La lettre juridique n°830 du 2 juillet 2020 : Avocats/Statut social et fiscal

[Brèves] Preuve d’un lien de subordination d’un associé dans une limited liability partnership (non)

Réf. : CA Paris, 10 juin 2020, n° 18/02237 (N° Lexbase : A25633NA)

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par Marie Le Guerroué

le 02 Juillet 2020

► Ne constitue pas un lien de subordination, le fait pour une structure collective :

- d’émettre un avis différent sur l’opportunité de conserver un collaborateur,

- d’approuver les abandons ou réductions d’honoraires,

- de prévoir des dispositions statutaires (subordination aux décisions du conseil d'administration, clause de non-concurrence, exclusivité des activités professionnelles au profit du cabinet),

- et de prévoir une procédure d’évaluation (CA Paris, 10 juin 2020, n° 18/02237 N° Lexbase : A25633NA).

Procédure. L’avocate appelante avait signé un acte d'adhésion à un limited liability partnership (LLP) anglais et avait travaillé au sein de son établissement parisien. Elle avait par la suite démissionné et avait saisi le Bâtonnier d'une demande visant à faire constater que sa démission constitue une prise d'acte de la rupture imputable à l'employeur avec les conséquences attachées à un licenciement nul.

Le Bâtonnier avait dit n'y avoir lieu à requalification du contrat d'association en contrat de travail, constaté que les faits de harcèlement n’étaient pas établis, et avait débouté l’avocate de l'ensemble de ses demandes. Cette dernière avait formé appel et demandait à la cour de dire qu'elle était sous un lien de subordination.

Sur l'appréciation du cabinet sur l'opportunité de conserver ce collaborateur. La cour relève, d''abord, qu’il avait été mis un terme à la collaboration d'un avocat qui avait été recruté un an auparavant pour l'activité de titrisation dont l'appelante avait la responsabilité, ce malgré son opposition et que cette décision avait été justifiée par le faible taux d'occupation de ce collaborateur (34 %) au regard de sa rétrocession d'honoraires. Pour la cour, il ressort des mails échangés que cette décision, motivée, a été prise après une réunion au cours de laquelle l’appelante a fait connaître sa position et le travail déjà effectué avec l'avocat en cause. Ainsi, selon elle, il ne se déduit pas du fait que l'appréciation du cabinet sur l'opportunité de conserver ce collaborateur ait été différente de celle de l’appelante qu'il existe un lien de subordination, l'appelante ne pouvant prétendre décider seule du maintien de cet avocat alors que son activité s'exerce dans le cadre d'une structure collective.
Sur la nécessité d'approbation de la structure pour consentir à des abandons ou des réductions d'honoraires. De la même façon, la nécessité de recueillir l'approbation de la structure par la voie de ses organes décisionnels pour consentir à des abandons ou des réductions d'honoraires au-delà d'un certain montant, l'absence de pouvoir personnel d'engagement des dépenses par le biais d'un compte bancaire d'associé, le droit de regard sur un séjour au Maroc pour rencontrer un client, constituent des règles de gestion proportionnées et harmonisées destinées à protéger les intérêts économiques de la collectivité à laquelle l’appelante a fait le choix d'adhérer et dont le bon fonctionnement suppose la mise en place d'un ensemble de règles communes à tous.
Sur les dispositions statutaires. La cour ajoute que les dispositions statutaires contestées : subordination aux décisions du conseil d'administration, clause de non-concurrence, exclusivité des activités professionnelles au profit du cabinet, relèvent de l'organisation d'une activité professionnelle exercée en commun sans que les contraintes engendrées par cet exercice collectif puissent néanmoins s'analyser comme des manifestations d'un lien de subordination. La rédaction de la clause de non-concurrence, qui n'est pas propre au contrat de travail, peut, pour les juges du fond, éventuellement poser un problème d'interprétation ou de régularité mais celui-ci est indépendant de l'existence d'un lien de subordination.
Sur la procédure d'évaluation. S'agissant de la procédure d'évaluation, ainsi que l'a mentionné la décision du Bâtonnier, elle s'applique à l'ensemble des associés et est destinée à organiser la répartition des bénéfices à proportion de la contribution de chacun. Elle ne peut dès lors être considérée comme la traduction d'une subordination telle que comprise en droit du travail, même si le logiciel utilise le terme anglais peut-être inapproprié d' " employée ".
Sur les mails " managing partner ". Enfin, l’appelante fait état de plusieurs mails adressés à l'ensemble des avocats et autres membres du cabinet par le " managing partner ". Ces mails qui concernent la vie en collectivité (la propreté des locaux, l'usage du tabac) la nécessité de facturer ou celle de suivre une formation, sont formulés dans des termes qui peuvent être jugés inappropriés mais relèvent, pour les juges, d'un comportement individuel qui n'est pas de nature à modifier la relation juridique en question.
Requalification (non). L’appelante qui était associée de cette structure, ne peut, dès lors, invoquer les règles applicables aux collaborations pour conclure qu'en absence de clientèle personnelle, elle avait le statut de collaborateur salarié. La décision du Bâtonnier déboutant l’appelante de ses demandes fondées sur la requalification de son contrat d'adhésion en contrat de travail est confirmée (v. ETUDE : Les caractéristiques du contrat de travail de l'avocat salarié, in La Profession d’avocat N° Lexbase : E9215ETH)

 

 

 

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