La lettre juridique n°313 du 17 juillet 2008 : Fiscalité des entreprises

[Chronique] Chronique de droit fiscal des entreprises n° 11 - juillet 2008

Lecture: 21 min

N6524BGQ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Chronique] Chronique de droit fiscal des entreprises n° 11 - juillet 2008. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3210432-chroniquechroniquededroitfiscaldesentreprisesn11juillet2008
Copier

par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste et Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en droit fiscal des entreprises réalisée par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines. Cette chronique fait une place exclusive à la jurisprudence relative aux opérations de restructuration : la Haute juridiction administrative prend position en déniant tout effet, quant au fait générateur de l'impôt, à la rétroactivité décidée par une assemblée générale extraordinaire visant à transformer une société anonyme (SA), relevant de l'impôt sur les sociétés, en société en nom collectif (SNC) soumise à l'impôt sur le revenu par défaut (CE 3° et 8° s-s-r., 16 mai 2008, n° 294305, SNC Lamy). Deux autres décisions commentées, ayant trait aux fusions, méritent en prolégomènes un bref rappel de la fiscalité applicable afin d'apprécier le théâtre des opérations à partir duquel la juridiction administrative s'est prononcée (CAA Versailles, 3ème ch., 27 mars 2008, n° 06VE02302, Société Finindusco ; CE 3° et 8° s-s-r., 6 juin 2008, n° 285629, SA Gustave Muller). En droit fiscal, les fusions sont considérées, pour les sociétés apporteuses ou absorbées, comme relevant du régime de la cessation d'entreprise. Les conséquences sont loin d'être neutres, notamment, quant à la taxation des plus-values latentes et du bénéfice non encore imposé, la reprise des provisions, les droits d'enregistrement à raison de l'augmentation de capital de la société absorbante. Afin de ne pas freiner la nécessaire restructuration des entreprises françaises (P. Bertoni, Les politiques fiscales sous la cinquième république Discours et pratiques (1958 1991), L'Harmattan, collection logiques juridiques, 1995, p. 100), alors perçue comme ayant un caractère intercalaire, le législateur a prévu une option codifiée à l'article 210 A du CGI (1) (N° Lexbase : L3936HLD) substantiellement modifiée en 2002 (loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001, de finances pour 2002, art. 85 N° Lexbase : L0938AWN (2) ; instruction du 25 octobre 2002, BOI 4 I-2-02 N° Lexbase : X2621ABP) et ne profitant qu'aux personnes morales ou organismes passibles de l'impôt sur les sociétés (CGI, art. 210 C N° Lexbase : L3945HLP). Les sociétés placées sous ce régime sont alors tenues de formuler une option en ce sens. Elles doivent respecter les engagements issus de l'article 210 A-3 du CGI (3) et produire à chaque déclaration de résultat un état de suivi des plus-values qui n'ont pas fait l'objet d'une imposition lors de la réalisation de l'opération de restructuration ainsi qu'un registre de suivi des plus-values sur éléments d'actif non amortissables dont l'imposition a été reportée (4). S'agissant des déficits de la société absorbée, à compter du 1er janvier 2002, un régime d'agrément de droit (loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001, de finances pour 2002 ; CGI art. 209 N° Lexbase : L2719HWM) a été substitué au régime d'agrément discrétionnaire délivré jusqu'alors (5)). Le régime d'agrément de droit est accordé lorsque l'opération est justifiée du point de vue économique et qu'elle obéit à des motivations principales autres que fiscales ; l'activité à l'origine des déficits dont le transfert est demandé doit être poursuivie par la (ou les) société(s) bénéficiaire(s) des apports pendant un délai minimum de trois ans ; l'opération est effectuée sous le régime de l'article 210 A du CGI. Depuis le 1er janvier 2005, le montant des déficits transférés n'est plus plafonné (6) (loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004, art. 42 N° Lexbase : L5204GUB).
  • Fiscalité des fusions et opérations assimilées

La juridiction administrative réaffirme l'opposabilité d'une décision de gestion du contribuable lorsque ce dernier opte pour le régime spécial de l'article 210 A du CGI (1) et prend position au regard du traitement fiscal de provisions constituées par la société absorbante à la suite de détournements frauduleux commis au sein de la société absorbée avant la fusion (2).

