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par Anne Lebescond, Journaliste juridique
le 07 Octobre 2010
Lexbase Hebdo - édition professions vous propose cette semaine de faire un point sur ce champ d'activité des avocats, au travers de l'étude de sa définition (I), de son régime juridique (II) et de ses perspectives d'évolution (III).
I - Définition de la médiation judiciaire et textes applicables
Du latin "mediare" qui signifie "s'interposer", la médiation est un mode alternatif de règlement des conflits ("MARC"), dont la reconnaissance législative aura été tardive (loi n° 95-125, du 8 février 1995, relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative N° Lexbase : L1139ATD).
Introduite dans le Code de procédure civile (C. pr. civ., art. 131-1 N° Lexbase : L2190ADH) par le décret n° 96-652 du 22 juillet 1996, relatif à la conciliation et à la médiation judiciaires, elle n'est pas définie précisément par les textes et les frontières restent, donc, assez floues entre cette notion et celles de conciliation, d'arbitrage ou encore de transaction.
Aux termes de l'article 131-1, "le juge saisi d'un litige peut, après avoir recueilli l'accord des parties, désigner une tierce personne afin d'entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose", étant précisé que "ce pouvoir appartient également au juge des référés, en cours d'instance". Autrement dit, il s'agit d'"un processus spécifique d'écoute et de recherche par un tiers impartial d'un dialogue et d'une solution entre les parties" (3).
Aux côtés de la médiation judiciaire, qui couvre l'ensemble des compétences du juge civil, il est, encore, souvent recouru à la médiation extra-judiciaire ou conventionnelle.
II - Régime juridique de la médiation judiciaire
Parallèlement aux principes généraux posés aux articles 131-1 et suivants du Code de procédure civile (A), des textes sont venus reconnaître expressément la médiation dans certains domaines particuliers (B).
A - Principes généraux
Les articles 131-1 à 131-15 du Code de procédure civile posent les principes essentiels de la médiation judiciaire :
- le libre choix du médiateur par le juge (C. pr. civ., art. 131-1) ;
- le champs d'application de la médiation (elle porte sur tout ou partie du litige) et l'absence de dessaisissement du juge (qui peut prendre à tout moment les autres mesures qui lui paraissent nécessaires) (C. pr. civ., art. 131-2 N° Lexbase : L1438H4Z) ;
- la durée de la médiation (trois mois au plus, renouvelable une fois, pour une même durée, à la demande du médiateur) (C. pr. civ., art. 131-3 N° Lexbase : L1440H44) ;
- la personne du médiateur (personne physique ou association répondant à des conditions précises, notamment, en termes de formation et d'expérience) (C. pr. civ., art. 131-4 N° Lexbase : L1442H48 et art. 131-5 N° Lexbase : L1443H49) ;
- les pouvoirs du médiateur (qui exclut les pouvoirs d'instruction) (C. pr. civ., art. 131-8 N° Lexbase : L1452H4K) ;
- la mise en oeuvre de la médiation (C. pr. civ., art. 131-7 N° Lexbase : L1448H4E) ;
- la fin de la médiation à l'initiative du juge (C. pr. civ., art. 131-10 N° Lexbase : L1458H4R et art. 131-11 N° Lexbase : L1462H4W) ;
- l'homologation de l'accord par le juge à la demande des parties (C. pr. civ., art. 131-12 N° Lexbase : L1464H4Y) ;
- la rémunération du médiateur, corollaire de la rémunération en matière d'expertise (C. pr. civ., art. 131-6 N° Lexbase : L1446H4C et art. 131-13 N° Lexbase : L1467H44) ;
- le principe de confidentialité (C. pr. civ., art. 131-14 N° Lexbase : L1468H47) ; et
- l'absence de voie de recours contre la médiation (C. pr. civ., art. 131-15 N° Lexbase : L1470H49).
B - Textes spécifiques
Des textes sont venus expressément reconnaître la médiation en certaines matières :
- en matière familiale (C. civ., art. 373-2-10 N° Lexbase : L6977A48) ;
- en matière de divorce (C. civ., art. 255 N° Lexbase : L2818DZE) ;
- en matière sociale, dans le cas d'une personne s'estimant victime de harcèlement moral (C. trav., art. L. 1152-6 N° Lexbase : L0734H93) ou dans le cas de conflits collectifs du travail (C. trav., art. L. 2523-1 N° Lexbase : L5757IAH et art. R. 2523-1 N° Lexbase : L9952H9H) ; et
- dans le cadre du pouvoir donné à la HALDE (loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004, portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité N° Lexbase : L5199GU4).
III - Perspectives
Le droit français de la médiation devrait évoluer d'ici mai 2011, dans le cadre de la transposition de la Directive 2008/52 du 21 mai 2008, portant sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale (N° Lexbase : L8976H3T) (A). De nombreux rapports rendus ces deux dernières années explorent, quand à eux, de nouvelles pistes, tendant à faire de ce "MARC" une troisième voie procédurale (B) et à placer l'avocat au centre de la procédure (C).
