La lettre juridique n°692 du 23 mars 2017 : Responsabilité médicale

[Jurisprudence] La décision d'arrêt des traitements prodigués à un enfant devant le Conseil d'Etat

Réf. : CE référé, 8 mars 2017, n° 408146 (N° Lexbase : A5871TTM)

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par Cécile Castaing, Maître de conférences de droit public, Institut Léon Duguit (EA 7439), Université de Bordeaux

le 28 Mars 2017

Par un arrêt du 8 mars 2017, le Conseil d'Etat statuant en appel d'un référé-liberté s'est prononcé pour la première fois sur une décision d'arrêt des traitements d'un enfant de 15 mois. Il refuse en l'espèce de considérer que les conditions d'application des dispositions de l'article L. 1110-5-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L4208KYI) (1) pour décider de l'arrêt d'un traitement traduisant une obstination déraisonnable sont réunies et rejette le recours de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille. La patiente, âgée de 15 mois, est atteinte de lésions neurologiques graves et définitives entraînant un polyhandicap majeur avec une paralysie quasi complète de l'organisme et dépendant d'une ventilation et d'une alimentation artificielles. Le médecin la prenant en charge dans un établissement de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille a engagé une procédure collégiale à l'issue de laquelle il a décidé de l'arrêt des traitements. Les parents s'y sont opposés et ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Marseille lui demandant de suspendre cette décision et d'ordonner la poursuite des traitements. Considérant, comme l'avait fait le Conseil d'Etat dans les décisions "Lambert I" et "Lambert II" (2) qu'il appartient au juge des référés "d'exercer ses pouvoirs de manière particulière" lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3058ALT) d'une décision médicale conduisant à interrompre ou à ne pas entreprendre un traitement au motif qu'il traduirait une obstination déraisonnable, le tribunal administratif statuant en formation collégiale a suspendu provisoirement l'exécution de la décision et a ordonné une expertise de l'enfant par une première ordonnance avant-dire-droit (3). Ce qui était une "solution atypique" ou un "fait rarissime" (4) en matière de référé-liberté en 2014 semble bien devenir, si ce n'est le droit commun (5), au moins une solution admise lorsque cette procédure est utilisée pour faire obstacle à l'exécution d'une décision qui porterait de manière irréversible une atteinte à la vie. Statuant sur la requête par une seconde ordonnance du 8 février 2017 et aux vues des résultats de l'expertise, le tribunal administratif de Marseille a suspendu la décision d'arrêter les traitements et a enjoint à l'équipe médicale de maintenir à l'enfant les traitements et soins appropriés à son état (6). L'ordonnance est motivée par l'opposition constante des parents à la décision d'arrêt des traitements et sur l'absence de certitude sur l'efficacité ou non des thérapeutiques et la consolidation de l'état de santé de l'enfant.

Saisi en appel par l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, le Conseil d'Etat a confirmé cette ordonnance et refusé de considérer que la poursuite des traitements pouvait en l'espèce caractériser une obstination déraisonnable.

Si la question du contrôle d'une décision d'arrêt des traitements entraînant la mort du patient n'est plus inédite devant le juge administratif, elle l'était en l'espèce compte tenu, d'une part, de l'âge de la patiente et, d'autre part, des modifications apportées au Code de la santé publique par la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (N° Lexbase : L4191KYU).

Malgré l'extrême particularité de cette situation dans laquelle les requérants ont placé la vie ou la mort de leur enfant entre les mains du juge, celui-ci ne pouvait que remplir l'office particulier qui est désormais le sien dans le cadre d'un tel référé-liberté et dire si la décision médicale obéissait aux règles juridiques en confrontant les faits aux textes, se gardant de toute autre considération éthique ou morale.

