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N1383BSZ
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par Christophe Noize, Avocat à la cour, Cabinet Acanthe Avocats
le 06 Mai 2011
En 2005, l'employeur avait transformé l'objectif prioritaire en objectif supplémentaire. Dès lors, les VRP, pour obtenir leur prime, devaient, en plus de l'objectif principal, atteindre l'objectif supplémentaire. La cour d'appel avait jugé que cela avait entraîné une modification unilatérale de la rémunération et donc du contrat de travail.
Interprétation erronée selon la Cour de cassation qui rappelle par un attendu de principe rendu au visa des articles 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) et L. 1221-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0767H9B) : "mais attendu que lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu'il sont réalisables et qu'ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice".
Cet attendu est repris dans des termes strictement identiques par l'arrêt du 30 mars 2011 (Cass. soc., 30 mars 2011, n° 09-42.737, F-D) rendu quelques semaines après s'agissant d'un salarié qui avait pris acte de la rupture de son contrat de travail au prétexte d'une modification de sa rémunération.
Ces trois arrêts confirment la jurisprudence antérieure qui avait estimé que les objectifs peuvent être définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction (3).
Il convient de préciser que la Cour de cassation avait auparavant rendu un arrêt au sens contraire, certes isolé et non publié (Cass. soc. 12 juillet 2000, n° 98-43.604, inédit N° Lexbase : A9867ATM) qui exposait que "la fixation des objectifs doit résulter d'un accord des parties".
Le mérite des trois arrêts de mars 2011 est de faire une distinction entre les objectifs qui peuvent être fixés unilatéralement par l'employeur et le mode de rémunération contractuelle qui ne peut être modifié qu'avec l'accord du salarié.
La Cour de cassation a, en effet, récemment rappelé au visa de l'article 1134 du Code civil que "le mode de rémunération contractuel d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, l'employeur ne pouvant, si la modification n'est pas acceptée, qu'y renoncer ou procéder à un licenciement" (4).
En outre, les trois décisions de mars 2011 fixent utilement les conditions de validité des objectifs.
I - L'objectif doit être réalisable
Rendus au visa de l'article 1134 du Code civil qui édicte que les conventions "doivent être exécutées de bonne foi", les trois arrêts rappellent que les objectifs fixés doivent être réalistes et réalisables.
Il s'agit d'un rappel de la jurisprudence classique de la Cour cassation (Cass. soc., 2 décembre 2003, n° 01-44.192, F-D N° Lexbase : A3635DAU).
L'employeur doit fixer de bonne foi les objectifs en fonction de la situation du marché et des conditions d'exercice de l'activité.
Toutefois, l'excès étant une notion floue et laissée à la libre appréciation du juge, rien n'empêche un employeur précautionneux d'obtenir l'accord préalable du salarié sur ses nouveaux objectifs afin d'éviter tout contentieux ultérieur.
II - L'objectif doit être porté à la connaissance du salarié en début d'exercice
La seconde condition exigée par la Cour de cassation est que la clause d'objectif soit portée à la connaissance du salarié en début d'exercice. Là encore, il s'agit d'une obligation de transparence incombant à l'employeur qui découle également de l'article 1134 du Code civil.
Cette exigence avait déjà été appliquée aux plans de rémunération des groupes de sociétés internationaux, par un précédent arrêt de la Cour de cassation (5).
La Cour avait jugé que "le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de la rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail ou l'engagement unilatéral de l'employeur".
Dans ce cas d'espèce, les objectifs n'avaient été ni publics, ni communiqués au personnel.
La Cour de cassation a ainsi donc trouvé un équilibre fragile entre l'intangibilité du contrat de travail, la bonne foi et la nécessaire motivation des équipes commerciales.
(1) Cass. soc., 28 janvier 1988, n° 95-40.275, publié (N° Lexbase : A5348AC3) ; Cass. soc., 5 mai 2010 n° 07-45.409, FS-P+B (N° Lexbase : A0659EXP), v. les obs. de G. Auzero, La modification unilatérale de la rémunération du salarié justifie nécessairement la prise d'acte de la rupture, Lexbase Hebdo n° 395 du 20 mai 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N1871BPY).
(2) Cass. soc., deux arrêts, 2 mars 2011, n°08-44.977 FP-P+B (N° Lexbase : A3302G43) et n° 08-44.978, FD (N° Lexbase : A6578HPC) et 30 mars 2011, n° 09-42.737, F-D (N° Lexbase : A3897HMB).
(3) Cass. soc., 22 mai 2001 n° 99-41.146, publié (N° Lexbase : A4882ATY) et Cass. soc., 20 octobre 2009, n° 08-41.036, F-D (N° Lexbase : A2739EME).
(4) Cass. soc., 12 janvier 2011, n° 09-71.366, F-D (N° Lexbase : A9820GPE) et Cass. soc., 30 mars 2011, n° 10-10.173, F-D (N° Lexbase : A3969HMX).
(5) Cass. soc., 14 octobre 2009, n° 07-44.965 à 07-44.987, F-D (N° Lexbase : A0818EMA), JCP éd. S, 2009, 1594, 2ème esp., note P. Morvan.
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