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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris
le 07 Octobre 2010
L'administration vient d'intégrer dans sa doctrine la décision de la Cour de cassation qui avait précisé que la faculté mise à la disposition de l'administration de demander aux héritiers du défunt les relevés bancaires de ce dernier n'est pas un préalable obligatoire à l'exercice de son droit de communication directement auprès de l'organisme bancaire qui gérait les comptes du défunt (Cass. com., 26 mars 2008, n° 07-12.470, F-P+B N° Lexbase : A6120D7S).
1. Une recommandation...
Le droit de communication que les agents détiennent auprès des établissements de crédit résulte des dispositions de l'article L. 85 du LPF (N° Lexbase : L3917ALN) dans la mesure où ces établissements sont soumis aux obligations des articles L. 123-12 (N° Lexbase : L5570AI7) à L. 123-28 du Code de commerce et de l'article L. 83 du LPF (N° Lexbase : L7615HER) dès lors qu'ils sont soumis au contrôle de l'autorité administrative. En principe, les dispositions de l'article L. 85 du LPF, qui visent l'ensemble des documents comptables détenus par les établissements de crédit, doivent normalement suffire pour satisfaire à la plupart des demandes de communication utiles au service. Selon la doctrine administrative tant en matière d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP) que de contrôle de succession, les demandes de relevés de comptes et de copies de chèques adressées aux banques et CCP doivent, sauf cas exceptionnels, être limitées aux seuls cas pour lesquels les contribuables ou les héritiers préalablement interrogés, n'auront pas satisfait eux-mêmes à la demande du service (Doc. adm. 13 K 1232 n° 5 du 1er juin 2001 et BOI 13 K-2-88).
2.... qui n'est pas une interprétation formelle de la loi fiscale !
Sur la portée de cette doctrine, dans un litige qui opposait des héritiers à l'administration fiscale, la cour d'appel avait jugé que son contenu avait seulement pour objet de limiter le nombre de demandes auprès des banques en recommandant aux agents de s'adresser en premier lieu au contribuable. Selon la cour, ce texte ne constituait ni une réglementation, ni une interprétation formelle de la loi fiscale opposable à l'administration. La Haute juridiction, dont la décision est aujourd'hui intégrée dans la doctrine administrative, avait décidé que l'administration n'avait donc pas l'obligation dans l'exercice de son droit de communication auprès des établissements bancaires de s'adresser au préalable aux héritiers.
Peut-on demander au juge de contrôler le contenu même de la charte qui est remise à tout contribuable vérifié ? Le sujet est important puisqu'une charte qui n'est pas à jour peut induire en erreur le contribuable sur ses droits. Or, le Conseil d'Etat vient de confirmer que, si le défaut de remise de la charte est susceptible d'entraîner la nullité de la vérification, la remise d'une charte périmée ne vicie pas la procédure, exception faite du cas où le contribuable aurait été privé d'une garantie essentielle du fait de la remise du document incomplet.
On sait qu'avant d'engager les opérations de contrôle, le vérificateur doit obligatoirement envoyer ou remettre au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié. Ce document a pour objet de résumer les principales règles applicables en matière de contrôle fiscal. Les dispositions qui y sont contenues sont opposables à l'administration.
1. Le défaut de remise de la charte
Le défaut de remise de la charte du contribuable vérifié est susceptible d'entraîner la nullité de la vérification, et, par suite l'abandon des rappels d'impôts (Doc. adm. 13 L-1311 n° 47 du 1er juillet 2002). En effet, la remise préalable de cette charte, avant le début de toute vérification (vérification de comptabilité ou examen contradictoire de la situation fiscale personnelle), permet à l'intéressé d'être informé du déroulement de ces contrôles, de ses obligations ainsi que des garanties dont il bénéficie. En cas de contrôle inopiné ou de remise de l'avis de vérification et de la charte en mains propres lors de la première intervention sur place, le service doit porter en marge de la copie de l'avis qu'il conserve la mention suivante : "un exemplaire de la charte des droits et obligations du contribuable vous a été remis le ..." et demander au contribuable d'apposer sa signature à la suite de cette mention.
2. La remise d'une charte périmée
Conçue pour favoriser la compréhension entre les contribuables et les agents des impôts, le contenu de la charte évolue nécessairement en fonction des dernières dispositions issues, chaque année, des lois de finances. La remise d'une charte ne contenant pas ces dispositions nouvelles est un risque incontestable, principalement en début d'année. Pour déterminer les conséquences qu'il convenait de tirer de la remise d'une charte périmée, le juge avait le choix entre le contrôle de son contenu et s'assurer du fait que le contribuable n'avait pas été privé d'une garantie essentielle. Dans le premier cas, il aurait examiné si, dans chaque affaire qui lui était soumise, la charte était actualisée et si elle contenait toutes les précisions nécessaires. Dans le second, il se "contenterait" de vérifier si l'absence d'une mention devant figurer dans la charte prive, en fait, le contribuable d'une garantie essentielle. Auquel cas, en application des dispositions de l'article L. 80 CA du LPF (N° Lexbase : L8571AE8), l'irrégularité substantielle entachant la procédure entraînerait la décharge de l'ensemble des droits rappelés. C'est cette seconde alternative qui a été retenue par le Conseil d'Etat (CE 8° et 3° s-s-r., 20 octobre 2000, n° 204814, Société anonyme Comelec N° Lexbase : A9594AHS) et qui vient d'être récemment confirmée dans l'arrêt du 4 mars 2009. Au cas particulier, le vérificateur avait remis à une entreprise une charte qui n'était pas à jour en ce qu'elle mentionnait que la durée de la vérification sur place ne pouvait excéder trois mois pour les moyennes et petites entreprises dont le chiffre d'affaires n'excédait pas 3 millions de francs (457 347 euros), alors que cette limite avait été portée à 3,5 millions de francs (533 571 euros) à la date de la vérification. L'absence de cette mise à jour n'a pas été jugée comme privant le contribuable d'une garantie essentielle dès lors que la vérification n'avait pas duré plus de trois mois. Dans l'affaire examinée en 2000, les juges du Palais Royal avaient précisé que l'omission des dispositions relatives à la déduction en cascade des droits rappelés au titre de la TVA et au délai de réponse laissé au contribuable en cas d'accord sur les redressements n'avait privé la société contrôlée d'aucune garantie essentielle. On remarquera que de telles décisions, empreintes d'opportunité au motif qu'une autre solution aurait risqué de fragiliser de nombreux contrôles, permettent à l'administration d'échapper à l'obligation d'actualiser la charte à chaque changement de législation.