1. L'opposabilité d'une décision de gestion à l'administration fiscale (CAA Versailles, 3ème ch., 27 mars 2008, n° 06VE02302, Société Finindusco N° Lexbase : A0695D8A)

L'activité de la société anonyme Finindusco est d'acquérir et gérer des participations de sociétés. Après l'acquisition de la totalité du capital social de la SARL Investold, la contribuable décide, le 17 décembre 1993, de la dissoudre et de se prévaloir des dispositions de l'article 210 A du CGI au regard de la plus-value de 884 630 euros constatée au titre de cette opération qualifiée de fusion.

A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a contesté le droit de la société Finindusco de se prévaloir du régime de l'article 210 A du CGI dès lors qu'aucun moyen d'exploitation permanent n'a été apporté à la société absorbante, car le seul actif de la société absorbée était constitué de liquidités. Par conséquent, le vérificateur a considéré que l'opération ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une fusion au sens de l'article 1844-4 du Code civil (Code civil art. 1844-4 N° Lexbase : L2024ABL).

En première instance (TA Cergy-Pontoise, 4 juillet 2006, n° 0201431, Société Finindusco N° Lexbase : A1700D8H), la juridiction a opéré une distinction entre les opérations de fusion-absorption régies par l'article 1844-4 du Code civil et les opérations de dissolution d'une société après réunion de toutes les parts sociales en une même main visées par l'article 1844-5 du Code civil (C. civ., art. 1844-5). Rappelons que l'article 1844-5 du Code civil résulte de la loi n° 88-15 du 5 janvier 1988 et que sa mise en oeuvre entraîne "la transmission universelle du patrimoine de la société à l'associé unique sans qu'il y ait lieu à liquidation". Le juge du premier degré déduit des faits de l'espèce que l'acquisition de la totalité des parts sociales de la société Investold et la décision de dissolution relevaient de la qualification juridique de dissolution-confusion de sorte que cette opération n'était pas éligible à l'option pour le régime de l'article 210 A du CGI compte tenu de la rédaction des textes en vigueur antérieurement à la loi de finances pour 2002.

Cette décision est critiquable sur deux points : d'une part, nous souscrivons à l'idée selon laquelle la nature juridique de la dissolution-confusion est celle de la fusion (7) ; cette dernière se caractérisant par la dissolution de la société sans liquidation, le transfert universel du patrimoine, l'échange de titres de la société bénéficiaire contre des titres de la société absorbée. Mais, depuis l'adoption de la loi n° 88-17 du 5 janvier 1988, la loi commerciale dispose qu'"il n'est pas procédé à l'échange de parts ou actions de la société bénéficiaire contre des parts ou actions des sociétés qui disparaissent lorsque ces parts ou actions sont détenues [...] par la société bénéficiaire" (loi du 24 juillet 1966, art. 372-1 N° Lexbase : L6202AGS ; aujourd'hui, C. com., art. L. 236-3 N° Lexbase : L6353AI7). Par conséquent, l'échange de titres ne caractérise plus la fusion ce qui permet d'avancer que la dissolution sans liquidation visée à l'article 1844-5 du Code civil est une forme de fusion (contra : DB 411 § 3, 1er novembre 1995 (8)). Partant, il n'y avait pas de raison de ne pas lui appliquer le régime de l'article 210 A du CGI dans sa rédaction antérieure à la loi de finances pour 2002 (contra : DB 411 § 3, 1er novembre 1995 (9)). D'autre part, la position de la doctrine administrative écartant les dissolutions-confusions du régime de l'article 210 A du CGI nous semble contraire au droit communautaire (Directive (CE) 90/434 du 23 juillet 1990 N° Lexbase : L7670AUM), dès lors que l'opération visée par l'article 1844-5 du Code civil répond à la définition de la fusion donnée par ce texte (10)).

