La lettre juridique n°679 du 8 décembre 2016 : Avocats

[Pratique professionnelle] Optimiser sa présence digitale pour un cabinet d'avocats

Lecture: 10 min

N5509BWX

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Pratique professionnelle] Optimiser sa présence digitale pour un cabinet d'avocats. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/36535278-pratique-professionnelle-optimiser-sa-presence-digitale-pour-un-cabinet-davocats
Copier

par Pascal Mendak, Directeur associé chez Legal'Dev - Groupe Fargo

le 08 Décembre 2016

Lancer ou refondre un site internet, ouvrir un compte sur les principaux réseaux sociaux, se lancer dans la création d'une appli mobile : ces actions doivent faire l'objet d'une réflexion stratégique intense et approfondie en amont au sein de son cabinet d'avocat pour construire et développer sa communication digitale. A - Qu'est-ce qu'une bonne communication digitale ?

Dans son acception globale, la communication digitale consiste à diffuser, échanger, partager des informations et créer des interactions sur tous supports dématérialisés selon une stratégie bien pensée en amont. Son site, ses comptes "réseaux sociaux" ou une application mobile seront autant d'outils qui permettront de déployer sa communication et sa notoriété. Digital ou numérique, tout dépend de l'exigence linguistique que l'on porte à la langue française quant à cette définition. Désormais, parler de digital est largement répandu, tant et si bien que beaucoup ne se posent plus la question.

Passer du papier ou des rencontres et échanges verbaux à des messages n'implique pas seulement un changement de vecteur de communication, c'est repenser en totalité sa stratégie de communication, avec une nouvelle logique de contenus, une temporalité renouvelée et une façon de travailler, impliquant souvent une collaboration de plusieurs personnes, soit internes au cabinet, soit avec le soutien d'une agence de communication.

Disposer d'un site esthétique présentant son activité, "twitter" régulièrement et "liker" des articles, c'est une base, mais une bonne communication digitale c'est tout autre chose : elle implique une grande variété d'actions, une méthodologie. Si des actions éparses peuvent même s'avérer contre productives (messages peu ciblés, diffus, ligne éditoriale peu définie...), il est, en revanche, essentiel avant toute action de construire une stratégie pertinente et murement réfléchie.

  • Construire sa stratégie avant tout

Il faut prendre le temps de faire un bilan de son activité : quelles sont les valeurs et les expertises à mettre en lumière, celles à développer, quels sont ses clients ? Leurs attentes, leurs besoins ? Essayer de se mettre à leur place, les interroger. Quelle typologie de client souhaite-t-on développer ? Qu'apprécient-ils ? Quelles sont les insatisfactions exprimées, quels sont ses concurrents ?

Cette étape d'audit, réalisée en interne ou par une agence de communication, comme toute stratégie marketing, sera déployée de la façon suivante :

- une analyse de la segmentation des clients, le choix de privilégier certains prospects cibles en fonction d'un potentiel de chiffre d'affaires et de définir un positionnement clair, porteur et différenciant. Un outil CRM (custom relationship management) de qualité complété par l'accompagnement d'un conseil en stratégie de développement qui pourra venir en soutien de ceux et celles qui ne maîtrisent pas les techniques marketing ;

- un audit d'image pourra être réalisé également (enquêtes clients, étude concurrentielle...) ;

- une synthèse (SWOT, facteurs clés de succès, benchmark) permettra d'avoir une vision claire de la situation actuelle et de définir ses objectifs à court et moyen terme ;

- les actions pour atteindre ses objectifs ; définition d'une stratégie de contenus sur le site, les réseaux sociaux, optimisation de l'ergonomie du site, renforcement de l'interactivité via les réseaux et la mise en place d'un espace utilisateur sur le site..

Parés de ces éléments de synthèse, l'on doit construire sa stratégie, un plan de communication.

Comment mettre en place sa stratégie digitale ?

Pour atteindre une forte visibilité de lancement ou bien la renforcer sur un domaine de compétence spécifique, le cabinet devra actionner tous les leviers de la communication digitale.

