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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
le 24 Juin 2017
Seulement voilà : l'assignation à résidence, même dans une période d'affaissement des libertés, doit répondre aux canons de l'Etat de droit et s'en trouver justifiée par des raisons sérieuses de penser que les personnes assignées constituent bien des menaces pour la sécurité et l'ordre publics.
C'est pourquoi de manière retentissante, le Conseil d'Etat a confirmé, le 19 juin 2017, la suspension de deux prolongations d'assignations à résidence pour des personnes assignées "au-delà de la période d'un an qui constitue en principe la durée maximale". Certes, M. et Mme H. assignés depuis décembre 2015, constituaient une "menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics", mais aujourd'hui, selon le Haut conseil, le ministre de l'Intérieur ne produit, pour chacun des intéressés, aucun élément nouveau ou complémentaire de nature à établir la persistance de la menace. Sanction du juge des référés, confirmée en appel : les individus en question ne peuvent plus être assignés à résidence.
En principe, c'est le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention, qui ordonne l'assignation à résidence des personnes mises en examen ou condamnées à une peine de moins de deux ans d'emprisonnement. Ainsi, les personnes assignées à résidence doivent se trouver à leur domicile ou tout autre lieu désigné, à certains horaires de la journée, et font l'objet d'un contrôle.
Avec l'état d'urgence, le ministre de l'Intérieur peut assigner à résidence des personnes qui ne sont soumises à aucune procédure judiciaire, si leur "activité s'avère dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics". La mesure fut étendue le 19 décembre 2016 à une personne dont "il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public". Bref voilà les fameux "fichés S" (potentiellement plus de 10 000 personnes) susceptibles de faire l'objet d'une assignation à résidence, plutôt que l'exil ! Bracelets électroniques, contrainte renforcée des horaires, contrôle des fréquentations renforcent le dispositif.
Sur plus de 400 mesures d'assignation à résidence, 68 étaient encore en vigueur en mars 2017, selon Le Monde daté du 20 juin 2017. Après cinq prolongations, le Conseil constitutionnel comme le Conseil d'Etat sont de plus en plus regardants sur les conditions de mise en oeuvre des mesures restrictives de liberté.
On sait que l'avènement de la prison fut tardif, comme nous l'enseigne Benoît Garnot, dans son Histoire de la justice. D'abord, ce fut la mort, puis conjointement les mesures d'enfermement mais en exil (galères et bagne) et les châtiments corporels, avant que la prison ne devienne la peine universelle à la fin du XIXème siècle ! Mais là encore, il s'agissait d'exclure le "déviant" -pour reprendre le terme sociologique ad hoc- de la société. Le retour à l'assignation à résidence, mesure privilégiée du... Moyen-Age, est loin de faire l'unanimité, que ce soit pour les défenseurs de droits et libertés, comme pour les autorités de police ou judiciaires.
"L'exil, c'est la nudité du droit" fustigeait Hugo ; en attendant, l'assignation à résidence est aujourd'hui rhabillée pour l'été !
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