C'est ce qu'il a tenté de faire dans son ordonnance du 8 mars 2017 sans parvenir toutefois à ne pas s'inviter dans le dilemme éthique. Le Conseil d'Etat a considéré que les conditions imposées par la loi pour que puisse être régulièrement prise par le médecin la décision de mettre fin au traitement de l'enfant ne pouvaient être regardées comme réunies au regard du nouvel article L. 1110-5-1 du Code de la santé publique. Alors que la version en vigueur avant la loi du 2 février 2016 ne prenait pas en considération la volonté du patient, la version actuelle dispose que lorsque les traitements apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu'ils n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté, à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire. Le Conseil d'Etat s'est fondé à la fois sur les éléments médicaux et sur la volonté exprimée par les parents pour rejeter le recours en appel de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille. Il a d'une part considéré qu'il résultait du rapport d'expertise et des dernières évaluations médicales produites en cours d'instruction (dont la clôture a été différée de quelques jours après l'audience publique) que l'arrêt des traitements n'avait pas été décidé à l'issue d'un délai suffisamment long pour évaluer de manière certaine les conséquences des lésions neurologiques et, d'autre part, que les parents s'opposaient tous les deux à l'arrêt des traitements et que cet avis revêtait une importance particulière.

I - Les éléments médicaux : l'incertitude sur l'état de conscience de la patiente et son évolution future

La loi a déterminé le cadre dans lequel peut être prise la décision de suspendre ou de ne pas entreprendre un traitement lorsque sa poursuite traduirait une obstination déraisonnable et il revient au juge, fût-il juge des référés, de contrôler que cette décision médicale a été prise dans le respect des conditions fixées par la loi. La décision de limiter ou d'interrompre un traitement est une décision qui relève de la seule compétence du médecin dès lors qu'il a pu apprécier l'existence d'une obstination déraisonnable. Si la loi du 4 mars 2002 (N° Lexbase : L1457AXA) a entendu faire participer le patient aux décisions relatives à sa santé, le médecin retrouve son entier pouvoir décisionnel lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté et qu'il n'a pas laissé de directives anticipées (7). Si la procédure menant à cette décision doit être collégiale, la décision est individuelle. Contrairement à ce que laisse entendre certaines formules un peu confuses du Conseil d'Etat, la décision n'est pas juridiquement prise par l'"équipe médicale" et la procédure collégiale ne donne pas lieu à délibération. Peu importe donc, dans le contrôle de la régularité de la décision, que celle-ci ait été prise "à l'unanimité" (§ 18). C'est donc le bien-fondé de cette décision prise par le médecin que le juge va devoir apprécier, sans pour autant substituer sa propre appréciation de l'obstination déraisonnable à celle de l'homme de l'art. Avant de procéder à cette appréciation, le Conseil d'Etat a précisé que la ventilation mécanique est, au même titre que l'alimentation et l'hydratation artificielles, au nombre des traitements susceptibles d'être arrêtés lorsque sa poursuite traduirait une obstination déraisonnable.

Pour caractériser l'obstination déraisonnable, le médecin doit apprécier si les traitements sont utiles ou non, proportionnés ou disproportionnés ou encore s'ils ont pour seul effet le maintien artificiel de la vie. Le Conseil d'Etat précise que les éléments médicaux, qui vont être pris en considération par le médecin, doivent couvrir une période suffisamment longue, être analysés collégialement et porter notamment sur l'état actuel du patient, sur l'évolution de son état depuis la survenance de l'accident ou de la maladie, sur sa souffrance et sur le pronostic clinique. Pour apprécier le bien-fondé ou non de la décision, le Conseil d'Etat souligne qu'il résulte du rapport des médecins experts mandatés par les premiers juges et des évaluations médicales conduites au sein de l'Hôpital avant la saisine du juge et pendant l'instruction que la patiente souffre de lésions cérébrales définitives entraînant une paralysie motrice et une dépendance à la ventilation mécanique et à l'alimentation artificielle. Il relève également que son état de conscience n'est pas déterminé de manière certaine et que des éléments d'amélioration ont été constatés. Le Conseil d'Etat relève en outre les difficultés d'apprécier avec précision son niveau de conscience, une telle appréciation étant particulièrement entravée par les difficultés de communication, de coopération et d'apprentissage de la patiente compte tenu de son handicap fonctionnel et de son jeune âge. A ces éléments s'ajoutent enfin un état de souffrance qui est également difficile à évaluer pour les mêmes raisons et un pronostic établi par les experts extrêmement péjoratif.

Parmi ces éléments, et alors que le rapport d'expertise évoque des lésions cérébrales définitives, le Conseil d'Etat fait prévaloir les éléments d'amélioration constatés de l'état de conscience de l'enfant et l'incertitude sur l'évolution future de cet état pour en déduire que "l'arrêt des traitements ne peut être regardé comme pris au terme d'un délai suffisamment long pour évaluer de manière certaine les conséquences de ses lésions neurologiques". L'âge de la patiente semble avoir été un critère déterminant pour le Conseil d'Etat.

