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N3173BWG
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par Mathieu Disant, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Lyon Saint-Etienne
le 16 Juin 2016
I - Champ d'application
A - Normes contrôlées dans le cadre de la QPC
1 - Disposition n'ayant pas déjà été déclarée conforme à la Constitution
La jurisprudence récente du Conseil constitutionnel, qui a changé le prisme de son contrôle et de son intensité sur le cumul des poursuites au regard du principe de nécessité des délits et des peines, est regardée comme un changement de circonstances de droit. Ainsi, la Chambre criminelle de la Cour de cassation renvoie deux QPC visant les articles 1729 (N° Lexbase : L4733ICB) et 1741 (N° Lexbase : L9491IY8) du CGI (Cass. crim., 30 mars 2016, n° 16-90.001, FS-P+B+I [LXB= A5104RAB] et n° 16-90.005, FS-P+B N° Lexbase : A1597RBR), déjà jugés conforme à la Constitution (1). Ces articles sont renvoyés en ce qu'ils autorisent, à l'encontre de la même personne et en raison des mêmes faits, le cumul de procédures ou de sanctions pénales et fiscales, sujet sur lequel le Conseil constitutionnel a livré, sur le fondement des principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1372A9P), un nouveau cadre dans ses décisions n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC (N° Lexbase : A7983NDZ) du 18 mars 2015 et n° 2015-513/514/526 QPC du 14 janvier 2016 (N° Lexbase : A5893N3N).
2 - Applicabilité d'une disposition législative au litige
Il est jugé qu'une disposition relative à l'assiette ou au calcul d'une imposition ne peut être regardée comme étant applicable au litige ou à la procédure, au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, dans un litige relatif au recouvrement de cette imposition (CE, 7 mars 2016, n° 392035 N° Lexbase : A2226QY4). Au cas présent, les dispositions de l'article 1384 C du CGI (N° Lexbase : L9850HLE) qui régissent l'assiette et le calcul de la taxe foncière sur les propriétés bâties ne sont pas applicables au litige relatif au recouvrement de cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties.
Les dispositions législatives ayant pour objet de fixer les modalités par lesquelles les communes désignent leurs conseillers communautaires au sein de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale qu'elles rejoignent, ne sont pas applicables au litige tendant à faire annuler les textes fixant le périmètre et les compétences de l'établissement public de coopération intercommunale (CE, 10 février 2016, n° 395587 N° Lexbase : A6254PKT).
B - Normes constitutionnelles invocables - Droits et libertés collectifs
Dans la décision n° 2015-519 QPC du 3 février 2016 (N° Lexbase : A4422PAZ), le Conseil constitutionnel s'est prononcé expressément, et par la négative, sur la question de l'applicabilité des dispositions des sixième et huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 aux organisations professionnelles d'employeurs. Il avait jusqu'alors jugé que les exigences du huitième alinéa du Préambule de 1946, qui consacre un droit aux travailleurs par l'intermédiaire de leurs délégués à la participation à la détermination collective de leurs conditions de travail, ne s'appliquent pas aux seuls salariés. Dans la décision n° 2015-519 QPC, il retient que cette disposition "ne confère aucun droit équivalent au bénéfice des employeurs".
II - Procédure devant les juridictions ordinaires
A - Instruction de la question devant les juridictions ordinaires et suprêmes
1 - Introduction de la requête
Les requérants constitués partie civiles à l'encontre d'un prévenu n'ont pas la qualité à soulever l'inconstitutionnalité du texte d'incrimination. Il en est jugé ainsi par la Chambre criminelle de la Cour de cassation à l'encontre d'un grief arguant de l'atteinte à la liberté d'expression du prévenu exerçant les fonctions de parlementaire (Cass. crim., 26 janvier 2016, n° 15-86.600, F-D N° Lexbase : A3414N7L).
2 - Présentation de la requête
Les articles 23-4 et suivants de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 fixent des exigences du mémoire distinct et motivé en QPC.
