La lettre juridique n°775 du 14 mars 2019 : Avocats/Accès à la profession

[Brèves] «Passerelle» de l’article 98, 4° : la seule maîtrise du droit de l’Union européenne ne suffirait-elle pas ?

Réf. : Cass. civ. 1, 20 février 2019, n° 17-21.006, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6338YXZ)

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par Anne-Laure Blouet Patin

le 13 Mars 2019

Sont renvoyées à la CJUE les questions préjudicielles suivantes, relatives à l’article 98, 4° du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d’avocat (N° Lexbase : L8168AID) (passerelle pour les fonctionnaires de catégorie A et personnes assimilées à cette catégorie) :

 

«1°) Le principe selon lequel le Traité de la Communauté économique européenne, devenu, après modifications, le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, a créé un ordre juridique propre, intégré aux systèmes juridiques des Etats membres et qui s’impose à leurs juridictions, s’oppose-t-il à une législation nationale qui fait dépendre l’octroi d’une dispense des conditions de formation et de diplôme prévues, en principe, pour l’accès à la profession d’avocat, de l’exigence d’une connaissance suffisante, par l’auteur de la demande de dispense, du droit national d’origine française, excluant ainsi la prise en compte d’une connaissance similaire du seul droit de l’Union européenne ?

 

2°) Les articles 45 et 49 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne s’opposent-ils à une législation nationale réservant le bénéfice d’une dispense des conditions de formation et de diplôme prévues, en principe, pour l’accès à la profession d’avocat, à certains agents de la fonction publique du même Etat membre ayant exercé en cette qualité, en France, des activités juridiques dans une administration ou un service public ou une organisation internationale, et écartant du bénéfice de cette dispense les agents ou anciens agents de la fonction publique européenne qui ont exercé en cette qualité des activités juridiques, dans un ou plusieurs domaines relevant du droit de l’Union européenne, au sein de la Commission européenne ?».

 

Telle est la solution dégagée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 20 février 2019 (Cass. civ. 1, 20 février 2019, n° 17-21.006, FS-P+B+I N° Lexbase : A6338YXZ).

 

Dans cette affaire, une fonctionnaire de la Commission européenne a sollicité son admission au barreau de Paris sous le bénéfice de la dispense de formation et de diplôme prévue à l’article 98, 4°, du décret n° 91-1197, pour les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale.

 

La cour d’appel ayant, par un arrêt rendu le 11 mai 2017 (CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 11 mai 2017, n° 16/12823 N° Lexbase : A5568WC9), rejeté sa demande, un pourvoi a été formé.

 

Pour la Cour de cassation, l’article 11 de la loi de 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) subordonne donc l’accès à la profession d’avocat à la condition de l’exercice de certaines fonctions ou activités en France et l’article 98, 4°, du décret de 1991, peut être considéré comme subordonnant la dispense de formation et de diplôme, pour cet accès, à l’appartenance à la seule fonction publique française et est interprété par le juge français comme subordonnant cette dispense à la connaissance du droit national d’origine française. Dès lors, la mesure nationale constituée par la combinaison de ces textes peut être considérée comme instituant une restriction à la libre circulation des travailleurs ou à la liberté d’établissement.

 

La question se pose donc de savoir si cette restriction est indistinctement applicable aux ressortissants de l’Etat membre d’accueil ou d’établissement et aux ressortissants des autres Etats membres, de sorte qu’elle pourrait être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général, ou si elle présente un caractère discriminatoire, son éventuelle justification étant alors limitée à l’existence de raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique.

 

Ainsi, en  l’état des incertitudes sur le sens à donner aux articles 45 et 49 du TFUE, il y a lieu de renvoyer à la Cour de justice la question de savoir si ces dispositions s’opposent à une législation nationale réservant le bénéfice d’une dispense des conditions de formation et de diplôme prévues, en principe, pour l’accès à la profession d’avocat, à certains agents de la fonction publique du même Etat membre ayant exercé en cette qualité, en France, des activités juridiques dans une administration ou un service public ou une organisation internationale, et écartant du bénéfice de cette dispense les agents ou anciens agents de la fonction publique européenne qui ont exercé en cette qualité des activités juridiques, dans un ou plusieurs domaines relevant du droit de l’Union européenne, au sein de la Commission européenne.

 

A noter que la Cour de cassation avait déjà jugé à plusieurs reprises de la nécessité d’avoir une pratique du droit français, en France, pour justifier de cette dispense d’examen (voir dernièrement, Cass. civ. 1, 5 juillet 2017, n° 16-20.441, F-D N° Lexbase : A8421WLH ; Cass. civ. 1, 14 décembre 2016, n° 15-26.635, FS-P+B+I N° Lexbase : A9199SR7) (cf. l’Ouvrage «La profession d’avocat» N° Lexbase : E0308E7K et N° Lexbase : E0307E7I).

 

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