Lecture: 19 min
N1519BYW
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Laetitia Le Métayer, ancien avocat, juriste en droit du numérique au sein du cabinet de Conseil en propriété industrielle Sparlann, Anne-Hélène Hamonic, Fondatrice de Facilaw – permet la performance des avocats
le 02 Janvier 2020
Mots-clefs : Focus • Avocat • Réseaux sociaux
Les avocats (et plus largement les professions du droit) doivent-ils / peuvent-ils être présents et actifs sur les réseaux sociaux ? Vaste sujet.
Nous ne parviendrons probablement pas à mettre tout le monde d’accord (et ce n’est d’ailleurs pas l’objectif de cet article). Nous ne ferons pas non plus de vous des professionnels aguerris des réseaux sociaux.
En revanche, nous vous proposons ici à travers notre modeste retour d’expérience de nous poser quelques questions essentielles qui, nous l’espérons, vous aideront à passer (ou non) le pas de la porte de Twitter, Instagram ou LinkedIn…
Cette réflexion, nous la menons, de concert, afin que vous puissiez disposer du regard d’un «juriste» (soumis, donc, à des règles déontologiques) et du point de vue d’un professionnel accompagnant les avocats sur ces thématiques (et donc nécessairement actif sur les réseaux sociaux).
Commençons d’abord par définir le périmètre de cet article…
Nous y parlerons «réseaux sociaux». Mais finalement, que doit-on entendre par «réseau social» ? Cette notion recouvre quel support (physique / numérique) ou quel média ?
Si nous devons faire un peu d’histoire, la notion de «réseau social» a été définie dès 1954. Elle s’entendait, en substance, comme des «liens d’amitié et de connaissance entre individus qui se reconnaissent un statut social à peu près égal» [1]. Il s’agit ici davantage d’un réseau social physique... à l’évidence.
Plus récemment, avec le développement des réseaux sociaux, tel que nous l’entendons et le pratiquons aujourd’hui, les «CNIL européennes» (ancien Groupe G29 et désormais le Comité Européen de la Protection des Données ou «CEPD») a donné une définition de ce que pouvait recouvrir cette notion de «service de réseau social». Dans un avis n° 5/2009 sur les réseaux sociaux en ligne [2], le CEPD a considéré que le réseau social devait s’entendre comme une plateforme «de communication en ligne qui permet à tout internaute de rejoindre ou de créer des réseaux d’utilisateurs ayant des opinions similaires et des intérêts communs».
Nous pouvons ainsi y intégrer toutes les plateformes permettant de créer une «communauté» d’utilisateurs ou de rapprocher des personnes autour d’un sujet ou d’intérêts partagés. On conçoit désormais le réseau social comme un réseau «digital».
Nous parlerons donc nécessairement de Facebook mais plus largement de Twitter, LinkedIn, Youtube. Mais aussi d’Instagram.
Pour résumer les développements qui suivent, nous répondrons de manière synthétique à trois questions essentielles :
I - Pourquoi aller sur les réseaux sociaux ?
Nous n’allons pas vous abreuver de chiffres mais, les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Selon l’agence «We Are Social et Hootsuite» (octobre 2018), nous sommes 7,6 milliards sur Terre, 4,2 milliards d’internautes (55 %) et 3,4 milliards d’utilisateurs des réseaux sociaux (44 %).
La réponse à la question «Pourquoi» est évidente. Les (vos) clients sont probablement sur les réseaux sociaux ! Au-delà de cette dimension statistique, pour aller sur les réseaux sociaux, il est recommandé de s’interroger sur les trois sujets suivants (parmi d’autres).
1. Définir votre stratégie
Comme pour toute communication, il faut définir votre stratégie, vos objectifs.
Commencez par vous poser quelques questions utiles, dont voici une liste non exhaustive :
Les informations qui suivent vont pouvoir contribuer à cette réflexion.
2. Définir vos objectifs
Une fois la stratégie réfléchie, il faut déterminer des objectifs. Une méthode qui fonctionne bien est la méthode SMART. Cela signifie que votre objectif devra être Spécifique, Mesurable, Atteignable, Réaliste et enfin Temporel.
Votre objectif peut porter, par exemple, dans une phase de démarrage, sur le volume des
publications :
«Je veux poster une publication tous les deux jours, sur Twitter ou LinkedIn, et ce pendant trois mois».
A la fin de la période, vous analysez le résultat. Vous avez alors deux possibilités :
3. Quels peuvent être les intérêts des réseaux sociaux pour vous ?
Pourquoi être présent sur les réseaux sociaux ? Quel intérêt ont les réseaux sociaux pour mon activité professionnelle ? Les raisons peuvent être multiples :
Comme indiqué plus haut, 43 % de la population mondiale est active sur les réseaux sociaux. Savez-vous ainsi que selon ce même rapport, en France, le temps passé sur les réseaux sociaux est en moyenne de 1 heure 20 ? Vous pouvez donc ainsi bénéficier d’une visibilité incroyable et toucher d’avantages de personnes. Imaginez les opportunités à créer...
