La lettre juridique n°802 du 14 novembre 2019 : Procédure pénale

[Brèves] Saisies pénales : exigence de proportionnalité relative à la saisie en valeur de l’instrument de l’infraction

Réf. : Cass. crim., 6 novembre 2019, n° 19-82.683, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8757ZTI)

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par June Perot

le 20 Novembre 2019

► Peuvent être saisis en valeur les biens ou droits incorporels pour lesquels le mis en cause est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, s'il en a la libre disposition, dont la valeur représente celle des biens ayant servi à commettre l’infraction ou qui étaient destinés à la commettre ;

dans ce cas, il appartient au juge, d’une part, de s’assurer que les conditions de la confiscation de l’instrument de l’infraction prévues par le deuxième alinéa de l’article 131-21 du Code pénal (N° Lexbase : L9506IYQ) étaient réunies au moment de la commission des faits, d’autre part, de vérifier que la valeur du bien saisi n’excède pas celle de l’instrument de l’infraction, enfin, lorsqu’une telle garantie est invoquée, d’apprécier le caractère proportionné de l’atteinte portée au droit de propriété de l’intéressé au regard de la gravité concrète des faits et de sa situation personnelle.

C’est ainsi que statue la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 6 novembre 2019 (Cass. crim., 6 novembre 2019, n° 19-82.683, FS-P+B+I N° Lexbase : A8757ZTI).

Résumé des faits. Le juge d’instruction a ordonné la saisie, entre les mains d’un notaire, du produit de la vente par une SCI, dont le gérant a été mis en examen pour des faits de proxénétisme aggravé, de deux ensembles immobiliers, ainsi que de lots d’un troisième ensemble immobilier pour un montant total de 2 418 668,25 euros. Le juge d’instruction a rendu une seconde ordonnance prescrivant la saisie en valeur, entre les mains du même notaire, du solde créditeur de la vente de ces immeubles pour un montant total de 25 302,53 euros. La SCI a interjeté appel de ces décisions.

En cause d’appel. Pour infirmer les ordonnances, cantonner la saisie à la somme de 436 000 euros, et ordonner la restitution à la SCI du surplus du produit de la vente, l’arrêt retient, après avoir relevé que le gérant encourt la saisie et la confiscation en valeur des biens lui appartenant ou dont il a la libre disposition, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, que les immeubles litigieux et le produit de leur vente sont à sa libre disposition, la SCI ne pouvant être considérée comme propriétaire de bonne foi, et que ces immeubles constituent le lieu des faits de proxénétisme aggravé reprochés au gérant. Pour qu’une saisie en valeur soit ordonnée, il est exigé que la valeur du bien dont la saisie est envisagée soit en corrélation avec le montant des gains issus de l’infraction susceptible d’être constituée. Selon les juges, les gains provenant des faits poursuivis pouvant être considérés comme s’élevant à la somme de 436 000 euros, la SCI invoque à raison la disproportion des saisies pratiquées en valeur par le juge d’instruction, de sorte que la saisie en valeur doit être limitée à la somme de 436 000 euros.

Un pourvoi a été formé par le procureur général.

Précision apportée par la Chambre criminelle. Reprenant la solution susvisée, la Haute juridiction censure l’arrêt. Elle considère en effet qu’en limitant la saisie au montant du produit de l’infraction, alors qu’elle avait constaté que, d’une part, les immeubles ayant servi à commettre le délit poursuivi, bien que cédés postérieurement aux faits, étaient lors de leur commission à la libre disposition du gérant et que la SCI n’était pas de bonne foi, d’autre part, les sommes saisies par le juge d’instruction représentaient la valeur de l’instrument de l’infraction, la chambre de l’instruction a méconnu les articles 706-141-1 (N° Lexbase : L6393ISL) et 706-153 (N° Lexbase : L7453LPQ) du Code de procédure pénale et 131-21 du Code pénal. Au visa de ces articles, elle rappelle en effet : « qu’il résulte des deux premiers de ces textes qu’au cours de l’information judiciaire, le juge d’instruction peut ordonner la saisie des biens ou droits incorporels dont la confiscation est prévue par l’article 131-21 du Code pénal ; que la saisie peut être ordonnée en valeur ; que le troisième de ces textes dispose que la confiscation porte notamment sur les biens meubles ou immeubles, quelle qu’en soit la nature, divis ou indivis, ayant servi à commettre l’infraction ou qui étaient destinés à la commettre, et dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition ; que la confiscation peut être ordonnée en valeur ». C’est à notre connaissance la première fois que la Cour de cassation apporte une telle précision.

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