord reprend prévoit également la coordination des principales prestations de Sécurité sociale (sauf des allocations familiales et soins programmés de longue durée).
Il conviendra d’être attentif à la ratification des Etats européens afin de confirmer que ces règles resteront applicables après le 28 février 2021.
Si la France ne ratifie pas cet accord (ce qui est très peu probable), toute nouvelle mobilité à compter du 1er janvier 2021 serait soumise au principe de territorialité, c’est-à-dire de cotiser dans chaque pays où le salarié travaille.
2 - Quel impact sur les contrats de travail des salariés en mobilité ?
Tout d’abord, il faut rappeler que l’employeur est tenu à un devoir d’information vis-à-vis de ses salariés. Or, ce devoir d’information inclue la protection sociale applicable au dit salarié.
Aussi, s’agissant des nouveaux contrats de travail conclus à partir du 1er janvier 2021, il est important de réfléchir en amont à la clause de protection sociale. Les références contractuelles à « l’Union européenne » ou « l’Europe » doivent être adaptées. Il convient de sécuriser les contrats en faisant désormais référence au « Royaume-Unis » et non plus à un Etat membre de l’Union européenne ou de l’Europe.
Cela vaut également pour les clauses relatives au lieu d’exécution du contrat, aux clauses de non-concurrence, etc.
3 - Quel impact sur les règles d’immigration ?
Quel impact pour les salariés britanniques en France ?
S’agissant des salariés britanniques présents en France avant le 31 décembre 2020, tous les ressortissants britanniques devront détenir un titre de séjour au 1er octobre 2021.
De la même façon, les salariés britanniques seront autorisés à travailler en France du 1er janvier au 1er octobre 2021.
Dès le 1er octobre 2021, ils devront obtenir un titre de séjour « accord de retrait », valide 5 ans selon les cas.
D’un point de vue employeur, celui-ci devra vérifier que les salariés soient munis d’un titre de séjour les autorisant à travailler en France.
S’agissant des salariés britanniques arrivant en France après le 1er janvier 2021, ils devront obtenir une autorisation de travail comme tout ressortissant d’un Etat tiers à l’Union européenne. Ils devront éventuellement obtenir un titre de séjour selon leur statut.
Quel impact pour les salariés français au Royaume-Uni ?
S’agissant des salariés français présents au Royaume-Uni avant le 31 décembre 2020, le droit au séjour et le droit au travail restent acquis.
Cependant, de façon pratique, il convient de demander, avant le 30 juin 2020 :
S’agissant des salariés français arrivant au Royaume-Uni après le 1er janvier 2021, ils devront obtenir une autorisation de travail (« Skilled workers route »).
4 - Quel impact sur la fiscalité des salariés ?
Les règles fiscales demeurent inchangées. En effet, le lieu d’imposition ou les règles relatives à la résidence fiscale demeurent inchangées dans la mesure où le traité fiscal bilatéral conclu entre la France et le Royaume-Uni reste en vigueur.
En revanche, il faut relever une incidence du Brexit sur la détermination des salaires imposables puisque les cotisations sociales britanniques ne seront pas déductibles du salaire imposable en France tant qu’aucun accord ne sera signé entre la France et le Royaume-Uni en matière de Sécurité sociale.
Le Brexit a également quelques incidences sur certains dispositifs fiscaux.
L’article 81 A du CGI (N° Lexbase : L2447HNX) qui permet d’exonérer, sous certaines conditions, les primes d’expatriation liées notamment à la prospection commerciale et aux chantiers de construction, ne sera plus applicable aux salariés d’employeurs britanniques.
S’agissant de la fiscalité patrimoniale, des changements plus lourds sont à prévoir, notamment en matière de PEA, de prélèvements sociaux sur les revenus fonciers et sur les plus-values immobilières françaises (taux de 17,2 % au lieu de 7,5 %), de dons réalisés au profit d’organismes britanniques, de souscription au capital de PME britanniques (qui n’ouvrent plus droit à réduction d’impôt).
[1] Règlement (CEE) n° 1408/71 du 14 juin 1971 (N° Lexbase : L4570DLT) ; Règlements (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 (N° Lexbase : L7666HT4) et n° 987/2009 du 16 septembre 2009 (N° Lexbase : L8946IE3).
[2] Accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et la communauté européenne de l’énergie atomique, d’une part, et le Royaume-Uni de Grande-bretagne et d’Irlande du nord, d’autre part, 24 décembre 2020 [en ligne].
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