4. Quels peuvent être les écueils à une présence sur les réseaux sociaux ?
En pratique, il existe quelques écueils à éviter ou à avoir en tête avant de se plonger dans la création de son compte sur un réseau social. Nous vous en présentons quelques exemples, la liste n’étant pas exhaustive.
II - Quels réseaux sociaux ?
Ne vous dispersez pas : à moins d’avoir d’énormes ressources en interne, il convient de bien choisir les réseaux que vous allez utiliser. Votre critère de choix devra être fait en fonction de la stratégie choisie, de votre cible : Utilisez les réseaux de vos clients ou prospects.
1. LinkedIn
Jusqu’à récemment LinkedIn était, pour faire court, comme une énorme base de données compilant des CV, il y avait finalement assez peu de publications d’actualités. Cela a beaucoup évolué et c’est désormais devenu le réseau social professionnel incontournable.
Il existe deux types de pages : la page individuelle et la page entreprise. Sachant que pour administrer une page entreprise, il faut être nommé administrateur et donc avoir une page individuelle.
Voici quelques premiers conseils pratiques pour faire une page individuelle efficace :
2. Twitter
Twitter peut s’avérer très utile en curation et veille. Orienté BtoB et BtoC on y écrit des messages courts (280 caractères, contre 140 à l’origine). C’est un très bon outil pour la veille notamment.
3. Facebook
Facebook n’est clairement pas le premier réseau social professionnel auquel on pense en tant que juriste. Cependant, selon votre domaine d’activité, il n’est pas nécessairement à exclure d’office. Vous travaillez pour des particuliers dont la tranche d’âge est très présente sur ce média ? Vous avez des prescriptions d’anciens de votre école, désormais confrères, et qui sont beaucoup sur Facebook ? Alors cela peut être utile vous concernant.
4. Youtube
YouTube est plus un média social qu’un réseau social mais c’est vraiment un outil à ne pas négliger tant la vidéo est le média qui monte à grande vitesse. Chaque jour 1,5 milliard d'utilisateurs y passent en moyenne 1h, c’est considérable ! Il existe plusieurs types de vidéos : de la vidéo institutionnelle à la vidéo pour réagir à une actualité ou parler d’un sujet, comme on écrirait un article. Avoir une chaîne où on publie régulièrement des vidéos est donc une stratégie efficace.
5. Et Instagram ?
C’est un vrai sujet. A l’heure actuelle, nous n’avons pas testé ce support comme moyen de communication d’un avocat ou d’un professionnel du droit. Cela étant dit, on pourrait parfaitement imaginer qu’un avocat, compte tenu de sa cible (des clients influenceurs par exemple ?) puisse communiquer sur lui, ses équipes, ses actions, etc. à partir de cette plateforme.
III - Comment aller sur les réseaux sociaux ?
Voici quelques conseils pratiques pour bien démarrer :
1. Respect des règles déontologiques
Nous avons rapidement abordé ce sujet précédemment. Il nous semble important de rappeler en substance les règles déontologiques relatives à la communication des avocats sur Internet.
Nous pouvons raisonnablement dire que la publicité de l’avocat est autorisée. C’est dit ! Mais, notre retour d’expérience, notamment lors d’échanges avec des avocats lors de formation par exemple, nous montre que le sujet est encore compliqué à mettre en œuvre. Et certains avocats sont encore mal à l’aise avec l’idée même de créer un compte sur un réseau social et d’être actif sur ce réseau.
Soyons clair. Les textes de référence et notamment le Règlement Intérieur National prévoit que la publicité personnelle s’entend de toute forme de communication destinée à promouvoir les services de l’avocat (RIN, art. 10.1 N° Lexbase : L4063IP8).
Peut-on considérer que la participation d’un avocat à un réseau social constitue une forme de communication destinée à promouvoir ses services et ainsi être qualifiée de publicité ? Tout dépendra de l’objectif poursuivi par l’avocat lors de l’utilisation des réseaux sociaux. Mais à l’évidence, si la finalité d’un post diffusé sur LinkedIn ou Twitter est de faire la promotion des services de l’avocat, il s’agira de publicité.
C’est d’ailleurs le sens de la décision du CNB, au titre de laquelle, dès lors qu’un compte professionnel de l’avocat sur un réseau social ou relatif à la gestion d’un blog avait pour objet d’assurer la promotion des services de l’avocat, ce support constitue une publicité personnelle (CNB, Comm. RU, avis n° 2011-054 du 19 décembre 2011).
Quelle conséquence en pratique ? Toute publicité doit être déclarée en amont au conseil de l’Ordre. Cela signifie-t-il que vous devez déclarer tous les comptes ouverts sur les réseaux sociaux ? Non !