Les étapes pourront alors s'enchaîner ainsi :

1/ définition de la ligne éditoriale (informations à chaud, informations froides, avis d'experts, cas pratiques, informations technique, vulgarisation) pour adresser ses messages à la bonne personne, au bon moment et sur le bon support ;

2/ un comité éditorial hebdomadaire idéalement pour définir les principaux sujets, l'angle, le séquençage de la publication ;

3/ le choix des supports de diffusions.

Pour un article de fond, un avis d'expert, le choix de la publication sur le site sera privilégié.

Pour une actualité à chaud et brute telle l'annonce d'un nouvel arrêt ou d'un texte de loi, le choix de Twitter sera privilégié.

  • Créer son site internet

Véhicule de sa visibilité et vitrine de son savoir-faire, le site internet du cabinet est un moyen quasi incontournable de son identité numérique. Le réflexe pour la plupart des recherches de professionnels notamment consiste à interroger les moteurs de recherche ; il est donc nécessaire de disposer a minima d'une identité visuelle par un site internet consultable sur tous supports (PC, mobiles , tablettes). La réalisation d'un site en "responsive design" est désormais une exigence pour tout concepteur de sites.

Un site esthétique, ergonomique et attractif, une présentation des expertises et de ses experts : fort bien. Mais, l'essentiel réside surtout dans la façon de le faire vivre et c'est précisément là que la stratégie digitale prend toute sa mesure : la stratégie de contenu, on le rappelle encore, le bon sujet, le bon angle diffusé au bon moment et répondant aux attentes de ses prospects et clients pour un référencement optimisé (SEO ou search engine optimization).

Ayant défini les thématiques sur lesquelles on doit prioriser sa communication et son engagement en fonction de sa ligne éditoriale, un article par semaine est idéal (un par mois a minima) court, synthétique sur l'actualité ou un cas pratique présenté renforceront son référencement et sa visibilité. 1 500 à 2 000 signes suffisent. Il importera de soigner la rédaction du titre, court et intégrant les mots clés représentatifs les plus impactants de son contenu en y ajoutant une illustration. De nombreux sites proposent des photos ou dessins libres de droit ou bien à un prix très modique.

Si l'on a rédigé un article publié dans la presse, il convient de demander à la rédaction la possibilité de le publier sur son site, sans oublier de mentionner la source de la publication d'origine. La plupart des supports ne poseront pas de difficulté, dès lors que la mise en ligne sur son site est effectuée après publication de l'article dans le journal ou la revue. Ces précautions d'usage sont importantes pour entretenir de bons rapports avec la presse.

Alternative intéressante pour présenter un cas pratique ou un texte de loi, le legal design est apparu depuis plusieurs années. Editeurs juridiques et presse grand public l'utilisent et certains avocats (E. Pierrat, 100 infographies pour déchiffrer la justice, éd. La Martinière) en font même des ouvrages.

Par des schémas, des tableaux et dessins, le legal design permet de rendre plus explicite et donc plus accessible une information juridique pour ses clients tant pour les étudiants, le grand public et les entreprises. La réalisation d'une information traduite sous forme de legal design implique, outre la parfaite maîtrise du sujet de droit, l'utilisation de logiciel dédié (Xmind ou Easel.ly, piktochart ) ou l'accompagnement par un professionnel de la communication qui proposera les solutions les plus adaptées.

Enfin, la création de vidéos pour mettre en valeur son expertise sera l'un des moyens les plus efficaces pour renforcer son positionnement d'expert et optimiser son référencement, ainsi que son image auprès de ses prospects et clients. Il faut oublier la vidéo "institutionnelle" sur son cabinet sauf pour la présentation de son activité sur son site et privilégier la vidéo présentant un contenu utile et pertinent (cas pratique, impact d'une jurisprudence récente, commentaire d'une actualité porteuse). Il importe de raconter une histoire, avec un séquençage bien étudié et fluide de son scénario, afin de captiver l'attention de ses auditeurs, et de ses prospects. La structure du scénario doit être simple et percutante : une question et des éléments de réponses concis et précis. Il faut compter 5 à 6 lignes de réponses par question. Les vidéos doivent être courtes (1mn 30- 2mn chacune et dynamiques).

