Réf. : Décret n° 2020-797 du 29 juin 2020 relatif à la mise à la disposition du public des décisions des juridictions judiciaires et administratives (N° Lexbase : L5271LXI)
Lecture: 9 min
N3908BYE
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Yann Le Foll, Adélaïde Léon et Marie Le Guerroué
le 02 Juillet 2020
► Le décret n° 2020-797 du 29 juin 2020, publié au Journal officiel du 30 juin 2020 (N° Lexbase : L5271LXI), vient modifier le régime de mise à disposition du public des décisions de justice des juridictions administratives et judiciaires tel que prévu par la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016, dite loi « Lemaire » (loi n° 2016-1321 N° Lexbase : L4795LAT).
Le nouveau texte applique les dispositions de l'article 33 de la loi n° 2019-2022 du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la Justice (N° Lexbase : L6740LPC), lequel modifie le régime de mise à disposition du public des décisions de justice des juridictions administratives et judiciaires posé par les articles 20 et 21 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016, pour une République numérique. Cette mise à disposition s'inscrit dans le cadre de publicité des décisions de justice posée par le Code de justice administrative, le Code de procédure pénale et le Code de procédure civile. Il est, également, prévu des mesures d'occultation des éléments d'identification des personnes physiques, parties ou tiers ou bien encore magistrats ou membres de greffe, en cas d'atteinte à leur vie privée ou leur sécurité.
I - Sur la mise à la disposition du public des décisions de justice rendues par les juridictions administratives
Le Conseil d'État est responsable de la mise à disposition du public, sous forme électronique, des décisions rendues par les juridictions administratives. Les décisions juridictionnelles rendues par le Conseil d'État, les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs sont mises à la disposition du public dans un délai de deux mois à compter de leur date, sur un portail internet placé sous la responsabilité du garde des Sceaux, ministre de la Justice.
Décision d'occulter tout autre élément d'identification. Si la mise à disposition de la décision, malgré l'occultation des nom et prénoms, est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée des personnes physiques mentionnées au jugement ou de leur entourage, la décision d'occulter tout autre élément d'identification est prise par le président de la formation de jugement ou le juge ayant rendu la décision en cause lorsque l'occultation concerne une partie ou un tiers. Lorsque l'occultation concerne un membre du Conseil d'État, un magistrat ou un agent de greffe, la décision est prise, selon le cas, par le président de la section du contentieux du Conseil d'État, le président de la cour administrative d'appel ou le président du tribunal administratif. Le membre du Conseil d'État ou le magistrat peut décider l'occultation de tout élément de la décision dont la divulgation est susceptible de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation.
Demande de levée d'occultation des éléments d'identification. Toute personne intéressée peut introduire à tout moment, auprès d'un membre du Conseil d'État désigné par le vice-président du Conseil d'État, une demande d'occultation ou de levée d'occultation des éléments d'identification ayant fait l'objet de la décision précitée. Il n'est pas fait droit aux demandes abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique.
II - Sur la mise à disposition du public des décisions des juridictions judiciaires
Le texte vient également modifier le Code de l’organisation judiciaire. Désormais, la Cour de cassation est, elle-aussi, responsable de la mise à la disposition du public, sous forme électronique, des décisions de justice rendues par les juridictions judiciaires. Les décisions sont mises à la disposition du public dans un délai de six mois à compter de leur mise à disposition au greffe de la juridiction.
Décision d'occulter tout autre élément d'identification. Dans le cas où, malgré l'occultation des nom et prénoms, la mise à disposition de la décision est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée des personnes physiques mentionnées au jugement ou de leur entourage, la décision d'occulter tout autre élément d'identification est prise par le président de la formation de jugement ou le magistrat ayant rendu la décision en cause lorsque l'occultation concerne une partie ou un tiers. Lorsque l'occultation concerne un magistrat ou un membre du greffe, la décision est prise par le président de la juridiction concernée. Toute personne intéressée peut introduire, à tout moment, devant un magistrat de la Cour de cassation désigné par le premier président, une demande d'occultation ou de levée d'occultation des éléments d'identification ayant fait l'objet de la décision.
Précisions en matière civile
Le nouveau décret vient modifier le Code de procédure civile concernant la délivrance de copie aux tiers. Ainsi, désormais, en cas de refus ou de silence gardé pendant deux mois à compter de la demande de délivrance, le président du tribunal judiciaire ou, si le refus émane d'un greffier, le président de la juridiction auprès de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, saisi par requête, statue, le demandeur entendu ou appelé. L'appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse.
