Le Quotidien du 14 décembre 2020 : Construction

[Brèves] CCAG Travaux privés NFP 03-001 versus article 1793 du Code civil

Réf. : Cass. civ. 3, 3 décembre 2020, n° 19-25.392 FS-P+B+I

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[Brèves] CCAG Travaux privés NFP 03-001 versus article 1793 du Code civil. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/62278683-breves-ccag-travaux-prives-nfp-03001-i-versus-i-article-1793-du-code-civil
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 10 Décembre 2020

► La norme NFP 03-001 doit être contractualisée pour être applicable ;
► les demandes de travaux modificatifs non autorisés ni régularisés devaient être écartés dès lors que les dispositions de l’article 1793 du Code civil (N° Lexbase : L1927ABY) prévalent sur la norme NFP 03-001.

Si l’article 1793 du Code civil n’est pas applicable à tous les contrats de construction ni à toutes les parties, une fois applicable, il n’est pas possible d’y déroger conventionnellement. La règle est d’une logique implacable. Puisque les parties se sont accordées sur l’invariabilité du prix, elles ne peuvent pas stipuler l’inverse quelques lignes plus loin dans ce même contrat. Il existe une exception : il est possible d’accorder une rémunération supplémentaire au contracteur en cas de travaux supplémentaires si le maître d’ouvrage et le constructeur se mettent d’accord par écrit. Autrement dit, il ne suffit pas d’établir que des travaux supplémentaires ont été nécessaires et/ou ont été acceptés, il faut justifier d’un écrit constatant cet accord et fixant le prix desdits travaux (pour exemple, Cass. civ. 3, 24 mai 2011, n° 10-15.315, F-D N° Lexbase : A8740HSI). En pratique, les travaux supplémentaires font l’objet d’un devis du constructeur qui doit être régularisé par ordre de service du maître d’ouvrage.

Mais les dispositions du Code civil ne font pas un marché. Existent également, pour les opérations d’une certaine envergure, ce qu’il est usuel de voir dénommés des cahiers des clauses générales et administratives (CCAG), des cahiers des clauses administratives particulières (CCAP), des cahiers des clauses techniques particulières (CCAP) et des actes d’engagement (AE). Or, dans certains de ces documents, il n’est pas rare de voir précisé/dérogé à certaines dispositions étant précisé que ces documents établissent, entre eux, des ordres de préséance qui permettent de les articuler (Civ.3ème 22 juin 2005, n° 04-14.587, FS-P+B N° Lexbase : A8383DIC).

Parmi ces CCAG, figurent en bonne place les normes AFNOR. La plupart des marchés privés adoptent ainsi ou se réfèrent à la norme NFP 03-001 qui a connu diverses éditions dont la dernière est en date d’octobre 2017 (V. J. Mel, Le nouveau CCAG Travaux marchés privés nouveau est arrivé !, Lexbase Droit privé, janvier 2018, n° 728 N° Lexbase : N2356BXK).

Cette norme n’a, toutefois, force obligatoire que si elle est contractualisée (pour exemple, Cass. civ. 3, 25 mai 2011, n° 10-19.271, FS-P+B N° Lexbase : A8772HSP). Elle a alors un effet obligatoire entre les parties (Cass. civ. 3, 25 mai 2011, n° 10-19.271, FS-P+B N° Lexbase : A8772HSP).

La référence à la norme AFNOR n’affranchit néanmoins pas les parties de l’application des dispositions légales mais se pose la question de savoir si les parties peuvent contractuellement y déroger ainsi qu’en témoigne l’arrêt rapporté.

En l’espèce, une SCI maître d’ouvrage conclut deux marchés à forfait à une entreprise. L’entreprise notifie, en fin de chantier, ses mémoires définitifs au maître d’ouvrage en se conformant à la norme NFP 03-001 prévue au contrat et, en l’absence de réponse du maître d’ouvrage, l’assigne en paiement du solde de ses travaux et des dépenses supplémentaires sur la base de ces mémoires. La SCI, condamnée à payer par les juges d’appel, forme un pourvoi en cassation au motif principal que les règles établies par la norme NFP 03-001 ne peuvent prévaloir sur les dispositions légales de l’article 1793. Faute d’avoir expressément accepté ces dépenses supplémentaires, le maître d’ouvrage n’en est pas débiteur.

Le pourvoi est rejeté. Le maître d’ouvrage s’étant abstenu d’apporter une réponse contradictoire aux demandes formées conformément à la procédure contractuelle mise en place par les parties, il était réputé avoir accepté le mémoire définitif de l’entreprise.

La disposition a ainsi été jugée compatible avec les règles d’ordre public de l’article 1793 du Code civil (Cass. civ. 3, 11 mai 2006, n° 04-18.092, FS-P+B N° Lexbase : A3715DPB). La solution n’est pas nouvelle mais les contentieux sont si abondants qu’elle méritait d’être rappelée (V. pour un exemple récent CA Besançon, 25 juin 2019, n° 17/01499 N° Lexbase : A0398ZH9). Les dispositions de la norme NFP03-001 ne peuvent prévaloir sur les dispositions légales (V. encore Cass. civ. 3, 4 mai 2016, n° 14-26.610, F-D N° Lexbase : A3407RNI) mais il reste possible d’en ménager les modalités.

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