Cette démarche nécessite un travail préalable de réflexion et de conception du story telling qui devra être mené avec un prestataire aguerri.

Si la stratégie de contenus est prioritaire pour sa visibilité, il faudrait renforcer également la dynamique de son site et son service clients en proposant des newsletters qui permettront de récupérer des données précieuses pour enrichir son fichier prospects et en le dotant d'un espace utilisateur qui permet de renforcer les liens avec ses clients : partage de dossiers, archivages des correspondances, ressources documentaires juridiques seront intégrés par exemple dans cet espace. Les Solutions de My cercle, Diapaz ou Secib notamment proposent des outils qui pourront être intégrés sur son site. Un traitement des données personnelles sera rigoureusement organisé selon les derniers textes en vigueur (loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique aux fichiers et aux libertés N° Lexbase : L8794AGS, loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016, pour une République numérique (N° Lexbase : L4795LAT).

  • Le community management

Le community management intègre l'ensemble des actions qui permettent de répondre à des objectifs définis par la stratégie de son cabinet : accroître la visibilité et la notoriété de son cabinet en publiant des informations, animant des échanges et partages d'expériences.

Le site internet en est l'un des principaux supports pour la diffusion de ses contenus, mais c'est sur les réseaux sociaux que se concentrent les actions.

Dans le respect de la ligne éditoriale définie, deux principales actions seront donc mises en oeuvre :

- sur le site internet, par la publication d'articles réguliers (voir ci-dessus) viralisés ensuite via les réseaux définis via les boutons de partage intégrés par un webmestre sous les articles.

- sur les réseaux sociaux proprement dits.

B - Quel réseau social investir ?

Selon les principaux objectifs définis (quelles cibles de clientèle ? Quel positionnement pour le cabinet, quelles expertises mettre en valeur ?), un choix peut être opéré entre les différents réseaux sociaux.

Pour une cible B to B, LinkedIn sera privilégié.

Dédié aux professionnels pour les professionnels, doté d'une dimension internationale, mise en valeur des expertises fortes et acteurs influents, LinkedIn est parfaitement adapté à l'optimisation du branding de la marque et son e-reputation, la conquête de nouveaux clients, le développement ou le renforcement d'une activité.

Plusieurs options de communication sont possibles (profil, page société, groupe), intégrant les profils et informations les plus pertinents (selon affinité, l'importance de l'information et sa fraîcheur). LinkedIn pourrait, le cas échéant, constituer un ersatz à un site ou blog entreprise.

Inviter des prospects, relations professionnelles, intégrer des groupes liés à son activité professionnelle ainsi qu'à ses compétences et participer ensuite font partie des premières actions stratégiques lors du lancement de sa page entreprise. Il y a même la possibilité d'obtenir les noms de tous les membres d'un groupe même si on ne l'a pas intégré.

Il convient d'enrichir sa page par des articles intéressant ses relations avec l'outil Pulse, en écrivant des articles deux fois par mois, courts synthétiques et pratiques, de 1 500 signes environ. Les articles longs feront l'objet de 2 ou 3 publications successives et permettront à court ou moyen terme de capter l'écoute, l'intérêt et la curiosité de prospects.

Partager et liker ponctuellement les publications de spécialistes de qualité feront partie des actions quotidiennes de community management dans le cadre d'une veille. Rappelons ici que LinkedIn est un puissant outil de veille que l'on peut optimiser via un paramétrage spécifique.

Facebook, l'autre grand réseau ne devra pas être négligé selon les secteurs d'activité ciblés (grande distribution, marques, mode, IP-IT), et clients personnes physiques. Les petites et moyennes entreprises étant également souvent présentes sur Facebook, une page Facebook pourra être créée et animée si elle représente une part de ses clients et prospects. A noter également l'arrivée de Workplace la plateforme business de Facebook, qui va sans doute se développer dans le monde du travail.

