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N1408BSX
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par François Brenet, Professeur de droit public à l'Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis
le 20 Octobre 2011
La garantie civiliste contre les vices cachés ne s'applique pas qu'aux contrats de droit privé. Elle gouverne, également, les contrats administratifs, spécialement les marchés publics de fournitures, dans des conditions strictement identiques à celles qui prévalent en droit privé. L'arrêt rendu le 7 avril 2011 par le Conseil d'Etat le montre clairement en reprenant trait pour trait les solutions posées par les articles 1641 (N° Lexbase : L1743AB8) et suivants du Code civil, et précisées par la jurisprudence de la Cour de cassation.
En l'espèce, un centre hospitalier départemental avait conclu en 2004 avec la société X un marché public ayant pour objet l'achat d'un véhicule destiné au transport des repas entre la cuisine de l'hôpital et les différents locaux accueillant les malades. Trois années plus tard, le véhicule a révélé des défauts majeurs, à tel point que l'arrière du fourgon menaçait de se séparer de l'avant en raison des nombreuses soudures qui avaient été effectuées, préalablement à la vente, et sans que l'acheteur n'en ait eu connaissance. Ce dernier a, alors, invoqué le bénéfice de l'action en garantie contre les vices cachés, comme le lui permet la jurisprudence administrative depuis l'arrêt "Centre hospitalier de la région d'Annecy" du 24 novembre 2008 (1). L'intérêt de l'arrêt du 7 avril 2011 ne se limite, cependant, pas à l'application de la solution de 2008. Il apporte, en effet, d'utiles précisions quant aux modalités d'application et aux conséquences de la garantie contre les vices cachés.
1 - La confirmation de l'application de la garantie contre les vices cachés aux marchés publics de fournitures
L'arrêt du 7 avril 2011 vient confirmer la jurisprudence de 2008 en rappelant que la garantie des vices cachés s'applique aux contrats administratifs. La jurisprudence antérieure était ambiguë sur cette question. Certaines juridictions avaient écarté cette possibilité (2). D'autres en avaient admis le principe mais selon des modalités différentes, selon qu'il s'agissait de la garantie légale ou d'une garantie conventionnelle. Consacrée par le Code civil, cette distinction entre garantie légale et garantie conventionnelle a suscité des difficultés d'interprétation car il n'était pas toujours facile de déterminer si le Conseil d'Etat avait entendu admettre la première ou la seconde. Tel a précisément été le cas avec la décision de section du 9 juillet 1965, "Société Les Pêcheries de Keroman" (3) qui a précisé que les règles découlant des articles 1641 et suivants du Code civil étaient applicables aux marchés de fournitures, mais qu'il était toujours possible aux parties d'y déroger par la voie conventionnelle.
Des arrêts faisant application de la garantie contractuelle des vices cachés, on ne pouvait donc pas déduire grand-chose si ce n'est qu'ils devraient logiquement, à un moment ou à un autre, être prolongés par la reconnaissance de l'application de principe de la garantie légale pour vices cachés à l'ensemble des contrats administratifs. Une uniformisation par le haut devenait nécessaire au nom de la protection de toutes les personnes publiques, et spécifiquement de celles qui n'auraient pas eu la prévoyance d'inclure cette garantie dans le contrat. Aussi, ne faut-il pas s'étonner de voir que les juges du fond ont largement accepté d'appliquer la garantie des vices cachés à des contrats administratifs, et cela, alors même qu'elle était dépourvue de tout fondement conventionnel. Tel fut le cas, tout d'abord, de la cour administrative d'appel de Marseille dans un arrêt du 30 septembre 2003 (4) (en l'espèce, le recours de GDF au titre de la garantie des vices cachés est rejeté au motif qu'il n'avait pas procédé aux vérifications nécessaires pour s'assurer que les canalisations livrées étaient conformes aux stipulations contractuelles et en état de fonctionner normalement), puis de la cour administrative d'appel de Nancy dans un arrêt du 30 mai 2005 (5) (en l'espèce, le juge d'appel confirme la condamnation de la société requérante du fait de la fourniture de bornes informatiques défectueuses à un CROUS, lesdits dysfonctionnements ayant permis à des étudiants d'alimenter gratuitement le crédit de leur carte-mémoire d'accès aux cantines universitaires).
