La lettre juridique n°813 du 20 février 2020 : Construction

[Brèves] Quel est le point de départ du délai de la prescription biennale à l’encontre de l’assureur dommages-ouvrage en cas de désordre survenu avant réception ?

Réf. : Cass. civ. 3, 13 février 2020, n° 19-12.281, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A37653E8)

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay

le 19 Février 2020

► Le point de départ de la prescription biennale de l’article L. 114-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L2640HWP) pour les désordres survenus avant réception n’est pas le même que pour les désordres survenus après réception ;

► le point de départ de la prescription biennale reste la lettre de mise en demeure ou, lorsqu’elle s’avère impossible ou inutile, la date de cessation de l’activité de l’entreprise.

Tels sont les enseignements délivrés par un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, en date du 13 février 2020 (Cass. civ. 3, 13 février 2020, n° 19-12.281, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A37653E8).

La mobilisation de l’assurance dommages-ouvrage pour des désordres de nature décennale survenus avant réception est une exception « pas si exceptionnelle ». Si, en principe, l’assurance dommages-ouvrage a vocation à être mobilisée à l’expiration du délai de la garantie de parfait achèvement, soit un an après la réception, par exception, elle peut prendre effet plus tôt et même avant la réception. L’article L. 242-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L1892IBP) prévoit, en effet, en son alinéa 9, que l’assureur dommages-ouvrage garantit le paiement des réparations nécessaires avant réception lorsqu’après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d’ouvrage conclu avec l’entrepreneur est résilié pour inexécution, par celui-ci, de ses obligations. Deux conditions sont néanmoins requises :

- d’un côté, le maître d’ouvrage doit avoir adressé au constructeur une lettre de mise en demeure de procéder à la réparation des désordres (Cass. civ.1, 7 février 1995, n° 92-18.812 N° Lexbase : A9345CNG). Etant précisé que la lettre de mise en demeure n’est plus exigée lorsque l’entreprise a disparu, par exemple en cas de liquidation judiciaire (Cass. civ. 1, 10 juillet 1995, n°93-13.027) ;

- de l’autre, si cette mise en demeure reste vaine, le maître d’ouvrage doit résilier le marché du constructeur.

L’assureur dommages-ouvrage n’a pas, en tout état de cause, à financer des travaux d’achèvement de l’ouvrage mais, uniquement, à financer les travaux réparatoires des désordres de nature décennale. La frontière est parfois très mince. La mobilisation de l’assurance dommages-ouvrage avant réception est, ainsi, souvent l’objet de contentieux, d’autant que son périmètre d’intervention se confond, parfois, en fait, avec celui du garant de livraison. Tel était précisément le cas en l’espèce. L’affaire se complique encore lorsqu’il faut articuler ces règles avec la prescription biennale de l’article L. 114-1 du Code des assurances.

Les faits de l’espèce sont typiques. Un couple d’accédant à la propriété conclut un contrat de construction de maison individuelle avec un constructeur. Une assurance dommages-ouvrage est souscrite ainsi qu’une garantie de livraison. Des difficultés surviennent en cours de chantier. Le constructeur obtient la désignation d’un expert puis est placé en liquidation judiciaire. Le sinistre est déclaré à l’assureur dommages-ouvrage. Les accédants à la propriété concluent une transaction avec le garant de livraison qui, subrogé dans leurs droits, assigne notamment l’assureur dommages-ouvrage.

La cour d’appel de Paris, dans un arrêt rendu le 28 novembre 2018, déclare la demande formée à l’encontre de l’assureur dommages-ouvrage irrecevable comme prescrite. La garant forme un pourvoi en cassation.

Il articule que, lorsque la mise en demeure de l’entreprise est impossible, à cause d’une procédure collective, le délai de deux ans de l’article L. 114-1 ne court qu’à compter de la date de l’ouverture de cette procédure collective.

La Haute juridiction censure. La formalité de la mise en demeure n’étant pas requise quand elle s’avère impossible ou inutile, notamment en cas de cessation de l’activité de l’entreprise ou de liquidation judiciaire emportant résiliation du contrat de louage d’ouvrage, c’est cette circonstance qui constitue l’évènement donnant naissance à l’action au sens de l’article L.114-1 et partant, le point de départ du délai de prescription biennale.

Autrement dit, le point de départ est fixé au jour où la garantie est acquise.

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