Une autre affaire soumise au juge des référés-liberté relative à la régularité d'une décision d'arrêt des traitements d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté, a donné lieu à une appréciation différente. Le tribunal administratif de Lyon a pu considérer que la poursuite des soins devait être regardée comme constitutive d'une obstination déraisonnable, sans même avoir ordonné à un collège de médecins de réaliser une expertise sur la situation clinique du patient, son évolution ou ses perspectives d'évolution. On se souvient que, dans la décision "Vincent Lambert I", le Conseil d'Etat avait demandé une expertise avant de se prononcer, comme l'a fait le tribunal administratif de Marseille dans l'affaire commentée. Au vu des éléments médicaux dont il disposait, le tribunal administratif de Lyon a considéré, accordant une place prépondérante aux lésions neurologiques et alors même que les chances de réveil du patient n'étaient pas exclues, que "la poursuite de soins actifs et douloureux a pour seul effet de maintenir le patient artificiellement en vie, alors qu'en cas de retour, non exclu, mais très hypothétique, à un état de conscience, la vie de celui-ci serait extrêmement affectée par des lésions majeures de caractère irréversible" pour en déduire que la poursuite des traitements caractérisait une obstination déraisonnable (8).

En l'espèce, au contraire, s'agissant de la jeune enfant, le Conseil d'Etat considère que la poursuite des traitements ne peut caractériser une obstination déraisonnable. Au-delà de l'appréciation des éléments médicaux, le critère de l'âge a été déterminant dans ces décisions : alors que dans le litige soumis au tribunal administratif de Lyon le patient est âgé de 79 ans, la patiente de Marseille est âgée de 15 mois. Et il apparaît que le critère de l'âge a également été déterminant dans l'appréciation des éléments non médicaux.

II - Les éléments non médicaux : l'importance particulière de l'avis des parents

L'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille soutenait que l'ordonnance du tribunal administratif était entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle érigeait l'absence d'opposition des parents de l'enfant mineur à la décision d'arrêt des traitements en une condition de légalité de cette dernière en méconnaissance de l'article R. 4127-37-2 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L6271K97). Le Conseil d'Etat a confirmé de façon assez laconique que "à défaut de pouvoir rechercher quelle aurait été la volonté de la personne s'agissant d'un enfant de moins d'un an à la date de la décision, l'avis de ses parents, qui s'opposent tous les deux à l'arrêt des traitements, revêt une importance particulière". Avec les éléments médicaux, c'est le deuxième élément qu'il retient pour considérer que les conditions d'application des dispositions de l'article L. 1110-5-1 du Code de la santé publique n'étaient pas réunies. Cette motivation ne peut manquer de surprendre. Sans se prononcer sur l'autorité parentale, ce qui ne relève pas de sa compétence, le Conseil d'Etat reste au milieu du gué en reconnaissant à l'avis des parents une importance particulière.

D'un point de vue éthique, il est évidemment extrêmement difficile de faire peser la responsabilité d'une décision insupportable sur les parents et il est tout aussi difficile de ne pas tenir compte de leur opposition constante. Mais ce n'est pas sur ce terrain que devait se placer le juge. C'est pourtant bien dans cette réflexion éthique que s'est situé le Conseil d'Etat, suivant en cela le tribunal administratif qui fondait l'importance particulière de l'avis des parents sur "le souci de la plus grande bienfaisance" (§ 9).

Il faut dire que l'article L. 1110-5-1 du Code de la santé publique interdisant la poursuite des traitements lorsqu'ils traduisent une obstination déraisonnable est une disposition ambiguë à bien des égards.

Il faut relever en premier lieu que la loi ne distingue pas selon l'âge du patient pour prohiber la poursuite des traitements lorsqu'ils résultent d'une obstination déraisonnable. Dans pareille hypothèse, les traitements ne doivent pas être poursuivis, sans considération de l'âge du patient. C'est d'ailleurs ce qui avait été mis en évidence dans un litige portant sur un acte de réanimation néonatale, dans lequel le tribunal administratif de Nîmes avait retenu la responsabilité de l'hôpital sur le fondement de l'obstination déraisonnable constituée par la durée de la réanimation d'un enfant né en état de mort apparente et gravement handicapé (9).

