La lettre juridique n°665 du 28 juillet 2016 : Avocats/Procédure

[Textes] Réforme de la procédure d'appel en matière prud'homale : la dualité de représentation

Réf. : Décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail (N° Lexbase : L2693K8A)

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par Gaël Balavoine, Avocat au barreau de Caen, ancien avoué à la cour, titulaire d'une spécialisation en procédure d'appel et Blandine David, Avocat au barreau de Paris, titulaire d'une spécialisation en procédure d'appel - Cabinet BMP & Associés

le 24 Août 2016

Il résulte de l'article 29 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail (N° Lexbase : L2693K8A), publié au journal officiel du 25 mai 2016 qu'à compter du 1er août 2016 (1), les appels des décisions des conseils des prud'hommes seront soumis à la procédure avec représentation obligatoire. Pour les appels qui seront formés après le 1er août 2016 à l'encontre des décisions rendues par les conseils des prud'hommes (2), la procédure devant les chambres sociales sera régie par les articles 900 (N° Lexbase : L0916H4P) à 930-2 du Code de procédure civile. Les parties vont donc passer d'une procédure souple et orale (C. pr. civ., art. 931 N° Lexbase : L0426ITX à 949) à une procédure écrite particulièrement rigide dont les sanctions pourront s'avérer malheureusement désastreuses pour l'un des plaideurs. D'un simple risque de radiation sans grandes conséquences, les parties vont se trouver exposées au risque de caducité de l'appel ou d'irrecevabilité de leurs écritures, faute d'avoir respecté le formalisme et les délais impératifs résultant du décret dit "Magendie" (décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 N° Lexbase : L0292IGH). La procédure sera complexifiée par l'originalité du système qui institue une dualité de représentation devant la cour d'appel pour les appels des décisions des conseils de prud'hommes. La Chancellerie est venue préciser dans une circulaire du 5 juillet 2016 (N° Lexbase : L4635K9K) qu'en raison de cette dualité de représentation, les parties seraient dispensées du paiement du droit de timbre fiscal de 225 euros prévu par l'article 1635 bis P du Code général des impôts (N° Lexbase : L3138I7D) (3). Il convient de présenter cette dualité de représentation et d'envisager les difficultés procédurales que cette originalité est susceptible d'engendrer.

I - Sur l'institution du défenseur syndical

L'article R. 1461-1 du Code du travail (N° Lexbase : L2663K87), issu du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 dispose, en son alinéa 2, qu'"à défaut d'être représentées par la personne mentionnée au 2° de l'article R. 1453-2 (N° Lexbase : L2640K8B), les parties sont tenues de constituer avocat".

La personne visée par l'article R. 1453-2 du Code du travail est le défenseur syndical dont le statut a été créé par la loi "Macron" (loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques N° Lexbase : L4876KEC).

L'article 258 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 a, en effet, institué un nouvel article L. 1453-4 du Code du travail (N° Lexbase : L6233ISN) rédigé ainsi : "un défenseur syndical exerce des fonctions d'assistance ou de représentation devant les conseils de prud'hommes et les cours d'appel en matière prud'homale. Il est inscrit sur une liste arrêtée par l'autorité administrative sur proposition des organisations d'employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, national et multiprofessionnel ou dans au moins une branche, dans des conditions définies par décret".

Le décret d'application de ce texte législatif, qui aurait dû paraître au mois de mars 2016, a finalement été publié au Journal officiel n° 0167 du 20 juillet 2016.

Il s'agit du décret n° 2016-975 du 18 juillet 2016, relatif aux modalités d'établissement de listes, à l'exercice et à la formation des défenseurs syndicaux intervenant en matière prud'homale (N° Lexbase : L3694K9P).

Pour l'établissement de la liste, le texte prévoit que :

- la liste des défenseurs syndicaux est établie au niveau régional par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, sur proposition des organisations d'employeurs et de salariés mentionnées à l'article L. 1453-4 du Code du travail (C. trav., art. D. 1453-2-1, al. 1er N° Lexbase : L3783K9Y) ;

- la liste est arrêtée dans chaque région par le préfet de région et publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de région ; elle comporte notamment les nom, prénom, profession du défenseur, le nom de l'organisation syndicale ou professionnelle qui le propose et, au choix de cette organisation, les coordonnées de l'organisation ou celles des intéressés ; cette liste est tenue à la disposition du public à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, dans chaque conseil de prud'hommes et dans les cours d'appel de la région (C. trav., art. D. 1453-2-3 N° Lexbase : L3785K93) ;

- la liste est révisée tous les quatre ans avec possibilité de modification à tout moment si nécessaire à la demande des organisations syndicales ou de l'autorité administrative ; le texte prévoit que, sauf à justifier d'un motif légitime, l'absence d'exercice de la mission pendant une durée d'un an entraîne le retrait d'office de la liste des défenseurs syndicaux (C. trav., art. D. 1453-2-5 N° Lexbase : L3787K97).