Plus récemment, la cour administrative d'appel de Nancy avait semblé avoir franchi un cap en adoptant une formulation aux forts accents d'arrêts de principe. Dans deux arrêts du 14 juin 2007 (6), elle avait indiqué que, "contrairement à ce que soutient la requérante, une collectivité publique qui a passé un marché public de fourniture peut former, devant les juridictions administratives, à l'encontre du titulaire du marché, une action en garantie sur le fondement des règles résultant des articles 1641 et suivants du Code civil, aux fins, notamment, de restitution du prix de vente ou de réparation du préjudice subi du fait des désordres imputables aux vices cachés [...] par suite, et à défaut de clauses contractuelles ayant prévu une garantie spécifique se substituant au régime légal de garantie, la Résidence du Parc [...] a pu légalement présenter sa demande à fin de remboursement sur le fondement dudit article 1641".
Il ne manquait plus que l'intervention du Conseil d'Etat pour valider ce courant jurisprudentiel. C'est précisément ce qu'a fait l'arrêt "Centre hospitalier de la région d'Annecy" du 24 novembre 2008 qui a considéré que le juge d'appel n'avait pas commis d'erreur de droit en "faisant application des dispositions précitées [articles 1641 et suivants du Code civil] sans les adapter au droit des marchés publics". L'arrêt du 7 avril 2011 s'inscrit parfaitement dans ce courant jurisprudentiel qu'il vient confirmer mais aussi utilement compléter en précisant les modalités d'application de la garantie des vices cachés aux marchés publics de fournitures.
2 - Les modalités d'application de la garantie des vices cachés aux contrats administratifs
La question posée au Conseil d'Etat était relativement simple. Il lui appartenait de déterminer si l'article 1648 du Code civil devait être appliqué en l'espèce selon sa rédaction antérieure ou postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005, relative à la garantie de la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur (N° Lexbase : L9672G7D). Dans un souci évident de simplification du droit et de préservation de la sécurité juridique, l'article 3 de ladite ordonnance est venue modifier la lettre de l'article 1648 en remplaçant l'obligation pour l'acheteur d'exercer l'action en garantie contre les vices cachés dans un "bref délai, suivant la nature des vices rédhibitoires, et l'usage du lieu où la vente a été faite" par "un délai de deux ans à compter de la découverte du vice". Les juges de premières instances avaient considéré, à tort, que c'est la version la plus récente de l'article 1648 du Code civil qui devait s'appliquer au cas d'espèce. Le Conseil d'Etat censure logiquement cette erreur de droit au motif que le marché public à l'origine du litige avait été conclu en 2004 et que l'article 5 de l'ordonnance disposait très clairement qu'elle ne s'appliquait qu'aux contrats conclus postérieurement à son entrée en vigueur.
Il appartenait donc de déterminer si le centre hospitalier avait agi, en l'espèce, dans un "bref délai". Cette notion a suscité de nombreuses difficultés d'application devant le juge judiciaire et c'est précisément pour cette raison qu'elle a été abandonnée et remplacée en 2005 par un délai préfix de deux années. Dans la présente affaire, l'action en garantie des vices cachés n'avait été introduite qu'en 2008, alors que la conclusion du marché public remontait à 2004. Cela ne suffit, cependant, pas à écarter l'application de la garantie des vices cachés car le "bref délai" doit être apprécié à compter de la découverte du vice et de ses conséquences par l'acheteur. Or, en l'espèce, le centre hospitalier n'a pris connaissance de l'existence des soudures et de la fragilité du véhicule qu'en août 2007 à la suite d'une expertise diligentée à la demande de son assureur. Et, en introduisant un référé instruction devant le tribunal administratif de Bastia, l'établissement public a donc agi dans un délai suffisamment bref. Il en ressort que la société X est tenue d'indemniser le centre hospitalier de l'intégralité de son préjudice qui correspond, d'une part, au montant de la remise en état du véhicule et, d'autre part, au coût de la location d'un véhicule de substitution.
Alors que l'on croyait la question du sort à réserver aux moyens tirés de la violation aux obligations de publicité et de mise en concurrence dans le contentieux opposant les parties à un contrat administratif définitivement réglé par l'arrêt "Manoukian" du 12 janvier 2001 (7), l'arrêt rendu le 20 avril 2011 vient obscurcir le tableau d'un contentieux des contrats administratifs déjà passablement complexe et qui n'avait sans doute pas besoin d'un raffinement supplémentaire.