En appel, les conseillers de la juridiction versaillaise (CAA Versailles, 3ème ch., 27 mars 2008, n° 06VE02302, Société Finindusco N° Lexbase : A0695D8A) vont censurer le jugement du tribunal administratif car il ressort des pièces que l'assemblée générale du 17 décembre 1993 a approuvé le projet de traité de fusion signé en août 1993. La cour administrative d'appel considère que les parties ont adopté une décision de gestion opposable à l'administration fiscale consistant à recourir à la fusion de sociétés plutôt qu'au mécanisme de dissolution-confusion.

L'administration a tenté de contester la réalité même de cette opération sans se placer sur le terrain de l'article L. 64 du LPF (N° Lexbase : L5565G4U). Ainsi, selon le ministre, "l'opération en cause n'a pas abouti à la remise de titres de la société absorbante aux associés de la société absorbée, d'autre part, [...] la société absorbée n'a apporté à la société absorbante aucun moyen d'exploitation et qu'enfin, la répartition des actifs entre les associés avait débuté antérieurement à l'opération de fusion". Or, ces dernières conditions soulevées par le ministre, quant à la validité de la fusion considérée, ne sont pas imposées par le législateur ou le pouvoir réglementaire selon la cour administrative d'appel.

Il est, par ailleurs, intéressant de constater que, lorsque le contribuable opte pour la solution la plus conforme à ses intérêts, et que l'analyse juridique de l'opération n'abonde pas dans le sens de l'administration fiscale, cette dernière peut être tentée de contester les circonstances entourant la réalisation de l'opération afin de la déclarer comme lui étant inopposable quant à ses effets. Telle fut la thèse -rejetée par le Conseil d'Etat- soutenue par l'administration fiscale à raison d'un apport partiel d'actif (APA) (11) effectué par une société ayant auparavant fait l'objet d'un substantiel redressement au titre de la TVA à raison de la branche d'activité complète apportée (12) (CE 9° et 10° s-s-r., 4 août 2006, n° 260436, SA Financière de l'Erable N° Lexbase : A7928DQP).

2. Déductibilité d'une provision constituée à raison de détournements frauduleux antérieurs à la fusion (CE 3° et 8° s-s-r., 6 juin 2008, n° 285629, SA Gustave Muller N° Lexbase : A9537D8Q)

Les restructurations d'entreprises entraînent parfois des déconvenues : dans l'hypothèse d'une fusion réalisée sur la base d'une comptabilité falsifiée, dans quelle mesure la société absorbante pouvait-elle déduire fiscalement les provisions relatives à des pertes résultant de détournements frauduleux commis avant la fusion ?

Le Conseil d'Etat apporte, par la présente décision, d'importantes précisions : "si, en cas notamment de fusion de sociétés ou d'apport d'actif par voie de scission, la société issue de la fusion ou bénéficiaire de l'apport est tenue de prendre en charge l'intégralité du passif transmis en contrepartie de l'actif recueilli et regardé par suite comme un élément du coût d'acquisition de cet actif, ce passif ne saurait comprendre que les dettes et charges qu'il était possible de connaître ou de prévoir lors de la fusion, compte tenu des diligences normales incombant à la société issue de la fusion ou bénéficiaire de l'apport".

En octobre 1983, la société anonyme Gustave Muller a absorbé par voie de fusion la société européenne de céréales (SEC) avec effet rétroactif au 1er janvier de la même année. L'examen des comptes, postérieurement à l'opération de restructuration, a permis d'établir, en mars 1984, l'existence "de graves malversations [...] constituées par des détournements de biens sociaux réalisés pendant une période fixée par la SA Gustave Muller elle-même du 1er mai 1980 au 30 septembre 1983, soit 35 mois". En conséquence, la société absorbante a constitué des provisions à raison des dettes non comptabilisées par la société absorbée et des créances douteuses alors découvertes.