Les éléments permettant d'identifier les personnes physiques mentionnées dans la décision, lorsqu'elles sont parties ou tiers, sont occultés par le greffier préalablement à la remise de la décision si leur divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage. Le recours est porté, par requête présentée par un avocat, devant le président de la juridiction auprès de laquelle le greffier exerce ses fonctions.
Précisions en matière pénale
Le décret organise également plus spécifiquement la mise à délivrance des décisions de justice dans le domaine pénal. L’article R. 156 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0760AC7), qui régissait jusqu’alors les conditions de délivrance aux tiers des copies de décision pénales, est abrogé. Un c) intitulé « Délivrance de copies aux tiers » vient compléter la section V du chapitre II du titre X de livre V de la partie réglementaire du même code, relative aux frais de copie. Composée des articles R. 166 à R. 172 cette nouvelle sous-section prévoit les conditions de la libre délivrance des décisions de cassation et du fond rendues publiques et devenues définitive, la capacité, pour le procureur de la République ou le procureur général de faire procéder d’office à l’occultation de certaines identités ou éléments. Ce texte inscrit également l’occultation obligatoire des identités des personnes ayant concouru au déroulement de la procédure, des magistrats, des greffiers et des assesseurs. Enfin il organise les conditions dans lesquelles certaines décisions non définitives ou non publiques peuvent être délivrées à des tiers sur autorisation.
Délivrance des arrêts de cassation et des décisions publiques devenues définitives. Le décret n° 2020-797 dispose que les tiers peuvent se voir librement délivrer, sur demande et sans autorisation préalable, la copie des arrêts de la Cour de cassation et des décisions des juridictions du premier ou du second degré devenues définitives et rendues publiquement à la suite d’un débat public.
Une dérogation est toutefois appliquée à cette mise à disposition généralisée. Dans certaines circonstances et à la condition de spécialement motiver leur décision, le procureur de la République ou le procureur général pourront s’opposer à la délivrance d’une copie des décisions de juridictions du fond ou la subordonner à l’occultation de certains éléments non divulgués. Cette décision, notifiée à l’intéressé, peut faire l’objet d’un recours devant le président de la chambre de l’instruction dans les deux mois suivant sa notification.
Occultation d’office des identités des parties ou tiers et de certains éléments ou motifs. Alors même qu’aucune demande n’a encore été formulée, le procureur de la République ou le procureur général peut également décider de l’occultation d’éléments d’identification de personne aux fins de préserver la sécurité ou le respect de la vie privée des intéressés ou de leur entourage. Ces mêmes magistrats peuvent, dans les mêmes conditions, décider d’office l’occultation de certains motifs ou éléments d’identification dont la divulgation serait susceptible de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou au secret en matière commerciale ou industrielle.
Ces décisions sont notifiées à l’intéressé et peuvent faire l’objet d’un recours devant le président de la chambre de l’instruction dans les deux mois suivant sa notification.
Occultation obligatoire des identités des personnes ayant concouru au déroulement de la procédure, des magistrats, des greffier et assesseurs. L’occultation de l’identité de ces personnes est automatique et conditionne la délivrance à des tiers de copies de décisions en matière pénale.
Délivrance des décisions non définitives, d’instruction, de l’application des peines, rendues par les juridictions pour mineurs ou après des débats à huis clos ainsi que les copies des autres actes ou pièces d’une procédure pénale. Ces décisions non définitives ou non publiques ne peuvent être délivrés qu’à raison d’un motif légitime et avec l’autorisation préalable du procureur de la République ou du procureur général. Elles doivent préalablement faire l’objet d’une occultation s’agissant des éléments ou des motifs qui n’ont pas à être divulgués. En l’absence de précision du décret, une certaine latitude semble donc laissée aux magistrats pour arbitrer en la matière.
Exclusion des archives. Le décret précise enfin que ces dispositions ne sont pas applicables à l’accès aux décisions, actes ou pièces d’archives exercé conformément au Code du patrimoine.
Les modifications impactant le Code de justice administrative, le Code de l’organisation judiciaire et le Code de procédure civile seront complétées par un arrêté du garde des Sceaux fixant, pour chacun des ordres, par niveau d’instance et par type de contentieux, la date à compter de laquelle les décisions de justice seront mises à la disposition du public et délivrées aux tiers sur demande. Les dispositions intéressant le Code de procédure pénale entreront quant à elles le 1er octobre 2020.
Entrée en vigueur. Le décret est entré en vigueur au 1er juillet 2020.
Pour aller plus loin : E. Le Quellenec, Loi "Justice" : évolution ou révolution numérique pour les avocats ?, Lexbase Avocats, avril 2019 (N° Lexbase : N8474BX7) |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:473908