Concernant l'exercice des fonctions de défenseur syndical, le décret dispose que les défenseurs syndicaux exercent leurs fonctions à titre gratuit (C. trav., art D. 1453-2-1, al. 2 N° Lexbase : L3783K9Y) et ce, sous peine de radiation d'office par le préfet de région (cf. C. trav., art. D. 1453-2-6 N° Lexbase : L3788K98). Le défenseur syndical peut être inscrit sur la liste de la région de son domicile ou du lieu d'exercice de leur activité professionnelle (C. trav., art. D. 1453-2-1, al. 3).

Enfin, concernant le champ territorial d'intervention du défenseur syndical, le texte édicte un article D. 1453-2-4 du Code du travail (N° Lexbase : L3786K94) qui prévoit :

- que l'inscription du défenseur syndical sur la liste permet l'exercice de la fonction de défenseur syndical dans le ressort des cours d'appel de la région à l'inverse donc de l'avocat qui ne pourra postuler que devant la cour d'appel dont dépend son barreau de rattachement ;

- que lorsqu'il aura assisté ou représenté la partie appelante ou intimée en première instance, le défenseur syndical pourra continuer à assister ou représenter celle-ci devant une cour d'appel qui a son siège dans une autre région, dérogation qui n'est pas prévue pour l'avocat.

II - Sur les modalités de la représentation

A compter du 1er août 2016, les parties au litige prud'homal auront l'obligation de se faire représenter devant la cour d'appel soit par un avocat, soit par un défenseur syndical qui devra être inscrit sur la liste susvisée.

  • Concernant l'avocat

Pour pouvoir postuler devant la cour d'appel dans le cadre d'un litige, l'avocat doit impérativement être inscrit à un barreau du ressort de la cour saisie.

L'article 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi dite "Macron", qui entrera en vigueur le 1er août 2016, prévoit que les avocats "peuvent postuler devant l'ensemble des tribunaux de grande instance du ressort de cour d'appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d'appel".

A priori, pour pouvoir représenter une partie devant la Chambre sociale de la cour d'appel dans le cadre d'un litige prud'homal, l'avocat devrait donc impérativement être inscrit à un barreau du ressort de la cour saisie.

Le système de multipostulation, institué par l'article 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ), au profit de certains barreaux ne devrait pas permettre de déroger à cette règle.

Il convient de rappeler que les avocats inscrits au barreau de l'un des tribunaux de grande instance de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre ne peuvent former une déclaration d'appel devant la cour d'appel de Paris que dans l'affaire pour laquelle ils ont postulé devant celui des tribunaux de grande instance de Paris, Bobigny ou Créteil qui a rendu la décision attaquée, ou devant la cour d'appel de Versailles dans l'affaire pour laquelle ils ont postulé devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

Pour l'application de ce texte, la Cour de cassation considère que "la postulation consiste à assurer la représentation obligatoire d'une partie devant une juridiction et qu'un avocat ne postule pas lorsque la représentation n'est pas obligatoire" (Cass. civ. 2, 28 janvier 2016, n° 14-29.185 N° Lexbase : A9588N4U).

Dès lors, l'avocat, qui assiste une partie devant un conseil des prud'hommes dépendant d'une cour extérieure au ressort de celle à laquelle son barreau est rattaché ne pourrait plus continuer à assurer seul la défense de son client en cause d'appel en matière prud'homale, y compris pour les barreaux bénéficiant du système de multipostulation et devrait, sous peine de nullité des actes qu'il pourrait régulariser (4), solliciter l'intervention d'un avocat postulant inscrit dans le ressort de la cour d'appel saisie.

L'état du droit semble toutefois devoir évoluer sur ce point puisque le Conseil national des barreaux précise, aux termes d'une fiche d'information technique diffusée à la profession le 27 juillet 2016, que "le ministère de la Justice a considéré que le régime de la postulation territoriale n'était pas applicable devant les cours d'appel statuant en matière prud'homale, y compris en Alsace-Moselle, dans la mesure notamment où il échappe au monopole général d'assistance et de représentation par avocat puisque le défenseur syndical peut exercer des fonctions d'assistance ou de représentation devant les conseils de prud'hommes et les cours d'appel en matière prud'homale'" (C. trav. nouvel art. L. 1453-4 N° Lexbase : L5961KGU - loi du 6 août 2015, art. 258).

