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par Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris
le 07 Octobre 2010
Dans un arrêt du 9 avril 2008, destiné à une large publication, la Cour de cassation apporte d'importantes précisions relatives à l'information qui peut être mise à la charge du vendeur et du notaire en matière de vente d'un site industriel classé.
Selon un acte authentique de vente, établi le 20 décembre 2000 par une étude notariale, une propriété bâtie à usage industriel d'entrepôt louée à une société, en vertu d'un bail commercial en date du 7 mai 1999, a été vendue.
Le preneur a fait l'objet, le 11 décembre 2000, d'un procès-verbal d'infraction pour défaut d'autorisation d'exploitation d'une installation classée et a donné congé par acte du 14 juin 2001 pour le 14 mai 2002, terme de la première période triennale du bail.
L'acquéreur a, dès lors, assigné les venderesses ainsi que le notaire en réparation de son préjudice, comprenant le coût des travaux de mise en conformité de l'entrepôt et divers préjudices financiers.
- A l'encontre des venderesses, l'acquéreur arguait du manquement à leur devoir d'information qui résulterait, selon le pourvoi, de l'article L. 514-20, alinéa 1er, du Code de l'environnement (N° Lexbase : L1735DKH).
En vertu de cet article, lorsqu'une installation soumise à autorisation a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d'en informer par écrit l'acheteur.
Selon l'acquéreur, l'obligation d'information à la charge du vendeur s'appliquerait indistinctement, que l'exploitation de l'installation soit actuelle ou passée.
Confirmant l'arrêt des juges parisiens, la Cour de cassation précise que l'alinéa 1er de l'article L. 514-20 du Code de l'environnement ne s'applique pas à la vente d'un terrain sur lequel l'exploitation d'une installation classée est en cours.
Procédant à une lecture stricte, la Haute cour apporte donc une précision complémentaire concernant le champ d'application de cet alinéa et, partant, le domaine de l'obligation d'information à la charge du vendeur.
Il avait déjà été indiqué que cette obligation formelle du vendeur s'imposait même si l'acheteur n'ignorait pas l'existence d'une telle exploitation (Cass. civ. 3, 12 janvier 2005, n° 03-18.055, FS-P+B N° Lexbase : A0261DGR).
Rappelons qu'en cas de manquement du vendeur à son obligation d'information, l'acheteur a le choix de poursuivre la résolution de la vente ou de se faire restituer une partie du prix. Il peut également demander la remise en état du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette remise en état ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente.
- L'acquéreur se fondait, par ailleurs, sur une violation du devoir d'information du notaire pour que sa responsabilité soit engagée à son égard.
Il reprochait, notamment, au notaire de n'avoir pas attiré son attention sur les conséquences qui seraient celles de l'application éventuelle de la réglementation sur les installations classées et de ne l'avoir pas mis en garde contre le risque qu'il y avait à acquérir l'immeuble sans attendre que la préfecture ait fait connaître sa décision.
La Cour de cassation, approuvant l'analyse des premiers juges, rappelle que le notaire avait donné l'information utile concernant la nécessité de l'attestation de la préfecture sur les sites classés et que c'est l'acquéreur qui, bien qu'informé et parfaitement conscient que le problème de l'autorisation préfectorale restait en suspens, voulait absolument régulariser la vente avant une date donnée, soit avant que la réponse de la préfecture ne soit connue.
La responsabilité du notaire pour manquement à son devoir d'information ne sera dès lors pas plus engagée que celle des venderesses.
Par un arrêt du 2 avril 2008, la Cour de cassation rappelle que la charge de la dépollution d'un site industriel incombe au dernier exploitant et non au propriétaire du bien pollué.
En l'espèce, une SCI était propriétaire d'un terrain sur lequel sont édifiés des bâtiments donnés en location aux fins d'exploitation d'une usine de production de produits chimiques et d'engrais à une autre société.
Le preneur a donné congé pour le 30 septembre 1993 et a remis les clés du site le 6 septembre 1994.
Des travaux de dépollution du site, imposés par la loi du 19 juillet 1976 (loi n° 76-663, relative aux installations classées pour la protection de l'environnement N° Lexbase : L6346AG7), ont été réalisés du 9 octobre 2001 au 12 mars 2003 et la SCI, propriétaire, a saisi le juge d'une demande en paiement de dommages-intérêts pour le retard apporté à la dépollution et l'immobilisation des locaux pendant cette période.
A titre reconventionnel, l'ancien locataire a sollicité la condamnation de la bailleresse au remboursement des frais de dépollution.
Distinguant ses qualités d'exploitant, d'une part, et de locataire, d'autre part, l'auteur du pourvoi indiquait que, s'il lui appartenait d'assumer les frais de dépollution du site qu'il exploitait, il n'en demeure pas moins qu'il était, en sa qualité de locataire titulaire d'une créance de dommages-intérêts puisqu'il était établi, selon lui, que le site était pollué avant son entrée en jouissance et que, dès lors, la dépollution était une amélioration au bien loué.
Cette argumentation n'emportera pas la faveur de la troisième chambre de la Cour de cassation.
Par adoption de motifs, elle retient, en effet, qu'aux termes des dispositions de la loi du 19 juillet 1976, la charge de la dépollution d'un site industriel incombe au dernier exploitant et non au propriétaire du bien pollué. En conséquence, les premiers juges en ont déduit à bon droit que la remise en état du site, résultant d'une obligation légale particulière dont la finalité est la protection de l'environnement et de la santé publique, était à la charge de la locataire.
Cette solution s'inscrit dans la droite ligne de précédentes décisions de la Cour de cassation (voir, notamment, Cass. civ. 3, 10 avril 2002, n° 00-17.874, Société Agip française c/ Société civile immobilière (SCI) du Port, FS-P+B N° Lexbase : A4848AY9).
Il appartiendra, en l'espèce, au locataire et exploitant, débiteur de l'obligation de remise en état des lieux, de supporter la charge d'un recours éventuel à l'encontre de l'ancien exploitant s'il est établi que le site était déjà pollué lors de sa prise de possession du terrain (lire F.-G. Trébulle, note sous Cass. civ. 3, 17 décembre 2002 N° Lexbase : A5100A4N, RDI, 2003, p. 244).
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