Réf. : Cass. soc., 2 décembre 2009, n° 08-44.656, Mme Sylvie Muller, F-D (N° Lexbase : A3541EPT)
Lecture: 6 min
N9684BMM
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Fany Lalanne, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale
le 07 Octobre 2010
Résumé La cour d'appel a retenu, à bon droit, qu'en cas d'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé, la rupture du contrat de travail ne comporte pas de préavis et décidé que l'indemnité de licenciement devait être calculée en tenant compte de l'ancienneté acquise par le salarié à la date de la rupture. |
La convention de reclassement personnalisé est régie par les articles L. 1233-65 (N° Lexbase : L1247H93) et suivants du Code du travail.
Ainsi, dans les entreprises non soumises à l'obligation de proposer le congé de reclassement prévu à l'article L. 1233-71 du Code du travail (N° Lexbase : L1258H9H), c'est-à-dire essentiellement les entreprises de moins de 1 000 salariés, l'employeur envisageant de licencier pour motif économique doit proposer aux salariés concernés une convention de reclassement personnalisé, d'une durée maximale de 12 mois. Le salarié a le choix de refuser cette convention. S'il l'accepte, son contrat de travail est rompu et il bénéficie d'actions de soutien psychologique, d'orientation, d'accompagnement, d'évaluation des compétences professionnelles et de formation destinées à favoriser son reclassement. Il bénéficie également, sous réserve d'avoir deux ans d'ancienneté, d'une allocation spécifique de reclassement et, sous certaines conditions, d'une indemnité différentielle de reclassement.
Il faut ici préciser que ces dispositions s'appliquent aux salariés compris dans une procédure de licenciement pour motif économique engagée à compter du 1er avril 2009. Pour les salariés compris dans une procédure de licenciement pour motif économique engagée avant cette date, les dispositions applicables relèvent de la convention du 18 janvier 2006. Notons, cependant, que seule la durée de la convention change, puisqu'elle était auparavant de 8 mois.
L'article L. 1233-67 du Code du travail (N° Lexbase : L1251H99) retient, quant à lui, -et c'est ici ce qui nous intéresse- que, si le salarié accepte la convention de reclassement personnalisé, le contrat de travail est réputé rompu du commun accord des parties. Cette rupture du contrat de travail, qui ne comporte ni préavis, ni indemnité de préavis, ouvre droit à l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 (N° Lexbase : L8135IAK), ainsi que, le cas échéant, au solde de ce qu'aurait été l'indemnité de préavis si elle avait correspondu à une durée supérieure à deux mois.
C'est précisément sur cette indemnité de licenciement que portait l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 2 décembre 2009. Rappelons, à cet égard, que le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement, dont les modalités de calcul sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail (C. trav., art. L. 1234-9). La jurisprudence précise que le droit à l'indemnité légale de licenciement s'apprécie, sauf clause expresse contraire, au jour de la notification de la rupture du contrat de travail (4) et naît donc au jour de l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant la rupture (5). En revanche, pour déterminer le montant de l'indemnité de licenciement, l'ancienneté du salarié dans l'entreprise s'apprécie à la date d'expiration normale du préavis, qu'il soit ou non exécuté (6).
Dans l'affaire soumise à examen, une salariée, engagée le 27 décembre 2005 en qualité de vendeuse, a adhéré, le 30 janvier 2007, à une convention de reclassement personnalisé proposée par son employeur après un entretien préalable à un licenciement pour motif économique. Elle fait grief à l'arrêt de limiter le montant de l'indemnité de licenciement, alors, selon le moyen, que le salarié qui accepte la convention de reclassement personnalisé reçoit l'indemnité de licenciement, qui doit nécessairement prendre en compte la durée du préavis non effectué. En jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-9 (N° Lexbase : L8135IAK) et L. 1233-67 (N° Lexbase : L1251H99) du Code du travail.
La question posée à la Cour de cassation était donc inédite : l'indemnité de licenciement versée au salarié ayant accepté une convention de reclassement personnalisé doit-elle prendre en compte la durée du préavis ? Sachant que, comme souligné précédemment, l'article L. 1233-67 du Code du travail prévoit que la convention de reclassement personnalisé n'emporte pas de préavis.