  • Concernant le représentant syndical

L'originalité du système institué permet donc aux parties de se faire également représenter en cause d'appel par un défenseur syndical.

A l'inverse de l'avocat qui bénéficie d'un mandat ad litem, le défenseur syndical devra justifier d'un mandat spécial, les dispositions de l'article 416 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0432IT8) ne prévoyant aucune dispense le concernant.

La régularité de l'appel interjeté par le défenseur syndical sera donc conditionnée à la justification d'un pouvoir spécial de représentation pour interjeter appel dans l'intérêt d'un justiciable (salarié ou employeur). Ce pouvoir devra avoir été donné spécialement pour assurer la représentation de la partie dans le cadre du procès d'appel (Cass. soc., 23 septembre 2015, n° 14-16.304, F-D N° Lexbase : A8339NPK).

Il en ira de même pour la constitution régularisée par le défenseur syndical.

En l'état de la jurisprudence de la Cour de cassation, ce pouvoir spécial pourra être produit "jusqu'au moment où le juge statue" (Cass. soc., 26 mars 2014, n° 13-10.225, F-D N° Lexbase : A2498MID).

Si le défenseur syndical intervient pour la partie appelante, son pouvoir devra impérativement avoir être donné par le salarié ou l'employeur avant l'expiration du délai d'appel. A défaut, la nullité ou l'irrecevabilité de l'appel pourrait être encourue (même arrêt, Cass. soc. 26 mars 2014, 13-10.225, F-D).

La jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation devrait, néanmoins, évoluer pour intégrer les nouvelles règles résultant des dispositions de l'article 2241 du Code civil (N° Lexbase : L7181IA9), issues de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile (N° Lexbase : L9102H3I). En effet, l'alinéa 1er de cet article édicte que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. L'alinéa 2 de ce texte précise qu'il en est de même entre autres lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure. La Cour de cassation, saisie de l'application de ce texte, a précisé que l'article 2241 du Code civil ne distinguant pas dans son alinéa 2 entre le vice de forme et l'irrégularité de fond, l'assignation, même affectée d'un vice de fond produit un effet interruptif (Cass. civ. 2, 11 mars 2015, n° 14 -15.198, FS-P+B N° Lexbase : A3293NDC, Procédures, 2015, comm. 151, obs. Y. Strickler). Elle a également jugé que, dès lors que la déclaration d'appel est l'acte de saisine de la cour d'appel et que le délai d'appel est un délai de forclusion, l'article 2241, alinéa 2, du Code civil s'applique à la déclaration d'appel annulée sur le fondement de l'article 117 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1403H4Q) (Cass. civ. 2, 16 octobre 2014, n° 13-22.088, F-P+B N° Lexbase : A6522MY9, Bull. civ. II, n° 215).

Dans ces conditions, la régularisation d'un appel, formé par un défenseur syndical dépourvu de pouvoir régulier devrait pouvoir intervenir jusqu'à ce que le juge statue et ce conformément aux dispositions de l'article 121 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1412H43). Il devrait en être de même pour l'avocat qui aurait régularisé appel d'une décision par un conseil des prud'hommes dépendant d'une cour extérieure au ressort de celle à laquelle son barreau est rattaché.

Lorsque le défenseur syndical interviendra pour la partie intimée, pour éviter toute difficulté, le pouvoir spécial devra être donné antérieurement à la régularisation de sa constitution et au plus tard au dépôt de ses conclusions d'intimé. L'irrégularité de sa constitution et, par ricochet, de ses écritures pourrait conduire au prononcé de l'irrecevabilité prévue par l'article 909 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0163IPQ), ce qui aurait pour effet d'empêcher son mandant de faire valoir toute demande et toute défense en cause d'appel...

III - Sur les modalités des échanges dans le cadre de la procédure devant les chambres sociales

  • Concernant l'avocat

L'assujettissement de la procédure d'appel à la procédure contentieuse avec représentation obligatoire entraîne l'application des articles 930-1 (N° Lexbase : L0362ITL) et 930-2  (N° Lexbase : L2619K8I) du Code de procédure civile.

Le premier de ces textes impose aux avocats d'adresser tous les actes à la juridiction d'appel par voie électronique et ce, à peine d'irrecevabilité relevée d'office.

