Réf. : Cass. soc., 25 juin 2008, n° 07-41.065, Société Bronzavia c/ M. Monllor, F-P+B (N° Lexbase : A3739D9D)
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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
le 07 Octobre 2010
Résumé Seule l'absence ou l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi entraîne la nullité de la procédure de licenciement. Si l'employeur a manqué à son obligation non contestée d'informer les salariés, en temps utile, sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, par une lettre individualisée adressée à leur domicile, ce manquement n'entraîne pas la nullité de la procédure de licenciement ; il permet, seulement, d'obtenir la suspension de la procédure, si celle-ci n'est pas terminée ou, à défaut, la réparation du préjudice subi. |
Commentaire
I - Teneur de l'obligation de reclassement
Dans les entreprises de 50 salariés et plus, lorsque le nombre de licenciement pour motif économique est, au moins, égal à 10 sur une même période de 30 jours, l'employeur est tenu d'établir et de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi .
Ce plan a pour objectif d'éviter les licenciements ou d'en limiter le nombre et de faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne peut être écarté, notamment, des salariés âgés ou qui présentent des caractéristiques sociales et de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile (C. trav., art. L. 1233-61).
L'article L. 1233-62 du Code du travail donne des exemples des mesures que doit contenir le plan de sauvegarde de l'emploi.
Cette disposition précise que le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit, notamment, des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord des salariés, sur des emplois de catégorie inférieure (sur le reclassement interne voir circ CDE, n° 94-20 du 7 juin 1994 N° Lexbase : L8922ASA), des créations d'activités nouvelles par l'entreprise, des actions favorisant le reclassement externe, notamment, par le soutien à la réactivation du bassin de l'emploi, des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés, des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents, des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail...
Le plan de sauvegarde de l'emploi doit contenir un plan de reclassement.
Les mesures proposées dans le plan doivent être réelles et effectives (Cass. soc., 16 novembre 2004, n° 03-44.056, F-D N° Lexbase : A9582DDA) et ne peuvent substituer aucune autre proposition de l'employeur (Cass. soc., 20 novembre 2007, n° 06-41.410, FP-P+B N° Lexbase : A7172DZN). Elles doivent, en outre, être précises (Cass. soc., 10 juin 1997, n° 95-19.818, Société Vestra c/ Comité central d'entreprise de la société Vestra N° Lexbase : A2002AC7, Bull. civ. V, n° 216).
Le législateur considère que la procédure de licenciement est nulle et de nul effet tant qu'un plan visant au reclassement de salariés s'intégrant au plan de sauvegarde n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés (C. trav., art. L. 1235-10 N° Lexbase : L0006HXI). La jurisprudence considère que l'insuffisance du plan social équivaut à son absence et qu'il y a donc lieu de prononcer la nullité (Cass. soc., 16 avril 1996, n° 93-15.417, Société Sietam industries c/ Comité central d'entreprise de la société Sietam industries N° Lexbase : A3972AAD).
Outre la consultation des représentants du personnel sur le contenu du plan, le législateur impose à l'employeur de porter le contenu du plan à la connaissance des salariés par voie d'affichage sur les lieux du travail.
L'obligation pour l'employeur d'élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi ne préjuge en rien de son obligation individuelle de reclassement des salariés (Cass. soc., 6 juillet 1999, n° 96-45.665, Société Plastic Omnium c/ M. Morisot et autre N° Lexbase : A4667AGX, Bull. civ. V, n° 258 ; Cass. soc., 22 février 1995, n° 93-43.404, Mutuelle nationale des étudiants de France c/ M. Balvet et autres, publié N° Lexbase : A4022AA9).
Le fait qu'un salarié soit contenu dans un projet de gros licenciement pour motif économique ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement individuel, cette obligation valant pour tout type de licenciement pour motif économique. Il appartient, en effet, à l'employeur, même quand il existe un plan de sauvegarde de l'emploi, de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement prévues, ou non, dans le plan de reclassement et de proposer à chaque salarié pris individuellement les postes disponibles (Cass. soc., 7 juillet 2004, n° 02-42.089).
La notification des propositions doit faire l'objet d'un écrit adressé individuellement aux salariés .
La sanction classique du non-respect de l'obligation de reclassement est l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement économique prononcé (Cass. soc., 17 mars 1999, n° 97-40.515, M. Stenger c/ Société Massini N° Lexbase : A4688AGQ). Cette sanction est, également, celle préconisée par l'administration (circ. DGEFP/DRT/DSS n° 2002/1 du 5 mai 2002 N° Lexbase : L6282A4G). On comprend donc aisément la cassation de la décision rendue par les juges du fond dans l'arrêt commenté.
Dans cette espèce, un salarié, licencié pour motif économique, avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande portant sur l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi et le non-respect par l'employeur de son obligation individuelle de reclassement.
Pour la cour d'appel, l'absence d'information en temps utile du salarié privait le plan de sauvegarde de l'emploi de toute pertinence, ce qui avait pour conséquence d'entraîner la nullité de la procédure et des licenciements subséquents.
La Cour de cassation ne voit pas les choses de la même manière. Elle rappelle, en premier lieu, que seule l'absence ou l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi entraîne la nullité de la procédure de licenciement.