Lors d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de ces provisions et a obtenu gain de cause devant la juridiction d'appel (CAA Nancy, 2ème ch., 4 août 2005, n° 98NC02201, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SA Gustave Muller N° Lexbase : A6699DLP) qui a remis les impositions déchargées par le tribunal administratif à la charge de la contribuable.

Le Conseil d'Etat censure la cour administrative d'appel de Nancy car "en jugeant, sans rechercher si les pertes dues à ces détournements étaient prévisibles à la date de la fusion, compte tenu des diligences normales incombant à la société absorbante lors d'une telle opération, que ces pertes correspondaient à une dette de la [société absorbée] née antérieurement à la fusion et que, en conséquence, elles devaient être assimilées à un élément du prix consenti par la [société absorbante] pour l'acquisition de la [société absorbée], la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit".

Réglant l'affaire au fond (CJA, art. L. 821-2 N° Lexbase : L3298ALQ), la Haute juridiction considère que la société absorbante pouvait opposer à l'administration fiscale son ignorance, au moment de la fusion, des détournements commis au sein de la société absorbée. Les provisions inscrites en comptabilité à raison des pertes probables causées par ces détournements sont déductibles des résultats de l'absorbante dès lors "qu'elle a accompli les diligences normales qui lui incombaient, les pertes nées de ces détournements doivent être regardées comme impossibles à connaître ou à prévoir au moment de l'opération". La décision du Conseil d'Etat est avantageuse lorsque le contribuable est victime d'une délinquance astucieuse fondée sur des falsifications comptables et qu'il a accompli les diligences normales. Les considérants ne rapportant pas la teneur de ces "diligences normales", on peut supposer que le recours au commissaire à la fusion -qui est une obligation légale dans une telle circonstance (13)- en faisait partie (C. com., art. L 236-10 N° Lexbase : L6360AIE). En effet, aux termes de la loi, les commissaires à la fusion "établissent sous leur responsabilité un rapport écrit sur les modalités de la fusion. Ils peuvent obtenir auprès de chaque société communication de tous documents utiles et procéder à toutes vérifications nécessaires. [Ils] vérifient que les valeurs relatives attribuées aux actions des sociétés participant à l'opération sont pertinentes et que le rapport d'échange est équitable". Sans nul doute, au cas d'espèce, le rapport formulé par le commissaire à la fusion participe de la crédibilité de la contribuable lorsqu'elle déclare "n'avoir pas eu connaissance au moment de la fusion des détournements opérés" au sein de la société absorbée. Sa situation aurait peut-être été plus inconfortable si elle avait opté pour la dissolution-confusion (C. civ., art. 1844-5 N° Lexbase : L2025ABM) car, dans cette hypothèse -couramment retenue pour des questions de rapidité, de simplicité et de coût-, le commissaire à la fusion n'intervient pas. Cet état de fait, conjugué avec l'existence de formalités fort réduites, n'incitera guère le contribuable à la prudence ce qui, au regard de la jurisprudence "SA Gustave Muller", n'est pas neutre fiscalement.

Le Conseil d'Etat précise, également, s'agissant de la période antérieure à la fusion, que le fait que les mandataires sociaux de la société absorbée n'ignoraient pas l'existence de ces détournements est sans incidence quant à la déductibilité des pertes pour la société absorbante. Le ministre ne pouvait prétendre qu'il s'agissait en réalité de transférer des déficits dissimulés de la société absorbée au profit de la société absorbante dont le transfert était, au moment des faits, soumis à un agrément ministériel discrétionnaire (14), dès lors que ces détournements sont considérés, par la Haute juridiction administrative, comme une perte de la société absorbante.

Enfin, le fait que ces deux sociétés étaient contrôlées par la même société mère est sans incidence au regard de la déductibilité des pertes subies par la société absorbante.

