La lettre juridique n°807 du 19 décembre 2019 : Procédure pénale

[Brèves] Loyauté de la preuve : constater n’est pas provoquer

Réf. : Ass. plén., 9 décembre 2019, n° 18-86.767, P+B+R+I (N° Lexbase : A3135Z7A)

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par June Perot

le 18 Décembre 2019

► Toute méthode d’investigation qui contribuerait à provoquer la commission de l’infraction est proscrite, le stratagème ainsi employé étant alors de nature à entraîner la nullité des actes de procédure ; en dehors de cette hypothèse, le recours, par les autorités publiques, à un stratagème tendant à la constatation d’une infraction ou l’identification de ses auteurs ne constitue pas, en soi, une atteinte au principe de loyauté de la preuve ;

pour qu’une telle atteinte soit constituée, il est nécessaire que le procédé employé, par un contournement ou un détournement d’une règle de procédure, ait pour objet ou pour effet de vicier la recherche de la preuve en portant atteinte à l’un des droits essentiels ou à l’une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie.

C’est ainsi que l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a tranché le litige qui lui était soumis dans une affaire de tentative de chantage, qui lui donne l’occasion de préciser la jurisprudence sur l’étendue de l’obligation de loyauté dans l’administration de la preuve en matière pénale (Ass. plén., 9 décembre 2019, n° 18-86.767, P+B+R+I N° Lexbase : A3135Z7A).

Résumé de l’affaire et de la procédure. Menacé de voir divulguée une ‘sextape’ dans laquelle il apparaîtrait, une personnalité médiatique a porté plainte pour tentative de chantage. Afin de découvrir l’identité des auteurs, le procureur de la République a autorisé un officier de police judiciaire à négocier par téléphone, sous pseudonyme, avec la personne soupçonnée, en se faisant passer pour le mandataire de la victime présumée. Une information a été ouverte qui a permis d’établir l’existence de cet enregistrement. Plusieurs personnes ont été mises en examen du chef de chantage et association de malfaiteurs. La chambre de l’instruction a rejeté les requêtes déposées par plusieurs mis en examen sur le fondement de l’article 173 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7455LPS) et la demande de nullité formée, tendant à l’annulation de la procédure en raison notamment de la provocation à l’infraction dont ils auraient fait l’objet de la part d’un fonctionnaire de police. La Cour de cassation (Cass. crim., 11 juillet 2017, n° 17-80.313, FS-P+B N° Lexbase : A9783WMB ; lire à ce sujet, P. Le Monnier de Gouville, Loyauté des preuves et identification du "stratagème déloyal", Lexbase Privé, 2017, n° 710 N° Lexbase : N9929BWN) a cassé et annulé cet arrêt pour violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme (N° Lexbase : L7558AIR) et de l’article préliminaire du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3311LTS).

La chambre de l’instruction de Paris, saisie sur renvoi, a, quant à elle, dit n’y avoir lieu à annulation d’actes de la procédure. Elle s’est ainsi inscrite dans le sillage de l’analyse qui avait été faite par la première chambre de l’instruction saisie de ce dossier.

C’est donc dans le contexte d’une résistance des juges du fond qu’a été saisie l’Assemblée plénière de la Cour de cassation.

Griefs formulés. La Cour a été saisie de deux griefs visant le principe de loyauté dans la recherche de la preuve. Le premier portait sur la provocation à la commission de l’infraction, le second, sur l’usage d’un stratagème prétendument déloyal.

Un stratagème loyal. Reprenant la solution visée plus haut, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre la décision prise par la chambre de l’instruction de rejeter les demandes d’annulation des actes de la procédure fondées sur la déloyauté du procédé employé par la police pour apporter la preuve de la tentative de chantage dont aurait fait l’objet une personne.

Nécessité d’une atteinte à un droit. La Haute cour énonce également que seul est proscrit le stratagème qui, par un contournement ou un détournement d’une règle de procédure, a pour objet ou pour effet de vicier la recherche de la preuve en portant atteinte à l’un des droits essentiels ou à l’une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie. Cette précision relative à la nécessité d’une atteinte à un droit ou une garantie est ainsi essentielle pour délimiter le champ de la déloyauté. Or, en l’espèce, les demandeurs au pourvoi, ainsi que le souligne l’arrêt, ne démontraient ni même n’alléguaient une quelconque atteinte à l’un de leurs droits (pour aller plus loin, lire la note explicative de la Cour sur cette affaire ; v. également notre Ouvrage «La procédure pénale», E. Vergès, La preuve pénale, La loyauté de la preuve, à paraître N° Lexbase : E4969ZT9).

Cette décision de l’Assemblée plénière devrait donc ouvrir la voie à la tenue d’un procès en correctionnel.

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