En l'espèce, une commune avait conclu en 1991 avec la société X un marché public de mobilier urbain ayant pour objet la location de journaux électroniques d'information pour une durée de dix ans. Ce marché avait été conclu en totale illégalité. D'abord, parce qu'il a été passé au terme d'une procédure négociée, sans mise en concurrence. Ensuite, parce qu'il comportait une clause de tacite reconduction d'une durée de cinq ans qui a permis sa reconduction en 2001, puis en 2006, et cela quand bien même un litige était né entre les parties et que la commune avait refusé, depuis 1993, de régler le montant des factures éditées par la société X. Ce refus de payer a fini par convaincre cette société de porter ce litige contractuel devant le juge administratif. Le tribunal administratif de Basse-Terre lui a donné gain de cause pour la période 1993-2007, son jugement ayant été confirmé en appel (8), mais un pourvoi a été déposé devant le Conseil d'Etat et est, selon les informations fournies par M. Dacosta dans ses conclusions (9), à l'étape de l'instruction. Parallèlement et en complément de ce recours, la société X a exercé deux référés devant le tribunal administratif afin d'obtenir le versement de provisions correspondant, d'une part, aux prestations exécutées au cours du second semestre 2008 et, d'autre part, à un impayé et aux conséquences financières découlant de la résiliation du marché public intervenue le 29 avril 2009. Le juge du référé provision lui a donné raison et les appels formés contre les deux ordonnances par la commune ont été rejetés. C'est dans le cadre de son office de juge de cassation que le Conseil d'Etat s'est donc trouvé saisi de cette affaire qui posait un problème connu, et que l'on croyait, à vrai dire, déjà réglé, même s'il présentait l'originalité de se présenter dans le cadre particulier du référé provision. La question était, en effet, de savoir si le règlement de ce litige relatif à l'exécution du contrat devait s'opérer dans un cadre contractuel, c'est-à-dire en application des clauses du contrat, ou sur le terrain extracontractuel, en raison de l'illégalité entachant le marché public litigieux.
1 - A cette question, la jurisprudence "Commune de Béziers" (10) n'avait pas apporté de réponse précise. Mais la jurisprudence "Manoukian" avait semblé régler la question
On rappellera que l'arrêt "Béziers I" du 28 décembre 2009 a placé l'exigence de loyauté des relations contractuelles au coeur du contentieux des contrats administratifs, mettant, ainsi, fin à des pratiques détestables qui avaient souvent vu des contractants de mauvaise foi invoquer leur propre turpitude pour se délier de leurs obligations contractuelles et obtenir un règlement plus favorable de leur litige sur le terrain extracontractuel, principalement sur la base de l'enrichissement sans cause. Son considérant de principe dispose, en effet, que, "lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat [...] toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif, notamment, aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel".
Ce considérant de principe a rapidement suscité l'interrogation car il ne précisait pas le sort à réserver aux moyens tirés de la violation des obligations de publicité et de mise en concurrence. Contrairement aux conclusions de M. Glaser, l'arrêt "Commune de Béziers" ne disait, en effet, rien du sort à réserver aux irrégularités entachant le processus de passation du contrat administratif, qu'il s'agisse, par exemple, d'une absence de mise en concurrence (comme c'était le cas dans l'arrêt ici commenté), ou d'irrégularités dans la procédure. De telles irrégularités justifiaient-elles la mise à l'écart dans le cadre d'une saisine du juge en vue du règlement d'un litige relatif à l'exécution du contrat ? Plus précisément, fallait-il assimiler ces irrégularités à "un vice d'une particulière gravité relatif [...] aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement", ou fallait-il considérer qu'elles possédaient ce caractère de gravité mais appartenaient à une autre catégorie de vices de légalité comme le permettait l'emploi de l'adverbe "notamment" ("vice d'une particulière gravité relatif notamment [...]") ? La question était assurément importante en pratique au regard du formalisme caractérisant la passation des contrats administratifs, formalisme qui, s'il est assurément utile, n'en constitue pas moins une cause principale d'irrégularité du contrat. Elle était, également, importante d'un point de vue théorique car son règlement nécessitait, soit de limiter très fortement la portée de la jurisprudence "Commune de Béziers", soit d'abandonner l'idée que tous les moyens ayant trait à la nullité d'un contrat administratif sont d'ordre public. Assimiler les irrégularités relatives au processus de passation à des vices d'une particulière gravité justifiant la mise à l'écart du contrat aurait, en effet, conduit à réduire l'exigence de loyauté des relations contractuelles à une véritable peau de chagrin.