Bien entendu, est irrecevable la question posée qui n'invoque, à l'encontre de la disposition législative contestée, la violation d'aucune disposition, règle ou principe à valeur constitutionnelle (voir ainsi, par exemple, Cass. crim., 10 mars 2016, n° 16-40.002, F-D N° Lexbase : A1703Q79 à 16-40.009). Surtout, la question doit expliciter en quoi la disposition contestée porte atteinte aux principes constitutionnels invoqués. A défaut, la Cour n'est pas en mesure de vérifier le sens et la portée de la QPC, ce qui conduit à l'irrecevabilité (Cass. soc. 24 mars 2016, n° 16-40.001, FS-P+B N° Lexbase : A3685RAQ). Il en va de même lorsque aucun grief précis n'est articulé par le requérant (Cass. crim. 13 janvier 2016, n° 15-81.466, F-D N° Lexbase : A9361N34). A cet égard, une question qui invoque "la violation des principes de la responsabilité civile consacrés par notre bloc de constitutionnalité" n'apparaît pas suffisamment précise pour répondre aux exigences de motivation (Cass. soc., 17 février 2016, n° 15-40.042, FS-P+B N° Lexbase : A3342Q8B). Il faut ici le rappeler, le requérant doit déterminer les droits et libertés garantis par la Constitution auxquels les dispositions législatives critiquées porteraient atteinte.
En outre, aux termes de l'article 590 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3974AZ9), aucun mémoire additionnel ne peut être joint postérieurement au dépôt de son rapport par le conseiller désigné. Il en va de même du mémoire distinct et motivé prévu par l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 en QPC. Est ainsi irrecevable le mémoire postérieur au dépôt du rapport par le conseiller désigné (Cass., crim., 23 mars 2016, n° 14-88.507, FS-D N° Lexbase : A3552RAS).
3 - Modalités d'examen de la question
La procédure et les modalités d'examen de la QPC connaissent d'utiles précisions ou confirmations.
Le Conseil d'Etat a jugé que, "s'il ne résulte pas des dispositions de l'article R. 771-5 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L5752IG7) que les observations formulées par les autres parties au litige doivent à peine d'irrégularité être communiquées à la partie qui a soulevé la question prioritaire de constitutionnalité, le principe du caractère contradictoire de la procédure interdit au juge administratif saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité de se fonder sur des éléments invoqués par une partie qui n'auraient pas été soumis au débat contradictoire" (CE, 12 février 2016, n° 393700, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0471PLZ). L'obligation de ne se fonder que sur des éléments soumis au contradictoire s'oppose, en l'espèce, à ce qu'une ordonnance de refus de transmission d'une QPC s'appuie sur des éléments invoqués dans des observations qui n'ont pas été transmises au requérant avant la lecture de ladite ordonnance.
La question posée peut être "reformulée" par le juge à l'effet de la rendre plus claire ou de lui restituer son exacte qualification. Toutefois, il n'appartient pas au juge de la modifier. Dans une telle hypothèse, il y a lieu de considérer que la Cour de cassation est régulièrement saisie et se prononce sur le renvoi de la QPC telle qu'elle a été soulevée dans le mémoire distinct produit devant la juridiction qui la lui a transmise (Cass. soc., 17 février 2016, n° 15-40.042, FS-P+B N° Lexbase : A3342Q8B).
Il n'est pas permis de présenter pour la première fois devant le Conseil d'Etat des motifs d'inconstitutionnalité qui n'ont pas été soumis au tribunal administratif lorsque le Conseil d'Etat est saisi d'un jugement de transmission d'une QPC tirée de la méconnaissance d'autres dispositions ou principes constitutionnels (voir pour rappel, CE, 12 février 2016, n° 395041 N° Lexbase : A0474PL7). Cette solution est valable pour les intervenants, "hormis le cas où il établirait les avoir soumis à la juridiction qui a différé sa décision" (CE, 10 février 2016, n° 395587 N° Lexbase : A6254PKT).
Par ailleurs, alors qu'une cour administrative d'appel refuse de transmettre une QPC comme ne présentant pas de caractère sérieux, le Conseil d'Etat, saisi d'une demande en annulation du refus de transmission, substitue le motif de non-renvoi par un défaut de nature législative des dispositions contestées (ordonnance non ratifiée) (CE, 15 février 2016, n° 392083 N° Lexbase : A1037PLY).
Devant les juridictions relevant de la Cour de cassation, lorsque le ministère public n'est pas partie à l'instance, l'affaire lui est communiquée dès que le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé afin qu'il puisse faire connaître son avis. Cette formalité est d'ordre public (Cass. civ 1, 31 mars 2016, n° 16-40.011, F-D N° Lexbase : A1525RB4).