Quant à l'acte anormal de gestion qu'aurait commis la société absorbante en s'abstenant d'agir en responsabilité à l'encontre de la société mère, le juge de cassation y répond en soulignant que le point était "étranger au redressement en litige".

  • Transformation d'une SA en SNC : inopposabilité d'une clause de rétroactivité au regard du fait générateur de l'impôt (CE 3° et 8° s-s-r., 16 mai 2008, n° 294305, SNC Lamy N° Lexbase : A6509D8L)

Aux termes des articles 201 (N° Lexbase : L3705HLS) et 221 (N° Lexbase : L4147HL8) du CGI, la transformation d'une société anonyme en société non soumise à l'impôt sur les sociétés est assimilée à une cessation d'entreprise. Il est toutefois possible d'en atténuer les conséquences fiscales à la double condition qu'aucune modification ne soit apportée aux écritures comptables et que l'imposition des bénéfices en sursis d'imposition et les plus-values latentes demeure possible sous le nouveau régime fiscal applicable après la transformation (CGI, art. 221 bis N° Lexbase : L4153HLE ; CE 9° et 10° s-s-r., 28 juillet 2000, n° 138342, Société civile agricole Les Chapelains N° Lexbase : A9653AGM).

Les faits de l'espèce rapportent qu'à l'issue d'une assemblée générale extraordinaire tenue en octobre 1991, la société anonyme Lamy s'est transformée en société en nom collectif avec effet rétroactif au 1er janvier 1991 en escomptant pouvoir conférer à la rétroactivité un effet au regard du fait générateur de l'impôt.

A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a remis en cause le raisonnement de la contribuable -qui prétendait alors être assujettie à l'impôt sur le revenu depuis le 1er janvier 1991- en la soumettant à l'impôt sur les sociétés pour les bénéfices réalisés du 1er janvier 1991 au 18 octobre 1991 ainsi que les plus-values à long terme (15).

Saisie par la contribuable après rejet de sa requête par le tribunal administratif de Lyon (16), la cour administrative d'appel (CAA Lyon, 5ème ch., 13 avril 2006, n° 01LY02519, SNC Lamy N° Lexbase : A4139DPY) va délivrer une analyse qui sera confirmée par le Conseil d'Etat (CE 3° et 8° s-s-r., 16 mai 2008, n° 294305, SNC Lamy N° Lexbase : A6509D8L) : les juges du second degré n'ont pas commis d'erreur de droit, d'une part, quant à l'atténuation des conséquences de la cessation d'entreprise qui ne concerne que les seuls bénéfices en sursis d'imposition et les plus-values latentes incluses dans l'actif social et qui ne s'étend pas à l'ensemble des bénéfices non encore imposés ; d'autre part "une clause de rétroactivité insérée dans l'acte de transformation ne [peut] avoir pour effet de remettre en cause la réalisation [du] fait générateur de l'impôt".

L'argumentation de la requérante n'aurait été recevable que dans l'hypothèse où le législateur n'aurait pas adopté un texte spécifiquement applicable dans une telle circonstance. Or, le législateur a pris soin, lorsqu'une entreprise soumise à l'IS se transforme en société relevant par défaut de l'IR, de permettre à l'administration d'assujettir immédiatement la société considérée lorsqu'elle cesse totalement ou partiellement d'être soumise à l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun (CGI, art. 219 N° Lexbase : L4057HLT) (17) du fait de sa transformation ; cette dernière étant fiscalement assimilée à une cessation d'entreprise. La volonté du contribuable n'a ici aucune prise quant au fait générateur de l'impôt et il ne permet pas d'empêcher l'administration "d'établir cet impôt en fonction de la situation de fait et de droit existant à cette date" (V. également concernant l'inopposabilité de l'effet rétroactif d'un traité de fusion au regard du fait générateur de la TVA : CE Contentieux, 18 mars 1992, n° 62403, Société anonyme Leybold-Heraeus-Sogev N° Lexbase : A5254ARZ).