A cette interrogation, l'arrêt "Manoukian" a apporté une réponse claire, fondée sur un principe et une exception qui permettent, tout à la fois, de préserver les exigences de la loyauté des relations contractuelles et celles de la légalité. Il a, ainsi, utilement complété le considérant de principe de l'arrêt "Commune de Béziers" en ajoutant que, "lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige [...] par exception, il en va autrement lorsque, eu égard d'une part à la gravité de l'illégalité et d'autre part aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat".
Le principe est parfaitement clair et repose sur une règle simple. L'irrégularité entachant le processus de passation du contrat administratif n'est pas assimilable à un vice d'une particulière gravité justifiant que le règlement du litige soumis au juge du contrat s'opère sur le terrain extracontractuel. Cela signifie que la méconnaissance des règles de passation des contrats administratifs ne permet pas aux cocontractants de s'en prévaloir devant le juge de plein contentieux aux fins d'écarter le contrat. Cette impossibilité de principe est d'autant plus importante qu'elle s'adresse, également, au juge du contrat qui ne peut pas relever d'office le moyen tiré de la violation des règles de passation.
L'exception consacrée par l'arrêt "Manoukian" est tout aussi importante que le principe d'interdiction qu'il pose. Possibilité est, en effet, donnée aux parties d'invoquer un manquement aux règles de passation aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige relatif à l'exécution du contrat et au juge de soulever d'office un tel moyen "eu égard, d'une part, à la gravité de l'illégalité et, d'autre part, aux circonstances dans lesquelles elle a été commise". Le juge administratif s'est, ainsi, réservé une marge d'appréciation lui permettant de mettre le contrat à l'écart dans les hypothèses les plus graves.
2 - L'arrêt du 20 avril 2011 vient bouleverser ce schéma jurisprudentiel que l'on croyait, désormais, fermement établi
Certes, il prend bien soin de reproduire le considérant de principe de l'arrêt "Commune de Béziers" tel qu'amendé par l'arrêt "Manoukian" en rappelant que les parties ne peuvent, en principe, invoquer un manquement aux règles de passation, à l'occasion d'un litige se rapportant à l'exécution du contrat, aux fins d'écarter celui-ci. Il reprend, également, l'exception fondée sur la gravité de l'illégalité et les circonstances dans lesquelles elle a été commise. De la même façon, le Conseil d'Etat censure bien logiquement les juges d'appel pour avoir considéré que la méconnaissance des règles de passation se rattachait à la procédure de choix du cocontractant et ne concernait donc, ni le contenu du contrat, ni les conditions dans lesquelles les parties avaient donné leur consentement, sans avoir recherché si la gravité de cette irrégularité et les circonstances dans lesquelles elle avait été commise n'imposaient pas d'écarter le contrat pour le règlement du litige. C'est dire que les juges d'appel ne pouvaient pas raisonner in abstracto mais devaient, au contraire, procéder à une analyse concrète du manquement aux règles de passation pour déterminer s'il pouvait justifier la mise à l'écart du contrat. Sur ce point, l'arrêt n'appelle pas de remarque critique.