Le texte prévoit également que "les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l'expéditeur. Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe. En ce cas, la déclaration d'appel est remise au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué".

De la régularisation de l'acte d'appel au prononcé de l'arrêt, l'avocat sera donc obligé d'adresser chacun de ses actes par voie électronique via le portail RPVA que ce soit à la cour d'appel ou à l'avocat constitué pour l'autre partie.

En l'état des paramétrages actuels du RPVA et du RPVJ, cette transmission par voie électronique ne sera pas possible pour l'avocat qui interviendrait devant une cour d'appel autre que celle du ressort dans lequel est établi son domicile professionnel s'il est admis qu'il puisse postuler seul comme cela est annoncé.

Le Conseil national des barreaux préconise alors de faire appel au dispositif prévu à l'article 930-1, alinéa 2 du Code de procédure civile selon lequel "lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe" et indique avoir

"engagé des discussions avec le ministère de la Justice afin de dégager les solutions techniques qui permettront, à terme, d'ouvrir la communication électronique au niveau national pour l'accomplissement des actes de procédure devant l'ensemble des chambres sociales des cours d'appel".

En attendant la mise en place de ces solutions techniques, l'avocat qui interviendrait devant une cour d'appel autre que celle du ressort dans lequel est établi son domicile professionnel devra donc, d'une part, se ménager la preuve d'une impossibilité de transmission de l'acte par voie électronique pour une cause qui lui est étrangère et, d'autre part, remettre au greffe, dans le délai d'appel ou le délai imparti pour conclure, les actes établis sur support papier.

Cette remise devra intervenir dans le respect des modalités prévues par les articles 930-1, alinéa 2, et 966 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1085H4X) :

-remise de la déclaration d'appel en autant d'exemplaires que de parties destinataires, plus deux, sur lesquels le greffier mentionnera la date et portera son visa avant d'en restituer immédiatement un exemplaire,

-remise des autres actes en deux exemplaires constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie, ainsi que sur l'original qui est immédiatement restitué.

Se pose néanmoins la question des modalités d'envoi au greffe, étant observé qu'il ne sera plus possible d'interjeter appel par pli recommandé -comme le permet actuellement l'article 932 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1007H43) en matière de procédure sans représentation obligatoire, et que la Cour de cassation considère comme irrecevables les recours formés par lettre recommandée lorsque les textes applicables prévoient une déclaration au greffe (cf. par exemple : Cass. com., 29 avril 2014, n° 12-20.988, F-D N° Lexbase : A7009MKS pour une tierce opposition formée par LRAR contre une décision rendue en matière de redressement judiciaire collectives).

A priori, un déplacement physique au greffe s'imposera.

Sous réserve de cette situation particulière, le recours au papier sera désormais totalement interdit à l'avocat sauf :

- lorsque l'intimé n'aura pas constitué un représentant en cause d'appel ; il faudra alors lui dénoncer la déclaration d'appel (C. pr. civ., art. 902 N° Lexbase : L0377IT7) et les conclusions (C. pr. civ., art. 911 N° Lexbase : L0351IT8) par voie d'huissier de justice ;

- ou lorsque son contradicteur sera un défenseur syndical qui, n'étant pas avocat, n'aura pas accès au réseau RPVA.

Dans l'un et l'autre cas, la copie de l'acte qui aura été délivré par voie papier à son destinataire devra être transmise à la cour par voie électronique.

En présence d'un défenseur syndical régulièrement constitué dans le procès d'appel, l'avocat devra obligatoirement lui notifier tous ses actes. En effet, l'article R. 1461-1 du Code du travail dispose en son alinéa 2 que : "les actes de cette procédure d'appel qui sont mis à la charge de l'avocat sont valablement accomplis par la personne mentionnée au 2° de l'article R. 1453-2 (N° Lexbase : L2640K8B). De même, ceux destinés à l'avocat sont valablement accomplis auprès de la personne précitée" (5).

Le décret ne comporte aucune disposition concernant la forme de la notification des actes destinés au défenseur syndical.

L'article 961 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0350IT7) prévoit que, devant la cour d'appel, "les conclusions des parties sont signées par leur avocat et notifiées dans la forme des notifications entre avocats", c'est-à-dire soit par signification, soit par notification directe laquelle suppose la remise de l'acte en double exemplaire à son destinataire qui restitue aussitôt à son contradicteur l'un des exemplaires après l'avoir daté et visé (C. proc. civ., art. 671 N° Lexbase : L6854H7Y et s.).