(1) Le régime optionnel profite également aux dissolutions sans liquidation -aussi appelées dissolution-confusion- visées par l'article 1844-5 du Code civil (N° Lexbase : L2025ABM) ; aux scissions et aux apports partiels d'actif : "1 Les dispositions de l'article 210 A s'appliquent à l'apport partiel d'actif d'une branche complète d'activité ou d'éléments assimilés lorsque la société apporteuse prend l'engagement dans l'acte d'apport : a De conserver pendant trois ans les titres remis en contrepartie de l'apport ; b De calculer ultérieurement les plus-values de cession afférentes à ces mêmes titres par référence à la valeur que les biens apportés avaient, du point de vue fiscal, dans ses propres écritures. Les dispositions de l'article 210 A s'appliquent à la scission de société comportant au moins deux branches complètes d'activités lorsque chacune des sociétés bénéficiaires des apports reçoit une ou plusieurs de ces branches et que les associés de la société scindée s'engagent, dans l'acte de scission, à conserver pendant trois ans les titres représentatifs de l'apport qui leur ont été répartis proportionnellement à leurs droits dans le capital. Toutefois, l'obligation de conservation des titres n'est exigée que des associés qui détiennent dans la société scindée, à la date d'approbation de la scission, 5 % au moins des droits de vote ou qui y exercent ou y ont exercé dans les six mois précédant cette date, directement ou par l'intermédiaire de leurs mandataires sociaux ou préposés, des fonctions de direction, d'administration ou de surveillance et détiennent au moins 0,1 % des droits de vote dans la société" (CGI, art. 210 B N° Lexbase : L3941HLK).
(2) Le législateur a, notamment, introduit une définition fiscale des fusions (CGI, art. 210-0 A N° Lexbase : L2491HNL) interprétée par l'administration fiscale comme un élargissement du champ d'application du régime optionnel aux dissolutions sans liquidation (instruction du 7 juillet 2003, BOI 4 I-1-03 N° Lexbase : X5337ABB).
(3) "L'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que la société absorbante s'engage, dans l'acte de fusion, à respecter les prescriptions suivantes : a) Elle doit reprendre à son passif : d'une part, les provisions dont l'imposition est différée ; d'autre part, la réserve spéciale où la société absorbée a porté les plus-values à long terme soumises antérieurement au taux réduit de 10 %, de 15 %, de 18 %, de 19 % ou de 25 % ainsi que la réserve où ont été portées les provisions pour fluctuation des cours en application du sixième alinéa du 5° du 1 de l'article 39 ; b) Elle doit se substituer à la société absorbée pour la réintégration des résultats dont la prise en compte avait été différée pour l'imposition de cette dernière ; c) Elle doit calculer les plus-values réalisées ultérieurement à l'occasion de la cession des immobilisations non amortissables qui lui sont apportées d'après la valeur qu'elles avaient, du point de vue fiscal, dans les écritures de la société absorbée ; d) Elle doit réintégrer dans ses bénéfices imposables les plus-values dégagées lors de l'apport des biens amortissables. La réintégration des plus-values est effectuée par parts égales sur une période de quinze ans pour les constructions et les droits qui se rapportent à des constructions ainsi que pour les plantations et les agencements et aménagements des terrains amortissables sur une période au moins égale à cette durée ; dans les autres cas, la réintégration s'effectue par parts égales sur une période de cinq ans. Lorsque le total des plus-values nettes sur les constructions, les plantations et les agencements et aménagements des terrains excède 90 % de la plus-value nette globale sur éléments amortissables, la réintégration des plus-values afférentes aux constructions, aux plantations et aux agencements et aménagements des terrains est effectuée par parts égales sur une période égale à la durée moyenne pondérée d'amortissement de ces biens. Toutefois, la cession d'un bien amortissable entraîne l'imposition immédiate