Réf. : CA Rennes, 19 novembre 2018, n° 17/07569 (N° Lexbase : A0703YMY)
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 21 Novembre 2018
► C'est sans porter atteinte au principe de rédaction des actes publics en langue française ni à l'article 2 de la Constitution française (N° Lexbase : L0828AH7) que le prénom Fañch peut être orthographié avec un tilde sur le «n».
Tel est le sens de la décision rendue le 19 novembre 2018 par la cour d’appel de Rennes (CA Rennes, 19 novembre 2018, n° 17/07569 N° Lexbase : A0703YMY).
Dans cette affaire, le ministère public soutenait que le principe de liberté de choix du prénom par les parents consacré par l'article 57, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L8839G9A) ne permettait toutefois pas de retenir un prénom comportant des signes diacritiques non connus de la langue française.
Ainsi que le relève la cour, en application de l'article 57 du Code civil les prénoms de l'enfant sont donnés par ses père et mère sauf si le prénom n'est pas conforme à l'intérêt de l'enfant ou méconnaît le droit des tiers à voir protéger leur nom de famille, ce qui n’était pas le cas en l'espèce.
Elle ajoute que la circulaire du 23 juillet 2014, qui n'a pas de valeur normative, prévoit que pour satisfaire au principe de rédaction en langue française des actes publics prévu par la loi n° 118 du 2 Thermidor An II, l'arrêté du 24 prairial an XI ainsi qu'à l'article 2, alinéa 1er, de la Constitution, seul l'alphabet romain peut être utilisé et que les seuls signes diacritiques admis sont les points, tréma, accents et cédilles tels qu'ils sont souscrits ou suscrits aux voyelles et consonnes autorisés par la langue française.
La demande du ministère public tendant à voir annuler la mention marginale rectifiant l'orthographe du prénom de l'enfant en y ajoutant un tilde était fondée sur le fait que le tilde ne fait pas partie des signes diacritiques connus de la langue française.
Toutefois, ainsi que le relèvent les juges d’appel, il apparaît que l'usage du tilde n'est pas inconnu de la langue française puisque le ñ figure à plusieurs reprises dans le Dictionnaire de l'Académie Française, dans le Petit Robert et dans le Larousse de la langue française qui comprennent les mots : Doña, cañon, señor et señorita. Les appelants produisaient de plus aux débats des arrêtés et décrets émanant de l'autorité publique dans lesquels le ñ est reconnu et utilisé, il en était notamment ainsi dans les décrets de nomination du Président de la République concernant le consul général de France à Johannesburg en date du 20 avril 2017 ou les décrets de nomination du Président de la République concernant le Sous-Préfet de Bayonne en date du 15 avril 2010 et le Préfet de Police des Bouches du Rhône en date du 15 mai 2015, dans lesquels le patronyme des personnes nommées par le Président de la République était orthographié ave un tilde sur le n. Il s'agissait certes pour ces dernières décisions de l'emploi du tilde sur le n du patronyme de la personne nommée, toutefois, selon la cour, l'emploi du tilde sur un prénom, qui désigne le nom particulier donné à la naissance, qui s'associe au patronyme pour distinguer chaque individu, ne peut être traité différemment sous peine de générer une situation discriminatoire. Le prénom Fañch avec cette même graphie a déjà été accepté par le procureur de la République de Rennes le 27 mai 2002 et par l'officier d'état civil de la ville de Paris le 19 janvier 2009. Il en résulte que c'est sans porter atteinte au principe de rédaction des actes publics en langue française ni à l'article 2 de la Constitution française que le prénom Fañch peut être orthographié avec un tilde sur le «n».
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