Quant à Twitter, à la fois utilisé pour la veille et la viralisation de ses contenus, en 140 caractères, il reste l'outil de veille très performant et de communication à chaud, en prenant toutes les précautions nécessaires afin d'éviter tout message hâtif. Au-delà des tweets et retweets (3 par jour est un bon rythme), l'emplacement des bons hashtags et l'intégration de photos ou de toute illustration pour une bonne visibilité, Twitter permet aussi de rapides sondages en questions fermées. Utile pour faire interagir ses followers...

Pour gagner du temps dans ses veilles et ses envois qualifiés, il convient de créer des listes qualifiées de ses followers, au fur et à mesure qu'ils s'inscrivent.

Enfin, la présence sur Google + devra être installée pour des raisons de référencement.

C - Quelles actions mettre en place ?

Il n'est pas question ici de développer le référencement commercial (Adwords et campagnes sponsorisées) mais de privilégier le SEO ou référencement naturel. Grace à de articles pertinemment écrits et intégrant des principaux mots clés qui caractérisent son article, répétés au sein de son article, une fréquence régulière de ses publications, et l'on obtient ainsi un référencement de qualité.

Bien entendu, pour booster un développement d'activité ou quelques tweets porteurs, il sera possible de mettre en oeuvre des actions de sponsoring à étudier de préférence avec un professionnel.

Trois actions guideront son community management : écouter/veiller, pour suivre les comptes les plus influents, parler par des Tweets et des citations et des questions à ses followers, répondre à un tweet ou à une question posée. Comme l'exprime l'une des grandes références en social média John Munsell : "Le contenu est roi, la conversation est reine".

Un calendrier rédactionnel et un point hebdomadaire sont conseillés, le tout sera synthétisé par exemple sur matrice Excel (par jour et selon le réseau social).

La veille quotidienne réalisée chaque matin permettra d'animer le compte Twitter. L'outil de curation de contenus Netvibes est l'un des plus pertinents. Il est également possible d'y intégrer les veilles programmées sur Google.

Trois Tweets par jours sont conseillés pour développer la visibilité du réseau en utilisant les hashtags pertinents (pas plus de 3 par messages en principe).

Les articles et informations repérées pourront également être partagées sur les autres réseaux via la plateforme Hootsuite qui permet la diffusion simultanée.

Le séquençage des envois devra être bien étudié selon les profils que l'on souhaite capter : l'idéal étant le matin avant 10 H, pendant l'heure du déjeuner et le soir entre 17 et 21 h.

Afin de piloter l'activité de community management et son suivi, confirmer ou informer les actions prises, il importe de mesurer les performances réalisées. Les indices de performances ou key performance indicators (KPI) devront être mis en place en fonction des objectifs à atteindre : nombre de followers, d'engagements sur les messages diffusés, nombre de nouveaux contacts, de prospects.

L'ouverture d'un compte Google analytics constitue l'outil ad hoc pour ce suivi.

Un pilotage hebdomadaire ou a minima mensuel permettra de suivre les actions, de les réorienter et de les adapter. Chacun des réseaux sociaux intègre des outils statistiques permettant d'extraire des données chiffrées qu'il faudra ensuite interpréter.

Conclusion

La communication digitale est devenue l'un des vecteurs essentiels de son développement. Elle implique une intense réflexion préalable sur la stratégie du cabinet et les actions efficaces pour la mettre en oeuvre régulière et bien séquencée sur son site internet et les réseaux sociaux pour établir une relation de proximité avec ses clients. Il n'existe pas de solutions idéales, il importe de tenter des actions, des expressions sur les différents supports et de les revoir selon les réactions obtenues par vos lecteurs pour optimiser les interactions. Ainsi que l'écrivait si justement Montesquieu : "pour faire de grandes choses, il ne suffit pas d'être au-dessus des hommes, il suffit d'être avec eux".

newsid:455509