B - Notion de "question nouvelle"
Est jugée nouvelle la question qui soutient que le législateur (loi n° 55-385 du 3 avril 1955, relative à l'état d'urgence, art. 8 N° Lexbase : L6821KQP) ne pouvait prévoir un dispositif d'interdiction administrative de réunion dans le cadre de l'état d'urgence, sans l'assortir de garanties appropriées au regard notamment des exigences tenant à la protection du droit d'expression collective des idées et des opinions (CE, 15 janvier 2016, n° 395091 N° Lexbase : A9571N3U).
III - Procédure devant le Conseil constitutionnel
A - Interventions devant le Conseil constitutionnel
La période examinée confirme la récurrence des interventions devant le Conseil constitutionnel.
Ainsi, par exemple, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) et l'Association pour la neutralité de l'enseignement de l'histoire turque dans les programmes scolaires (ANEHTPS) sont intervenus au soutien de la constitutionnalité de la disposition contestée dans l'affaire n° 2015-512 QPC du 8 janvier 2016 (N° Lexbase : A3942N3E). Dans cette même affaire, plusieurs personnes physiques sont intervenues au soutien de la QPC.
Plusieurs personnes ont été admises à intervenir dans la décision n° 2015-515 QPC du 14 janvier 2016 (N° Lexbase : A5894N3P). Les intervenants se trouvaient dans la même situation que le requérant : le bénéfice de l'abattement pour durée de détention leur avait été refusé pour des compléments de prix perçus à compter du 1er janvier 2013 se rattachant à des cessions dont la plus-value avait été soumise à l'impôt sur le revenu au taux proportionnel, applicable jusqu'au 31 décembre 2012.
De nombreuses interventions sont également à signaler dans une décision relative à la police des réunions et des lieux publics dans le cadre de l'état d'urgence (Cons const., décision n° 2016-535 QPC du 18 février 2016 N° Lexbase : A9138PLZ) et dans une autre affaire concernant les perquisitions et saisies administratives dans le cadre de l'état d'urgence (Cons const., décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016 N° Lexbase : A9145PLB).
B - Champ de la saisine
Faute pour la juridiction de transmission de préciser dans quelle rédaction est renvoyé le texte contesté en QPC, alors que celui-ci a connu des rédactions successives, il revient au Conseil constitutionnel de déterminer celle des versions dont il est saisi. Pour cela, il lui est nécessaire d'examiner le litige à l'occasion duquel la QPC a été posée (2). Cette identification a été réalisée dans la décision n° 2015-520 QPC du 3 février 2016 (N° Lexbase : A4423PA3) en tenant compte de la version en vigueur applicable à l'objet du litige.
C - La décision du Conseil constitutionnel et ses effets
1 - Autorité des décisions du Conseil constitutionnel
Dans la décision n° 2015-513/514/526 QPC du 14 janvier 2016 (N° Lexbase : A5893N3N), le Conseil constitutionnel retient, sur le fondement des dispositions de l'article 62, alinéa 3, de la Constitution (N° Lexbase : L0891AHH), que "l'autorité qui s'attache aux décisions du Conseil constitutionnel fait obstacle à ce qu'il soit saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition déclarée contraire à la Constitution, sauf changement de circonstances". Le Conseil constitutionnel prend ainsi en considération un changement de circonstances pour déterminer les conséquences qui doivent être tirées, au regard de l'autorité qui s'attache à ses décisions, lorsqu'est contestée la constitutionnalité d'une disposition antérieure ou postérieure identique à une disposition déjà déclarée inconstitutionnelle. Il est désormais clairement établi qu'un changement de circonstances peut justifier qu'une disposition un temps inconstitutionnelle ne le soit plus. La portée de l'inconstitutionnalité se trouve conditionnée à la démonstration d'une identité du contexte normatif alors en vigueur (3). De sorte qu'il convient de prendre en compte les dispositions qui se combinent avec chaque disposition contestée pour apprécier si elles encourent les mêmes griefs, et, le cas échéant, considérer qu'elles ont déjà été déclarées contraire à la constitution.
Le cas d'espèce est éclairant.
S'agissant de la rédaction antérieure à celle censurée (par la décision n° 2015-462 QPC du 18 mars 2015), elle comprend des dispositions substantiellement différentes de celles prises en compte pour apprécier la constitutionnalité. Les sanctions du manquement d'initié telles qu'elles en résultent sont plus basses, ce que Conseil constitutionnel qualifie de changement de circonstances.
S'agissant des rédactions postérieures à la décision n° 2015-462 QPC du 18 mars 2015, le Conseil constate que l'état du droit applicable à la poursuite de l'initié reste similaire. Les paramètres étaient les suivants : un même fait pouvait être qualifié de manquement d'initié ou de délit d'initié, ces qualifications protégeaient les mêmes intérêts sociaux, ces deux répressions aboutissaient au prononcé de sanctions de même nature prononcées par le même ordre de juridiction, de sorte que n'était pas modifiée la portée des dispositions au regard de l'appréciation réalisée par le Conseil. L'équilibre de l'examen de constitutionnalité n'était donc pas affecté.
1 - Effets dans le temps
a) Application immédiate aux instances en cours
Dans la décision n° 2015-516 QPC du 15 janvier 2016 (N° Lexbase : A7205N3A) concernant l'incompatibilité de l'exercice de l'activité de conducteur de taxi avec celle de conducteur de VTC, le Conseil constitutionnel a considéré qu'en instituant cette incompatibilité, "le législateur a porté à la liberté d'entreprendre, une atteinte qui n'est justifiée ni par les objectifs qu'il s'est assignés ni par aucun autre motif d'intérêt général". Il a jugé que cette déclaration d'inconstitutionnalité est d'application immédiate. Selon les termes consacrés, elle "prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision" et "peut être invoquée dans toutes les instances introduites à la date de la publication de la présente décision et non jugées définitivement à cette date".
La même solution a été adoptée dans la décision n° 2015-524 QPC du 2 mars 2016 (N° Lexbase : A7974QDP) concernant le gel administratif des avoirs, et dans la décision n° 2015-530 QPC du 23 mars 2016 (N° Lexbase : A6042Q8B) relative aux modalités d'appréciation de la condition de nationalité française pour le bénéfice du droit à pension en cas de dommage physique du fait d'attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les évènements de la guerre d'Algérie.
Il en est jugé de même s'agissant des effets dans le temps d'une décision de censure d'une loi de validation dans la décision n° 2015-522 QPC du 19 février 2016 (N° Lexbase : A9132PLS). Par conséquent, le bénéfice de la censure est limité aux personnes qui sont dans la même situation que la requérante. Le commentaire officiel sous cette décision s'efforce de le préciser expressément.
Le choix de l'application immédiate est fait dans la décision n° 2015-523 QPC du 2 mars 2016 (N° Lexbase : A7973QDN). La déclaration d'inconstitutionnalité porte sur les mots "dès lors que la rupture du contrat de travail n'a pas été provoquée par la faute lourde du salarié" figurant au deuxième alinéa de l'article L. 3141-26 du Code du travail (N° Lexbase : L9014K4M). En permettant à tous les salariés licenciés pour faute lourde de conserver le bénéfice de leur indemnité compensatrice de congé payé, la censure prononcée par le Conseil constitutionnel suffisait à mettre fin à l'atteinte au principe d'égalité constatée. Là encore, pas souci de clarté, le commentaire officiel de la décision précise les modalités d'application de la censure : le bénéfice de la censure concernera les personnes qui, postérieurement à la date de publication de la décision, seront licenciées pour faute lourde, de même que les personnes qui, licenciées antérieurement à cette date, ont engagé une procédure contentieuse non définitivement close à la date de la présente décision ou engageront une telle procédure. En revanche, seront exclues du bénéfice de la censure toutes les personnes licenciées pour faute lourde qui ont engagé une procédure contentieuse close définitivement avant la publication de la décision et celles licenciées pour faute lourde qui seraient, à cette même date, hors délai pour introduire une requête.
Dans une situation particulière, l'effet immédiat s'est imposé dans la décision n° 2015-520 QPC du 3 février 2016 (N° Lexbase : A4423PA3). Le Conseil constitutionnel a pris en considération le fait qu'à l'inverse d'une rupture du principe d'égalité résultant de la discrimination entre deux régimes législatifs dont l'un comme l'autre seraient tout aussi constitutionnels (cas dans lequel le Conseil constitutionnel, qui ne saurait choisir à la place du législateur lequel des deux régimes il entend privilégier, prévoit une censure à effet différé), la rupture du principe d'égalité résulte d'une discrimination entre deux situations dont l'une est imposée par l'exigence de transposition des directives communautaires. Dès lors, seul le régime applicable hors du champ de transposition de la Directive 90/435/CE du 23 juillet 1990 (N° Lexbase : L7669AUL) pouvait être censuré, et il devait donc l'être à effet immédiat.
b) Report dans le temps des effets de la décision
Dans la décision n° 2015-511 QPC du 7 janvier 2016 (N° Lexbase : A3941N3D), à propos des décisions de la commission spécialisée composée d'éditeurs en matière de distribution de presse, le Conseil constitutionnel a considéré que l'abrogation immédiate aurait pour effet de faire disparaître des dispositions contribuant à la mise en oeuvre de l'objectif de valeur constitutionnelle de pluralisme et d'indépendance des quotidiens d'information politique et générale. Afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il a reporté la date de cette abrogation au 31 décembre 2016.
3 - Articulation avec le contrôle communautaire de la loi et rapports de systèmes
La décision n° 2015-520 QPC du 3 février 2016 (N° Lexbase : A4423PA3) présente un intérêt particulier à plusieurs égards.
Elle met en lumière une articulation originale avec le terrain du contrôle communautaire dans le cas d'une "transposition par anticipation" qui concerne des textes régissant des situations communautaires et des situations purement internes.
On sait que le Conseil constitutionnel se refuse à contrôler les dispositions législatives (ici le régime des sociétés mères pour les distributions transfrontalières intra-communautaires) qui transposent des dispositions inconditionnelles et précises d'une Directive et ne mettent en cause aucune règle ni aucun principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France. Dans la mesure où l'interprétation neutralisante retenue par le juge ordinaire confère aux dispositions contestées une telle portée, le Conseil constitutionnel considère dans la décision rapportée qu'il n'a pas à contrôler les effets donnés aux dispositions contestées par cette interprétation.
En revanche, dans la mesure où les dispositions contestées s'appliquent à des situations placées hors du champ de la transposition de la Directive, il y a lieu pour le Conseil constitutionnel de statuer sur la QPC. Au cas d'espèce, le Conseil constitutionnel contrôle ces dispositions lorsqu'elles sont appliquées aux distributions internes et aux distributions transfrontalières extra-communautaires.
Dans ce dernier cas, dans le cadre du contrôle de ces dispositions par rapport au principe d'égalité, le Conseil constitutionnel a pris en considération le régime applicable aux distributions transfrontalières intra-communautaires résultant de l'interprétation neutralisante retenue par le Conseil d'Etat. Autrement dit, il admet de confronter les dispositions contestées, relatives aux dividendes provenant de filiales françaises ou extra-communautaires, avec la réduction du champ d'application de ces dispositions résultant de l'interprétation neutralisante du juge s'agissant de leur application aux situations régies par la Directive. Le Conseil constitutionnel a donc accepté de contrôler -et en l'espèce de censurer !- au regard du principe d'égalité un régime juridique résultant de la volonté du législateur national et un régime juridique découlant de l'application du droit communautaire.
Cette décision devrait faire date dans la mesure où elle permet de contester les discriminations à rebours, ce qui ouvre un champ nouveau dans le contrôle juridictionnel de l'impôt et constitue un outil contentieux en devenir.
Il s'agit aussi d'une lecture utile des rapports de systèmes. Comme l'indique le commentaire officiel, "la différence avec la situation dans laquelle c'est le droit interne lui-même qui fixe deux règles différentes peut n'apparaître qu'optique". Ce sont les dispositions contestées, par le défaut de transposition qu'elles contiennent, qui suscitent l'intervention du juge ordinaire national, tenu par l'interprétation conforme s'agissant des situations communautaires, laquelle conduit à la discrimination censurée par le juge constitutionnel.
(1) Cons. const., décisions n°s 2010-103 QPC du 17 mars 2011 (N° Lexbase : A8912HC3) et 2013-679 DC du 4 décembre 2013 (N° Lexbase : A5483KQ7).
(2) Par ex. Cons. const., décision n° 2014-456 QPC du 6 mars 2015 (N° Lexbase : A7735NCH).
(3) Voir nos obs. sous cette décision à paraître dans la revue Constitutions, Dalloz, 2016, n° 2.
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