L'article L. 170 du LPF (N° Lexbase : L8523AEE) dispose que les omissions ou insuffisances d'imposition révélées, soit par une instance devant les tribunaux, soit par une réclamation contentieuse peuvent être réparées jusqu'à l'expiration de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (avant l'entrée en vigueur de la loi de finances pour 1990, c'est le juge qui limitait l'application de cet article à dix ans à compter du fait générateur). Cet article permet donc de relever le fisc de l'application de la prescription générale qui résulte de l'article L. 169 du LPF (N° Lexbase : L4168ICD).
1. Principe
Les deux délais de l'article L. 170 sont dépendants. Autrement dit, à l'intérieur du délai de dix ans du fait générateur, la décision qui clôt l'instance lui substitue le délai de un an qui court à compter de cette décision. Ce délai d'une année se combine lui-même avec les délais de droit commun. Une omission ou insuffisance révélée par une instance peut donc être utilement réparée jusqu'au 31 décembre de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, en application de l'article L. 169 du LPF, alors même que le délai d'un an prévu à l'article L. 170 serait échu. Ainsi, pour l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2008, si la date de la décision clôturant l'instance est le 14 mai 2009, la prescription n'est acquise que le 31 décembre 2011, (LPF, art. L. 169), alors que le délai d'un an est expiré après le 31 décembre 2010 (LPF, art. L. 170). En revanche, si la décision intervient le 14 mai 2017, la prescription est acquise le 31 décembre 2018 (LPF, art. L. 170, dont les deux délais se confondent). La notion d'instance devant les tribunaux s'entend de la phase de l'exercice de l'action publique et de l'instruction. L'administration n'est donc pas tenue d'attendre l'intervention de la décision de clôture pour réparer une omission révélée par l'instruction pénale (CAA Paris, 5ème ch., 16 octobre 2006, n° 04PA02834, M. Alphonse Faure N° Lexbase : A2483DSR). Elle n'est pas tenue, non plus, comme viennent de le considérer les juges du Palais Royal, d'attendre que le juge d'instruction ait pris son ordonnance de renvoi de l'affaire devant le tribunal correctionnel (CE, 27 avril 2009, n° 296346).
2. Application
Les dispositions de l'article L. 170 ont été jugées applicables à un contribuable, gérant une discothèque, qui tenait une double billetterie au motif que ce procédé de fraude avait été révélé par l'instruction devant le tribunal correctionnel (CE 9° et 10° s-s-r., 20 février 2008, n° 281130, M. Chenevière N° Lexbase : A0420D7P). De même, l'activité occulte d'un contribuable étant révélée par les pièces de la procédure judiciaire close par jugement rendu le 30 janvier 1991, le délai spécial a pu commencer à courir à compter de cette date, alors même que le jugement du tribunal ne précisait pas l'origine des revenus litigieux (CE 9° et 10° s-s-r., 17 novembre 2006, n° 254526, M. et Mme Giral N° Lexbase : A5440DSB).
3. Exception
L'administration ne peut se prévaloir du délai spécial de reprise si elle a eu connaissance des omissions en d'autres circonstances, comme au cours d'une vérification de comptabilité ou d'une procédure de redressement antérieure à la plainte (CE 8° s-s., 13 juillet 1966, n° 61296 N° Lexbase : A9353B7K). Tel était le cas dans l'affaire récemment examinée par le Conseil d'Etat. Au cas particulier, dans l'exercice du droit de communication prévu à l'article L. 80 F du LPF (N° Lexbase : L8732G8W), concernant la recherche des manquements aux règles de facturation auxquelles sont soumis les redevables de la TVA, le service avait été informé par une note de l'existence d'un dispositif de surfacturation. Le service de contrôle avait préféré attendre les résultats de l'instruction pénale avant de notifier les redressements, en se fondant sur le délai de reprise spécial. Mal lui en prit, puisque, ayant pu, avant d'obtenir les résultats de l'instruction, notifier les redressements dans le cadre de prescription ordinaire, le juge a considéré que l'application de l'article L. 170 du LPF ne pouvait être revendiquée (CE, 29 avril 2009, n° 299949).
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