En deuxième lieu, la loi pose une obligation passive et négative : elle dispose que les traitements ne doivent pas être poursuivis et non que le médecin doit interrompre les traitements. La seule obligation expresse et positive du médecin dans cette disposition est qu'il doit, lorsque l'arrêt des traitements provoque la fin de vie, sauvegarder la dignité du mourant et lui assurer la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins palliatifs. Entre les deux phases -celle où les traitements peuvent être qualifiés d'obstination déraisonnable et celle de la fin de vie provoquée- la formule est ambiguë : les traitements "peuvent" être interrompus ou ne pas être entrepris. Le législateur place ainsi le médecin dans une situation inextricable en interdisant la poursuite des traitements tout en semblant offrir un choix au médecin de les interrompre. Il semble plus conforme à l'esprit du texte de considérer que cette disposition prohibe l'obstination déraisonnable puis fixe les modalités de mise en oeuvre de cette interdiction : dans le cas où les traitements sont inutiles, disproportionnés ou n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie du patient, le médecin va pouvoir décider de les interrompre soit conformément à la volonté du patient, soit lorsqu'il n'est pas en état d'exprimer sa volonté dans le respect de la procédure collégiale. C'est donc dans la mise en oeuvre de l'interdiction et l'exercice du droit pour le patient de ne pas subir une telle obstination déraisonnable que la loi du 2 février 2016 distingue les patients du seul fait qu'ils sont ou non en état d'exprimer leur volonté, et non en fonction de leur âge.

La loi fait de la volonté conforme du patient ou du respect de la procédure collégiale une condition d'application de l'article L. 1110-5-1 du Code de la santé publique, c'est-à-dire une condition de régularité de la décision d'arrêt des traitements. La procédure collégiale requise lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté prend la forme d'une concertation avec les membres présents de l'équipe de soins si elle existe, et de l'avis motivé d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant (10). Outre qu'il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant, l'avis motivé d'un deuxième consultant peut être recueilli par ces médecins si l'un d'eux l'estime utile. Enfin, la disposition prévoit que, sauf urgence, "lorsque la décision de limitation ou d'arrêt de traitement concerne un mineur ou un majeur protégé, le médecin recueille en outre l'avis des titulaires de l'autorité parentale ou du tuteur".

En l'espèce, la patiente était bien hors d'état d'exprimer sa volonté et la procédure collégiale devait être engagée. Ce n'est pas parce que la patiente était une enfant en bas âge que la procédure collégiale devait être engagée, mais parce que, en raison de son état de conscience, elle était hors d'état d'exprimer sa volonté. C'est sans doute ici que réside la dernière ambiguïté de l'article L. 1110-5-1 du Code de la santé publique. Lorsque la loi fixe les procédures à suivre pour ces personnes hors d'état d'exprimer leur volonté, elle n'exclut pas les personnes mineures ou les majeurs protégés, mais elle ne les inclut pas davantage. Sans doute la notion de "personne hors d'état d'exprimer sa volonté" méritait pourtant d'être précisée dans la mesure où le législateur y attache un certain nombre de conséquences juridiques. Il ressort de la lecture des travaux parlementaires que la situation d'une personne "hors d'état d'exprimer sa volonté" est une situation factuelle qui dépend de son état de conscience. Un amendement avait été proposé au moment de la discussion sur le projet de loi relatif au droit des malades indiquant que le fait d'être hors d'état d'exprimer sa volonté "doit provenir d'une altération de la conscience" pour éviter que le médecin se dispense de recueillir le consentement de personnes qui seraient atteintes de paralysie ou de dysarthrie (11). L'amendement n'a pas été adopté. Il semble que l'intention du législateur soit bien d'assimiler la personne hors d'état d'exprimer sa volonté à la personne inconsciente. Une première indication en ce sens est mentionnée dans le rapport d'information sur la loi de 2002 qui énumère de façon non exhaustive trois situations pouvant qualifier la situation d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté : coma, inconscience, handicap mental (12). Une autre indication figure dans l'exposé des motifs de la proposition de loi du 22 avril 2005 (13), dans lequel les auteurs distinguent le malade "conscient" du malade "inconscient". C'est donc au degré de conscience de la personne que renvoie la formule législative et c'est l'altération de la conscience qui provoque la procédure collégiale et la consultation des parents dans le cas d'un patient mineur.