En revanche, rien n’empêche, à titre de bonne pratique, un avocat, d'informer son conseil de l’Ordre, de sa présence sur les réseaux sociaux et de l’ouverture de son compte… #excèsdezèle
Sur le sujet des réseaux sociaux, le RIN prévoit que “l’avocat participant à un blog ou à un réseau social en ligne doit respecter les principes essentiels de la profession” (art. 10.5).
Si certains ont encore des doutes, la règle est claire. L’avocat peut être présent sur les réseaux sociaux sous réserve de respecter les principes déontologiques fondamentaux. Quelques exemples :
A titre d’illustration, un avis du service de la déontologie du Barreau de Paris du 31 janvier 2017 n° 28909, rappelle que :
Sur ces sujets, si vous souhaitez en savoir plus, nous vous recommandons de consulter le Guide de l’Avocat Numérique du CNB et / ou le Vade Mecum de la déontologie du Numérique élaboré par l’Ordre des Avocats au Barreau de Paris.
2. Quel type de compte ? Entreprise, individuel...
Voilà une vraie question qu’il convient de se poser avant de démarrer, et qui nécessite qu’on s’y attarde un peu.
Avant toute chose, au-delà de la question du compte individuel / entreprise, gardez en tête une règle fondamentale : distinguez votre vie privée de votre vie professionnelle. Distinguez donc votre compte professionnel et votre compte personnel !
Et un autre conseil en passant : assurez-vous d’avoir une bonne hygiène… numérique ! Paramétrez vos comptes personnels afin que seuls vos «amis» puissent accéder à des données personnelles. Vos clients, votre employeur ou vos collaborateurs n’ont pas à disposer d’informations relevant de votre vie privée, qui pourraient être, le cas échéant, utilisées contre vous. Les contentieux prud'homaux regorgent d’exemples de ce type. Les avocats sont aussi concernés.
Plus précisément, sur Twitter, par exemple, il n’y a qu’un seul type de compte, on peut donc créer un compte au nom de son cabinet, de son entreprise, ou bien à son nom personnel en tant que personne physique.
On peut choisir l’anonymat pour avoir la parole plus libre, ou bien communiquer sous son nom pour en faire un véritable outil de communication.
La publication sur un compte entreprise sera peut-être plus institutionnelle. Il faudra choisir qui pourra publier sur ce compte, une seule personne qui aura donc la fonction de «Community manager» ? Les dirigeants (associés…) ? Toute l’équipe ?
Une autre question à laquelle on pense rarement au démarrage mais qui a pourtant son importance : Dans le cas de création de comptes individuels qui est propriétaire du compte ? Que deviendra ce compte lorsque la personne quittera l’entreprise ?
Assez logiquement, un compte individuel d’un collaborateur lui «appartient». Lors de son départ du cabinet, il peut souhaiter poursuivre l’utilisation de son compte. Afin d’éviter toute mauvaise surprise, anticipez ces sujets dans une charte informatique par exemple, ou, à tout le moins, dans un document rappelant les règles aux collaborateurs ou salariés qui intègrent le cabinet.
3. Charte éditoriale
N’hésitez pas à écrire votre propre règle du jeu. Que vous soyez seul ou plusieurs à publier déterminez le cadre.
Vous pouvez ainsi y inclure, par exemple, les sujets suivants :
Déterminer ces règles au démarrage permet d’éviter toute ambiguïté.
4. Régularité
Soyez réguliers ! Il est plus efficace de ne poster qu’une publication par semaine, mais de le faire dans la durée, que de poster énormément pendant trois mois pour ensuite relayer son compte aux oubliettes. Nous avons tous en tête des blogs, comptes et autres qui ont ainsi connu un bon démarrage mais qui ont vite disparu. D’ailleurs conseil pratique : dans ce cas n’hésitez pas à supprimer ces comptes ou blogs, rien de pire qu’un blog dont le dernier article date de 2014.
Pour conclure, il semble assez logique que l’avocat ou le juriste au sens large puisse utiliser (pour sa veille notamment) et exploiter (pour améliorer sa réputation et faire la promotion de ses services) les réseaux sociaux, sous réserve d’identifier le support le plus adapté à sa cible et aux valeurs qu’il souhaite défendre…
...dans le respect des règles déontologiques.
Si nous devions ne retenir qu’une seule idée : nous vous invitons à démarrer l’expérience si vous en avez l’envie par un réseau : LinkedIn. Avec celui-ci, vous ne pouvez pas vous tromper !
[1] L. Boursin et L. Puyfaucher, Le média humain - dangers et opportunités des réseaux sociaux pour l’entreprise, Eyrolles, 2011
[2] Groupe de travail «article 29» sur la protection des données, Avis 5/2009 sur les réseaux sociaux en ligne, disponible sur le site de la CNPD, 12 juillet 2009.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:471519