A - La transposition prochaine de la Directive du 21 mai 2008
La Directive 2008/52 du 21 mai 2008, qui doit être transposée d'ici le 21 mai 2011, a posé quatre grands principes :
- l'effet suspensif de la prescription en cas de médiation ;
- son application aux litiges transfrontaliers (point sur lequel la France s'était, tout d'abord, déclaré défavorable) ;
- son application en amont de la saisine du juge ou pendant le procès ; et
- son application aux litiges civils et commerciaux.
L'accord découlant de cette médiation transfrontalière devient exécutoire par jugement ou par acte authentique. Le texte prévoit, enfin, la création d'un Code de médiateur, qui réaffirmerait la force du principe de la confidentialité de la médiation (sauf atteinte à l'ordre public ou à l'intérêt des enfants).
Le premier de ces principes (la suspension de la prescription) a, d'ores et déjà, été inséré à l'article 2238 du Code civil (N° Lexbase : L7223IAR) par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile (N° Lexbase : L9102H3I). Aux termes du texte, "la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée". Soulignons, ici, que la loi ne précise pas à quelle médiation elle fait référence : la suspension du délai de prescription s'applique-t-elle à toutes les médiations ? A une médiation judiciaire ? Ou, encore, à une médiation extra-judiciaire (4) ?
B - Les rapports préconisant de faire de la médiation une troisième voie procédurale
Le rapport "Guinchard" (5) - la généralisation de la médiation au sein des tribunaux
La 49ème proposition du rapport "Guinchard" suggère :
- de désigner le magistrat coordinateur et d'un référent au sein de chaque TGI en matière de médiation ;
- d'établir une liste de médiateurs auprès de chaque TGI ; et
- de généraliser du pouvoir du juge en matière familiale à enjoindre les parties à recourir à la médiation.
Il est, ici, intéressant de relever que l'Ordre des avocats de Paris et le tribunal de grande instance de Paris ont signé, le 14 décembre dernier, un protocole relatif à la médiation civile, afin de parvenir à une implantation durable du recours à la médiation civile dans la juridiction.
Le rapport "Magendie" (6) - la médiation, troisième voie procédurale
Le rapport "Magendie", déposé à la Chancellerie en octobre 2008, suggère de mettre en place une troisième voie procédurale, la médiation. Dans ce cadre, il préconise :
- la création d'une cellule de médiation avec un magistrat référent ;
- le développement de la formation et de la sensibilisation des magistrats (via la création annuelle de modules de médiation obligatoire) ; et
- la modification de textes de lois en matière de médiation (notamment, sur les dépens, la TVA réduite à 5,5 % sur les honoraires, etc.).
C - La démarche du CNB tendant à placer l'avocat au centre de la procédure de médiation
Le rapport de Sonia Cohen-Lang et Paul Riquier présenté à l'assemblée générale du CNB des 21 et 22 novembre 2008 (7) - La place de l'avocat dans le cadre de la médiation
Le rapport souligne la complémentarité du médiateur et de l'avocat. Ceux-ci se doivent tous deux d'être impartial, autonome, compétent, diligent, soumis à des règles déontologiques et assuré. Ainsi, une médiation sans avocat serait inconcevable, d'autant plus si ce "MARC" devait véritablement devenir une troisième voie procédurale. Dans cette optique, l'avocat doit envisager la médiation sous deux angles : celui de mode de résolution de conflits, dans lequel ce professionnel intervient aux côtés de ses clients, et celui de nouveau champ d'activité (8), l'avocat étant lui-même médiateur.
Le CNB, visant autant la médiation judiciaire que la médiation conventionnelle, n'a de cesse de rappeler l'avantage de la déontologie de ce professionnel dans un cadre d'un règlement non juridictionnel d'un litige. Il reste, toutefois, conscient qu'une réflexion sur la formation de l'avocat en matière de médiation doit être engagée (9), si celui-ci devait endosser les fonctions de médiateur.
(1) Propos de Michel Bénichou, relatés dans le Bulletin d'information de la Cour de cassation sur la médiation.
(2) Cf. le rapport L'avocat et la médiation, de Sonia Cohen-Lang et Paul Riquier, présenté à l'assemblée générale du CNB des 21 et 22 novembre 2008.
(3) Cf. le communiqué du CNB du 22 juillet 2009, "Médiation : formation juridique et déontologie de l'avocat doivent être au coeur de ce mode alternatif de règlement des conflits".
(4) Cf. le rapport L'avocat et la médiation, préc..
(5) Cf. le rapport L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, remis à la Chancellerie le 30 juin 2008 par la Commission sur la répartition des contentieux, présidée par Serge Guinchard.
(6) Cf. le rapport Célérité et qualité de la justice - la médiation, une autre voie, Jean-Claude Magendie, premier Président de la cour d'appel de Paris, octobre 2008.
(7) Cf. le rapport L'avocat et la médiation, préc..
(8) Cf. le rapport d'étape sur les nouveaux champs d'activité de l'avocat, présenté au CNB par la Commission des règles et usages, présidée par Pierre Berger et lire Nouveaux champs d'activité de l'avocat et déontologie, Lexbase Hebdo n° 5 du 29 octobre 2009 - édition professions (N° Lexbase : N1778BMS).
(9) Cf. le communiqué de presse du CNB du 22 juillet 2009.
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