Le Conseil d'Etat s'est donc éloigné des textes et de son office en considérant que c'est en raison du jeune âge de la patiente que le médecin ne pouvait rechercher sa volonté et devait accorder une place particulière à l'avis des parents. Il était sans doute guidé par "le souci de la plus grande bienfaisance" (§ 15) à l'égard de sa patiente et a tenté de trouver la solution la plus humaine entre l'impossibilité de faire peser sur les parents la responsabilité d'une décision de vie ou de mort de leur enfant et la même impossibilité de passer outre leur opposition à un arrêt des soins. La tension éthique entre ces deux perspectives est exacerbée par les éléments médicaux de l'espèce qui laissent le choix entre la certitude de la mort et l'incertitude sur l'état futur de l'enfant (14).

Ce faisant, le Conseil d'Etat paraît substituer son appréciation à celle du médecin, déterminant ainsi lui-même le poids respectifs des éléments médicaux et non médicaux : "le médecin en charge doit se fonder sur un ensemble d'éléments, médicaux et non médicaux, dont le poids respectif ne peut être prédéterminé et dépend des circonstances particulières à chaque patient, le conduisant à appréhender chaque situation dans sa singularité" (§ 15). En contrôlant la régularité de la décision médicale, c'est le juge qui en l'espèce a déterminé le poids respectif de ces éléments et a accordé une place déterminante à l'âge de la patiente et une importance particulière à l'avis des parents. Cela ne veut pas dire qu'il accordera systématiquement une importance particulière à l'avis émis par la famille dans ce genre de décision (15), mais assurément que la question de l'exercice de l'autorité parentale pour les décisions d'arrêt des traitements sur des enfants mineurs doit être posée... Elle l'est à nouveau, mais notre propre légitimité à y répondre est des plus réduites...


(1) Dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (N° Lexbase : L4191KYU).
(2) CE Contentieux, 14 février 2014, n° 375081 (N° Lexbase : A5009MEA) ; CE Contentieux, 24 juin 2014, n° 375081 (N° Lexbase : A6298MRP).
(3) TA Marseille, 16 novembre 2016, n° 1608830 (N° Lexbase : A0718SH3).
(4) Aurélie Bretonneau et Jean Lessi, La question de l'arrêt de traitement devant le Conseil d'Etat, AJDA, 2014, 790.
(5) Contra TA Lyon, 9 novembre 2016, n° 1607855.
(6) TA Marseille, 8 février 2017, n° 1608830 (N° Lexbase : A0002TNE).
(7) C. santé. pub., art. L. 1110-5-1, art. L. 1111-4, alinéa 6 (N° Lexbase : L4252KY7) et art. R. 4127-37-2, III (N° Lexbase : L6271K97).
(8) TA Lyon, 9 novembre 2016, n° 1607855, § 13.
(9) TA Nîmes, 2 juin 2009, n° 0622251 (N° Lexbase : A6780ENG) ; voir les conclusions de Denis Riffard, L'acharnement thérapeutique peut engager la responsabilité de l'hôpital, AJDA, 2009, 2474. La cour administrative d'appel de Marseille a cassé le jugement sur ce point, considérant aux vues des éléments médicaux que l'obstination déraisonnable n'était pas constituée ; CAA Marseille, 12 mars 2015, n° 10MA03054 (N° Lexbase : A5044NQU), conclusions C. Chamot, RFDA, 2015, 574.
(10) C. santé. pub., art. R. 4127-37-2, III.
(11) AN, Discussion en séance publique, 2ème séance du 3 octobre 2001, Compte-rendu analytique. Amendement 128.
(12) Rapport d'information, AN n° 3688, 11 avril 2002.
(13) AN n° 1882, 26 octobre 2004.
(14) Voir sur ces questions le rapport du CCNE n° 65 - 14 septembre 2000, Réflexions éthiques autour de la réanimation néonatale.
(15) Dans l'affaire préc., le tribunal administratif de Lyon avait considéré que l'équipe médicale n'était pas tenue de se conformer à l'avis de la famille qui s'opposait à la décision médicale d'arrêt des traitement qu'elle avait pu déduire des seuls éléments médicaux que la poursuite des traitements devait être regardée comme constitutive d'une obstination déraisonnable. TA Lyon, 9 novembre 2016, n° 1607855.

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