La réponse apportée par la Cour régulatrice est sans ambiguïté et, somme toute, assez logique : en cas d'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé, l'indemnité de licenciement doit être calculée en tenant compte de l'ancienneté acquise par le salarié à la date de la rupture. Autrement dit, la durée du préavis n'a pas à être prise en compte dans le calcul de l'indemnité de licenciement.
Le calcul de l'indemnité de licenciement due en cas d'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé n'obéirait donc pas aux mêmes règles que celles régissant une procédure de licenciement économique. Si elle prend en compte l'ancienneté du salarié, c'est d'une façon tout à fait particulière, puisqu'au moment de la rupture du contrat de travail, sans prendre en compte la date de fin du préavis, alors que, dans la plupart des hypothèses, la date de rupture du contrat de travail s'apprécie à la date de fin du préavis, peu important que celui-ci ait été effectué ou non.
Or, le contrat de travail est, désormais, réputé rompu d'un commun accord au terme du délai de réflexion de 21 jours calendaires (7). Il s'agit d'un délai préfix : si le salarié accepte la convention de reclassement personnalisé après 10 jours, le contrat de travail ne sera rompu qu'au terme du délai de 21 jours. Dès lors, pour le calcul de l'indemnité de licenciement en cas d'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé, son ancienneté doit s'arrêter au jour de l'expiration du délai de réflexion de 21 jours.
Si la solution est logique, remarquons, cependant, que la même Cour de cassation avait adopté la solution inverse concernant les indemnités de rupture des anciennes conventions de conversion, dispositif aujourd'hui disparu dont se sont largement inspirées les actuelles conventions de reclassement personnalisé (8). Peut-être, serait-il souhaitable que cet arrêt, rendu en formation restreinte, soit confirmé dans les mois à venir dans un arrêt promis aux honneurs de la publication.
(1) Cass. soc., 15 décembre 2009, n° 08-11.346 à 08-11.348, n° 08-15.222, n° 08-16.756 et n° 08-16.757, jonction, Groupement des Assedic de la région parisienne (Garp) c/ Société Imprimerie nationale, FS-P+B (N° Lexbase : A7096EPI) et les obs. de G. Auzero, Date d'entrée en vigueur des dispositions légales instituant la convention de reclassement personnalisé, Lexbase Hebdo n° 378 du 14 janvier 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N9520BMK).
(2) Cass. soc., 15 décembre 2009, n° 08-11.346 à 08-11.348, n° 08-15.222, n° 08-16.756 et n° 08-16.757, préc..
(3) Cass. soc., 30 mars 2005, n° 03-42.667, M. Gérald Harpin c/ M. Emmanuel Malfaisan, F-P+B (N° Lexbase : A4533DHD) et les obs. de S. Martin-Cuenot, Requalification du CDD, hypothèses et indemnités : nouvel acte, Lexbase Hebdo n° 163 du 14 avril 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N3009AIB).
(4) Cass. soc., 25 novembre 1997, n° 94-45.010, Société Gymnasium Franchise c/ M. Le Goascoz et autre (N° Lexbase : A2163AAD).
(5) Cass. soc., 26 septembre 2007, n° 06-43.033, Société CCMX devenue la société CEGID, FS-P+B (N° Lexbase : A5928DY9) et lire les obs. de S. Martin-Cuenot, De la naissance des droits à l'indemnité de licenciement, Lexbase Hebdo n° 276 du 11 octobre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N6187BC7).
(6) Cass. soc., 25 novembre 1997, n° 94-45.010, préc..
(7) Nouvelle convention du 19 février 2009, agréée par arrêté du 30 mars 2009 (N° Lexbase : L0046IEG). A noter que les modifications sont applicables au 1er avril 2009.
(8) Cass. soc., 3 mars 1998, n° 95-45.201, Société Imprimerie Durandet autre c/ M. Bouilly et autres (N° Lexbase : A2575ACD).
Décision Cass. soc., 2 décembre 2009, n° 08-44.656, Mme Sylvie Muller, F-D (N° Lexbase : A3541EPT) CA Montpellier, 4ème ch. soc., 10 septembre 2008 Textes visés : C. trav., art. L. 1234-9 (N° Lexbase : L8135IAK) et L. 1233-67 (N° Lexbase : L1251H99) Mots clés : convention de reclassement personnalisée ; acceptation par le salarié ; indemnité de licenciement ; calcul ; ancienneté Lien base : |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:379684