Elle affirme, en second lieu, que le fait, pour l'employeur, d'avoir manqué à son obligation d'informer les salariés en temps utile, n'entraîne pas la nullité de la procédure de licenciement, mais permet, seulement, de suspendre la procédure si elle n'est pas terminée ou à défaut d'indemniser le préjudice subi.
Cette solution ne peut qu'être approuvée et la pédagogie de la Haute juridiction saluée.
II - Graduation des sanctions entourant l'obligation de reclassement
Ce n'est, en effet, pas la première fois que la Cour de cassation refuse de caractériser la nullité de la procédure de licenciement en cas de non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement, qu'il s'agisse de l'obligation d'information collective des salariés sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi ou de l'obligation de reclassement individuelle des salariés concernés.
En présence d'un licenciement collectif pour motif économique, la Cour de cassation avait, en effet, été amenée à considérer que le défaut d'affichage du plan social dans les conditions prévues par l'article L. 321-4-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8926G7Q) n'entraîne pas la nullité de la procédure de licenciement et ne constitue pas un trouble manifestement illicite, cette irrégularité permettant seulement d'obtenir la suspension de la procédure de licenciement si elle n'est pas terminée ou, à défaut, la réparation du préjudice subi (Cass. soc., 9 mai 2000, n° 98-20.588, M. Amini et autres c/ Société CIDEB N° Lexbase : A9368AT7, D., 2000, IR 157 ; Dr. soc., 2000, 789, obs. G. Couturier, RJS, 2000, 452, n° 655).
De la même manière, concernant l'obligation de notification individuelle aux salariés des mesures de reclassement dont ils peuvent faire l'objet, la Cour de cassation considère dans une espèce dans laquelle cette notification faisait défaut que la preuve de la satisfaction par l'employeur de son obligation de reclassement n'était pas rapportée et que, par voie de conséquence, le licenciement prononcé était dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 10 octobre 2002, n° 00-43.922, F-D N° Lexbase : A9710AZN ; Cass. soc., 20 septembre 2006, n° 04-45.703, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2799DR4 et les obs. de S. Tournaux, Les propositions de reclassement écrite et précises : formalisme ou condition de fond, Lexbase Hebdo n° 230 du 5 octobre 2006 - édition sociale N° Lexbase : N3461ALR).
Dans une autre espèce, elle rejetait expressément la nullité dans ce cas. Dans un arrêt du 26 février 2003, elle était en effet venue affirmer que la nullité ne se présume pas et que par voie de conséquence, la méconnaissance de l'obligation individuelle de reclassement prévue par l'article L. 321-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8921G7K, art. L. 1233-3, recod. N° Lexbase : L9888HW7) n'est pas sanctionnée par la nullité de la procédure et l'obligation de réintégration qui en résulterait (Cass. soc., 26 février 2003, n° 01-41.030, F-P N° Lexbase : A2923A7E).
Comme le souligne la Haute juridiction dans cette dernière décision, la nullité ne se présume pas et est d'application stricte. Il est donc, en principe, impossible d'en faire application en dehors des cas expressément prévus par le législateur. La nullité est, en outre, prévue de manière très restrictive et n'est prononcée que dans les cas prévus en matière de licenciement. Elle pose, en effet, en la matière, des difficultés pratiques, notamment, la réintégration du salarié qui prescrit une utilisation limitée aux hypothèses légales.
Dans la mesure où seule l'absence de plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est susceptible d'entraîner la nullité de la procédure de licenciement et des licenciements corrélatifs, il n'y a pas lieu de la prononcer en dehors de cette hypothèse.
Cette solution est parfaitement conforme tant à la lettre de l'article L. 1235-10 du Code du travail qu'à l'esprit des textes régissant la matière.
L'article L. 1235-10 du Code du travail dispose, dans son premier alinéa, que, "dans les entreprises de cinquante salariés et plus, lorsque le projet de licenciements concerne dix salariés ou plus dans une même période de trente jours, la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés prévu à l'article L. 1233-61 et s'intégrant au plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés".
L'employeur, qui n'a pas satisfait à ses obligations ou qui n'y a pas convenablement satisfait, doit être sanctionné, puisqu'il ne remplit pas son obligation de reclassement de résultat, la procédure doit donc, pour cette raison, être annulée.
La sanction ne pouvait pas non plus être celle retenue en cas de méconnaissance par l'employeur de son obligation individuelle de reclassement. La disqualification du licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse n'aurait pas été, ici, raisonnable.
Dans l'espèce commentée, comme le souligne la Haute juridiction, l'employeur avait seulement omis "d'informer les salariés, en temps utile". L'information avait donc bien eu lieu, mais elle avait été tardive.
La sanction ne pouvait donc être que celle applicable à la violation ou le non-respect d'une obligation de pure forme. C'est donc logiquement que la Haute juridiction étend à l'information individuelle tardive, la sanction retenue en cas de défaut d'affichage du plan de sauvegarde de l'emploi (Cass. soc., 9 mai 2000, D., 2000 IR 157 ; Dr. soc., 2000, 789, obs. G. Couturier, RJS, 2000. 452, n° 655).
Cette unicité ne peut qu'être approuvée.
Décision
Cass. soc., 25 juin 2008, n° 07-41.065, Société Bronzavia c/ M. Monllor, F-P+B (N° Lexbase : A3739D9D) |
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