de la fraction de la plus-value afférente à ce bien qui n'a pas encore été réintégrée. En contrepartie, les amortissements et les plus-values ultérieurs afférents aux éléments amortissables sont calculés d'après la valeur qui leur a été attribuée lors de l'apport ; e) Elle doit inscrire à son bilan les éléments autres que les immobilisations pour la valeur qu'ils avaient, du point de vue fiscal, dans les écritures de la société absorbée. A défaut, elle doit comprendre dans ses résultats de l'exercice au cours duquel intervient l'opération le profit correspondant à la différence entre la nouvelle valeur de ces éléments et la valeur qu'ils avaient, du point de vue fiscal, dans les écritures de la société absorbée."
(4) CGI, art. 54 septies (N° Lexbase : L6759HWA). Une amende de 5 % des sommes omises est prévue en cas de défaut de production ou du caractère inexact ou incomplet de ces documents (CGI, art. 1763 N° Lexbase : L4748HWR).
(5) Lorsque l'agrément discrétionnaire était délivré, le déficit transféré ne dépassait pas 40 % de la valeur des actifs industriels apportés. La doctrine rapporte que "le transfert de déficit a été accordé aux secteurs non industriels à haute intensité capitalistiques tels que les transports et le BTP par exemple", Dr. fisc., 2002, ét. 1, p. 15.
(6) Du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004, le déficit de la société apporteuse pouvait être transféré -dans la limite la plus importante- soit de la valeur brute des éléments de l'actif immobilisé de la société apporteuse affectés à l'exploitation (hors immobilisations financières) ; soit la valeur d'apport de ces éléments.
(7) J.-J. Daigre, La dissolution d'une filiale à 100 % est une fusion : A propos de l'article 1844-5, alinéa 3, du Code civil, JCP éd. E, 1992, ét. 152.
(8) "Ce régime fiscal ne concerne pas les dissolutions de sociétés réalisées dans le cadre des dispositions de l'article 1844-5 du Code civil, qui ne constituent pas juridiquement des fusions" (QE n° 13889, de M. Ceccaldi-Raynaud, réponse publiée au JOAN du 10 octobre 1994, p. 5020, n° 13889 N° Lexbase : L9305H87).
(9) "Le régime de faveur prévu à l'article 210 A du code général des impôt peut donc s'appliquer à une opération de fusion qui ne donne pas lieu à l'émission de titres par la société absorbante, dès lors que cette opération est réalisée dans les conditions prévues aux articles 371 et suivants de la loi du 24 juillet 1966 susvisée. Ce dispositif ne peut s'appliquer aux opérations de dissolution sans liquidation qui sont réalisées dans le seul cadre des dispositions de l'article 1844-5 du code civil".
(10) Art. 2 : "Aux fins de l'application de la présente directive, on entend par a) fusion : l'opération par laquelle : [...] une société transfère, par suite et au moment de sa dissolution sans liquidation, l'ensemble de son patrimoine, activement et passivement, à la société qui détient la totalité des titres représentatifs de son capital social".
(11) "Considérant que, lorsqu'une société apporte une partie de son actif à une autre société et que, d'un commun accord entre les parties, cette opération est, comme le permet l'article L. 236-22 du code de commerce, soumise aux dispositions des articles L. 236-16 à L. 236-21 de ce code, relatives aux scissions de société, il s'opère, sauf dérogation expresse prévue dans le traité d'apport ou circonstance telle qu'une fraude à l'égard de tiers, de nature à la rendre inopposable à ceux-ci, une transmission universelle de tous les droits, biens et obligations de la société apporteuse, afférents à la branche d'activité faisant l'objet de l'apport, à la société qui bénéficie de celui-ci ; qu'il résulte, en particulier, dans ce cas, des dispositions de l'article L. 236-20 du code de commerce que la société bénéficiaire de l'apport devient seule débitrice des dettes qui s'y rattachent et qui ont été contractées par la société apporteuse, à laquelle elle est substituée à l'égard des créanciers ; Considérant qu'il suit de là qu'en jugeant que l'administration avait