La lettre juridique n°738 du 12 avril 2018 : Fiscalité des particuliers

[Jurisprudence] Régime de faveur prévu par l'article 150-0 D ter du CGI : modalités d'imposition des gains nets de cession à titre onéreux de valeurs mobilières et de droits sociaux réalisés par les dirigeants de sociétés faisant valoir leurs droits à la retraite

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 5 mars 2018, n° 409970 du 5 mars 2018, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1298XG8)

Lecture: 10 min

N3535BX9

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Jurisprudence] Régime de faveur prévu par l'article 150-0 D ter du CGI : modalités d'imposition des gains nets de cession à titre onéreux de valeurs mobilières et de droits sociaux réalisés par les dirigeants de sociétés faisant valoir leurs droits à la retraite. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/45129167-jurisprudence-regime-de-faveur-prevu-par-larticle-1500-d-ter-du-cgi-modalites-dimposition-des-gains-
Copier

par Guy Quillévéré, Président des tribunaux administratifs de Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna

le 11 Avril 2018

Le Conseil d'Etat par un arrêt du 5 mars 2018 juge que le départ à la retraite d'un dirigeant qui ne satisfait pas aux conditions des dispositions de l'article 150-0 D ter du Code général des impôts (N° Lexbase : L9350LHR) ne constitue pas davantage un évènement exceptionnel au sens du second alinéa du I de l'article 150-0 A du Code général des impôts (N° Lexbase : L3207LCR) dans sa rédaction applicable aux années 2007 et 2008 permettant l'appréciation du franchissement du seuil de cession par référence à la moyenne de trois années sous réserve que l'intéressé ne poursuive ou ne reprenne aucune activité professionnelle que celle-ci soit ou non susceptible de bénéficier du régime de cumul entre retraite et emploi.

Dans cette affaire les faits sont les suivants : M. Michel C., associé et dirigeant de la société par actions simplifiée E., a procédé le 4 mars 2008 à la cession de parts qu'il détenait dans cette société et a considéré que la plus-value réalisée bénéficiait d'un abattement total pour le calcul de l'impôt sur le revenu, en raison de la durée de détention de ces parts, en vertu des dispositions de l'article 150-0 D ter du Code général des impôts. A l'issue d'un contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme C., l'administration fiscale a, d'une part, remis en cause le bénéfice de cet abattement au motif que le contribuable n'était pas entré en jouissance de ses droits à la retraite dans le délai requis d'un an suivant la cession des parts et réintégré, en conséquence, cette plus-value dans le revenu imposable au titre de l'année 2008 et, d'autre part, réintégré les plus-values réalisées lors de la cession de titres des sociétés SAMAV et MCV dans les revenus des années 2007 et 2008. M. et Mme C. se sont pourvus en cassation contre l'arrêt du 21 février 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leur appel formé contre le jugement du 19 mars 2015 du tribunal administratif de Grenoble rejetant leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008.

L'apport de cet arrêt réside dans les précisions apportées par la haute juridiction à la mise en oeuvre d'un dispositif d'abattement qui a maintes fois évolué et dont l'application soulève de nombreuses difficultés d'interprétation. Le Conseil d'Etat précise dans son arrêt du 5 mars 2018, la notion d'entrée en jouissance des droits à pension du dirigeant qui cède les actions qu'il détient dans une SAS. Par ailleurs, ce même arrêt du conseil d'Etat apporte un utile éclairage à la notion d'évènement exceptionnel permettant l'appréciation du franchissement du seuil de cession par référence à la moyenne des cessions de trois années.

 

I - Les différentes conditions relatives à la personne du cédant prévues à l'article 150-0 D ter qui sont dérogatoires doivent être interprétées strictement

L'une des conditions relatives à la personne du cédant prévoit que le dirigeant et associé d'une SAS qui n'entre pas en jouissance de ses droits à la retraite dans le délai de un an suivant la cession de ses parts qu'il détient ne peut bénéficier de l'abattement de l'article 150-0 D ter.

 

A - Les conditions au fondement du bénéfice de l'abattement de l'article 150-0 D ter du CGI sont plurielles et dérogatoires

M. C. a cédé le 4 mars 2008 les 399 actions qu'il détenait dans la société Eurovitrage. Il a placé cette cession sous le bénéfice de l'abattement prévu par les dispositions de l'article 150-0 D ter du CGI en cas de départ à la retraite. M. C. n'avait payé aucune imposition, estimant bénéficier d'un abattement d'un tiers par année de détention au-delà de la cinquième année, soit une exonération totale au bout de 8 années de détention. L'administration fiscale a estimé qu'il ne pouvait bénéficier de ce régime.

Les dispositions de l'article 150-0 D ter sont issues de la loi du 30 décembre 2005 (n° 2015-1720, de finances rectificative pour 2005 N° Lexbase : L6430HEU) et visent à faciliter la transmission des petites et moyennes entreprises (PME) françaises. Ce dispositif, dont la suppression a été envisagée mais qui a été récemment prorogé est toujours en vigueur, même s'il a été plusieurs fois remanié depuis sa création. La version applicable au présent litige dont était saisi le conseil d'Etat étend aux gains nets réalisés lors de la cession de titres acquis avant le 1 janvier 2006 par les dirigeants de petites et moyennes entreprises qui font valoir leurs droits à la retraite, l'abattement prévu par l'article 150-0 D ter qui permet la suppression d'un tiers de la plus-value par année de détention des titres cédés au-delà de la cinquième et donc exonère totalement la plus-value pour les titres détenus depuis plus de huit ans, prévu à l'article 150-0 D bis du Code général des impôts.

L'extension, par l'article 150-0 D ter du Code général des impôts, du bénéfice de l'abattement prévu par l'article 150-0 D bis du même Code aux gains nets que les dirigeants de petites et moyennes entreprises retirent de la cession à titre onéreux des titres de leur société lors de leur départ en retraite est subordonné au respect de plusieurs conditions relatives à la personne du cédant, notamment à la condition que le contribuable ait cessé "toute fonction dans la société dont les titres ou droits sont cédés et ait fait valoir ses droits à la retraite dans l'année suivant ou précédant la cession" (c du 2° du I). Dès lors qu'elles sont dérogatoires, les conditions prévues à cet article doivent être interprétées strictement (CE 3° et 8° ch.-r., 10 décembre 2014, n° 371437, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6189M7D).

 

B - La date à laquelle le dirigeant est admis à faire valoir ses droits à la retraite s'entend de la date à laquelle il entre en jouissance des droits qu'il a acquis

M. C. soutenait avoir déposé dans les délais, soit le 23 décembre 2008, une demande de liquidation de ses droits à la retraite auprès de la caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) Rhône Alpes. L'administration fiscale faisait valoir de son côté que M. C. alors qu'il a cédé ses titres le 4 mars 2008 n'était pas entré en jouissance de ses droits à la retraite le 5 mars 2009. Les actions ayant été cédées par M. C. le 4 mars 2008, la cessation des fonctions devait en application des dispositions de l'article 150-0 D ter avoir eu lieu entre le 4 mars 2007 et le 5 mars 2009 (CE 9° et 10° ch.-r., 9 octobre 2015, n° 374492, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1180NTU).

La question de l'entrée en jouissance des droits à la retraite avait déjà été abordée avant que le conseil d'Etat ne statue sur la présente affaire par les cours administratives d'appel et, notamment par celle de Marseille qui a jugé que les dispositions réglementaires de l'article 74-0 P de l'annexe II au Code général des impôts (N° Lexbase : L5403I4U) qui précisent le champ d'application du c du 2° du I de l'article 150-0 D ter du Code général des impôts et qui interprète la notion de date à laquelle le cédant fait valoir ses droits en indiquant qu'elle s'entend de la date à laquelle le cédant entre en jouissance des droits qu'il a acquis dans le régime obligatoire de base d'assurance vieillesse auquel il a été affilié, n'ajoutent pas à la loi (CAA de Marseille, 9 juillet 2015, n° 14MA00512 N° Lexbase : A2086NQC).

Les dispositions de l'article 74-0 P de l'annexe II au Code général des impôts doivent aussi être lues à la lumière des dispositions des articles L. 351-1 du Code de la Sécurité sociale et de celles de l'article R. 351-34 du même Code (N° Lexbase : L5873IMH). Ces dispositions combinées conduisent à distinguer une condition d'âge à laquelle est subordonnée le droit à pension de retraite et l'entrée en jouissance des droits acquis par l'assuré qui ne peut être retenue que sous réserve que les conditions légales pour bénéficier d'une pension soient remplies. Le Conseil d'Etat dans son arrêt du 5 mars 2018 rappelle que la date à laquelle l'intéressé est admis à faire valoir ses droits à la retraite s'entend de celle à laquelle il entre en jouissance des droits qu'il a acquis dans le régime obligatoire de base d'assurance vieillesse auquel il a été affilié à raison de ses fonctions de direction ou, à défaut, dans le régime obligatoire de base d'assurance vieillesse auquel il a été affilié au titre de sa dernière activité, cette date étant fixée, pour les personnes relevant des assurances sociales du régime général, sous réserve que les conditions d'octroi de la pension de vieillesse soient effectivement remplies, le premier jour du mois suivant le dépôt de la demande ou, si l'assuré en fait la demande, à une date ultérieure qui sera nécessairement le premier jour d'un mois.

Pour la mise en oeuvre des modalités pratiques de l'entrée en jouissance du droit à la retraite, l'article R. 351-37 du Code de la Sécurité sociale pose une règle simple qui prévoit que soit l'assuré indique à sa caisse la date à compter de laquelle il désire entrer en jouissance de sa pension, cette date étant nécessairement le premier jour du mois postérieur au dépôt de sa demande, soit il ne précise aucune date et il entre alors en jouissance de ses droits à pension au premier jour du mois suivant la réception de sa demande. En l'espèce, M. C. est entré en jouissance de sa retraite à compter du 1er mars 2010 soit tardivement au regard des conditions posées par l'article 150-0 D ter du Code général des impôts, c'est-à-dire postérieurement au délai d'un an suivant la cession des parts le 4 mars 2008.

 

 

II - Le dirigeant et associé d'une SAS qui n'est pas entré en jouissance de ses droits à pension l'année de cession de ses parts et a poursuivi après son admission à la retraite, une activité de conseil ne peut bénéficier des dispositions du second alinéa du I de l'article 150-0 A du Code général des impôts

En vertu des dispositions de l'article 74-0 A de l'annexe II au Code général des impôts, lorsqu'une cession est susceptible d'être concernée par un évènement exceptionnel tel qu'une mise à la retraite cela permet d'apprécier le seuil de cession par référence à la moyenne des cessions de l'année considérées et les deux années précédentes.

 

A- L'évènement exceptionnel au sens du second alinéa du 1 du I de l'article 150-0 A du Code général des impôts permet l'appréciation du franchissement du seuil de cessions par référence à la moyenne de trois années

M. et Mme C. faisaient aussi grief à la cour d'appel de Lyon d'avoir dénaturé les faits de l'espèce et méconnu les dispositions du second alinéa du 1 du I de l'article 150-0 A du CGI en vertu desquelles le seuil, qui était en principe de 25 000 euros en 2008, au-delà duquel le gain net retiré des cessions à titre onéreux de valeurs mobilières et droits sociaux est soumis à l'impôt sur le revenu, devait être apprécié par référence à la moyenne des cessions de l'année considérée et des deux années précédentes en cas d'intervention d'un événement exceptionnel dans la situation personnelle, familiale ou professionnelle du contribuable, tel qu'une mise à la retraite.

Il résulte des dispositions de l'article 74-0 A de l'annexe II au CGI que les cessions susceptibles d'être concernées par un événement exceptionnel tel qu'une mise à la retraite sont celles réalisées l'année même de l'événement ainsi que celles réalisées au cours de l'année suivante, sous réserve qu'il soit établi que ces cessions ont un lien avec cet événement. Ce même article 74-0 A de l'annexe II au Code général des impôts énumère les évènements pris en compte et mentionne notamment qu'il est tenu compte de tout autre évènement exceptionnel affectant la situation personnelle, familiale ou professionnelle du contribuable et revêtant un caractère de gravité tel qu'il contraigne le contribuable pour y faire face à liquider tout ou partie de son portefeuille. La cour d'appel de Paris a ainsi jugé pour l'application des dispositions de l'article 150-0 A-1-1 que la décision d'un contribuable retraité ancien capitaine au long cours de réaliser ses titres et d'affecter le produit de leur vente à la création d'une entreprise fût-ce pour résorber le chômage chez les jeunes marins, n'est pas constitutive d'un évènement exceptionnel qui aurait contraint le contribuable à liquider son portefeuille et relèverait ainsi des dispositions de l'article 150-0 1-1-1 du Code général des impôts.

En l'espèce, ce n'est qu'en 2010 que M. C. est entré en jouissance de ses droits à pension. Le Conseil d'Etat juge alors qu'en se fondant notamment sur ce motif, qui suffisait à lui seul à écarter le moyen des requérants, la cour n'a donc entaché son arrêt d'aucune dénaturation ni d'aucune erreur de droit. Le départ en retraite de M. C. en 2010 ne pouvait donc avoir d'influence sur une cession réalisée en 2008.

 

B - M. C. qui se prévalait de l'application des dispositions du second alinéa du 1 du I de l'article 150-0 A du Code général des impôts dans sa rédaction applicable avait poursuivi une activité postérieurement à son entrée en jouissance de ses droits à la retraite

Le Conseil d'Etat précise dans son arrêt du 5 mars 2018 qu'il résulte de l'article 74-0 A de l'annexe II au Code général des impôts qu'un départ à la retraite ne constitue un évènement exceptionnel au sens de ces dispositions que sous réserve que l'intéressé ne poursuive ou ne reprenne aucune activité professionnelle que celle-ci soit ou non susceptible de bénéficier du régime de cumul entre retraite et emploi. Dans une décision du 27 mai 2015 (CE 8° et 3° ch.-r., 27 mai 2015, n° 368056, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7505NIS, RJF, 8-9/15, n°695), le Conseil d'Etat avait aussi jugé que le bénéfice de l'abattement était subordonné à la cessation effective de toute fonction au sein de la société dans le délai prévu, qu'il s'agisse ou non de fonctions de dirigeant exercées dans les conditions prévues par l'article 885 O bis du Code général des impôts (N° Lexbase : L1126ITU).

En l'espèce, M. C. avait poursuivi avait poursuivi une activité de conseil jusqu'en 2012 pour laquelle il avait d'ailleurs été rémunéré à une hauteur ne permettant pas de considérer cette activité comme occasionnelle.

Notons que s'agissant de la prise en compte des dates de départ à la retraite et de cessation des fonctions pour la mise en oeuvre des dispositions de l'article 150-0 D ter du Code général des impôts, la Cour administrative d'appel de Nantes dans un arrêt 1ère chambre en date du 23 mars 2017 n° 15NT01830 (N° Lexbase : A6152UN8) a jugé sur conclusions contraires de son rapporteur public que lorsque les droits à la retraite d'un dirigeant sont ouverts au cours d'une année antérieure à celle de la cession des titres, le délai de deux ans pour cesser toute fonction et bénéficier de l'abattement spécifique sur les plus-values se calcule à partir de l'ouverture des droits à la retraite.

newsid:463535

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.