Plus délicate est la question du sort réservé au moyen tiré de l'insertion dans le marché litigieux d'une clause de tacite reconduction. On sait que la jurisprudence "Commune de Païta" du 29 novembre 2000 (11) a considéré "qu'une clause de tacite reconduction d'un contrat qui, en raison de sa nature et de son montant, ne peut être passé qu'après que les obligations de publicité et de mise en concurrence prévues par la réglementation applicable ont été respectées, a pour objet de permettre la passation d'un nouveau contrat sans que soient respectées de telles obligations [...] une telle clause ne peut être que nulle, de sorte qu'un contrat passé en application de cette clause, qui a été conclu selon une procédure irrégulière, est également nul". Dans la présente affaire, la commune n'avait pas hésité à invoquer le vice tiré de l'irrégularité de la clause de tacite reconduction pour se délier de ses obligations alors qu'elle ne s'était jamais opposée, et cela pendant plus de dix-sept ans, à l'exécution du contrat. Malgré cela, le Conseil d'Etat considère, et s'écartant, ainsi, des conclusions de M. Dacosta, que "l'irrégularité tenant à la conclusion du contrat en application d'une clause de tacite reconduction, eu égard à sa gravité, et sans même que le juge du référé provision, compte tenu de son office, ait à examiner les circonstances dans lesquelles elle a été commise, ne permet pas de regarder l'obligation qui découlerait de ce contrat comme non sérieusement contestable".
Sauf erreur, il faut comprendre que la conclusion d'un contrat en vertu d'une clause de tacite reconduction, c'est-à-dire en application d'une clause dont le principal effet est de violer les règles de passation, suffit à provoquer la mise à l'écart du contrat et justifie, dès lors, le règlement extracontractuel du litige. Cette solution pose immédiatement une question de cohérence par rapport à la jurisprudence "Manoukian" qui avait considéré, faut-il le rappeler, que le manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence n'était pas, par principe, susceptible de justifier la mise à l'écart du contrat. Le Conseil d'Etat retient une solution radicalement opposée en considérant que la conclusion d'un contrat en vertu d'une clause de tacite reconduction, au regard de sa seule gravité, suffit à justifier le règlement extracontractuel du litige. Bien que rendue dans le cadre très particulier d'un référé provision, cette solution montre que les manquements aux règles de passation des contrats publics peuvent primer l'exigence de loyauté des relations contractuelles ou, pour le dire autrement, que le contractant de mauvaise foi peut, dans une certaine mesure, invoquer sa propre turpitude pour échapper à ses obligations contractuelles. De ce point de vue, la présente décision est donc très contestable.
François Brenet, Professeur de droit public à l'Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis et Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique
(1) CE 2° et 7° s-s-r., 24 novembre 2008, n° 291539, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4463EBW), Contrats Marchés publ., 2009, comm. 8, note J.-P. Pietri, Dr. adm., 2009, comm. 23, note F. Melleray, RJEP, 2010, comm. 13.
(2) CAA Lyon, 3ème ch., 21 novembre 1990, n° 89LY01615 (N° Lexbase : A3479A8D) ; CE, 29 janvier 1993, n° 122491, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8217AMB), Rec. CE, p. 19.
(3) CE, Sect., 9 juillet 1965, n° 59035 (N° Lexbase : A6590B79), Rec. CE, 1965, p. 418.
(4) CAA Marseille, 30 septembre 2003, n° 99MA01121 (N° Lexbase : A7116HPA).
(5) CAA Nancy, 4ème ch., 30 mai 2005, n° 03NC00092 (N° Lexbase : A4956DIE).
(6) CAA Nancy, 3ème ch., 14 juin 2007, n° 06NC00852 (N° Lexbase : A9982DWM) et n° 06NC00853 (N° Lexbase : A9983DWN).
(7) CE 2° et 7° s-s-r., 12 janvier 2011, n° 338551, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8777GPR).
(8) CAA Bordeaux, 1ère ch., 27 mai 2010, n° 09BX01771 (N° Lexbase : A1145HP4).
(9) Que nous remercions pour leur aimable communication.
(10) CE, Ass, 28 décembre 2009, n° 304802, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0493EQC), AJDA, 2010, p.143, chron. S.-J. Liéber et D. Botteghi, BJCP, 2010, n° 69, concl. E. Glaser, obs. C.M., Contrats Marchés publ., 2010, comm. 123, note P. Rees, JCP éd. A, 2010, 2072, note F. Linditch, RDI, 2010, p. 265, note R. Noguellou, RFDA, 2010, p. 506, concl. E. Glaser, p. 519, note D. Pouyaud, RJEP, 2010, comm. 30, note J. Gourdou et P. Terneyre.
(11) CE 7° et 5° s-s-r., 29 novembre 2000, n° 205143 (N° Lexbase : A9595AHT), publié au recueil Lebon, Rec. CE, p. 573.
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