Une interprétation stricte de l'article R. 1461-1 du Code du travail implique donc une notification des actes au défenseur syndical dans les mêmes conditions de forme que les notifications entre avocats.

La notification des conclusions au défendeur syndical devant intervenir dans le délai de leur remise au greffe (C. pr. civ., art. 911), soit dans les délais requis par les articles 908 (N° Lexbase : L0162IPP), 909 (N° Lexbase : L0163IPQ) et 910 (N° Lexbase : L0412IGD), et les conclusions devant être remises au greffe avec la justification de leur notification (C. pr. civ., art. 906, alinéa 2 N° Lexbase : L0367ITR), il sera nécessaire d'anticiper l'expiration du délai afin de pouvoir justifier en temps utile de la notification des écritures.

Au regard de l'état des textes régissant les notifications, la notification directe ne restant prévue qu'entre avocats par l'article 673 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6856H73), il nous semble judicieux de préconiser un échange entre l'avocat et le défenseur syndical par voie de signification par huissier de justice. La signification ayant date certaine, l'avocat pourra justifier que sa délivrance est intervenue dans les délais requis par les articles 908, 909 et 910 du Code de procédure civile.

S'agissant de la communication des pièces, elle pourra être effectuée selon les modalités prévues par l'article 961, alinéa 2, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0350IT7) et il conviendra de solliciter du défenseur syndical l'apposition de sa signature et de la date sur le bordereau de communication de pièces.

  • Concernant le défenseur syndical

Le défenseur syndical n'ayant pas accès au réseau RPVA, l'obligation de procéder par voie dématérialisée ne lui est pas applicable.

L'article 930-2 du Code de procédure civile édicte que : "les dispositions de l'article 930-1 ne sont pas applicables au défenseur syndical "

L'alinéa suivant prévoit donc que "les actes de procédure effectués par le défenseur syndical peuvent être établis sur support papier et remis au greffe"

Concernant plus spécifiquement l'acte d'appel régularisé par le défenseur syndical, le même article prévoit que "la déclaration d'appel est remise au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué".

Le texte ne prévoit pas de sanction.

Le défenseur syndical devra donc notifier tous ses actes de procédure, de la constitution à la régularisation des conclusions, par voie papier à l'avocat de la partie adverse ou à cette dernière si elle n'a pas constitué.

Pour les mêmes raisons que celles exposées pour l'avocat, et sous les mêmes réserves, cette notification devra être régularisée soit par voie d'huissier, soit par notification directe.

Le défenseur syndical aura également l'obligation de déposer à la cour d'appel sous forme papier les actes délivrés dans les délais requis.

Cette dualité de représentation combinée avec la technicité du procès d'appel sera sans nul doute à l'origine de difficultés importantes d'application qui donneront lieu à de multiples incidents.

Il est regrettable que cette réforme n'ait pas été suivie d'un minimum d'adaptation des dispositions réglementaires actuellement en vigueur à la particularité de la situation et de la matière prud'homale.


(1) L'article 46 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 dispose que : "le 1° de l'article 10 et les articles 28 à 30 sont applicables aux instances et appels introduits à compter du 1er août 2016".
(2) L'appel des décisions rendues par les tribunaux de l'incapacité ou les tribunaux des affaires de Sécurité sociale reste soumis à la procédure sans représentation obligatoire.
(3) Ce texte dispose que : "il est institué un droit d'un montant de 225 euros dû par les parties à l'instance d'appel lorsque la constitution d'avocat est obligatoire devant la cour d'appel. Le droit est acquitté par l'avocat postulant pour le compte de son client soit par voie de timbres mobiles, soit par voie électronique. Il n'est pas dû par la partie bénéficiaire de l'aide juridictionnelle. Le produit de ce droit est affecté au fonds d'indemnisation de la profession d'avoués près les cours d'appel. Ce droit est perçu jusqu'au 31 décembre 2026. Les modalités de perception et les justifications de l'acquittement de ce droit sont fixées par décret en Conseil d'Etat".
(4) La constitution d'un avocat non habilité à représenter en justice une partie devant une juridiction déterminée est une cause de nullité affectant au fond les actes accomplis devant cette juridiction (C. pr. civ., art. 117, dernier alinéa N° Lexbase : L1403H4Q).
(5) Cet article constitue une déclinaison de l'article 652 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6815H7K) qui prévoit que : "lorsqu'une partie a chargé une personne de la représenter en justice, les actes qui lui sont destinés sont notifiés à son représentant sous réserve des règles particulières à la notification des jugements".

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