à bon droit poursuivi le recouvrement de la créance du Trésor authentifiée par l'avis de mise en recouvrement du 10 avril 1996 émis au nom de la S.A. FINANCIERE DE L'ERABLE à l'encontre de cette dernière, nonobstant la transmission universelle de tous droits, biens et obligations à la S.A. Fournier TP résultée de l'apport partiel d'actif fait à celle-ci le 26 décembre 1995, et soumis au régime des scissions de société, la cour administrative d'appel a méconnu que cette opération avait eu légalement pour effet de rendre la seconde société débitrice envers le Trésor en lieu et place de la première ; que la S.A. FINANCIERE DE L'ERABLE est, par suite, fondée à demander que l'article 2 de l'arrêt attaqué, entaché d'erreur de droit, soit annulé".
(12) "qu'aucune des circonstances invoquées par le ministre, telles que l'adresse commune des sièges sociaux des deux sociétés, la participation détenue par l'une dans le capital de l'autre, ou encore la reprise par la société bénéficiaire de l'apport du nom commercial qui constituait la précédente dénomination de la société apporteuse, n'est de nature à caractériser, comme il le soutient à titre subsidiaire, une situation qui justifierait de regarder comme inopposable à l'administration la transmission universelle de patrimoine opérée du fait de l'apport partiel d'actif intervenu". V. également : Cass. com., 5 mars 1991, n° 88-19.629, Société Coignet c/ M Burgaud (N° Lexbase : A1185ABI) ; Cass. com., 12 décembre 2006, n° 05-15.619, Société Hydraulique PB, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A8546DSC).
(13) V. cependant la loi n° 2008-649 du 3 juillet 2008 (JORF du 4 juillet 2008) portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire (NOR : JUSX0767256L N° Lexbase : L7047H77) et modifiant, notamment, l'article L. 236-10 : "Sauf si les actionnaires des sociétés participant à l'opération de fusion en décident autrement dans les conditions prévues au II du présent article, un ou plusieurs commissaires à la fusion, désignés par décision de justice et soumis à l'égard des sociétés participantes aux incompatibilités prévues à l'article L. 822-11, établissent sous leur responsabilité un rapport écrit sur les modalités de la fusion. [...] La décision de ne pas faire désigner un commissaire à la fusion est prise, à l'unanimité, par les actionnaires de toutes les sociétés participant à l'opération. A cette fin, les actionnaires sont consultés avant que ne commence à courir le délai exigé pour la remise de ce rapport préalablement à l'assemblée générale appelée à se prononcer sur le projet de fusion" ; G. de Foresta, Rapports du commissaire à la fusion : formalités inutiles ou bien inutilité de la réforme ?, Lexbase Hebdo n° 290 - édition privée générale (N° Lexbase : N8682BDW).
(14) Ce qui signifie que le refus n'avait pas à être motivé (CAA Paris, 3ème ch., 22 juin 1995, n° 94PA01204, Société Pharmadom N° Lexbase : A0115AXK ; CE Contentieux, 1er juin 1988, n° 79550, Société Berto SA N° Lexbase : A8208APP).
(15) La société Lamy a également été assujettie à un supplément d'IS, au taux de 42 %, sur les revenus réputés distribués à la date de transformation (CGI, art. 219 N° Lexbase : L4057HLT). Pour le Conseil d'Etat, "ce supplément ne saurait avoir une assiette plus large que celle de l'impôt initialement dû au titre de chacun de ces exercices en cause".
(16) TA Lyon, 25 septembre 2001, n° 9700485 et n° 9700486.
(17) Soit 34 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 1991, période correspondant à la date des faits de l'espèce. Il était fixé à 37 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 1990, à 39 % pour les exercices ouverts entre le 1er janvier 1989 et le 31 décembre 1989, à 42 % pour les exercices ouverts entre le 1er janvier 1988 et le 31 décembre 1988 et à 45 % pour les exercices ouverts entre le 1er janvier 1987 et le 31 décembre 1987. Le taux de 33,33 % aujourd'hui encore en vigueur est applicable depuis le 1er janvier 1993.

newsid:326524

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus